Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

CACM 556 - Appel rejeté

Date de l’ouverture du procès : 10 septembre 2012.

Endroit : BFC Esquimalt, édifice 30-N, Victoria (CB).

Chefs d’accusation
•Chef d’accusation 1 : Art. 83 LDN, a désobéi à un ordre légitime d’un supérieur.
•Chef d’accusation 2 : Art. 114 LDN, vol.
•Chef d’accusation 3 : Art. 101 LDN, a omis de se conformer à une condition imposée sous le régime de la section 3.
•Chef d’accusation 4 : Art. 90 LDN, s’est absenté sans permission.

Résultats
•VERDICTS : Chefs d’accusation 1, 2, 3 : Coupable. Chef d’accusation 4 : Retiré.
•SENTENCE : Une réprimande et une amende au montant de 1200 $.

Contenu de la décision

 

 

COUR MARTIALE

 

Référence : R c O’Toole, 2012 CM 1010

 

Date : 20120910

Dossier : 201240

 

Cour martiale permanente

 

Base des Forces canadiennes Esquimalt

Esquimalt (Colombie-Britannique)

 

Entre :

 

Sa Majesté la Reine

 

- et -

 

Matelot de 3e classe K.G. O’Toole, contrevenant

 

 

Devant : Colonel M. Dutil, J.C.M.

 


TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE

 

MOTIFS DE LA SENTENCE

(Prononcés de vive voix)

[1]               Le matelot de 3e classe O’Toole a plaidé coupable à trois accusations, à savoir : désobéissance à l’ordre légitime d’un supérieur au titre de l’article 83 de la Loi sur la défense nationale; vol au titre de l’article 114 de la Loi; et violation de conditions imposées sous le régime de la section 3, au titre de l’article 101.1 de la Loi. Les circonstances entourant la perpétration de ces infractions sont les suivantes : le 13 avril 2012 au matin, le matelot de 3e classe O’Toole s’est présenté à la revue des malades du Centre des Services de santé des Forces canadiennes (Pacifique) de la Base des Forces canadiennes Esquimalt (Colombie-Britannique). Il était allé voir le capitaine Chana, son médecin traitant à la clinique de la base, pour lui demander un congé. Le médecin a noté que le matelot de 3e classe O’Toole se comportait de manière désinhibée et irrespectueuse, et qu’il employait un langage grossier. Le capitaine a demandé à l’adjudant de la clinique de toucher un mot au matelot de 3e classe O’Toole à propos de son comportement. Il craignait qu’il fût sous l’influence d’une drogue. Après l’avoir laissé seul un moment, le capitaine Chana a regagné la salle de traitement où il avait laissé le matelot O’Toole, et l’a trouvé debout devant un placard portant l’étiquette « médicaments injectables ». La porte du placard était ouverte et le matelot de 3e classe O’Toole tenait une boîte de médicaments. Le médecin la lui a reprise en le sommant de retourner dans l’aire de traitement. Au lieu de s’exécuter, le matelot de 3e classe O’Toole s’en est allé et a quitté peu après la clinique de la base. Le premier maître de 2e classe Slater, qui se trouvait à la clinique ce matin-là, a remarqué une personne, identifiée ensuite comme le matelot de 3e classe O’Toole, qui était, du moins à son avis, inopportunément habillée en civil. Un peu plus tard, alors qu’il s’entretenait à l’extérieur avec son collègue le premier maître de 2e classe Morse, le matelot de 3e classe O’Toole est sorti du bâtiment. Comme aucun de ces officiers mariniers ne le connaissait, le premier maître de 2e classe Morse lui a demandé son nom, ce à quoi il s’est contenté de répondre : « Quoi? » Le premier maître de 2e classe Slater a ensuite demandé au matelot de 3e classe O’Toole s’il était dans l’armée, et celui-ci a répondu : « Non merci. Passez une belle journée », avant de s’éloigner. Lorsqu’il a regagné la clinique de la base, le premier maître de 2e classe Slater a demandé au capitaine Chana si l’individu qu’il avait traité était dans l’armée, ce qu’il a confirmé en lui révélant le nom du matelot de 3e classe O’Toole. Le premier maître de 2e classe Slater a ensuite quitté le bâtiment et a aperçu le matelot de 3e classe O’Toole dans la rue, en face de la clinique de la base. Lorsqu’il l’a appelé par son nom, le matelot de 3e classe O’Toole s’est retourné et l’a regardé. Le premier maître de 2e classe Slater lui a alors ordonné de se présenter devant lui, en déclarant : [traduction] « Venez ici tout de suite ». Le matelot de 3e classe O’Toole a répondu : « Quoi? » et le premier maître de 2e classe Slater a répété l’ordre qu’il venait de lui donner. Le contrevenant a commencé à traverser la rue en se dirigeant vers le premier maître de 2e classe Slater, puis s’est arrêté et a demandé : « Pourquoi? », à quoi le premier maître de 2e classe lui a répondu : [traduction] « Parce que vous venez de mentir à deux officiers mariniers. » Le matelot de 3e classe O’Toole a alors tourné les talons et s’est mis à s’éloigner. Le premier maître de 2e classe lui a de nouveau ordonné de se présenter devant lui, en spécifiant que c’était un ordre régulier. À ce moment-là, le matelot de 3e classe O’Toole s’est détourné du premier maître de 2e classe Slater, s’est dirigé en courant vers une cour latérale située entre deux maisons résidentielles, et a quitté le secteur. Peu après, une directrice de la Banque Royale du Canada à Esquimalt a contacté la police de la Ville de Victoria parce que le matelot de 3e classe O’Toole s’était disputé avec elle ainsi qu’avec une de ses collègues à propos de l’accès à des fonds. La police militaire de la Base des Forces canadiennes Esquimalt a aussi été dépêchée sur les lieux pour leur prêter main-forte. Lorsqu’elle est arrivée, la police a arrêté le matelot de 3e classe O’Toole (il était 12 h 12 le 13 avril 2012), et l’a fouillé. Il a alors été établi qu’il était en possession, entre autres choses, de médicaments manquant dans le placard des « médicaments injectables », en face duquel il avait été surpris plus tôt à la clinique de la base. Il avait en sa possession :

