Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l’ouverture du procès : 3 avril 2013.

Endroit : BFC Gagetown, édifice F-1, Oromocto (NB).

Chefs d’accusation
•Chef d’accusation 1 : Art. 130 LDN, possession non autorisée d’une arme prohibée (art. 91(2) C. cr.).
•Chef d’accusation 2 : Art. 130 LDN, possession d’une substance inscrite à l’annexe II (art. 4(1) LRCDAS).
•Chef d’accusation 3 : Art. 129 LDN, comportement préjudiciable au bon ordre et à la discipline.

Résultats
•VERDICTS : Chef d’accusation 1 : Non coupable. Chefs d’accusation 2, 3 : Coupable.
•SENTENCE : Une réprimande et une amende au montant de 400 $.

Contenu de la décision

COUR MARTIALE

 

Référence : R c Benedetti, 2013 CM 2008

Date : 20130403

Dossier : 201224

 

Cour martiale permanente

 

Base des Forces canadiennes Gagetown

Oromocto (Nouveau-Brunswick), Canada

Entre :

Sa Majesté la Reine

 

et

 

Caporal K. C. Benedetti, accusé

 

Devant : Le Capitaine de frégate P. J. Lamont, J.M.


 

TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE

 

MOTIFS DU VERDICT

 

(Prononcés de vive voix)

 

[1]        Le Caporal Benedetti fait face aux trois accusations figurant dans l’acte d’accusation. La première accusation, à laquelle il a plaidé non coupable, concerne une infraction aux termes de l’article 130 de la Loi sur la défense nationale, c’est-à-dire la possession non autorisée d’une arme prohibée, en violation du paragraphe 91(2) du Code criminel.

 

[2]        En cour martiale, comme dans le cadre de toute poursuite criminelle devant un tribunal canadien, il incombe à la poursuite de prouver la culpabilité de l'accusé hors de tout doute raisonnable. Dans un contexte juridique, il s’agit d’un terme technique dont la signification est reconnue. Si la preuve ne permet pas d’établir la culpabilité de l’accusé hors de tout doute raisonnable, celui-ci ne doit pas être déclaré coupable de l’infraction. Le fardeau de preuve à cet égard incombe à la poursuite, et il n’est jamais renversé. La personne accusée n’a pas à établir son innocence. En fait, l’accusé est présumé innocent à toutes les étapes de la procédure, jusqu’à ce que la poursuite ait prouvé sa culpabilité hors de tout doute raisonnable, au moyen d’une preuve admise par le tribunal.

 

[3]        Le doute raisonnable ne constitue pas une certitude absolue, mais la preuve qui ne mène qu'à conclure à la culpabilité probable n'est pas suffisante. Si la cour est plutôt convaincue que l’accusé est plus probablement coupable que non coupable, cela ne suffit pas pour le déclarer coupable hors de tout doute raisonnable; dans ce cas, l’accusé doit être acquitté. En effet, la norme de la preuve hors de tout doute raisonnable se rapproche beaucoup plus de la certitude absolue que d’une norme de culpabilité probable. Cependant, le doute raisonnable n’est pas un doute futile ou imaginaire. Il ne doit pas être fondé sur la sympathie ou sur un préjugé. Le doute raisonnable est fondé sur la raison et le sens commun découlant de la preuve ou de l’absence de preuve.

 

[4]        Le fardeau de la preuve hors de tout doute raisonnable s'applique à chacun des éléments constitutifs de l'infraction reprochée. En d’autres termes, si la preuve ne permet pas de prouver chacun des éléments de l’infraction hors de tout doute raisonnable, l’accusé doit être acquitté.

 

[5]        En l’espèce, selon les circonstances entourant le chef d’accusation no 1, le Caporal Benedetti, le 23 novembre 2011 ou aux environs de cette date, à la Base des Forces canadiennes Gagetown (Nouveau-Brunswick) ou à proximité, avait en sa possession une arme prohibée, soit un couteau papillon, sans détenir le permis nécessaire pour être en possession d’une telle arme.

 

[6]        Pendant son plaidoyer, l’avocat de la défense a indiqué à la cour, au nom du Caporal Benedetti, que ce dernier avait admis tous les éléments de l’infraction alléguée dans le cadre de la première accusation, sauf pour ce qui est de la question de savoir si l’article saisi trouvé sur le Caporal Benedetti était une arme prohibée. Le paragraphe 84(1) du Code criminel définit ce qu’est une arme prohibée. Selon le Code, « arme prohibée » s’entend :

 

(a) [D’]un couteau dont la lame s'ouvre automatiquement par gravité ou force centrifuge ou par pression manuelle sur un bouton, un ressort ou autre dispositif incorporé ou attaché au manche [...]

 

Et je saute la partie non pertinente.

 

[7]        En l’espèce, l’avocat de la poursuite affirme que l’article présenté en preuve (pièce 3) est une arme prohibée, car il s’agit d’un couteau dont la lame s’ouvre automatiquement par gravité ou force centrifuge.

