Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l’ouverture du procès : 13 février 2013.

Endroit : Salle de conférence du commandant, réfectoire Yeo, 22 avenue Amiens, Kingston (ON).

Chefs d’accusation
•Acte d’accusation 1 : Art. 130 LDN, agression sexuelle (art. 271 C. cr.).
•Actes d’accusation 2, 3 : Art. 86a) LDN, s’est battu avec une personne justiciable du code de discipline militaire.
•Acte d’accusation 4 : Art. 97 LDN, ivresse.

Résultats
•VERDICTS : Chef d’accusation 1 : Coupable de l’infraction moindre et incluse de voies de fait (art. 266 C. cr.). Chefs d’accusation 2, 3, 4 : Coupable.
•SENTENCE : Un blâme et une amende au montant de 5000$.

Contenu de la décision

COUR MARTIALE

 

Référence : R c. Hennessey, 2013 CM 2005

Date : 20130213

Dossier : 201274

 

Cour martiale permanente

 

Collège militaire royal du Canada

Kingston (Ontario), Canada

Entre :

Sa Majesté la Reine

 

- et -

 

Élève-officier J.M. Hennessey, contrevenant

 

En présence du capitaine de frégate P.J. Lamont, J.M.


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Restriction à la publication : Par ordonnance de la cour rendue en vertu de l’article 179 de la Loi sur la défense nationale et de l’article 486.4 du Code criminel, il est interdit de publier dans quelque document ou de diffuser ou transmettre de quelque façon tout renseignement qui permettrait d’établir l’identité de la personne décrite dans le présent jugement comme la plaignante relativement au chef d’accusation no 1.

 

MOTIFS DE LA SENTENCE

 

(Prononcés de vive voix)

 

[1]        Élève-officier Hennessey, la Cour, après avoir accepté et inscrit votre plaidoyer de culpabilité à quatre chefs d’accusation : soit, premièrement, voies de fait, deuxièmement et troisièmement, s’être battu avec un justiciable du code de discipline militaire, et quatrièmement, ivresse, et après avoir tenu compte des faits allégués et admis, vous déclare coupable des quatre chefs d’accusation susdits.

 

[2]        Il m’incombe à présent de décider de votre peine et de rendre la sentence. À cet effet, j’ai tenu compte des principes de détermination de la peine qui s’appliquent devant les tribunaux de droit commun de juridiction criminelle du Canada et les cours martiales. J’ai également tenu compte des faits de l’espèce, tels qu’ils sont décrits dans l’énoncé des circonstances, soit la pièce 6, ainsi que des documents produits au cours de l’audience et des observations des avocats de la poursuite et de la défense.

 

[3]        Dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire d’imposer une peine appropriée et adaptée à chaque cas, la Cour est guidée par les principes de détermination de la peine. La peine doit être généralement proportionnelle à la gravité de l’infraction, à la culpabilité ou au degré de responsabilité et au caractère du contrevenant. La cour se fonde sur les peines infligées par d’autres cours dans des affaires semblables, non par respect servile des précédents, mais parce que notre sens commun de la justice veut que les affaires semblables soient traitées de semblable manière. Néanmoins, lorsqu’elle inflige une peine, la cour tient compte des nombreux facteurs qui caractérisent l’affaire particulière dont elle est saisie, qu’il s’agisse des circonstances aggravantes pouvant justifier une peine plus sévère ou des circonstances atténuantes permettant de réduire la peine.

 

[4]        Les buts et objectifs de la détermination de la peine ont été exposés de différentes façons dans maintes décisions antérieures. En règle générale, ils ont trait à la protection de la société – dont les Forces canadiennes font naturellement partie – par la promotion du développement et du maintien d’une collectivité juste, paisible, sûre et respectueuse des lois.  Fait important, dans le contexte des Forces canadiennes, ces objectifs comprennent le maintien de la discipline, cette habitude d’obéissance indispensable à l’efficacité d’une force armée. Ces buts et objectifs comprennent également un volet de dissuasion individuelle, visant à éviter toute récidive du contrevenant, et un volet de dissuasion générale, visant à éviter que d’autres ne soient tentés de suivre son exemple. La peine a aussi pour objet d’assurer la réhabilitation du contrevenant, de susciter un sentiment de responsabilité chez lui et de dénoncer les comportements illégaux. Un ou plusieurs de ces objectifs prédomineront inévitablement dans la détermination d’une peine juste et appropriée dans un cas donné, mais il ne faut pas oublier pour autant que chacun des objectifs en question mérite l’attention de la cour chargée d’établir la peine et que pour que la peine soit juste et appropriée, elle doit témoigner d’un dosage judicieux de ces buts, adapté aux circonstances en cause.

 

[5]        Comme je vous l’ai dit lorsque vous avez plaidé coupable, les différentes peines pouvant être infligées par une cour martiale sont énumérées à l’article 139 de la Loi sur la défense nationale. Ces peines sont limitées par la disposition de la loi qui crée l’infraction et prescrit la peine maximale. Que le délinquant soit déclaré coupable d’une seule infraction ou de plusieurs, une sentence unique est prononcée, mais elle peut comporter plus d’une sanction. Un principe important veut que la cour inflige la peine la moins sévère qui permette de maintenir la discipline.

 

[6]        Pour établir la peine en l’espèce, j’ai pris en compte les conséquences directes et indirectes pour le contrevenant des déclarations de culpabilité et de la sentence que je m’apprête à rendre.