a)                  2 fioles de lidocaïne injectable (20 ml);

b)                  2 fioles de marcaïne injectable (20 ml);

c)                  1 fiole de chlorure de sodium injectable (10 ml);

d)                 1 bouteille de nitroglycérine (200 doses).

[2]               Le matelot de 3e classe O’Toole a d’abord été placé sous la garde de la police militaire qui l’avait arrêté. À 10 h 45 le 14 avril 2012, il a été remis en liberté par un officier réviseur de son unité, sous réserve de plusieurs conditions qui l’obligeaient notamment :

a)                  à demeurer sous l’autorité de l’armée;

b)                  à se présenter devant l’officier de service/l’officier marinier de service de la BFC Esquimalt à 8 h, à 17 h et à 21 h tous les jours;

c)                  à rester dans le périmètre de la BFC Esquimalt, NCSM NADEN; c’est‑à‑dire à vivre dans la caserne Nelles.

[3]               Le 14 avril 2012 à 17 h, le matelot de 3e classe O’Toole ne s’est pas présenté devant l’officier de service ou l’officier marinier de service de la base pour son second rapport. L’officier de service de la base a informé l’unité du matelot et la police militaire, qui ont toutes deux lancé une enquête. Il ne s’est pas présenté non plus à 21 h ce soir-là ni à aucun moment les 15 ou 16 avril. Le 16 avril 2012, son commandant a lancé un mandat d’arrêt contre lui.

[4]               La police militaire a rapidement établi que le matelot de 3e classe O’Toole avait quitté la région de Victoria peu après sa remise en liberté, et qu’il avait pris un autobus à destination de Winnipeg (Manitoba), où vit sa mère. Cette dernière ayant contacté la police de Winnipeg, les agents de ce service l’ont arrêté à 1 h 13 le 17 avril 2012. À 1 h 45 le jour même, il était confié à la garde de la police militaire de Winnipeg.

