Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l’ouverture du procès : 8 avril 2013.

Endroit : 8e Escadre Trenton, édifice 22, 74 avenue Polaris, Astra (ON).

Chefs d’accusation
•Chefs d’accusation 1, 2 : Art. 130 LDN, entrave au travail d’un agent de la paix (art. 129a) C. cr.).

Résultats
•VERDICTS : Chefs d’accusation 1, 2 : Coupable.
•SENTENCE : Une réprimande et une amende au montant de 600$.

Contenu de la décision

COUR MARTIALE

 

Référence : R c Laflamme, 2013 CM 4012

 

Date : 20130618

Dossier : 201255

 

Cour martiale permanente

 

Base des Forces canadiennes Trenton

Trenton, (Ontario) Canada

 

Entre :

 

Sa Majesté la Reine

 

- et -

 

Caporal-chef R.S. Laflamme, accusé

 

 

Devant : Lieutenant-colonel J-G Perron, J.M.


 

MOTIFS DU VERDICT

 

(Oralement)

 

[1]               Le caporal-chef Laflamme est accusé de deux chefs d'accusation déposés en vertu de l'article 130 de la Loi sur la défense nationale, soit d'avoir entravé le travail d'un agent de la paix contrairement à l'article 129a) du Code criminel du Canada.

 

[2]               La preuve produite devant la présente cour se compose des faits et questions dont la cour a pris connaissance d'office selon l'article 15 des Règles militaires de la preuve, de deux pièces et des témoignages de monsieur Bains, la caporale Ryan, monsieur Vivian et le caporal-chef Laflamme.

 

[3]               Avant que la cour ne procède à l'analyse juridique des chefs d'accusation, il convient de traiter de la présomption d'innocence et de la preuve hors de tout doute raisonnable, une norme de preuve qui est inextricablement liée aux principes fondamentaux applicables à tous les procès criminels. Si ces principes sont évidemment bien connus des avocats, ils ne le sont peut-être pas des autres personnes qui se trouvent dans la salle d'audience.

 

[4]               Il est juste de dire que la présomption d'innocence est le principe le plus fondamental de notre droit pénal, et que le principe de la preuve hors de tout doute raisonnable est un élément essentiel de la présomption d'innocence. Dans les affaires qui relèvent du Code de discipline militaire comme dans celles qui relèvent du droit pénal, toute personne accusée d'une infraction criminelle est présumée innocente tant que la poursuite ne prouve sa culpabilité hors de tout doute raisonnable. Un accusé n'a pas à prouver qu'il est innocent. C'est à la poursuite qu'il incombe de prouver hors de tout doute raisonnable chacun des éléments de l'infraction. L'accusé est présumé innocent tout au long de son procès jusqu'à ce que le juge des faits rende un verdict.

 

[5]               La norme de la preuve hors de tout doute raisonnable ne s'applique pas à chacun des éléments de preuve ou aux différentes parties de la preuve présentée par la poursuite, mais plutôt à l'ensemble de la preuve sur laquelle se fonde la poursuite pour établir la culpabilité de l'accusé. Il incombe à la poursuite de prouver hors de tout doute raisonnable la culpabilité de l'accusé, mais jamais à l'accusé de prouver son innocence. Un tribunal doit déclarer un accusé non coupable s'il a un doute raisonnable quant à sa culpabilité, après avoir examiné l'ensemble de la preuve. L'expression « hors de tout doute raisonnable » est employée depuis longtemps. Elle fait partie de notre histoire et de nos traditions juridiques. La Cour suprême du Canada a proposé un modèle de directives concernant le doute raisonnable. Les principes décrits par la Cour ont été appliqués dans plusieurs autres arrêts de la Cour suprême et des tribunaux d'appel. Essentiellement, un doute raisonnable n'est pas un doute imaginaire ou frivole. Il ne doit pas être fondé sur la sympathie ou sur un préjugé. Il repose sur la raison et le bon sens. C'est un doute qui surgit à la fin du procès et qui est fondé non seulement sur ce que la preuve révèle au tribunal mais également sur ce qu'elle ne lui révèle pas. L'accusation portée contre un individu ne préjuge en rien de sa culpabilité.

 

[6]               Dans l'arrêt R c Starr, [2000] 2 RCS 144, la Cour suprême a statué que :

 

[...] une manière efficace de définir la norme du doute raisonnable à un jury consiste à expliquer qu'elle se rapproche davantage de la certitude absolue que de la preuve selon la prépondérance des probabilités....

 

[7]               Par contre, il faut se rappeler qu'il est pratiquement impossible de prouver quoi que ce soit avec une certitude absolue. La poursuite n'est pas tenue de le faire. La certitude absolue est une norme de preuve qui n'existe pas en droit. La poursuite doit seulement prouver la culpabilité de l'accusé hors de tout doute raisonnable. Pour placer les choses en perspective, si le tribunal est convaincu que l'accusé est probablement ou vraisemblablement coupable, il doit l'acquitter car la preuve d'une culpabilité probable ou vraisemblable ne constitue pas une preuve de culpabilité hors de tout doute raisonnable.

 

[8]               Qu'entend-t-on par la preuve? La preuve peut comprendre des témoignages sous serment ou des déclarations solennelles de personnes appelées à témoigner sur ce qu'elles ont vu ou fait. La preuve peut aussi s'agir de documents, de photographies, de cartes ou d'autres éléments de preuve matérielle présentées par les témoins, de témoignages d'experts, de faits admis devant le tribunal par la poursuite ou la défense ou des questions dont le tribunal a connaissance d'office. Il n'est pas rare que des éléments de preuve présentés au tribunal soient contradictoires. Les témoins ont souvent des souvenirs différents d'un fait et le tribunal doit déterminer quels sont les éléments qu'il juge crédibles. La crédibilité n'est pas synonyme de vérité et l'absence de crédibilité n'est pas synonyme de mensonge. De nombreux facteurs doivent être pris en compte dans l'évaluation que le tribunal fait de la crédibilité d'un témoin. Par exemple, le tribunal évaluera la possibilité qu'a eue le témoin d'observer ou les raisons qu'il a de se souvenir. Il se demandera, par exemple, si une chose en particulier a aidé le témoin à se souvenir des détails d'un évènement qu'il a décrit, si les faits étaient remarquables, inhabituels et frappants ou au contraire, insignifiants et, par conséquent, tout naturellement plus difficiles à se remémorer. Le témoin a-t-il un intérêt dans l'issue du procès; en d'autres termes, a-t-il une raison de favoriser la poursuite ou la défense, ou est-il impartial? Ce dernier facteur s'applique d'une manière quelque peu différente à l'accusé. Bien qu'il soit raisonnable de présumer que l'accusé a intérêt à se faire acquitter, la présomption d'innocence ne permet pas de conclure que l'accusé mentira lorsqu'il décide de témoigner.

