Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l’ouverture du procès : 15 mars 2006.
Endroit : BFC Gagetown, édifice F-1, Oromocto (NB).
Chefs d’accusation:
• Chef d’accusation 1 (subsidiaire au chef d’accusation 2) : Art. 130 LDN, accès à la pornographie juvénile (art. 163.1(4.1) C. cr.).
• Chef d’accusation 2 (subsidiaire au chef d’accusation 1) : Art. 129 LDN, comportement préjudiciable au bon ordre et à la discipline.
Résultats:
• VERDICTS : Chef d’accusation 1 : Coupable. Chef d’accusation 2 : Une suspension d’instance.
• SENTENCE : Emprisonnement pour une période de 10 jours et une amende au montant de 2500$. L’exécution de la peine d’emprisonnement a été suspendue.

Contenu de la décision

Référence : R. c. Caporal-chef  Winstanley, 2006 CM 08

 

Dossier : S200608

                                                                      

 

 

COUR MARTIALE PERMANENTE

CANADA

NOUVEAU-BRUNSWICK

ÉCOLE DU GÉNIE MILITAIRE DES FORCES CANADIENNES

 

 

Date :  15 mars 2006

 

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DU CAPITAINE DE FRÉGATE P.J. LAMONT, J.M.

 

 

SA MAJESTÉ LA REINE

c.

CAPORAL-CHEF WINSTANLEY

(Accusé)

 

 

SENTENCE

(Prononcée oralement)

 

TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE

 

[1]                    Caporal-chef Winstanley, la cour ayant accepté et inscrit votre plaidoyer de culpabilité au premier chef daccusation, savoir une accusation daccès à la pornographie juvénile, elle vous déclare coupable de cette infraction et ordonne un sursis de linstance pour le deuxième chef daccusation.

 

[2]                    Il mincombe maintenant de déterminer votre peine. Pour ce faire, jai tenu compte des principes de la détermination de la peine appliqués par les cours ordinaires de juridiction criminelle au Canada et par les cours martiales. Jai tenu compte également des faits de lespèce décrits dans le sommaire des circonstances, pièce 6; des témoignages que jai entendus et des éléments de preuve que jai reçus au cours du procès, ainsi que les plaidoiries du poursuivant et de lavocat de la défense.

 

[3]                    Les principes de la détermination de la peine guident la cour dans

lexercice de son pouvoir discrétionnaire en vue de déterminer une peine adéquate et


adaptée à chaque cas. En règle générale, la peine doit correspondre à la gravité de

linfraction, au degré de responsabilité de son auteur et à sa moralité.

 

[4]                    La cour se fonde sur les peines prononcées par les autres tribunaux dans des affaires similaires, non parce quelle respecte aveuglément les précédents, mais parce que son sens commun de la justice veut quelle juge de façon similaire les affaires similaires. Néanmoins, lorsquelle détermine la peine, la cour tient compte des nombreux facteurs qui distinguent chaque affaire dont elle est saisie, des circonstances aggravantes susceptibles de justifier une peine lourde et des circonstances atténuantes susceptibles den diminuer la sévérité.

 

[5]                    Les buts et les objectifs recherchés lorsque lon détermine la peine ont été exposés de diverses manières dans de nombreuses affaires antérieures. En général, ils visent à protéger la société, y compris bien entendu les Forces canadiennes, en favorisant le développement et le maintien, au sein de cette société, dun climat de justice, de paix, de sécurité et de respect des lois.

 

[6]                    Fait important dans le contexte des Forces canadiennes, ces objectifs incluent le maintien de la discipline, cette habitude dobéir si nécessaire à lefficacité dune force armée

 

[7]                    Ces buts et objectifs comprennent aussi un volet dissuasion individuelle, pour éviter toute récidive du contrevenant, et un volet dissuasion générale, pour éviter que dautres ne soient tentés de suivre son exemple. La peine a aussi pour objet dassurer la réinsertion du contrevenant, de promouvoir son sens des responsabilités et de dénoncer les comportements illégaux.

 

[8]                    Il est normal quau cours du processus permettant darriver à une peine juste et adaptée à chaque cas, certains de ces buts et objectifs lemportent sur dautres.

Toutefois, il incombe à la cour chargée de déterminer la peine de les prendre tous en

compte; une peine juste et adaptée est une sage combinaison de ces buts, adaptée aux

circonstances particulières de lespèce.

 

[9]                    Comme je vous lai expliqué lorsque vous avez présenté votre plaidoyer de culpabilité, larticle 139 de la Loi sur la défense nationale prévoit les différentes

peines quune cour martiale peut infliger. Ces peines sont limitées par la disposition de

la Loi créant les infractions et prévoyant les peines maximales et aussi par le champ de

compétence susceptible dêtre exercé par la Cour. Une seule peine peut être infligée au contrevenant, quil soit déclaré coupable dune seule infraction ou de plusieurs. Mais la peine peut comporter plus dune sanction.

 

[10]                  Un principe important veut que le tribunal inflige la peine la moins sévère qui permettra de maintenir la discipline.


[11]                  Pour déterminer la peine, dans la présente affaire, la cour a tenu compte des conséquences directes et indirectes quauront la déclaration de culpabilité et la peine quelle sapprête à infliger.

 

[12]                  Les faits de lespèce sont décrits en détail dans la pièce 6, sommaire des circonstances. En bref, le contrevenant a utilisé un des ordinateurs du ministère de la Défense nationale auquel il avait accès dans le cadre de ses fonctions dinstructeur à lÉcole du génie militaire des Forces canadiennes pour naviguer sur Internet et accéder à de la pornographie juvénile, et ce, pendant une période denviron deux heures et demi entre le 21 octobre 2004 et le 26 octobre 2004. Sa méthode consistait à saisir, dans un moteur de recherche, des termes dinterrogation évoquant des sites de pornographie juvénile. Lexpertise judiciaire a révélé que les recherches ont effectivement produit des images de ce qui est reconnu comme étant de la pornographie juvénile, mais rien dans la preuve dont je suis saisi ne décrit dans le détail le matériel auquel le contrevenant a eu accès, et je nai vu aucune de ces images.

