Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l’ouverture du procès : 5 septembre 2013.

Endroit : Centre Asticou, bloc 2600, pièce 2601, salle d’audience, 241 boulevard de la Cité-des-Jeunes, Gatineau (QC).

Chefs d’accusation
•Chef d’accusation 1 : Art. 114 LDN, a commis un vol, étant, par son emploi, chargé de la distribution de l’objet volé.
•Chef d’accusation 2 : Art. 97 LDN, ivresse.

Résultats
•VERDICTS : Chef d’accusation 1 : Retiré. Chef d’accusation 2 : Coupable.
•SENTENCE : Une amende au montant de 200$.

Contenu de la décision

COUR MARTIALE

 

Référence : R c Near, 2013 CM 4018

 

Date : 20130905

Dossier : 201357

 

Cour martiale permanente

 

Salle d’audience du Centre Asticou

Gatineau (Québec), Canada

 

Entre :

 

Sa Majesté la Reine

 

- et -

 

Caporal R.A.G. Near, contrevenant

 

 

Devant : Le lieutenant-colonel J-G Perron, J.M.

 


 

TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE

 

MOTIFS DE LA SENTENCE

 

(Prononcés de vive voix)

 

INTRODUCTION

 

[1]               Caporal Near, ayant accepté et consigné votre aveu de culpabilité quant au deuxième chef d’accusation, la Cour vous déclare coupable de l’infraction qui vous est reprochée en vertu de l’article 97 de la Loi sur la défense nationale.

 

[2]               L’exposé des circonstances, dont vous avez formellement reconnu les faits en tant que preuve concluante de votre culpabilité, permet à la cour de situer l’infraction en cause dans son contexte du moment. À l’époque de l’infraction, vous faisiez partie des Governor General’s Foot Guards. Le 14 avril 2012, caporal Near, vous étiez affecté à un service de classe A (Services généraux) à l’occasion du bal de l’armée donné Casino du Lac Leamy à Gatineau (Québec). Le caporal Samson encadrait à cette occasion le personnel des Services généraux (SG). Peu après 22 h, le dîner étant terminé, le caporal Near et le caporal Valcour furent chargés de distribuer aux invités des sacs-cadeaux. Une bénévole qui participait à la distribution a vu le caporal Near partir avec une bouteille de champagne qu’elle soupçonnait d’avoir été soustraite d’un sac-cadeau. Elle rappela au caporal Near que c’était interdit.

 

[3]               Plus tard le même soir, le caporal Samson, alors qu’il se rendait en bas, là où avait lieu le bal, aperçut, au bas de l’escalier mécanique, près de la salle de bal, le caporal Near qui, toujours en uniforme, buvait à même une mini-bouteille de champagne. Lorsque le caporal Samson l’a averti qu’il lui était interdit de boire ce champagne, le caporal Near lampa le reste de la bouteille.

 

[4]               Le caporal Samson fut alors informé, par deux des bénévoles civils de ce qu’ils avaient pu voir. Le caporal Near et le caporal Valcour avaient quitté les lieux sans y avoir été autorisés par le caporal Samson. Cela étant, les autres SG ont dû démonter le décor du bal sans l’aide du caporal Near ou du caporal Valcour.

 

[5]               À 2 h 10 le 15 avril 2012, le caporal Samson contacta le caporal Near par téléphone mobile. Le caporal Samson fit savoir au caporal Near que presque tous les SG étaient prêts à partir et qu’ils l’attendaient, lui et le caporal Valcour. Le caporal Samson remarqua que le caporal Near était ivre. Le caporal Near fit savoir au caporal Samson qu’ils prendraient un taxi.

 

[6]               Lors de son entrevue après mise en garde, le caporal Near a reconnu avoir pris plusieurs mini-bouteilles de champagne, et les avoir bues.

