Cour martiale
Informations sur la décision
Date de l'ouverture du procès : 6 mai 2008
Endroit : BFC/USS Gagetown, Édifice F1, Oromocto (NB).
Chefs d'accusation
•Chefs d'accusation 1, 2 : Art. 117f) LDN, a commis un acte caractère frauduleux non expressément visé aux articles 73 à 128 de la Loi sur la défense nationale.
Résultats
•VERDICT : Chef d'accusation 1 : Non coupable. Chef d'accusation 2 : Coupable.
•SENTENCE : Une réprimande et une amende au montant de 1500$.
Contenu de la décision
Référence : R. c. le sergent K.J. McLean, 2008 CM 4005
Dossier : 200749
COUR MARTIALE PERMANENTE
CANADA
NOUVEAU-BRUNSWICK
BASE DES FORCES CANADIENNES GAGETOWN
Date : 6 mai 2008
SOUS LA PRÉSIDENCE DU LIEUTENANT-COLONEL J-G. PERRON, J.M.
SA MAJESTÉ LA REINE
c.
LE SERGENT K.J. MCLEAN
(contrevenant)
SENTENCE
(prononcée de vive voix)
[1] Sergent McLean, ayant accepté et inscrit votre plaidoyer de culpabilité à l’égard du chef d’accusation numéro deux, la cour vous déclare maintenant coupable de cette accusation. Vous pouvez rompre et vous asseoir aux côtés de votre avocat.
[2] Vous avez plaidé coupable à une accusation portée en vertu de l’alinéa 117f) de la Loi sur la défense nationale. Les circonstances entourant la perpétration de cette infraction sont exposées dans le sommaire des circonstances, dont vous avez officiellement admis les faits comme preuve concluante de votre culpabilité.
[3] Vous avez été transféré du 2e Régiment, Royal Canadian Horse Artillery, USS/BFC Petawawa, à l'École du Régiment royal de l'Artillerie canadienne, USS/BFC Gagetown, en janvier 2006. Vous avez indiqué au représentant de Royal LePage que vous iriez à Gagetown avec votre femme et vos quatre enfants. Le 2 février 2006, vous avez signé votre réclamation finale pour ce poste et déclaré que les dépenses réclamées avaient été engagées en sachant pertinemment que vous n’aviez pas voyagé avec votre ex-conjointe et vos quatre enfants. Une vérification de votre réclamation a permis de déterminer que vous aviez fraudé le ministère de la Défense nationale d’un montant de 2 832,50 $.
[4] Les principes de détermination de la peine, qui sont les mêmes devant une cour martiale et devant un tribunal civil de compétence criminelle au Canada, ont été énoncés de différentes manières. En règle générale, ces principes s’appuient sur le besoin de protéger le public, lequel comprend, bien entendu, les Forces canadiennes. Le principe fondamental est celui de la dissuasion, qui comprend la dissuasion particulière, à savoir l’effet dissuasif produit sur une personne en particulier, ainsi que la dissuasion générale, à savoir l’effet dissuasif produit sur toute personne qui pourrait être tentée de commettre des infractions du même genre. Ces principes comprennent également le principe de la dénonciation du comportement illégal et, enfin et surtout, celui de l’amendement et de la réadaptation du contrevenant.
[5] Il revient à la cour de déterminer ce qui protégera le mieux le public : la dissuasion, la réadaptation, la dénonciation ou une combinaison de ces principes. Elle a également tenu compte des orientations énoncées aux articles 718 à 718.2 du Code criminel du Canada. L’article 718 établit que le prononcé des peines a pour objectif essentiel de contribuer au respect de la loi et au maintien d’une société juste et paisible par l’infliction de sanctions justes visant un ou plusieurs des objectifs suivants : dénoncer le comportement illégal; dissuader les délinquants, et quiconque, de commettre des infractions; isoler, au besoin, les délinquants du reste de la société; favoriser la réinsertion sociale des délinquants; assurer la réparation des torts causés aux victimes ou à la collectivité; susciter la conscience de leurs responsabilités chez les délinquants, notamment par la reconnaissance du tort qu’ils ont causé aux victimes et à la collectivité.