 

[9]               Un autre élément permet de déterminer la crédibilité : la capacité apparente du témoin à se souvenir. On peut observer l'attitude du témoin pendant sa déposition pour évaluer sa crédibilité : il faut se demander si le témoin a répondu aux questions avec naturel, si ses réponses étaient précises ou évasives, ou encore hésitantes, s'il argumentait, et enfin, si son témoignage était cohérent et compatible avec les faits non contestés. Un témoignage peut comporter, et en fait comporte toujours, des contradictions mineures et involontaires, mais cela ne doit pas nécessairement conduire à l'écarter. Il en va autrement d'un mensonge, qui constitue toujours un acte grave et peut entacher le témoignage en tout ou en partie. Le tribunal n'est pas tenu d'accepter le témoignage d'une personne à moins que celui-ci ne lui paraisse crédible. Cependant, il jugera un témoignage digne de foi à moins d'avoir une raison de ne pas le croire.

 

[10]           Les critères énoncés par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt R c W.(D.), [1991] 1 RCS 742, guident la cour dans son évaluation de la preuve et sa marche vers un verdict. Dans cet arrêt, la Cour suprême a défini ces critères de la manière suivante :

 

Premièrement, si vous croyez la déposition de l'accusé, manifestement vous devez prononcer l'acquittement.

 

Deuxièmement, si vous ne croyez pas le témoignage de l'accusé, mais si vous avez un doute raisonnable, vous devez prononcer l'acquittement.

 

Troisièmement, même si vous n'avez pas de doute à la suite de la déposition de l'accusé, vous devez vous demander si, en vertu de la preuve que vous acceptez, vous êtes convaincu hors de tout doute raisonnable par la preuve de la culpabilité de l'accusé.

 

[11]           Le caporal-chef Laflamme a témoigné et il a présenté de la preuve. La cour doit donc évaluer la preuve à la lumière du droit applicable pour déterminer le verdict selon les trois critères de l'arrêt W.(D.).

 

[12]           La preuve indique clairement que le caporal-chef Laflamme conduisait son automobile vers une heure le 5 février 2012 alors qu'il quittait le mess des caporaux et soldats de la 8e Escadre et qu'il se dirigeait vers la sortie de la base. La section de police militaire de l'escadre effectuait une opération RIDE (Reduce Impaired Driving Everywhere) sur la rue Anson menant à la sortie de la base pour ainsi déceler les conducteurs avec facultés affaiblies. Cette opération RIDE avait été planifiée car il y avait une soirée spéciale au mess des caporaux et soldats au cours de la soirée du 4 février, soit le visionnement de combats UFC. Cette opération débuta vers 23 h 30 le 4 février. Les caporaux Ryan et Bains effectuaient cette opération RIDE. Tous les évènements de cette cause ont eu lieu sur un établissement de la défense.

 

[13]           La question que la cour doit maintenant se poser est à savoir si la preuve acceptée par la cour lui occasionne un doute raisonnable quant à la culpabilité de l'accusé. Pour ce faire, la cour doit examiner les éléments essentiels de l'infraction.

 

[14]           Pour en arriver à un verdict, la cour doit déterminer si la poursuite a prouvé tous les éléments essentiels de chaque infraction au-delà du doute raisonnable. Les éléments essentiels des deux chefs d'accusation sont les suivants :

 

a)                  l'identité du contrevenant;

 

b)                  la date et le lieu de l'infraction;

 

c)                  que le caporal-chef Laflamme savait que les caporaux Ryan (accusation numéro 1) et Bains (accusation numéro 2) étaient des agents de la paix;

 

d)                 que les caporaux Ryan et Bains agissaient dans l'exercice légitime de leurs fonctions au moment de leur interactions avec le caporal-chef Laflamme;

 

e)                  que le caporal-chef Laflamme a entravé le travail des caporaux Ryan et Bains; et

 

f)                   que le caporal-chef Laflamme a intentionnellement entravé le travail des caporaux Ryan et Bains.

 

[15]           La preuve acceptée par la cour et non contestée par l'accusé prouve hors de tout doute raisonnable les éléments essentiels suivants : l'identité du contrevenant, les dates et les lieux pour les deux infractions.

 

[16]           Est-ce que le caporal-chef Laflamme savait que les caporaux Ryan (accusation numéro 1) et Bains (accusation numéro 2) étaient des agents de la paix? Les officiers et militaires du rang des Forces canadiennes qui sont nommés pour l'application de l'article 156 de la Loi sur la défense nationale sont des agents de la paix selon la définition de ce terme se trouvant à l'article 2 g)(i) du Code criminel. L'article 156 de la Loi sur la défense nationale se lit comme suit :

 

Les officiers et militaires du rang nommés policiers militaires aux termes des règlements d'application du présent article peuvent :

 

a)                   détenir ou arrêter sans mandat tout justiciable du code de discipline militaire  quelque soit son grade ou statut  qui a commis, est pris en flagrant délit de commettre ou est accusé d'avoir commis une infraction d'ordre militaire, ou encore est soupçonné, pour des motifs raisonnables, d'être sur le point de commettre ou d'avoir commis une telle infraction;

 

b)                   exercer, en vue de l'application du code de discipline militaire, les autres pouvoirs fixés par règlement du gouverneur en conseil.

 

            Le paragraphe 2 de l'article 22.02 des Ordres et règlements royaux applicables aux Forces canadiennes (ORFC) se lit comme suit :

 

(2)        Les militaires suivants sont nommés aux fins de l'article 156 de la Loi sur la défense nationale :

 

a)                   tout officier nommé à l'effectif en vue de remplir des fonctions de policier militaire;

 

b)                   tout militaire nommé à l'effectif en qualité de policier militaire et possédant la compétence nécessaire à l'exercice de ce métier.

