Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l'ouverture du procès : 18 septembre 2012.

Endroit : BFC Gagetown, édifice F-1, Oromocto (NB).

Chef(s) d'accusation
•Chef d’accusation 1 (subsidiaire au chef d’accusation 2) : Art. 129 LDN, comportement préjudiciable au bon ordre et à la discipline.
•Chef d’accusation 2 (subsidiaire au chef d’accusation 1) : Art. 130 LDN, possession sans excuse légitime d’une substance explosive (art. 82(1) C. cr.).

Résultats
•VERDICTS : Chefs d’accusation 1, 2 : Non coupable.

Contenu de la décision

COUR MARTIALE

 

Référence :  R c Hosford, 2013 CM 2001

 

Date :  20130109

Dossier :  201230

 

Cour martiale permanente

 

Base des Forces canadiennes Gagetown

Oromocto (Nouveau‑Brunswick), Canada

 

Entre : 

 

Sa Majesté la Reine

 

- et -

 

Bombardier‑chef J.M. Hosford, accusé

 

 

Devant : Capitaine de frégate P.J. Lamont, J.M.

 


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU VERDICT

 

(Prononcés de vive voix)

 

[1]               Le Bombardier‑chef Hosford est accusé de deux infractions à la Loi sur la défense nationale, subsidiaires l’une à l’autre. Le premier chef d’accusation concerne une conduite préjudiciable au bon ordre et à la discipline, en ce que, le 7 juin 2011, ou vers cette date, à Hopewell Hill, au Nouveau‑Brunswick, ou à proximité de cet endroit, l’accusé avait en sa possession des munitions réglementaires des FC, à savoir, une charge propulsive pour obusier de 105 mm, contrairement aux Directives et ordonnances administratives de la défense DOAD 3002‑5, Utilisation d’armes à feu, de munitions et d’explosifs. Le deuxième chef d’accusation porte sur une infraction à l’article 130 de la Loi sur la défense nationale, c’est‑à‑dire possession illicite d’une substance explosive, contrairement au paragraphe 82(1) du Code criminel, en ce que, le 7 juin 2011, ou vers cette date, à Hopewell Hill, au Nouveau‑Brunswick, ou à proximité de cet endroit, l’accusé avait en sa possession, sans excuse légitime, une substance explosive, à savoir une charge propulsive pour obusier de 105 mm.

 

[2]               En cour martiale, comme dans le cadre de toute poursuite criminelle devant un tribunal canadien, il incombe à la poursuite de prouver la culpabilité de l’accusé hors de tout doute raisonnable. Dans un contexte juridique, il s’agit d’un terme technique dont la signification est reconnue. Si la preuve ne permet pas d’établir la culpabilité de l’accusé hors de tout doute raisonnable, celui‑ci ne doit pas être déclaré coupable de l’infraction. Le fardeau de preuve à cet égard incombe à la poursuite, et il n’est jamais renversé. La personne accusée n’a pas à établir son innocence. En fait, l’accusé est présumé innocent à toutes les étapes de la procédure, jusqu’à ce que la poursuite ait prouvé sa culpabilité hors de tout doute raisonnable, au moyen d’une preuve admise par le tribunal.

 

[3]               Le doute raisonnable ne constitue pas une certitude absolue, mais la preuve qui ne mène qu’à conclure à la culpabilité probable n’est pas suffisante. Si la cour est plutôt convaincue que l’accusé est plus probablement coupable que non coupable, cela ne suffit pas pour le déclarer coupable hors de tout doute raisonnable; dans ce cas, l’accusé doit être acquitté. En effet, la norme de la preuve hors de tout doute raisonnable se rapproche beaucoup plus de la certitude absolue que d’une norme de culpabilité probable. Cependant, le doute raisonnable n’est pas un doute futile ou imaginaire. Il ne doit pas être fondé sur la sympathie ou sur un préjugé. Le doute raisonnable est fondé sur la raison et le sens commun découlant de la preuve ou de l’absence de preuve.

 

[4]               Le fardeau de la preuve hors de tout doute raisonnable s’applique à chacun des éléments constitutifs de l’infraction reprochée. En d’autres termes, si la preuve ne permet pas de prouver chacun des éléments de l’infraction hors de tout doute raisonnable, l’accusé doit être acquitté.

