Cour martiale
Informations sur la décision
Date de l'ouverture du procès : 1 avril 2008
Endroit : Garnison Edmonton, édifice 179, 3e étage, Edmonton (AB).
Chefs d’accusation
•Chef d’accusation 1 : Art. 130 LDN, entrave un agent de la paix dans l’exécution de ses fonctions.
•Chef d’accusation 2 : Art. 97 LDN, ivresse.
Résultats
•VERDICTS : Chefs d’accusation 1, 2 : Coupable.
•SENTENCE : Une réprimande et une amende au montant de 300$.
Contenu de la décision
Référence : R. c. Matelot de 2e classe R.A. Crawford, 2008 CM 4003
Dossier : 200784
COUR MARTIALE PERMANENTE
CANADA
ALBERTA
BASE DES FORCES CANADIENNES EDMONTON
Date : 1er avril 2008
SOUS LA PRÉSIDENCE DU LIEUTENANT-COLONEL J-G PERRON, J.M.
SA MAJESTÉ LA REINE
c.
LE MATELOT DE 2e CLASSE R.A. CRAWFORD
(contrevenant)
SENTENCE
(prononcée de vive voix)
[1] Matelot de 2e classe Crawford, ayant accepté et inscrit vos plaidoyers de culpabilité à l’égard des chefs d’accusation numéros un et deux, la cour vous déclare maintenant coupable de ces accusations. La cour vous déclare coupable du fait d’avoir entravé un agent de la paix dans l’exécution de ses fonctions, contrairement à l’article 129 du Code criminel, ainsi que d’ivresse.
[2] Pour déterminer la peine qui convient en l’espèce, la cour a examiné les circonstances entourant la perpétration des infractions susmentionnées, les circonstances atténuantes soulevées par la preuve, les circonstances aggravantes invoquées par l’avocat de la poursuite ainsi que les observations des avocats de la poursuite et de la défense et les principes applicables en matière de détermination de la peine.
[3] Les circonstances entourant la perpétration des infractions sont exposées dans le sommaire des circonstances, dont vous avez formellement admis les faits comme preuve concluante de votre culpabilité. Alors que vous étiez fortement intoxiqué après avoir consommé des boissons alcoolisées pendant la soirée du 4 novembre 2006 et les petites heures du 5 novembre 2006, vous avez eu des altercations au mess des caporaux et soldats de la BFC Wainwright et vous avez également manqué de respect à l’endroit du sous-officier de service, le sergent Lamarche, et du SMR de la base. De plus, vous avez résisté à deux membres de la police militaire qui tentaient de vous amener vers les cellules, parce que vous étiez ivre. Vous êtes devenu violent et vous avez refusé de les suivre jusqu’à leur véhicule. Ils ont dû vous contraindre de vous étendre au sol et vous attacher.
[4] L’avocat de la poursuite avait raison de dire que la détermination de la peine est souvent décrite comme la décision la plus difficile à prendre au cours d’un procès. Le juge militaire doit appliquer les principes de la détermination de la peine, qui sont les mêmes devant une cour martiale et devant un tribunal civil de juridiction criminelle au Canada. Ces principes ont été énoncés de différentes manières. En général, ils s’appuient sur le besoin de protéger le public, lequel comprend les Forces canadiennes. Le principe fondamental est la dissuasion, qui comprend aussi bien l’effet dissuasif produit sur vous que l’effet dissuasif général produit sur toute personne qui pourrait être tentée de commettre une infraction du même genre. Les principes comprennent également la dénonciation du comportement illégal et le dernier, mais non le moindre, l’amendement et la réinsertion du contrevenant. La cour doit déterminer si la protection du public serait mieux servie par la dissuasion, par la réinsertion, par la dénonciation ou par une combinaison de ces principes. Lorsqu’elle inflige une peine, la cour doit suivre les directives énoncées à l’article 112.48 des ORFJ, qui l’oblige à tenir compte de toutes les conséquences indirectes du verdict ou de la peine qu’elle prononce et à infliger une peine proportionnée à la gravité de l’infraction et aux antécédents du contrevenant.