 

Toutefois, le militaire doit être en possession légitime d'un insigne de la Police militaire et d'une carte officielle d'identité de la Police militaire.

 

            Les caporaux Ryan et Bains étaient tous deux habillés dans leurs uniformes de patrouille de la police militaire et portaient tous les accoutrements ainsi que les armes règlementaires au cours de leurs interactions avec le caporal-chef Laflamme (voir les témoignages des caporaux Ryan et Bains). La preuve démontre clairement que les caporaux Ryan et Bains étaient des policiers militaires nommés en vertu de l'article 156 de la Loi sur la défense nationale au moment des infractions.

 

[17]           Le témoignage du caporal-chef Laflamme démontre clairement qu'il savait que la caporale Ryan et le caporal Bains étaient des policiers militaires et donc des agents de la paix.

 

[18]           Est-ce que les caporaux Ryan et Bains agissaient dans l'exercice légitime de leurs fonctions au moment de leur interactions avec le caporal-chef Laflamme? Le procureur de la poursuite se fonde sur l'article 3 du Règlement sur l'inspection et les fouilles (Défense) ainsi que les articles 11 et 12 du Règlement relatif à la circulation sur les terrains du gouvernement (C.R.C., ch 887) pour prouver que le caporal-chef Laflamme avait une obligation légale d'obtempérer aux ordres des policiers militaires. L'avocat de la défense réplique que le Règlement sur l'inspection et les fouilles (Défense) ne s'applique pas à notre cas. Il plaide aussi que la preuve devant la cour ne démontre pas que les policiers militaires avaient le statut d'agents de la paix selon la définition trouvée dans le Règlement relatif à la circulation sur les terrains du gouvernement. Ainsi, argumente-t-il, le caporal-chef Laflamme n'avait aucune obligation légale découlant de ce règlement.

 

[19]           Bien qu'une cour martiale, tout comme toute autre cour de première instance, doit prendre en considération la jurisprudence entourant des situations similaires, toute cour de première instance doit rendre un verdict fondé sur les faits précis de la cause, du droit applicable ainsi que de la preuve qui lui est présentée. Il ne s'agit pas ici de seulement se poser la question à savoir si ces policiers militaires étaient des agents de la paix comme dans l'arrêt R c Haynes (1994) NSJ No. 152 de la Cour d'appel de la Nouvelle-Écosse, mais bien de savoir s'ils agissaient dans l'exercice légitime de leurs fonctions lorsqu'ils effectuaient cette opération RIDE.

 

[20]           Les caporaux Ryan et Bains effectuaient une opération RIDE au moment de leurs interactions avec le caporal-chef Laflamme. Lors d'une opération RIDE, les automobilistes sont interpelés de façon aléatoire par les policiers car ces derniers ne savent pas au moment initial de l'interception si le conducteur a consommé de l'alcool. La Cour suprême du Canada a déclaré que ce genre d'interception est justifié seulement si les policiers agissent dans le cadre des objectifs relevant de la législation en fonction qui octroi aux policiers leurs pouvoirs de faire stopper les automobilistes. Dans la majorité de ces cas décidés par la Cour suprême du Canada, ces situations de faits ont comme règlementation sous-jacente une loi provinciale telle le Code de la route (voir le paragraphe 22 de R c Nolet, [2010] CSC 24).

 

[21]           Les faits de notre cause sont bien différents de ceux dans l'arrêt R c Nolan (1987) 1 RCS 1212 où il ne s'agissait pas d'une opération RIDE mais d'une arrestation d'un civil car celui-ci avait quitté une base des Forces canadiennes en ayant dépassé de beaucoup la limite de vitesse et, ayant été arrêté par les policiers militaires, il fut découvert qu'il conduisait en état d'ébriété. Dans l'arrêt Haynes, bien qu'il s'agissait d'un programme RIDE, la question devant la cour n'était qu'à savoir si les policiers militaires avaient le statut d'agent de la paix par rapport à l'accusé puisque l'accusé était un civil qui n'était pas un justiciable du Code de discipline militaire au moment de son arrestation. Il n'y a aucun doute que le caporal-chef Laflamme était assujetti au Code de discipline militaire au moment de ses interactions avec les policiers militaires (voir l'article 60 de la Loi sur la défense nationale).

 

[22]           Les policiers militaires peuvent exercer, en vue de l'application du Code de discipline militaire, les pouvoirs fixés par règlement du gouverneur en conseil (voir l'article 156 de la Loi sur la défense nationale et l'article 22.02 des ORFC). Les responsabilités des policiers militaires sont celles que prescrit le Chef d'état-major de la défense (voir l'article 22.02 des ORFC). La police militaire a pour mandat d'assurer les services de sécurité et de police aux Forces canadiennes et au ministère de la Défense nationale, à ses établissements et à ses ouvrages (voir l'OAFC 22-4 (Services de sécurité et de police militaire)).

 

[23]           Les policiers militaires, tout comme les policiers civils, exercent des fonctions liées au maintien de l'ordre. Tel qu'indiqué par le Juge en chef Dickson dans l'arrêt R c Nolan (1987) 1 RCS 1212 au paragraphe 26, le dépistage et l'arrestation des conducteurs en état d'ébriété relèvent des domaines énumérés au para 22.01(2) des ORFC.

 

[24]           La cour a déjà pris connaissance d'office sous la règle 15 des Règles militaires de la preuve de la constitution du Canada; des lois et résolutions du Parlement du Canada et des lois et résolutions des législatures des provinces et des territoires du Canada. La cour a aussi pris connaissance d'office sous cette règle de la teneur, mais non de la publication ou de la suffisance de leur notification, des proclamations, décrets du Conseil, ordonnances ministérielles, mandats, lettres patentes, règles, règlements ou statuts administratifs, établis, rendus ou émis directement sous l'autorité d'une loi publique du Parlement du Canada ou de la législature d'une province du Canada, y compris les ORFC mais non limités à ces derniers, ainsi que des ordres et instructions donnés par écrit par le chef de l'état-major de la défense ou en son nom sous le régime de l'article 1.23 des ORFC. Ceci signifie que, bien qu'aucune preuve n'ait été présentée au sujet de ces faits, la cour doit tenir pour acquis que ces faits ont été prouvés.