 

[5]               Il ressort de la preuve que l’accusé et d’autres membres de son unité participaient à un exercice d’entraînement par l’aventure d’une fin de semaine, pour l’essentiel un voyage de camping comportant des exercices militaires, à Hopewell Hill, au Nouveau‑Brunswick. À la date alléguée dans les chefs d’accusation, le Bombardier Lawrence a découvert ce qui avait été qualifié dans la preuve de « sac d’agent explosif » sur l’une des trois chaises de camping qui se trouvaient dans le secteur des tentes. Il a été étonné de voir cet article, vu qu’il s’agissait d’un article explosif utilisé par l’artillerie pour un obusier de 105 mm, et qui, selon lui, n’avait pas sa place dans le cadre d’un exercice d’entraînement par l’aventure d’une fin de semaine. Il s’est demandé [traduction] « qui apporte un sac d’agent explosif à l’entraînement par l’aventure » et a avisé l’accusé, qui se trouvait un peu plus loin, près de sa tente. Le Bombardier‑chef Hosford lui a dit : [traduction] « C’est quoi ça?  Nous devons nous préparer pour les activités de la journée. Jette-le ici; nous verrons ça plus tard. » Le BombadierLawrence a lancé le sac vers la tente de l’accusé; le sac est tombé par terre, près de l’entrée de la tente.

 

[6]               L’Adjudant Babineau les a vus et entendus. Il a parlé à l’accusé dans sa tente et lui a demandé l’objet que le Bombadier Lawrence lui avait donné ou qu’il avait jeté, pour constater qu’il s’agissait d’un sac d’agent propulsif no 7. D’une voix élevée et sévère il a demandé au Bombardier‑chef Hosford de lui remettre le sac. L’Adjudant Babineau a demandé : [traduction] « Que faites‑vous avec un sac d’agent explosif à l’entraînement par l’aventure? »; le Bombardier‑chef Hosford a répondu que l’article avait été égaré pendant un exercice et qu’il allait s’en débarrasser lors de l’entraînement par l’aventure en le faisant brûler dans un feu allumé sur le terrain de camping. L’Adjudant Babineau a confisqué le sac d’agent explosif et l’a mis à l’abri par souci de sécurité. Il a signalé l’incident à l’officier responsable de l’entraînement, le Capitaine Logan.

 

[7]               Le Capitaine Logan a vu l’Adjudant Babineau et le Bombardier‑chef Hosford discuter et, après avoir été mis au courant de l’incident par l’Adjudant Babineau, il a parlé au Bombardier‑chef Hosford au sujet du sac d’agent explosif pour savoir pourquoi cet article se trouvait en sa possession. Le Bombardier‑chef Hosford lui a dit que le sac provenait du terrain et qu’il s’agissait d’un accident. Il avait pensé qu’il pouvait servir à allumer un feu sous la pluie et qu’il l’a alors apporté à l’exercice d’entraînement par l’aventure d’une fin de semaine sans réfléchir. Le Capitaine Logan lui a dit qu’il signalerait l’incident plus tard. Le Bombardier‑chef Hosford aurait demandé au Capitaine Logan s’il était possible de régler la question au niveau le plus bas possible de la chaîne de commandement, mais le Capitaine Logan a répondu qu’il devait signaler l’incident.

 

[8]               La recevabilité en preuve des déclarations que l’Adjudant Babineau et le Capitaine Logan attribuent au Bombardier‑chef Hosford a fait l’objet d’une procédure de voir dire à la demande de l’avocat de la défense pour déterminer si la poursuite avait établi hors de tout doute raisonnable que l’accusé avait fait ces déclarations librement et volontairement. De plus, la défense a contesté la recevabilité de la preuve au motif qu’elle portait atteinte aux droits du Bombardier‑chef Hosford garantis par les articles 7 et 10 de la Charte canadienne des droits et libertés. La cour a procédé à un voir dire mixte pour examiner toutes les questions soulevées.