 

[7]        Les faits en cause sont décrits à la pièce 6, soit l’exposé des circonstances. En bref, après une soirée festive qui semble avoir comporté une consommation excessive d’alcool et un combat consenti avec une connaissance, le contrevenant a regagné ses quartiers, au Collège militaire royal de Kingston, en état d’ébriété. Il est entré dans les quartiers privés d’une élève‑officière qui, ainsi réveillée, a quand même eu la gentillesse de soigner une blessure qu’il avait subie pendant son combat. Il l’a remerciée en tentant avec insistance de la peloter et en lui faisant des propositions lubriques. D’autres élèves sont, semble‑t‑il, intervenus et ont tenté de faire sortir de contrevenant de la chambre. Le contrevenant a frappé l’un d’eux ainsi que l’élève-officière. Tout ce temps, il semble en fait avoir agi de façon très agressive.  L’enseigne de vaisseau 2e classe Day est intervenu ainsi qu’il convenait. Il a lui aussi été récompensé d’un coup de poing du contrevenant. La police militaire a été appelée. Il appert que le contrevenant a été arrêté, puis relâché après avoir passé quelques heures en détention.

 

[8]        Compte tenu de ces faits, les avocats ont conjointement recommandé une peine comportant un blâme et une amende de 5 000 $.

 

[9]        C’est la cour, bien sûr, qui prononce la peine, mais lorsque les deux parties s’entendent sur une recommandation, comme en l’espèce, cette recommandation a un poids considérable. Les tribunaux d’appel canadiens, la Cour d’appel de la cour martiale comprise, ont jugé que la cour doit accepter une recommandation conjointe en matière de peine à moins qu’elle ne soit de nature à déconsidérer l’administration de la justice ou qu’elle ne soit d’une autre manière contraire à l’intérêt public.

 

[10]      Les circonstances des infractions en cause témoignent d’un comportement condamnable pour toute personne, mais plus particulièrement blâmable lorsqu’il est le fait d’un élève‑officier pouvant envisager une longue et fructueuse carrière au sein des Forces canadiennes. Je suis conscient qu’il y a plusieurs victimes en l’espèce et que la durée du comportement répréhensible susmentionné a été plus que minimale. L’une des victimes était un enseigne de vaisseau de 2e classe, donc un supérieur du contrevenant au moment des infractions. Vous n’en avez pas été accusé, Élève‑cadet, mais je peux vous dire que frapper un supérieur constitue l’une des infractions les plus graves en droit militaire canadien.

 

[11]      Je suis également conscient du rôle joué par l’alcool dans ces infractions. On ne m’a pas fourni beaucoup de précisions, mais le fait que votre consommation d’alcool ait été propre à induire le comportement que vous avez eu et que vous n’avez apparemment aucun souvenir de votre conduite m’amène à penser que vous avez peut‑être un grave problème d’alcool. J’ai pris connaissance de la lettre du major Parent qui a été produite en preuve et j’en déduis que vous vous êtes particulièrement bien comporté pendant la période où vous avez été consigné au peloton d’attente; je considère encourageant que le major Parent indique que vous vous êtes abstenu de toute consommation d’alcool pendant cette période. 

 

[12]      Je relève plusieurs circonstances atténuantes. Premièrement, vous avez inscrit des plaidoyers de culpabilité, qui ont été aceptés. Je déduis de ces plaidoyers et des excuses que vous avez faites à toutes les personnes auxquelles votre comportement a porté préjudice que vous éprouvez du remords. Je présume aussi qu’un tel comportement ne vous ressemble pas et qu’il ne se répétera probablement pas. On sera plus certain de ce dernier point si vous pouvez demeurer sobre. Je suis également conscient que vous avez fait l’objet de mesures administratives depuis ces infractions. Vous n’avez aucun antécédent d’infraction disciplinaire, bien que vous soyez à présent dans la quatrième année de votre programme, je présume, puisque vous vous êtes enrôlé en 2009.

 

[13]      Les lettres de recommandation que vous avez fournies sont élogieuses à votre égard. Leurs auteurs vous connaissent mieux que moi. J’accepte, dans une certaine mesure, leur jugement vous concernant. 

 

[14]      Compte tenu de l’ensemble des circonstances, c’est‑à‑dire les faits relatifs à l’infraction et au contrevenant, je ne puis dire que la sanction proposée conjointement par les avocats aurait pour effet de déconsidérer l’administration de la justice ou irait autrement à l’encontre de l’intérêt public. J’accepte en conséquence cette recommandation.

 

POUR CES MOTIFS, LA COUR :

 

[15]      vous DÉCLARE coupable du premier chef, soit l’infraction prévue à l’article 266 du Code criminel, coupable des deuxième et troisième chefs, soit l’infraction prévue à l’alinéa 86a) de la Loi sur la défense nationale, et coupable du quatrième chef, soit l’infraction prévue à l’article 97 de la Loi sur la défense nationale.

 

[16]      vous CONDAMNE à un blâme et à une amende de 5 000 $ payable en dix versements mensuels de 500 $, le premier étant exigible le 15 mars 2013. Si vous étiez, pour quelque raison, congédié ou libéré des Forces canadiennes avant le paiement complet de l’amende, le solde en sera exigible le jour précédant votre libération.

 


 

Avocats:

 

Major E. Carrier, Service canadien des poursuites militaires

Procureur de Sa Majesté la Reine

 

M. M. Hodgson, Hodgson Sinnett Criminal Lawyers,

109-303, rue Bagot, Kingston (Ontario)

Avocat de l’élève‑cader Hennessey

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