 

[25]           Le paragraphe 273.1 b) de la Loi sur la défense nationale stipule ce qui suit :

 

Le gouverneur en conseil peut, par règlement :

 

b)            régir l'accès ou le refus d'admission aux établissements ou ouvrages de défense ou au matériel, ainsi que la sécurité et la conduite de toute personne s'y trouvant, ou étant dans leur voisinage immédiat, et notamment :

 

(i)                   prévoir l'inspection des personnes et des biens qui se trouvent ou qui entrent dans ces lieux ou ce matériel ou qui en sortent,

 

(ii)                 exiger d'une personne, comme condition d'accès à ces lieux ou à ce matériel, qu'elle se soumette, sur demande, à une fouille d'elle-même ou de ses biens meubles ou personnels à l'entrée ou à la sortie de ces lieux ou de ce matériel ou de toute zone d'accès limité dans ces lieux ou ce matériel.

 

[26]           L'article 19.77 des ORFC s'intitule « Fouilles comme condition d'accès à un secteur contrôlé ». Cet article reproduit les articles 2, 4, 5, 6, 7 et 8 du Règlement sur l'inspection et les fouilles (Défense) (DORS/86-958) qui se trouve au Volume IV des ORFC. Ce règlement définit un secteur contrôlé comme étant un établissement de la défense. La Loi sur la défense nationale définit le terme « établissement de la défense » comme étant une zone ou installation placées sous l'autorité du ministre de la Défense nationale, ainsi que le matériel et les autres objets situés dans la zone ou l'installation en question (voir l’article 2 de la Loi sur la défense nationale). Une base des Forces canadiennes est donc un secteur contrôlé. Alors, contrairement à l'interprétation du procureur, la cour conclut que ce n'est pas l'article 3 mais bien les articles 4, 5, 6 et 7 du Règlement sur l'inspection et les fouilles (Défense) qui sont pertinents à notre cause. Un agent de la paix à qui une autorité compétente a confié les fonctions relatives à l'application du règlement est ainsi considéré un garde de sécurité pour les fins de ce règlement (voir l’article 2).

 

[27]           Le paragraphe 1 de l'article 4.20 des ORFC (Responsabilités générales du commandant) indique que :

 

Le commandant est responsable de l'organisation et de la sécurité de sa base, son unité ou son élément, mais la répartition détaillée du travail entre lui-même et ses subordonnés est laissée substantiellement à sa discrétion.

 

                        Alors, il est évident que les policiers militaires font partie de l'organisation de sécurité de la 8e Escadre et peuvent être considérés comme des gardes de sécurité pour les fins du Règlement sur l'inspection et les fouilles (Défense).

 

[28]           Les articles 5, 6, 7 et 8 du Règlement sur l'inspection et les fouilles (Défense) sont très similaires aux articles 11, 12, 13, et 14 du Règlement sur les secteurs d'accès contrôlé relatif à la défense (DORS/86-957) qui se trouve au volume IV des ORFC. Les articles 11, 12 et 13 du Règlement sur les secteurs d'accès contrôlé relatif à la défense sont pertinents à notre cause. Ce règlement stipule que l'accès à un établissement de défense n'est octroyé qu'à la condition que la personne se soumette, sur demande d'un garde de sécurité, à une fouille de sa personne ou de ses effets personnels à l'entrée ou à la sortie de ces lieux. La personne qui refuse de se soumettre à une fouille de sa personne ou de ses effets personnels à sa sortie du secteur d'accès contrôlé peut être soumise à une fouille et le garde de sécurité ne peut employer que la force nécessaire à cette fin. Ces règlements visent la protection des personnes et des biens sur les établissements militaires.

 

[29]           La Loi relative à la circulation sur les terrains de l'État (L.R.C (1985) ch. G-6) stipule que le gouverneur en conseil peut, par règlements, régir la circulation sur les terrains appartenant à Sa Majesté du chef du Canada. Cette loi prévoit que ces règlements peuvent autoriser les fonctionnaires à faire observer les règlements (voir l'article 2 de la loi).

 

[30]           Un terrain du gouvernement est défini comme étant la propriété appartenant à Sa Majesté du chef du Canada ou occupée par elle (voir l'article 2 du Règlement relatif à la circulation sur les terrains du gouvernement). L'article 2 définit agent de sûreté comme suit :

 

«" agent de sûreté " signifie

 

a)                  un membre de la Gendarmerie royale du Canada,

 

b)                  un membre des forces policières provinciales ou municipales, et

 

c)                  toute personne autorisée par un ministre ou son sous-ministre, sous-ministre adjoint ou sous-ministre intérimaire, ou par le commissaire ou tout officier mentionné au paragraphe 6(1) de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada à faire observer le présent règlement; »

 

[31]           L'article 3 indique que ce règlement s'applique aux terrains du gouvernement et aux routes qui s'y trouvent sauf les ponts, routes et territoires spécifiquement mentionnés à cet article. Les bases des Forces canadiennes ne font pas partie de ces exceptions. L'article 23 stipule que le règlement n'autorise pas un policier provincial ou municipal à pénétrer dans un établissement de défense autrement que de la manière prescrite par le Règlement sur les secteurs d'accès contrôlé relatif à la défense.

 

[32]           Les ORFC sont composés de quatre volumes : le volume I porte sur l'administration générale des Forces canadiennes, le volume II porte sur le Code de discipline militaire, le volume III porte sur les finances et le volume IV contient des appendices. Le volume IV est divisé en sept parties. Le Règlement relatif à la circulation sur les terrains du gouvernement se trouve à la Partie III – Sécurité du Volume IV et il constitue l'appendice 3.4 de ce volume. La Loi sur la protection de l'information se trouve à l'appendice 3.1, le Règlement sur les secteurs d'accès contrôlé relatif à la défense se trouve à l'appendice 3.2 et le Règlement sur l'inspection et les fouilles (Défense) se trouve à l'appendice 3.3.