 

[9]               Dans le cadre de la procédure de voir dire, le Bombardier‑chef Hosford a témoigné avoir pensé que l’exercice d’entraînement par l’aventure pouvait être annulé s’il ne répondait pas aux questions de l’Adjudant Babineau. Il s’est senti obligé de répondre à l’Adjudant Babineau parce qu’il croyait qu’on lui reprocherait de ne pas s’être conformé à la demande d’un supérieur. Il a témoigné au sujet d’une conversation qu’il avait eue avec le Capitaine Logan lorsqu’ils s’apprêtaient à rentrer à la fin de l’entraînement par l’aventure ou au cours de cet entraînement. Je ne sais pas trop s’il faisait référence à la même conversation au sujet de laquelle avait témoigné le Capitaine Logan.

 

[10]           Les déclarations que l’accusé fait à une personne en autorité ne sont pas recevables contre celui‑ci, à moins qu’il ne soit établi hors de tout doute raisonnable que ces déclarations étaient libres et volontaires. Cette règle vénérable de common law est largement consignée à l’article 42 des Règles militaires de la preuve. En règle générale, il s’agit d’une personne qui participe officiellement à l’arrestation, à la détention, à l’enquête ou à la poursuite de l’accusé, et c’est pour cette raison que la question se pose souvent lorsque l’accusé aurait fait une déclaration à un agent de police ou à un gardien de prison. Les personnes occupant ces postes ont habituellement qualité de personnes en autorité, mais d’autres personnes peuvent aussi se trouver dans cette position, aux fins de la règle, si l’accusé les considère ainsi à l’époque. En pareil cas, il incombe à la défense de soulever la question. Après tout, seul l’accusé peut savoir que la déclaration a été faite à une personne qu’il considérait à l’époque comme une personne en autorité.

 

[11]           En l’espèce, je ne suis pas convaincu que l’Adjudant Babineau ou le Capitaine Logan étaient des personnes en autorité à l’égard du Bombardier‑chef Hosford au moment où ils avaient communiqué brièvement avec celui‑ci. Certes, le Bombardier‑chef Hosford n’a pas témoigné qu’il considérait que l’un ou l’autre participait à son arrestation, à sa détention ou à l’enquête aux fins de la poursuite au moment de leur conversation. Même s’il le pensait, j’estime qu’il n’était pas raisonnable de considérer l’un ou l’autre comme étant des personnes en autorité. À mon sens, lorsqu’ils ont parlé au Bombardier‑chef Hosford, l’Adjudant Babineau et le Capitaine Logan voulaient simplement déterminer la raison pour laquelle le sac d’agent explosif se trouvait dans un endroit où ils estimaient qu’il n’avait pas sa place, et peut‑être si sa présence constituait une menace à la sécurité d’autrui, dont ils devraient être au courant. À ce stade préliminaire, il est douteux que l’un ou l’autre ait envisagé la possibilité de porter des accusations contre le Bombardier‑chef Hosford, mais, même si cela était le cas, ils ne recherchaient pas à l’époque des éléments de preuve aux fins de la poursuite. Ni l’un ni l’autre ne participait à l’arrestation, à la détention, à l’enquête ou à la poursuite du Bombardier‑chef Hosford, et, par conséquent, ils n’avaient pas la qualité des « personnes en autorité ».

 

[12]           L’avocat du Bombardier‑chef Hosford a fait valoir que l’Adjudant Babineau et le Capitaine Logan étaient tous les deux des personnes en autorité parce que, à sa connaissance, ils étaient les supérieurs militaires du Bombardier‑chef Hosford, et que le Bombardier‑chef Hosford était donc tenu de répondre à leurs questions. Il est vrai qu’à titre de supérieurs militaires, l’Adjudant Babineau et le Capitaine Logan exerçaient une certaine autorité personnelle sur l’accusé pour toute fin militaire légitime à l’époque, y compris la fin militaire évidente consistant à déterminer comment et pourquoi un explosif militaire se trouvait apparemment dans un endroit non autorisé. Or, la différence de grade ne suffit pas en soi pour qu’un militaire soit une « personne en autorité » à l’égard d’un autre militaire aux fins de la règle du caractère volontaire. Le paragraphe 42(5) des Règles militaires de la preuve est clair sur ce point :

 

Une personne qui détient un grade militaire plus élevé que celui de l’accusé n’est pas, pour cette unique raison, une personne en autorité au sens du paragraphe (3).