 

[7]               Après examen des principaux faits de cette affaire, je vais fixer la sentence. Comme l’a indiqué la Cour d’appel de la cour martiale, la détermination de la peine est un processus essentiellement subjectif et individualisé. C’est, parmi les tâches qui incombent au juge du procès, l’une des plus difficiles.

 

[8]               La Cour d’appel de la Cour martiale a clairement indiqué que les buts et objectifs fondamentaux de la détermination de la peine, tels qu’exposés dans le Code criminel du Canada, s’appliquent à la justice militaire et que le juge militaire doit les prendre en compte pour fixer la sentence. La peine a pour objectif fondamental de contribuer au respect de la loi et à la protection de la société, dont les Forces canadiennes font partie, en imposant des sanctions justes répondant à l’un ou à plusieurs des objectifs suivants :

 

(a)                dénoncer les comportements illicites;

 

(b)               dissuader la récidive et décourager la délinquance;

 

(c)                écarter, si besoin est, le contrevenant du reste de la société;

 

(d)               contribuer à la réhabilitation du contrevenant;

 

(e)                assurer la réparation du préjudice subi par les victimes ou par la collectivité;

 

(f)                inculquer aux contrevenants, le sens des responsabilités et les amener à reconnaître le tort qu’ils ont fait aux victimes ou à la collectivité.

 

[9]               Il appartient à la Cour de décider si, en l’occurrence, c’est la dissuasion, la réhabilitation, la dénonciation ou un mélange de ces divers éléments qui contribuent le mieux à la protection de la société.

 

[10]           Les dispositions du Code criminel régissant la détermination de la peine, les articles 718 à 718.2, prescrivent l’individualisation de la sanction imposée, la Cour devant prendre en compte non seulement les circonstances de l’infraction, mais également les circonstances propres du contrevenant. La sentence doit par ailleurs être comparable aux sentences imposées dans des cas analogues. La détermination de la peine repose sur le principe de proportionnalité. La proportionnalité veut que la sanction n’excède pas ce qui est juste et approprié compte tenu de la culpabilité morale du délinquant et de la gravité de l’infraction.

 

[11]           La peine imposée par la Cour doit par ailleurs correspondre à la peine minimum qu’exige le maintien de la discipline. Dans le contexte militaire, la détermination de la peine a pour ultime objectif le rétablissement de la discipline chez le contrevenant et dans la société militaire, car la discipline est absolument essentielle à l’efficacité opérationnelle d’une force armée.

 

[12]           Le procureur de la poursuite et votre avocat ont conjointement recommandé que nous soit imposée une amende de 200 $. La Cour d’appel de la Cour martiale a clairement indiqué que, lors du prononcé de la sentence, le juge ne devrait écarter une recommandation conjointe que si la sentence proposée déconsidère l’administration de la justice, ou n’est pas conforme à l’intérêt public.

 

[13]           Je vais maintenant exposer les circonstances, tant aggravantes qu’atténuantes dont j’ai tenu compte pour fixer la sentence indiquée en l’espèce. J’estime aggravantes les circonstances suivantes :

 

(a)                L’ivresse, que réprime l’article 97 de la Loi sur la défense nationale, n’est, objectivement, pas une des infractions les plus graves que prévoit le Code de discipline militaire puisqu’elle expose son auteur à une peine d’emprisonnement de moins de deux ans ou d’une peine moindre parmi les peines prévues, mais il s’agit d’une infraction qui est grave subjectivement puisque vous avez, alors que vous étiez de service, choisi de boire au point d’affaiblir vos facultés. Votre comportement a, par ailleurs, jeté le discrédit sur l’Armée canadienne et les Forces armées canadiennes;

 

(b)               Même s’il convient de tenir compte de la nature des fonctions dont vous étiez chargé à l’époque de l’infraction, le comportement en question demeure inacceptable. Vous avez fait preuve d’un manque total de discipline, d’un manque de respect pour le service que vous aviez à assurer, et d’un manque de respect pour votre supérieur. Ce n’est pas de cette manière que les Forces canadiennes ou la société canadienne souhaitent voir se comporter nos soldats;

 

(c)                Vous aviez 28 ans à l’époque de l'infraction, et vous aviez six ans d'expérience au sein des Forces canadiennes. Vous aviez donc suffisamment d’expérience pour savoir qu’un tel comportement ne saurait être toléré au sein des Forces canadiennes. Vous étiez, en somme, assez âgé et expérimenté pour comprendre la nature de vos actes.