 

[33]           Le paragraphe 2 de l'article 1.09 des ORFC autorise le chef d'état-major de la défense à désigner quels textes seront imprimés en appendice aux ORFC. Ce règlement fut pris par le gouverneur en conseil (voir l’article 1.24 des ORFC). L'article 1.03 des ORFC s'intitule « Personnes assujetties aux ORFC » cet article se lit comme suit :

 

(1)           À moins que le contexte n'exige une interprétation différente et sous réserve de l'article 1.24 (Règlements et ordres – généralités), les ORFC et tous les ordres et directives émis à l'intention des Forces canadiennes en vertu de la Loi sur la défense nationale s'appliquent :

 

a)                   à la force régulière;

 

b)                   à la force spéciale;

 

c)                   à la force de réserve quand elle est justiciable du code de discipline militaire;

 

d)                   à moins que le ministre n'en dispose autrement, à toute personne non mentionnée aux sous-alinéas a), b) et c) si elle est justiciable du code de discipline militaire.

 

(2)           Tout officier ou militaire du rang qui devient un prisonnier de guerre reste assujetti aux ORFC et à tous les ordres et directives émis à l'intention des Forces canadiennes en vertu de la Loi sur la défense nationale.

 

 

[34]           Dans l'arrêt Nolan, une cour unanime indiquait qu'un policier militaire « détenait le pouvoir d'appliquer à l'égard d'un civil conduisant sur la base les limites de vitesse fixées (Règlement relatif à la circulation sur les terrains du gouvernement, C.R.C. 1978, chap. 887). » (voir le paragraphe 27 de Nolan). Cette citation nous indique que les policiers militaires étaient, au moment de cet arrêt, considérés des agents de la paix aux termes du Règlement relatif à la circulation sur les terrains du gouvernement.

[35]           La meilleure preuve aurait été la présentation du document qui aurait rempli les conditions visée au paragraphe c) de la définition d'agent de la paix. Ceci ne fut pas fait par le procureur. Lors de sa plaidoirie, l'avocat de la défense a indiqué que les pouvoirs spécifiques de policiers militaires se trouvaient dans les ORFC jusqu'en 1996. Suite à une question de la cour, le procureur indiqua qu'un ordre ministériel datant de 1953 se rapportant au statut d'agent de la paix selon ce règlement était inclus au volume IV jusqu'en 1996. Il appert que la présentation des ORFC fut modifiée en 1996. L'avocat de la défense indiqua que cet ordre apparaissait dans le volume IV jusqu'en 1996.

 

[36]           Compte tenu des articles 1.03 et 1.09 des ORFC, la décision sur ce sujet dans l'arrêt Nolan ainsi que l'information au sujet de l'ordre ministériel de 1953 fourni à la cour par l'avocat de la défense et le procureur, la cour en vient à la conclusion que le Règlement relatif à la circulation sur les terrains du gouvernement a force de loi sur une base des Forces canadiennes et que les policiers militaires sont des agents de la paix aux termes de ce règlement.

 

[37]           La cour a déjà indiqué que c'est la Partie II du Règlement sur l'inspection et les fouilles (Défense) qui s'applique dans notre cause et non la Partie I telle que suggérée par le procureur. Bien que ce soit le commandant de la base qui est l'autorité compétente telle que définit par l'article 2 de ce règlement, ce sont les policiers militaires sous sa direction qui sont responsables d'assurer la sécurité de la base. L'article 11 du Règlement sur les secteurs d'accès contrôlé relatif à la défense stipule que l'accès à un établissement de défense est soumis à la condition que la personne à qui l'accès est accordé, que cette personne se soumette, sur demande d'un garde de sécurité, à une fouille de sa personne ou de ses effets. La personne qui refuse de se soumettre à une fouille de sa personne ou de ses effets personnels à sa sortie du secteur d'accès contrôlé peut être soumise à une fouille de sa personne et de ses effets menée par un garde de sécurité. Les policiers militaires avaient donc l'autorité de fouiller le caporal-chef Laflamme. Les policiers militaires avaient donc l'autorité de sommer une personne de s'immobiliser pour pouvoir effectuer une fouille selon ces deux règlements.

 

[38]           L'article 11 du Règlement relatif à la circulation sur les terrains du gouvernement stipule qu'un automobiliste doit se conformer aux instructions qui lui sont données par l'agent de sûreté relativement à la circulation. L'article 12 indique qu'il ou elle doit exhiber, sur demande, à un agent de sûreté tous les permis ou licences qu'il ou elle détient et qui l'autorisent à conduire un véhicule; et tout certificat d'enregistrement d'un véhicule qu'il ou elle détient.

 

[39]           Un policier militaire bénéficie donc du statut d'un agent de la paix lorsqu'il accomplit ses devoirs selon ces trois règlements. Ces pouvoirs prévus par la loi sont donc la justification juridique pour aussi exécuter une opération RIDE. Il est tout à fait normal qu'un policier militaire demande à la personne qui pourrait être fouillée de s'arrêter et de s'identifier. La jurisprudence canadienne accepte qu'un agent de la paix ayant le pouvoir légal de sommer un automobiliste de s'arrêter puisse aussi vérifier la sobriété de cet automobiliste. Le droit d'accès à une base militaire est assujetti aux conditions prescrites par la loi.

[40]           Les caporaux Ryan et Bains agissaient à titre d'agent de la paix au moment des infractions car ils avaient l'autorité d'exécuter les pouvoirs de fouille tels que prescrits à l'article 19.77 des ORFC, au Règlement sur l'inspection et les fouilles (Défense) et au Règlement sur les secteurs d'accès contrôlé relatif à la défense (voir aussi paragraphe 15 de R c Haynes (1994) N.S.J. No. 153). Les caporaux Ryan et Bains agissaient dans l'exercice légitime de leurs fonctions au moment de leurs interactions avec le caporal-chef Laflamme.

 

[41]           La cour va maintenant se concentrer sur la première accusation. Est-ce que le caporal-chef Laflamme a entravé le travail du caporal Ryan? Il ne peut y avoir entrave que s'il existe une obligation légale; c'est-à-dire que le caporal-chef Laflamme avait une obligation légale d'obtempérer aux directives des policiers militaires (R c Moore (1979) 1 SCR 195). L'effet du geste qui constitue l'entrave est de nuire à l'exécution du travail du policier ou de le rendre plus difficile (R c Lavin (1990) 77 CR 3d 251 C.S. Qué). Il n'existe pas de définition juridique plus précise car toute interprétation de ce terme doit tenir compte que tout citoyen peut remettre en question l'exercice des pouvoirs des policiers (voir R c Gunn (1977) 6 CCC (3d) 174 CA Alta).