 

[13]           Ainsi, dans R c Hodgson, [1998] 2 RCS 449, le juge Cory, qui s’exprimait au nom des juges majoritaires de la Cour suprême, a dit ce qui suit, au paragraphe 36 :

 

[…] Un parent, un médecin, un enseignant ou un employeur peuvent tous être considérés comme des personnes en situation d’autorité si les circonstances le justifient, mais leur qualité, ou le simple fait qu’ils peuvent exercer une certaine autorité personnelle sur l’accusé, ne suffit pas à faire d’eux des personnes en situation d’autorité pour l’application de la règle des confessions. [Italiques ajoutés.]

 

[14]           Eu égard à l’ensemble des circonstances, je ne suis pas convaincu que l’Adjudant Babineau ou le Capitaine Logan était une personne en autorité lors des échanges avec le Bombardier‑chef Hosford; je n’ai donc pas à examiner la question de savoir s’il existait en l’espèce l’espoir d’un avantage à la suite de promesses faites ou la crainte d’un préjudice à la suite de menaces formulées par l’Adjudant Babineau ou le Capitaine Logan qui auraient influencé le Bombardier‑chef Hosford et l’auraient amené à faire ces déclarations. Ces déclarations ne sont pas recevables en raison de leur caractère involontaire.

 

[15]           L’avocat du Bombardier‑chef Hosford demandait de plus que la preuve constituée des déclarations faites par celui‑ci soit écartée au motif qu’il y aurait eu une violation des droits garantis par les articles 7 et 10 de la Charte canadienne des droits et libertés.

 

[16]           À mon avis, la demande reposant sur l’article 10 n’est pas fondée puisque les droits garantis par l’article en question ne prennent naissance qu’en cas de détention et que le Bombardier‑chef Hosford n’était pas en détention lors des échanges avec l’Adjudant Babineau ou le Capitaine Logan.

 

[17]           La Cour suprême du Canada a examiné la nature de la détention au sens de la Charte dans deux affaires récentes : R c Grant, [2009] 2 RCS 353, et R c Suberu, [2009] 2 RCS 460. Les deux affaires concernaient les contacts entre les policiers et les citoyens. La Cour a clairement établi, encore une fois, que tout contact entre un policier et un citoyen ne constitue pas nécessairement une détention déclenchant l’application des droits garantis par la Charte. Ces droits n’entrent pas en jeu lorsque le retard n’implique pas l’application de contraintes physiques ou psychologiques appréciables. Une détention s’entend de la suspension du droit à la liberté d’une personne par suite d’une contrainte physique ou psychologique considérable de la part de l’État. La détention est clairement établie par l’existence d’une contrainte physique ou d’une obligation légale d’obtempérer à une sommation des policiers. Il peut également y avoir détention lorsque la conduite des policiers porterait une personne raisonnable à conclure qu’elle n’a plus la liberté de choisir de coopérer ou non avec les policiers.

 

[18]           En l’espèce, le Bombardier‑chef Hosford n’a pas subi de contrainte physique de la part de l’Adjudant Babineau ou du Capitaine Logan. L’avocat du Bombardier‑chef Hosford a fait valoir cependant que celui‑ci était assujetti à une obligation légale de répondre à des questions, aux termes de l’article 83 de la Loi sur la défense nationale, dont voici le libellé :

 

Quiconque désobéit à un ordre légitime d’un supérieur commet une infraction et, sur déclaration de culpabilité, encourt comme peine maximale l’emprisonnement à perpétuité.

 

[19]           Selon son avocat, le Bombardier‑chef Hosford était tenu de répondre aux questions posées par un supérieur sous peine de poursuite pour avoir désobéi à un ordre. Je ne trouve aucune jurisprudence à l’appui de la proposition implicite selon laquelle la question qu’un supérieur pose à un subalterne des Forces canadiennes constitue un ordre implicite de donner une réponse. La situation pourrait être différente si le subalterne reçoit l’ordre de répondre à une question, mais ce n’est pas le cas en l’espèce. J’estime que le Bombardier‑chef Hosford n’était pas assujetti à une obligation légale de donner suite à la demande de l’Adjudant Babineau et du Capitaine Logan de répondre à leurs questions.