[5]               Un exposé conjoint des faits est venu compléter les renseignements fournis à la Cour pour l’aider à déterminer une juste peine. Il appert qu’après son arrestation par les membres du service de police de Winnipeg, le contrevenant a été confié à la garde de la police militaire de Winnipeg, et que deux membres de son unité sont venus le chercher en avion pour le ramener à la Base des Forces canadiennes Esquimalt le soir du 18 avril 2012. À son arrivée, il a été placé sous la garde de l’Unité de police militaire à Esquimalt. Un officier réviseur a ordonné, le 18 avril 2012, que le matelot de 3e classe O’Toole reste en détention et a pris des dispositions pour qu’il comparaisse devant un juge militaire en vue d’une audience visant à déterminer si la garde devait être maintenue. Le 19 avril 2012, le matelot de 3e classe O’Toole a été accusé des infractions pour lesquelles il est traduit devant cette cour martiale. Le 20 avril 2012, à 13 h 36, compte tenu de l’obligation permanente de remise en liberté prévue par l’article 158.3 de la Loi sur la défense nationale, un officier réviseur de son unité l’a libéré sous réserve d’autres conditions. Le matelot de 3e classe O’Toole est resté en détention du 13 avril 2012 à 12 h 12 jusqu’au 14 avril 2012 à 10 h 45, puis du 17 avril 2012 à 1 h 13 au 20 avril 2012 à 13 h 36, après avoir été arrêté à Winnipeg pour avoir contrevenu aux conditions de sa remise en liberté. Suite à sa remise en liberté le 20 avril, et avec l’appui de son unité, des professionnels de la santé de la Base des Forces canadiennes Esquimalt ont pris des dispositions pour que le matelot de 3e classe O’Toole se rende à Edgewood, un établissement résidentiel privé de traitement des dépendances situé à Nanaimo (Colombie-Britannique). Ce dernier a suivi le programme de traitement en établissement du 27 avril au 17 juin 2012, l’a complété avec succès, et a repris son service à la Base des Forces canadiennes Esquimalt le 19 juin 2012. À son retour de l’établissement Edgewood, ses conditions de remise en liberté ont été modifiées. Il vit à présent dans un logement pour célibataires de la Base des Forces canadiennes Esquimalt.

[6]               Les avocats de la poursuite et de la défense ont présenté une recommandation conjointe concernant la peine à imposer. Ils proposent que le matelot de 3e classe O’Toole soit condamné à une réprimande ainsi qu’à une amende de 1 200 $. Bien qu’elle ne soit pas liée par cette observation ou recommandation conjointe, la Cour ne peut la rejeter que si elle va à l’encontre de l’intérêt public et que si la peine suggérée est de nature à jeter le discrédit sur l’administration de la justice.

[7]               Pour déterminer la peine à imposer à un contrevenant aux termes du Code de discipline militaire, une cour martiale doit se laisser guider par les objectifs et principes applicables, notamment ceux qui sont énoncés aux articles 718.1 et 718.2 du Code criminel. L’objectif fondamental de l’imposition d’une sentence en cour martiale est de contribuer au respect de la loi et au maintien de la discipline militaire en infligeant des peines qui remplissent un ou plusieurs des objectifs suivants :

1.                  la protection du public, y compris celle des Forces canadiennes;

2.                  la dénonciation de la conduite illicite;

3.                  l’effet dissuasif de la peine, non seulement pour le contrevenant, mais aussi pour les autres personnes qui pourraient être tentées de commettre de semblables infractions;

4.                  l’amendement et la réadaptation du contrevenant.