[5] Habituellement, la cour doit également tenir compte du fait que les peines infligées à des contrevenants qui commettent des infractions comparables dans des circonstances similaires ne doivent pas être disproportionnées. Aucune décision n’ayant été citée en l’espèce, la cour ne peut faire ce type de comparaison. En outre, la cour doit infliger seulement la peine qui est nécessaire pour maintenir la discipline. La poursuite soutient qu’une peine appropriée devrait comprendre une réprimande et une amende de 1 000 $. Votre avocat a suggéré à la cour d’imposer une réprimande accompagnée d’une amende de moins de 200 $. Le but ultime de l’infliction d’une peine est le rétablissement de la discipline chez le contrevenant et dans les rangs de l’armée. La discipline est cette qualité que tout membre des Forces canadiennes doit posséder pour être en mesure de faire passer les intérêts du Canada et des Forces canadiennes avant ses intérêts personnels. Ce besoin existe parce que les membres des Forces canadiennes doivent obéir rapidement et sans se faire prier aux ordres légitimes, même si ceux-ci peuvent avoir des conséquences dévastatrices sur le plan personnel, comme des blessures et des décès. La discipline constitue la pierre angulaire des Forces canadiennes et une qualité personnelle essentielle à l’efficacité opérationnelle de toute force militaire.
[6] La cour considère comme un facteur aggravant la nature des infractions, surtout celle de l’entrave à un agent de la paix dans l’exécution de ses fonctions, et votre manque de respect pour l’autorité militaire, plus précisément à l’endroit du sous-officier de service, le sergent Lamarche, et du SMR. Cependant, la preuve révèle également de nombreux facteurs atténuants. Votre plaidoyer de culpabilité montre que vous éprouvez du remords pour les infractions que vous avez commises et que vous êtes disposé à accepter les conséquences qui découlent de l’acceptation de votre culpabilité. Vous avez eu le courage de témoigner devant la cour et devant des membres de la collectivité militaire au sein de laquelle vous évoluez. Vous vous êtes exprimé de façon claire et honnête. Vous avez décrit les efforts que vous déployez pour régler vos problèmes d’accoutumance et pour vous améliorer comme personne et comme membre des Forces canadiennes. Il s’agit de votre première infraction.
[7] J’ai examiné très attentivement les pièces 7, 8, 9, 10, 11 et 12. Vous avez vécu une enfance très difficile et il semble également que vous avez souffert de maladies psychologiques tout au long de votre vie. Vous êtes actuellement traité pour ces maladies. Sans répéter chaque détail révélé par votre témoignage et par les pièces, la cour reconnaît que ces événements tragiques et vos maladies vous ont incité à vous tourner vers la drogue et l’alcool lorsque vous étiez âgé de 12 ans, ce qui a créé chez vous une dépendance à l’égard de l’alcool et de la drogue. Vous êtes également associé au milieu violent des drogues illégales. Vous avez déclaré au cours de votre témoignage que vous avez joint les rangs des Forces canadiennes afin de fuir ces dépendances et cette violence.
[8] Après les événements du 5 novembre 2006, vous vous êtes rendu de votre plein gré au centre de toxicomanie d’Edgewood. Comme vous l’avez souligné, vous n’êtes pas fier des gestes que vous avez faits ce soir-là, mais vous reconnaissez qu’ils vous ont incité à prendre le chemin de la guérison. Vous êtes sobre depuis que vous avez terminé le traitement à Edgewood, le 7 mars 2007. Vous avez décrit la mort tragique de votre mère, en mai 2007, et l’impact de cet événement pour vous. Il est remarquable à mon avis que vous ayez résisté à l’envie de vous réfugier dans l’alcool ou dans la drogue et que vous soyez resté sobre au cours de cette dernière période de bouleversement personnel. Vous avez plutôt suivi sans broncher le programme de traitement en 12 étapes et vous avez assisté à de nombreuses rencontres hebdomadaires avec votre conseiller en toxicomanie, votre conseiller spirituel et votre psychiatre.
[9] En termes simples, la vie n’a pas été très bonne pour vous. Malheureusement, vous n’avez pu trouver de façon de demander de l’aide avant votre arrestation survenue le 5 novembre 2006. Vous m’avez prouvé que vous acceptez l’entière responsabilité de vos gestes. Bien que vous n’ayez pu, pendant votre enfance, acquérir les aptitudes nécessaires pour composer avec les nombreux événements tragiques survenus très tôt dans votre vie, vous avez acquis de nouvelles aptitudes et connaissances et une nouvelle maturité depuis votre séjour à Edgewood et vous avez déployé de grands efforts pour vaincre vos dépendances et vos problèmes personnels.