 

[20]           Il reste à déterminer si une personne raisonnable placée dans la même situation que le Bombardier‑chef Hosford à l’époque conclurait qu’elle a été privée par l’État de sa liberté de choix pour ce qui est de coopérer avec l’Adjudant Babineau ou le Capitaine Logan. Pour répondre à cette question, je dois remplir l’obligation formulée par la Cour suprême dans Grant, au paragraphe 32 :

 

C’est au juge du procès qu’il appartient de décider – en appliquant les principes de droit pertinents aux faits particuliers de l’espèce – si la police a franchi la limite entre une conduite qui respecte la liberté et le droit de choisir du sujet et une conduite qui porte atteinte à ces droits.

 

[21]           De plus, au paragraphe 44 de l’arrêt précité, la Cour a résumé comme suit la méthode à adopter :

 

En l’absence de contrainte physique ou d’obligation légale, il peut être difficile de savoir si une personne a été mise en détention ou non.  Pour déterminer si une personne raisonnable placée dans la même situation conclurait qu’elle a été privée par l’État de sa liberté de choix, le tribunal peut tenir compte, notamment, des facteurs suivants :

 

a)            Les circonstances à l’origine du contact avec les policiers telles que la personne en cause a dû raisonnablement les percevoir : les policiers fournissaient‑ils une aide générale, assuraient‑ils simplement le maintien de l’ordre, menaient‑ils une enquête générale sur un incident particulier, ou visaient‑ils précisément la personne en cause dans le cadre d’une enquête ciblée?

 

b)                   La nature de la conduite des policiers, notamment les mots employés, le recours au contact physique, le lieu de l’interaction, la présence d’autres personnes et la durée de l’interaction;

 

c)                   Les caractéristiques ou la situation particulière de la personne, selon leur pertinence, notamment son âge, sa stature, son appartenance à une minorité ou son degré de discernement.

 

[22]           À mon avis, le Bombardier‑chef Hosford n’était pas en détention. Lors de ces brèves rencontres, tant l’Adjudant Babineau que le Capitaine Logan ont posé des questions préliminaires pour déterminer s’il y avait un problème et si le Bombardier‑chef Hosford pouvait éclairer la situation. Les questions étaient adressées au Bombardier‑chef Hosford, mais celui‑ci ne faisait pas l’objet d’une enquête axée sur sa responsabilité à l’égard d’une infraction possible. Il s’agissait plutôt d’une demande de renseignements en vue de déterminer les circonstances entourant la découverte du sac d’agent explosif. En plus d’être brèves, ces rencontres se sont déroulées sous le signe de la politesse et du professionnalisme. Les interlocuteurs ont utilisé un langage respectueux et il n’y a pas eu de contact physique. Il serait déraisonnable pour le Bombardier‑chef Hosford de conclure, compte tenu de ces faits, qu’il n’avait d’autre choix que de coopérer en répondant aux questions que lui avaient posées l’Adjudant Babineau et le Capitaine Logan. Bref, il n’était pas en détention.

 

[23]           L’avocat a également invoqué l’article 7 de la Charte comme motif pour écarter les déclarations. Il a affirmé que le Bombardier‑chef Hosford était contraint par la loi de répondre aux questions de l’Adjudant Babineau et du Capitaine Logan, et que, selon l’arrêt R c White, [1999] 2 RCS 417, le Bombardier‑chef Hosford a donc le droit à l’immunité à l’égard de ses réponses. Il s’agit là encore d’une proposition selon laquelle le défaut de répondre à une question posée par un supérieur équivaut au défaut d’obéir à un ordre légitime et constitue une infraction à l’article 83. Comme je l’ai déjà dit, je n’accepte pas cette proposition. Il s’ensuit qu’il n’a pas été porté atteinte aux droits garantis par l’article 7.

 

[24]           Par conséquent, à la fin des plaidoiries présentées lors du voir dire, j’ai conclu que les déclarations attribuées au Bombardier‑chef Hosford étaient admissibles. La preuve entendue lors du voir dire a été présentée correctement au procès, à l’exception du témoignage du Bombardier‑chef Hosford.