[8]               La peine imposée doit également prendre en compte les principes suivants. La peine doit être proportionnelle à la gravité de l’infraction, à la réputation du contrevenant et à son degré de responsabilité. Elle doit être analogue à celles qui ont été infligées à des contrevenants ayant commis de semblables infractions dans de semblables circonstances. La Cour doit également respecter le principe selon lequel le contrevenant ne devrait pas être privé de liberté si des sanctions moins contraignantes peuvent se justifier dans les circonstances. Enfin, la peine devrait être, ou sera, augmentée ou allégée en fonction des circonstances aggravantes ou atténuantes liées à l’infraction ou au contrevenant. Cependant, le tribunal doit agir avec retenue lorsqu’il prononce la sentence, en imposant la peine correspondant au minimum requis pour préserver la discipline.

[9]               En l’espèce, les facteurs aggravants sont les suivants :

a)                  la gravité objective de l’infraction au titre de l’article 83 de la Loi sur la défense nationale, puisqu’une personne reconnue coupable de cette infraction est passible d’un emprisonnement à vie. Il s’agit là d’une infraction très grave. Les infractions au titre des articles 114 et 101 de la Loi sont respectivement punissables d’une peine d’emprisonnement maximale de sept ans, en l’occurrence, et à une peine de moins de deux ans;

b)                  la gravité subjective des infractions décrites dans le sommaire des circonstances. Celui-ci révèle une série de comportements trahissant un goût prononcé pour l’irrévérence et un mépris flagrant de l’autorité militaire, de l’autodiscipline et des procédures judiciaires. S’agissant de l’infraction de vol, je trouve extrêmement grave que les biens publics volés soient des médicaments sous ordonnance, que le contrevenant a saisi l’occasion de dérober lorsqu’on l’a laissé seul dans une salle de traitement;

c)                  la feuille de conduite du matelot de 3e classe O’Toole révèle des antécédents d’absence sans permission et d’ivresse, ce qui tend à démontrer un refus de se conformer aux exigences élémentaires de la discipline militaire.

[10]           Cependant, il existe aussi des circonstances atténuantes :

a)                  le matelot de 3e classe O’Toole a accepté l’entière responsabilité de sa conduite en plaidant coupable devant la Cour;

b)                  le contrevenant a 25 ans, il est encore assez jeune et a maintenant complété avec succès un programme de traitement résidentiel des problèmes de dépendance. Il a repris depuis ses activités régulières au sein de son unité et on m’informe qu’il va très bien. La poursuite a fait savoir à la Cour qu’il avait de grandes chances de devenir un atout précieux pour les Forces canadiennes, à condition bien entendu qu’il persiste dans cette direction;

c)                  le matelot de 3e classe O’Toole a passé presque six jours en détention avant la tenue de son procès pour les incidents qui l’ont amené devant cette cour martiale.

[11]           La Cour reconnaît avec les avocats que la peine proposée est la sentence minimale dans les circonstances, et qu’elle n’est pas impropre au point que son adoption par la cour martiale soit contraire à l’intérêt public ou susceptible de jeter le discrédit sur l’administration de la justice. Elle s’inscrit également dans l’éventail des peines imposées dans des circonstances similaires. La peine proposée permet de remplir les objectifs recherchés, à savoir la dissuasion générale et spécifique, la dénonciation et la réadaptation.

POUR CES MOTIFS, LA COUR :

[12]           Vous RECONNAÎT coupable de la première accusation fondée sur l’article 83 de la Loi sur la défense nationale; coupable de la deuxième accusation fondée sur l’article 114 de la Loi sur la défense nationale; et coupable de la troisième accusation fondée sur l’article 101.1 de la Loi sur la défense nationale.

[13]           Vous CONDAMNE à une réprimande et à une amende de 1 200 $ payable en douze paiements mensuels égaux de 100 $, à compter du 15 octobre 2012.

 


 

Avocats

 

Lieutenant-Colonel S.D. Richards, Service canadien des poursuites militaires

Avocat de Sa Majesté la Reine

 

Major D. Berntsen, Direction du service d’avocats de la défense

Avocat pour le matelot de 3e classe O’Toole

 

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