 

[42]           Le caporal-chef Laflamme avait un devoir d'immobiliser sa voiture quand il fut interpelé par la caporale Ryan. Cette obligation découle des pouvoirs conférés aux policiers par le Règlement sur l'inspection et les fouilles (Défense) et le Règlement sur les secteurs d'accès contrôlé relatif à la défense. Cette obligation découle aussi de l'article 11 du Règlement relatif à la circulation sur les terrains du gouvernement. Il ne l'a pas fait. La caporale Ryan a dû quitter rapidement le véhicule du conducteur avec qui elle discutait pour monter dans son véhicule de patrouille et aller intercepter le caporal-chef Laflamme. Ce défaut d'arrêter a forcé la caporale Ryan de cesser de vérifier un automobiliste pour intercepter le caporal-chef Laflamme pour vérifier pourquoi il n'avait pas obtempérer à ses directives. Le fait de ne pas s'arrêter a nuit et rendu plus difficile le travail du caporal Ryan.

 

[43]           L'article 12 du Règlement relatif à la circulation sur les terrains du gouvernement stipule qu'une personne doit exhiber sur demande son permis de conduire. Exhiber n'est pas défini dans ce règlement. Le Petit Robert définit exhiber ainsi : produire un document officiel devant l'autorité, montrer, faire voir à quelqu'un.

 

[44]           Le caporal-chef Laflamme a montré son permis de conduire au caporal Ryan mais il ne lui a pas donné. Il est peu important que la caporale Ryan lui ait demandé de lui montrer ou de lui donner son permis de conduire. Compte tenu des faits de notre cause, soit de se faire signaler avec une lampe de poche à deux reprises par une policière vers une heure du matin sur une base des Forces canadiennes alors qu'une auto de police avec ses gyrophares allumés bloque la route menant à la sortie de la base, le simple bon sens veut qu'une personne s'arrête et donne à la policière son permis de conduire quand celle-ci lui demande de le voir. Le terme exhiber ne signifie pas simplement montrer son permis mais bien de le produire, c'est-à-dire le présenter sur demande. Le caporal-chef Laflamme ne l'a pas fait. La caporale Ryan n'a pas pu l'identifier à ce moment. Le fait de ne pas donner son permis a nuit et rendu plus difficile le travail du caporal Ryan.

 

[45]           Est-ce que le caporal-chef Laflamme a intentionnellement entravé le travail du caporal Ryan? Une entrave volontaire requiert un acte ou une omission intentionnel de faire quelque chose qui découle d'une obligation légale (voir R c Lavin (1990) 77 CR 3d 251 C.S. Qué).

 

[46]           Le caporal-chef Laflamme témoigna qu'il se dirigeait vers la sortie de la base et qu'il vit une auto de police qui bloquait la route pour se rendre à la sortie et qui était placée de façon à faire bifurquer les autos vers le stationnement. Un policier alluma son pare-brise avec sa lampe de poche; il comprit qu'il devait tourner pour entrer dans le stationnement. Il témoigna qu'il fut illuminé deux fois. Il ralentit et se tourna le visage car la lumière l'aveuglait. Il roula tranquillement au côté d'une auto immobilisée et il vit qu'une policière militaire était près de la porte du conducteur de cette auto. Il continua car il ne vit aucun signe de la policière qui lui demandait d'arrêter. Il savait que les policiers militaires font des contrôles aléatoires pour vérifier les conduites en état d'ébriété. Il continua et sorti du stationnement et s'arrêta au feu rouge à la sortie de la base.

 

[47]           Il témoigna qu'il « décompressa » à ce moment car il n'était pas heureux de s'être fait aveugler par la lampe de poche de la policière. Il avait accroché la chaine de trottoir au moment où il s'était fait aveuglé et il témoigna qu'il aurait pu frapper un piéton sans le voir s'il y aurait eu un piéton présent à ce moment-là. Il était fatigué, de mauvaise humeur et il était frustré mais, comme il a dit, ne pouvait rien y faire. C'est à ce moment que le véhicule de police militaire s'arrêta derrière lui.

 

[48]           La caporale Ryan sortie de l'auto et se dirigea vers lui. Il baissa sa fenêtre. Il ne se souvient pas si elle s'était identifiée à ce moment. Elle lui demanda en anglais de sortir de l'auto. Il lui demanda pourquoi et il ne sortit pas de son véhicule. Elle lui répondit qu'il avait tenté de contourner un programme RIDE. Il témoigna qu'il comprenait assez bien l'anglais et qu'il comprenait bien ce qu'elle disait sauf lorsqu'elle fit référence au programme RIDE. Elle lui demanda d'arrêter son moteur et il le fit. Elle lui demanda de voir son permis et il lui montra en le tenant dans sa main et en plaçant sa main dans l'ouverture de sa fenêtre. Elle s'approcha et regarda le permis avec sa lampe de poche. Elle parla sur son radio. Il replaça son permis dans son porte-monnaie.

 

[49]           Durant son contre-interrogatoire, le caporal-chef Laflamme témoigna qu'il n'avait pas vu que la caporale Ryan tentait de le guider car la lumière l'aveuglait. Il indiquait qu'il n'était pas obligé de s'arrêter même s'il y avait un programme RIDE. Il interprète le fait qu'elle l'avait illuminé deux fois comme voulant dire de faire attention car ils se trouvaient là. Il indiqua qu'il n'avait pas l'obligation de s'arrêter selon sa compréhension du code de la route.

 

[50]           Il témoigna qu'il aurait sorti si elle lui avait donné une raison valable de sortir ou une raison qui faisait du sens. Il témoigna qu'il se trouvait « dans le milieu de nulle part » et qu'une policière qui ne s'identifiait pas et lui demandait de sortir de son auto pour ainsi expliquer pourquoi il n'était pas sorti de son auto. Il s'expliqua en relatant un incident au Québec où une personne s'était déguisée en policier pour ainsi interpeler les gens.