[10] Après avoir lu les deux rapports de notations du personnel, qui se trouvent aux pièces 7 et 8, ainsi que la lettre de présentation et la lettre d’appréciation, qui figurent respectivement aux pièces 10 et 9, je constate une grande amélioration de votre rendement depuis août 2007. Il appert même de la pièce 7 que vous avez reçu un « BRAVO ZULU » d’un commandant de brigade pour le professionnalisme dont vous avez fait preuve dans le cadre du soutien que vous avez fourni à un bombardier-chef. Bien que ce rapport comporte certains commentaires au sujet des aspects à rectifier, il y est également mentionné que vous avez corrigé rapidement les problèmes et que vous n’avez pas commis la même erreur deux fois.
[11] Les efforts que vous avez déployés depuis novembre 2006 sont remarquables. Ce n’est que par des efforts constants de votre part que vous pourrez rester sobre à l’avenir. Cette sobriété est nécessaire pour vous permettre de régler vos autres problèmes personnels et de poursuivre une belle carrière au sein des Forces canadiennes. Je vous considère aujourd’hui comme un jeune homme qui veut réussir et qui ne veut pas répéter les erreurs du passé. Votre chemin vers la guérison sera long et ardu. Je vous encourage à continuer à utiliser les moyens que les Forces canadiennes mettent à votre disposition pour vous aider à lutter contre vos démons, mais n’oubliez jamais que vous construisez vous-même votre avenir et que cet avenir dépend des efforts que vous déployez aujourd’hui. Efforcez-vous d’appliquer dans votre vie les leçons que d’innombrables soldats et matelots ont acquises dans le passé en temps de paix et de guerre : n’abandonnez jamais et donnez le meilleur de vous-même.
[12] Je ne crois pas qu’il soit nécessaire de mettre l’accent sur la dissuasion individuelle ou sur la réinsertion en l’espèce. La cour convient avec les deux avocats que, dans la présente affaire, la peine doit viser principalement la dissuasion générale, quoique cette peine - je reviendrai sur mes remarques précédentes. Vous avez montré à la cour que vous êtes en voie de réinsertion. La peine que la cour vous inflige aujourd’hui vous aidera à cette fin.
[13] Matelot de 2e classe Crawford, veuillez vous lever. L’entrave à un membre de la police militaire constitue un manquement à la discipline fondamental qui ne peut être puni par des peines qui ne traduisent pas la gravité objective et subjective de l’infraction. Je ne m’attarderai pas à l’infraction d’ivresse, parce qu’il semble que vous comprenez les répercussions que le fait de boire au point de vous enivrer a eues pour vous et pour la collectivité militaire.
[14] De plus, je n’ai obtenu qu’une description très brève de la façon dont vous avez entravé la police militaire et je conclus de cette description que la poursuite ne considère pas votre conduite comme l’un des exemples les plus flagrants d’entrave à un agent de la paix dans l’exécution de ses fonctions. Par ailleurs, je vous aurais infligé une amende beaucoup plus élevée, n’eut été des circonstances atténuantes, notamment votre enfance malheureuse et les efforts louables que vous déployez pour vous améliorer.
[15] Matelot de 2e classe Crawford, je vous condamne à une réprimande et à une amende de 300 $. Vous pouvez vous asseoir.
[16] L’amende sera payable en versements mensuels de 100 $ chacun, à compter du 1er mai 2008. Si vous êtes libéré des Forces canadiennes avant le paiement complet de l’amende, le montant non réglé sera exigible le jour précédant votre libération. Faites sortir le matelot de 2e classe Crawford.
LIEUTENANT-COLONEL J-G PERRON, J.M.
Avocats :
Le major B.J.A. McMahon, Direction des poursuites militaires, région du Centre
Procureur de Sa Majesté La Reine
Le capitaine B.L.J. Tremblay, Direction du service d’avocats de la défense
Avocat du matelot de 2e classe R.A. Crawford