 

[13]                  Les avocats en cause ont convenu quune peine appropriée en lespèce est une peine demprisonnement de 10 jours, suspendue, et une amende de 2 500 $. Bien entendu, il incombe au tribunal de prononcer la peine, mais lorsque les deux parties sentendent pour recommander une peine, le tribunal tient compte de cette recommandation. Les cours dappel du Canada, y compris la Cour dappel de la cour martiale, ont jugé que le tribunal devrait souscrire à la recommandation conjointe de la poursuite et de la défense, sauf si la peine recommandée est susceptible de jeter le discrédit sur ladministration de la justice ou est contraire à lintérêt public.

 

[14]                  Le contrevenant est âgé de 36 ans et compte, à son actif,  neuf années de service irréprochable au sein des Forces canadiennes. Il a collaboré à lenquête de la police pour ce qui est des chefs daccusation portés contre lui, sest excusé auprès deux pour les actes quil a commis et a plaidé coupable à linfraction à la première occasion raisonnable. Jestime quil éprouve des remords réels pour ses actes.

 

[15]                  Je suis daccord avec lavocat de la défense pour dire que les lettres dappui, déposées à la cour, montrent que le contrevenant est très bien vu par ses pairs et ses supérieurs militaires, notamment son commandant. Le soutien continu quils offrent au contrevenant depuis que linfraction a été révélée me laisse croire que la conduite quil a eue, au cours des événements en cause, ne lui ressemblait pas du tout et quil est donc peu probable quelle se reproduise. La cour ne se préoccupe pas de la dissuasion spécifique à légard de ce contrevenant.

 

[16]                  Mais, comme je lai déclaré dans laffaire de lEx-Soldat Carter le 10 juin 2005, à Edmonton, et je cite :

 


... Par conséquent, la principale préoccupation du tribunal chargé de prononcer la peine dans ce type daffaire est la dénonciation de ces infractions et la dissuasion de ceux qui seraient tentés de les commettre.

 

Dans cette affaire, le contrevenant avait été trouvé en possession de pornographie juvénile à deux reprises sur son ordinateur personnel. En lespèce, le contrevenant a eu accès à la pornographie juvénile pendant une période totale qui se compte en heures, mais il la fait avec un ordinateur du ministère de la Défense nationale. Labus de biens publics de cette manière peut, en soi, constituer une infraction dordre militaire, même si le matériel auquel le contrevenant a eu accès nétait pas de nature criminelle.

 

[17]                  Selon moi, la nature du matériel en cause peut être un facteur important au moment de la détermination de la peine. La pornographie juvénile est définie dans le Code criminel mais, au sein de cette définition même, il existe des variations dans la nature du matériel qui na de limite apparemment que dans limagination perverse des personnes qui lon produit. Tout ceci est répréhensible, mais lorsque le matériel est particulièrement offensant ou dégradant pour les enfants en cause, une peine plus lourde sera, en règle générale, appropriée.

 

[18]                  Dans la présente affaire, comme je lai dit, le matériel consulté par le contrevenant na pas été déposé à la cour. Par conséquent, à des fins de détermination de la peine, jestime que je ne peux pas tirer et ne tirerai pas de conclusions qui nuisent au contrevenant quant à la nature précise des représentations quil a vues ou à leur place sur léchelle de la gravité, si ce nest, bien entendu, de prendre en compte que les représentations constituaient de la pornographie juvénile au sens du Code criminel.

 

[19]                  Selon moi, la peine qui est recommandée conjointement par les avocats peut servir les intérêts de la dénonciation et de la dissuasion générale. Compte tenu de toutes les circonstances de lespèce, tant relatives à linfraction quà laccusé, jestime que la peine recommandée par les avocats nest pas contraire à lintérêt public et quelle nest pas susceptible de jeter le discrédit sur ladministration de la justice. Par conséquent, je retiens leurs propositions conjointes.

 

[20]                  Jai envisagé la possibilité de rendre une ordonnance en ce qui concerne la fourniture déchantillons pour analyse génétique conformément à lalinéa 196.14(1)b) de la Loi sur la défense nationale. En labsence dune demande de la poursuite, je ne prononce pas une telle ordonnance.

 

[21]                  Levez-vous, Caporal-chef Winstanley.

 


[22]                  La cour vous condamne à une peine demprisonnement de 10 jours et à une amende de 2 500 $. Conformément à larticle 215 de la Loi sur la défense nationale, lexécution de la peine demprisonnement est, par les présentes, suspendue. Lamende devra être payée à raison de 200 $ par mois, à partir du 15 avril 2006 et pendant les onze mois suivants, et un dernier montant de 100 $ devra être versé le 15 avril 2007. Si, pour une raison ou pour une autre, vous étiez libérée des Forces canadiennes avant davoir fini de payer cette amende, le montant impayé devra être soldé la veille de votre libération.                                                 

 

 

 

 

 

                                                            CAPITAINE DE FRÉGATE P.J. LAMONT, J.M.

 

 

 

 

 

Avocats :

 

Major J.J.L.J. Caron, Procureur militaire régional, région de lEst

Procureur de Sa Majesté la Reine

Maître Patrick E. Hurley, c.r., Allen Dixon Smith, 77, rue Westmorland, Fredericton (Nouveau-Brunswick)

Avocat du Caporal-chef Winstanley

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