 

[51]           Il indiqua aussi qu'il se trouvait sur la route 2 et donc légalement sur une route provinciale. Il expliqua aussi qu'elle ne portait pas une veste qui indiquait qu'il s'agissait d'un programme RIDE. Il ne sorti pas de l'auto car elle ne s'était pas identifiée. Il dit qu'un policier se présente habituellement. Il ne lui a pas demandé son nom ou de s'identifier. Il était d'accord avec le procureur qu'il y avait de fortes chances qu'elle était une policière car il reconnaissait l'habit de police militaire qu'elle portait. Il indiqua qu'il ne s'agissait que d'un instinct et que ce n'était pas parce qu'il ne voulait pas sortir. Il témoigna qu'il aurait sortie de son auto si la caporale Ryan s'était présentée et lui aurait dit qu'il n'avait pas arrêté à un barrage routier.

 

[52]           Il témoigna qu'il s'était fait interpeler sept ou huit fois en 30 années pour des programmes RIDE mais jamais de cette façon. Il indiqua qu'il montrait toujours son permis aux policiers de la même façon et que les policiers de la OPP lui demandait alors qu'il leur donne le permis ce qu'il faisait.

 

[53]           Il se sentait frustré à ce moment et il voulait sortir de la base. Il répondit « partiellement » quand le procureur lui suggéra qu'il était frustré et pas content et que ceci influençait sa conduite. Il expliqua que la façon d'agir des policiers démontrait un manque total de respect et de professionnalisme. Il témoigna qu'elle n'avait pas essayé de prendre son permis et qu'elle pouvait bien le voir et le lire avec sa lampe de poche.

 

[54]           Elle lui demanda s'il avait bu et il répondit non. Il témoigna alors qu'il se demandait si c'était les polices militaires qui avaient bu puisqu'ils ne se présentent pas et que la caporale Ryan avait témoigné qu'il avait fait des signes avec ses mains. Il témoigna que les policiers essayaient de le provoquer et qu'il réagissait de plus en plus lentement car il ne voulait pas embarquer dans leur jeu. Il réagissait de plus en plus lentement face à l'augmentation du niveau de tension des policiers militaires. Il ne pense pas qu'il y ait du mal à cela. Il témoigna qu'il se contentait de faire ce que les policiers lui demandaient de faire.

 

[55]           La caporale Ryan témoigna que le caporal-chef Laflamme se dirigea lentement dans le terrain de parade quand elle lui fit signe. Elle témoigna que le caporal-chef Laflamme passa du côté droit de la voiture qui était déjà arrêté, sorti du terrain de parade et accéléra pour sortir de la base alors que le feu était vert. Elle expliqua que certaines personnes ne reconnaissaient pas le programme RIDE et qu'il fallait ainsi l'expliquer. Elle se rendit au véhicule du caporal-chef Laflamme avec ses gyrophares allumés. Elle s'approcha de la portière du conducteur et il descendit la fenêtre. Elle expliqua qu'il s'agissait d'un programme RIDE et elle lui demanda s'il avait bu de l'alcool. Il répondit non et semblait nerveux. Elle lui demanda son permis de conduire pour ainsi l'identifier. Elle témoigna qu'elle essaya de le prendre et qu'il le retira en disant qu'elle pouvait le voir avec ses yeux. Elle ne pouvait pas lire l'information sur le permis de conduire. Elle le demanda de nouveau et il refusa.

 

[56]           Elle décrit le comportement du caporal-chef Laflamme comme étant erratique et donc elle voulait vérifier s'il avait bu de l'alcool en prenant un échantillon d'haleine. Elle lui demanda de la suivre à son véhicule et il répondit non. Elle n'a pas inscrit ces observations dans son calepin.

 

[57]           La jurisprudence canadienne énonce clairement qu'un citoyen n'a aucune obligation de s'identifier à un policier à moins qu'il n'existe une obligation légale de le faire (R c Moore 1979 1 SCR 195). Il ne s'agit pas ici d'une personne qui se promène sur une rue publique dans une ville et qui est interpelée par un policier. Le caporal-chef Laflamme avait un devoir de s'identifier quand la caporale Ryan lui demanda de le faire. Cette obligation découle des pouvoirs conférés aux policiers par les trois règlements en cause.

 

[58]           Le caporal-chef Laflamme témoigna qu'il n'avait pas compris que la caporale Ryan lui indiquait de s'arrêter. Par ailleurs, monsieur Vivian ainsi que l'autre automobiliste immobilisé près du caporal Ryan ne semblaient pas avoir eu de difficulté à comprendre qu'il fallait s'arrêter. Le caporal-chef Laflamme dit avoir toujours coopéré avec la police. Par ailleurs son témoignage démontre très peu de coopération avec la caporale Ryan.

 

[59]           Le caporal-chef Laflamme témoigne qu'il voit une auto de patrouille avec ses gyrophares allumés qui bloque la route vers la sortie de la base, qu'une policière illumine son auto avec une lampe de poche et qu'il comprend qu'il doit tourner dans la direction de la policière mais il ne comprend pas que tout cela signifie qu'il doit s'immobiliser dans le stationnement tout comme l'auto immobilisée près de la policière.

 

[60]           Le caporal-chef Laflamme n'offre que des excuses pour expliquer pourquoi il ne s'est pas arrêter et il n'a pas donné son permis au caporal Ryan. Son témoignage sur son comportement, l'interprétation des gestes et des mots du caporal Ryan ainsi que de la situation en général est invraisemblable et n'a aucun bon sens.

 

[61]           Le caporal-chef Laflamme n'est pas un témoin crédible. La cour en conclut que la preuve prouve hors de tout doute raisonnable que le caporal-chef Laflamme a volontairement refusé d'immobiliser son automobile et de s'identifier en ne donnant pas son permis de conduire au caporal Ryan. La cour en conclut que la preuve prouve hors de tout doute raisonnable que le caporal-chef Laflamme a entravé le travail du caporal Ryan.

 

[62]           La cour va maintenant se concentrer sur la deuxième accusation. Est-ce que le caporal-chef Laflamme a entravé le travail du caporal Bains? Le procureur argumente que l'entrave est composée d'une ou des actes suivants : de ne pas sortir de l'auto, de ne pas avoir donné son permis de conduire de façon à ce que le caporal Bains puisse l'identifier et de résister à l'arrestation au moment où on lui a mis les menottes aux poignets.