 

[8]        Dans la décision R c. Richard et Walker, rendue au Nouveau-Brunswick en 1981 (63 CCC (2d) 333), le juge Limerick, au nom de la Cour d’appel, a traité une affaire semblable. Dans cette affaire, l’article était appelé un « couteau Buck », mais il semble que, à la lumière de la description de l’article, la question de savoir si le couteau Buck était une arme prohibée était largement fondée sur la définition d’une arme prohibée énoncée dans le Code criminel. Au paragraphe 8, le juge Limerick a écrit ce qui suit :

 

            [traduction]

                L’expression « arme prohibée » est visée par une définition précise à l’alinéa 82(1)b) du Code criminel, et tout couteau correspondant à la définition d’une arme prohibée énoncée dans cet alinéa est une « arme prohibée », même si le couteau entre dans la définition ordinaire du mot « arme ». Ainsi, un couteau peut être une « arme prohibée » même s’il n’a pas été conçu pour être utilisé comme tel si sa lame, en raison de l’usure ou d’une modification, peut s’ouvrir entièrement par force centrifuge ou gravité ou par pression manuelle sur un bouton, un ressort ou autre dispositif incorporé ou attaché au manche. En d’autres termes, c’est non pas la conception, mais plutôt la capacité qui permet de déterminer si le couteau est une « arme prohibée ». La conception ou l’utilisation prévue du couteau n’est pas un facteur permettant de déterminer si le couteau est une « arme prohibée ». Il faut plutôt établir si le couteau peut être utilisé en tant qu’arme.

 

[9]        Je suis d’accord en grande partie avec les observations du juge Limerick dans cette affaire. Il n’est pas utile de se demander si la pièce 3 qui m’a été présentée a été conçue de manière à correspondre à la définition d’une arme prohibée ou de répondre à cette question. Je suis plutôt préoccupé par la capacité de cet article.

 

[10]      J'ai examiné l’article pendant un certain temps. Il ne fait aucun doute qu’il s’agit d’un couteau. La lame du couteau semble être dissimulée dans le manche. Le manche lui-même est divisé en deux parties dans le sens de la longueur. Quand les deux parties du manche sont séparées, la lame apparaît. Au bout du manche se trouve ce que les avocats ont appelé un verrou ou peut-être une attache, qui semble relier les deux parties du manche du couteau. Ce n’est que lorsque le mécanisme est relâché que les deux parties du manche peuvent être séparées afin d’exposer la lame du couteau.

 

[11]      En position fermée, quand le verrou ou l’attache retient les deux moitiés du manche ensemble, il est évident qu’en touchant simplement une moitié du manche on peut déclencher l’ouverture si le couteau pointe vers le haut. Une fois le mécanisme relâché, on n’a qu'à faire un petit mouvement rapide du poignet pour que la lame du couteau soit entièrement exposée. J'ai conclu que, comme l’attache peut s’ouvrir par gravité si on touche le manche, ce couteau peut s’ouvrir par gravité.

 

[12]      L’attache qui retient les deux moitiés du manche du couteau ensemble est une pièce de métal qui semble être logée dans un espace prévu à cet effet dans une des moitiés du manche. L’attache, comme je l'ai mentionné, peut être défaite très facilement. En effet, on peut, selon moi, décrire le mécanisme d’attache de ce couteau comme un « déclic de détente », pour faire une analogie avec les armes à feu.

 

[13]      À la lumière de tous les éléments de preuve qui m’ont été présentés, y compris la pièce 3, je suis convaincu hors de tout doute raisonnable que le couteau (pièce 3) est actuellement une arme prohibée selon la définition du Code criminel.

 

[14]      Voici la question qui me trouble : quelle était la condition de l’attache du couteau au moment où le Caporal Benedetti l’avait en sa possession, comme ce dernier l’a admis? J’ai entendu le témoignage du Caporal Hunter, policier militaire, qui a indiqué avoir obtenu l’article des mains du responsable des pièces à conviction, vraisemblablement pour se préparer à comparaître en cour aujourd’hui, mais je ne dispose pas d’éléments de preuve portant sur la condition de l’attache du couteau au moment où ce dernier a été trouvé sur le Caporal Benedetti.

 

[15]      Après avoir manipulé à quelques reprises le mécanisme d’attache du couteau, je me suis rendu compte qu’il est maintenant plus facile à ouvrir que lorsque je l’ai essayé la première fois, et il semble donc que le mécanisme d’attache était plus ferme et sécuritaire auparavant, avant que je ne l’examine aujourd’hui.

 

[16]      Ce n’est ni mon devoir ni mon intention de spéculer sur la condition du couteau au moment où il a été trouvé sur le Caporal Benedetti, mais je ne peux affirmer que je suis convaincu hors de tout doute raisonnable que l’attache à la pièce 3 n’était pas beaucoup plus sécuritaire à l’époque qu’elle ne l’est maintenant. Par conséquent, je ne suis pas convaincu hors de tout doute raisonnable que, le 23 novembre 2011, le Caporal Benedetti était en possession d’une arme prohibée. Je ne doute pas que, à l’heure actuelle, l’article est une arme prohibée.

 

POUR CES MOTIFS, LA COUR :

 

[17]      VOUS DÉCLARE non coupable de l’accusation no 1, soit une infraction prévue à l’article 130 de la Loi sur la défense nationale, en violation du paragraphe 91(2) du Code criminel.

 


 

Avocats

 

Major P. Rawal, Service canadien des poursuites militaires

Procureur de Sa Majesté la Reine

 

Major D. Berntsen, Direction du service d’avocats de la défense

Avocat du Caporal Benedetti

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