 

[14]           Au niveau des circonstances atténuantes, je relève les éléments suivants :

 

(a)                Votre fiche de conduite est vierge; c’est donc votre première infraction. Vous avez plaidé coupable. Un plaidoyer de culpabilité est généralement considéré comme une circonstance atténuante. On considère de manière générale que cette interprétation n’est pas incompatible avec le droit au silence reconnu à l’accusé ni avec son droit d’exiger du ministère public qu’il prouve hors de tout doute raisonnable les accusations portées contre lui. C’est plutôt pour les tribunaux, le moyen d’imposer une peine plus clémente, l’aveu de culpabilité voulant habituellement dire qu’il n’y aura pas de témoins à assigner, ce qui réduit de beaucoup le coût des procédures judiciaires. Ce principe est en outre généralement interprété comme signifiant que l’accusé assume la responsabilité de ses actes illicites et du préjudice qui en découle;

 

(b)               Je me suis penché sur la pièce 7, composée de lettres de recommandation, d’une évaluation du rendement et de deux fiches pédagogiques. Vous avez obtenu, pour votre rendement, une excellente note et démontré une aptitude au commandement. Cela semble indiquer que la faute qui vous est reprochée ne vous est pas caractéristique et ne devrait pas se reproduire;

 

(c)                Je constate par ailleurs un retard qui me paraît troublant. Un caporal s’enivre en avril 2012 alors qu’il est de service au bal de l’armée. Il n’obtempère pas aux ordres de son supérieur. Presque huit mois passent avant que son unité ne porte une accusation contre lui, puis trois mois encore pour que l’autorité de renvoi transmette l’accusation au directeur des Poursuites militaires. L’acte d’accusation est rédigé en juillet 2013 et le procès a lieu en septembre 2013. Ces retards sont-ils dans l’intérêt du caporal Near, sont-ils bons pour la discipline au sein des Governor General's Foot Guards, de l’Armée canadienne ou des Forces canadiennes? La réponse est manifestement non;

 

(d)               Je n’ai reçu, au sujet de ce retard, aucun renseignement supplémentaire. Il semblerait que, dans ce genre de situation, l’accusation devrait être portée peu de temps après l’incident en cause, l’affaire étant, si les circonstances s’y prêtent, jugée sommairement au sein même de l’unité. La discipline aurait été beaucoup mieux servie par cela que par une Cour martiale 17 mois après l’incident en cause. Selon moi, ce retard constitue une circonstance atténuante importante.

 

[15]           J’ai conclu qu’en ce qui concerne la peine, il convient surtout en l’espèce de se fonder sur le principe de la dénonciation. Je considère, après avoir examiné l’intégralité de la preuve, la jurisprudence et les observations présentées tant par la poursuite que par votre avocat, que la peine proposée ne déconsidérerait pas l’administration de la justice et qu’elle est par ailleurs conforme à l’intérêt public. Je suis donc d’accord avec la recommandation présentée conjointement par la poursuite et par votre avocat.

 

POUR CES MOTIFS, LA COUR :

 

[16]           Vous DÉCLARE coupable du second chef d'accusation, en l’occurrence une infraction prévue à l'article 97 de la Loi sur la défense nationale.

 

[17]           VOUS CONDAMNE à une amende de 200 $.

[17]

 

Avocats :

 

Major A-C. Samson

Procureur de Sa Majesté la Reine

 

M. Norman Boxall, Bayne Sellar Boxall

200, rue Elgin, bureau 500, Ottawa (ON)  K2P 1L5

Avocat du caporal R.A.G. Near

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