 

[63]           Le caporal-chef Laflamme témoigna qu'à son arrivée à l'auto du caporal-chef Laflamme, le caporal Bains lui demanda de voir son permis d'un ton calme. Le caporal-chef Laflamme lui montra tout comme il l'avait fait avec la caporale Ryan. Le caporal Bains pointa sa lampe de poche sur le permis pour le voir et se serait approché. Il y avait peu de lumière à cet endroit. Le caporal Bains lui aurait alors demandé de lui donner son permis et son porte-monnaie d'un ton hystérique et agressif et il les lui aurait donnés. Le caporal Bains aurait demandé à un commissionnaire de traduire que le caporal-chef Laflamme était sous arrestation pour conduite en état d'ébriété, d'avoir essayé d'éviter un programme RIDE et de ne pas coopérer avec la police. Le caporal Bains lui aurait ensuite demandé de sortir de l'automobile et il serait sorti immédiatement. Le caporal Bains lui dit de se tourner pour faire face à son auto et le caporal Bains le fouilla. Suite à cela, le caporal Bains lui demanda de mettre sa main gauche derrière lui pour lui placer les menottes. Le caporal-chef Laflamme lui donna sa main gauche. Alors qu'il essayait de placer sa main droite derrière lui, il eut de la difficulté car son bras n'était pas flexible et son bras s'est raidi. Il se tourna la tête pour parler au caporal Bains. C'est à ce moment qu'il fut placé au sol avec le visage faisant face au sol.

 

[64]           Le caporal Bains témoigna qu'il s'est présenté sur scène après que la caporale Ryan l'avait appelé. Il se présenta au caporal-chef Laflamme et lui demanda de sortir de son véhicule. Le caporal-chef Laflamme lui demanda pourquoi. Il lui demanda encore de sortir de son véhicule environ trois autres fois et le caporal-chef Laflamme répondait non et pourquoi. Le caporal-chef Laflamme sorti de son véhicule. Le caporal Bains demanda au caporal-chef Laflamme de lui donner une pièce d'identité. Le caporal-chef Laflamme répondit pourquoi. Caporal Bains demanda trois ou quatre fois avant que le caporal-chef Laflamme ne sorte sa carte d'identité de son porte-monnaie pour lui montrer. Bains essaya de prendre la carte mais le caporal-chef Laflamme la plaça derrière son dos. Le caporal Bains contacta le répartiteur pour que celui-ci informe le caporal-chef Laflamme en français qu'il serait placé sous arrestation parce qu'il ne s'était pas identifié.

 

[65]           Le caporal Bains a pris le porte-monnaie du caporal-chef Laflamme et le donna au caporal Ryan. Il demanda au caporal-chef Laflamme de se retourner vers son auto de placer ses mains sur le véhicule ce que fit le caporal-chef Laflamme. Il demanda au caporal-chef Laflamme de placer ses mains derrière son dos pour qu'il puisse lui placer les menottes mais le caporal-chef Laflamme résista en gardant ses bras rigides et en se repoussant du véhicule en direction du caporal Bains. Le caporal-chef Laflamme se retourna et fit face au caporal Bains et il semblait en colère. La caporale Ryan témoigna aussi sur ces évènements de façon similaire.

 

[66]           Au cours de son contre-interrogatoire, le caporal-chef Laflamme témoigna qu'il n'avait pas descendu de sa voiture quand la caporale Ryan lui avait demandé au moment de son premier contact avec elle. Il lui demanda pourquoi elle lui demandait ceci et elle lui avait répondu parce qu'il n'avait pas arrêté au programme RIDE.

 

[67]           Le caporal-chef Laflamme et monsieur Vivian ont indiqué à la cour qu'un autre policier mâle était présent lors de l'arrestation du caporal-chef Laflamme. Les caporaux Ryan et Bains ont témoigné qu'ils étaient les seuls policiers sur la scène. Il appert que monsieur Vivian, voulant informer sa chaîne de commandement qu'il avait observé des évènements troublants la nuit du 5 février, avait donc parlé brièvement de ceci avec le caporal-chef Laflamme dans les jours suivants. Le caporal-chef Laflamme lui aurait dit de ne pas lui en parler mais d'en parler à son avocat dans un futur rapproché. Monsieur Vivian n'a donc fait aucune plainte ou aucune déclaration officielle. La cour a bien du mal à comprendre pourquoi le caporal-chef Laflamme n'a pas indiqué à monsieur Vivian de donner une déclaration officielle quant il apprit qu'un témoin pouvait décrire comment il aurait été malmené par les policiers. La cour ne croit pas cette preuve.

 

[68]           Compte tenu de la décision de la cour quant à l'application de la règle Browne vs Dunn, la cour ne donne peu de poids à ce témoignage. La cour considère que les caporaux Ryan et Bains sont crédibles.

 

[69]           Il s'agit d'une situation causée par l'attitude et le comportement du caporal-chef Laflamme. La séquence d'évènements débuta quand le caporal-chef Laflamme décida de ne pas s'arrêter dans le stationnement. En refusant de donner son permis de conduire au caporal Ryan telle qu'elle le demandait, il faisait augmenter la tension. Il témoigna que « plus que le caporal Bains gueulait, plus je prenais mon temps pour me tourner.»

 

[70]           Bien que le caporal Bains ait répété son ordre trois fois, le caporal-chef Laflamme a sorti de son auto. La cour en conclut que la preuve acceptée par la cour prouve hors de tout doute raisonnable que le caporal-chef Laflamme n'a pas donné son permis de conduire de façon à ce que le caporal Bains puisse l'identifier et qu'il a résisté à son arrestation.

 

[71]           Est-ce que le caporal-chef Laflamme a intentionnellement entravé le travail du caporal Bains? La cour en conclut que la preuve prouve hors de tout doute raisonnable que le caporal-chef Laflamme a volontairement refusé de donner son permis de conduire de façon à ce que le caporal Bains puisse l'identifier et qu'il a résisté à son arrestation. La cour en conclut que la preuve prouve hors de tout doute raisonnable que le caporal-chef Laflamme a entravé le travail du caporal Bains.

 

POUR CES MOTIFS, LA COUR :

 

[72]           DÉCLARE le caporal-chef Laflamme coupable des deux chefs d'accusation.


Avocats :

 

Major E. Carrier, Service canadien des Poursuites militaires

Avocat de la poursuivante

 

Major J.L.P.-L. Boutin, Service d'avocats de la défense

Avocat pour le caporal-chef R.S. Laflamme

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.