 

[25]           Le premier chef d’accusation porte sur la possession de munitions réglementaires, en l’occurrence la charge propulsive pour obusier de 105 mm, contrairement à la DOAD 3002‑5. Selon cette directive, « [i]l est interdit de manier ou d’utiliser des munitions réglementaires des FC et des munitions et explosifs commerciaux à des fins autres que celles auxquelles ils sont destinés ». Compte tenu de l’ensemble de la preuve, je suis convaincu que le sac d’agent explosif correspond à des munitions réglementaires. En ce qui concerne le deuxième chef d’accusation, la défense admet formellement à la pièce 3 que le sac d’agent explosif est une substance explosive au sens du Code criminel. À mon avis, la véritable question est de savoir si l’accusé avait en sa possession le sac d’agent explosif, comme il est énoncé dans les deux chefs d’accusation, au moment où celui‑ci a été découvert, le 7 juin 2011 ou vers cette date. À cette fin, la définition de la possession qui est donnée par le Code criminel s’applique aux deux chefs.

 

[26]           Selon la preuve, personne n’a vu le Bombardier‑chef Hosford ayant en sa possession ou sous son contrôle le sac d’agent explosif jusqu’à ce qu’il demande au Bombardier Lawrence de le lui donner après que celui‑ci l’eut découvert sur la chaise de camping. Il est raisonnable d’inférer, compte tenu de la déclaration qu’il a faite au Bombardier Lawrence, que le Bombardier‑chef Hosford ignorait la nature de l’article jusqu’à ce que le Bombardier Lawrence le lui donne. La seule preuve de la possession du sac d’agent explosif par le Bombardier‑chef Hosford est constituée des déclarations du Bombardier‑chef Hosford à l’Adjudant Babineau et au Capitaine Logan au moment où le sac d’agent explosif a été découvert.

 

[27]           Pour les motifs exposés ci‑après, j’estime que ces éléments de preuve ne suffisent pas pour établir hors de tout doute raisonnable que le Bombardier‑chef Hosford avait en sa possession le sac d’agent explosif.

 

[28]           Premièrement, je me penche sur la nature des déclarations elles‑mêmes. Il s’agit de déclarations très brèves et peu détaillées. En effet, ces déclarations ne me semblent pas du tout concluantes.

 

[29]           Deuxièmement, j’ai examiné la preuve dans son ensemble et je ne trouve rien qui confirme l’exactitude de la totalité ou d’une partie des déclarations faites par le Bombardier‑chef Hosford.

 

[30]           Troisièmement, à titre de bombardier‑chef dans l’artillerie, formé et expérimenté, le Bombardier‑chef Hosford connaissait bien les exigences en matière de sécurité pour la manutention des munitions. À la pièce 6, constituée de sa déclaration faite à l’Adjudant‑maître Bartlett, le 31 janvier 2012, le Bombardier‑chef Hosford explique ses connaissances des règles régissant le maniement des munitions. Il aurait dû connaître l’interdiction d’apporter des explosifs à l’entraînement par l’aventure ainsi que l’interdiction formelle de se servir de munitions non explosées pour allumer un feu. Sa déclaration portant qu’il aurait ainsi employé l’explosif, au besoin, me semble fabriquée sur‑le‑champ lorsque le Capitaine Logan lui a demandé des renseignements à ce sujet.

 

[31]           La preuve dont je dispose ne me permet pas de savoir si le Bombardier‑chef Hosford tentait de protéger une autre personne en faisant ces déclarations à l’Adjudant Babineau et au Capitaine Logan. Ce n’est que pure spéculation. Or, je ne saurais dire avec certitude que les déclarations du Bombardier‑chef Hosford à ses supérieurs étaient véridiques. J’estime qu’il subsiste un doute raisonnable et que l’accusé a droit au bénéfice de ce doute.

 

POUR CES MOTIFS, LA COUR :

 

[32]           DÉCLARE le Bombardier‑chef Hosford non coupable des deux chefs d’accusation.

 


 

Avocats :

 

Capitaine de corvette D. Reeves, Service canadien des poursuites militaires

Procureur de Sa Majesté la Reine

 

Capitaine de corvette M. Létourneau, Direction du service d’avocats de la défense

Avocat du Bombardier‑chef J.M. Hosford

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