[6] Lorsqu’elle inflige une peine, la cour doit également suivre les directives de l’article 112.48 des Ordonnances et règlements royaux, qui lui impose de tenir compte de toutes les conséquences indirectes de son verdict ou de la peine qu’elle prononce et d’infliger une peine proportionnée à la gravité de l’infraction et aux antécédents du contrevenant. Habituellement, elle doit aussi tenir compte du fait que les peines infligées à des contrevenants qui commettent des infractions comparables dans des circonstances similaires ne doivent pas être disproportionnées.
[7] Je n’ai pas été en mesure d’accomplir cet exercice de comparaison étant donné que l’avocat ne m’a pas fourni de jurisprudence. Bien que j’aie considéré les principes et les objectifs établis aux articles 718 à 718.2 du Code criminel du Canada et que je les aie pris en compte lorsque j’ai examiné la recommandation conjointe, je suis conscient que le but ultime du prononcé de la peine dans le cadre d’une procédure de la cour martiale est le rétablissement de la discipline chez le contrevenant et dans la société militaire. En outre, la cour doit infliger seulement la peine qui est nécessaire pour maintenir la discipline.
[8] La poursuite et votre avocat ont proposé conjointement un blâme et une amende de 1 500 $. Votre avocat a également recommandé un calendrier de versements mensuels pour une période d’un an.
[9] La Cour d’appel de la cour martiale a affirmé clairement que le juge appelé à prononcer une peine ne peut rejeter la recommandation conjointe des avocats que si la peine proposée est de nature à déconsidérer l’administration de la justice ou n’est pas dans l’intérêt public.
[10] Je traiterai tout d’abord des facteurs aggravants de cette affaire. Le montant de la fraude est important. Vous aviez 38 ans au moment de l’infraction et vous comptiez environ 16 ans de service. Vous êtes sergent. Vous faisiez partie des Forces canadiennes depuis assez longtemps et vous aviez l’expérience nécessaire pour savoir que frauder les Forces canadiennes n’était pas une bonne idée.
[11] J’aborderai maintenant des circonstances atténuantes que révèle la preuve. Vous n’avez pas de fiche de conduite et il s’agit de votre première infraction. Vous avez collaboré avec la police militaire lors de son enquête et vous avez admis votre erreur lors de votre entretien avec la police militaire. Vous avez également déclaré, il y a quelques mois, que vous souhaitiez plaider coupable à votre procès.
[12] Dans la jurisprudence canadienne, le fait de plaider coupable dès le début et de collaborer avec la police est généralement considéré comme un signe tangible que le contrevenant éprouve du remords à l’égard de ses actes et qu’il assume la responsabilité de ses actes illicites et du préjudice qui en a découlé. Par conséquent, ce comportement est habituellement considéré comme des circonstances atténuantes. En règle générale, on considère que cette approche n’est pas contradictoire avec le droit au silence et le droit d’exiger du ministère public qu’il prouve hors de tout doute raisonnable les chefs d’accusation qui pèsent contre l’accusé. On y voit plutôt un moyen pour les tribunaux d’imposer une peine moins sévère en tenant compte du fait que le plaidoyer de culpabilité signifie généralement que l’accusé désire assumer ses responsabilités pour ses actions, que les témoins n’auront pas à témoigner et que les frais liés à une procédure judiciaire seront largement réduits.
[13] Vous avez servi le Canada et les Forces canadiennes pendant 19 ans et vous avez été déployé en Afghanistan une fois. Il semble que vous aviez un dossier vierge jusqu’à aujourd’hui. J’ai bien examiné les rapports de cours fournis en pièce 7, les lettres de remerciements et les lettres d’évaluation fournies en pièce 8, la lettre du capitaine Little (pièce 10) et la lettre de votre commandant d’unité actuel, le lieutenant‑colonel McPherson, en pièce 11. Toutes ces pièces font état des qualités et des traits de personnalité que nous recherchons chez un sous-officier. Elles dressent le portrait d’un soldat solide qui fait passer les intérêts de l’organisation avant ses propres intérêts. Elles décrivent aussi un soldat qui prend soin de ses subordonnés.
[14] Je suis d’accord avec votre avocat lorsqu’il déclare que vous avez conservé la confiance de votre chaîne de commandement. La lettre du lieutenant-colonel McPherson est sans équivoque dans sa description de votre rendement et de votre potentiel en tant que soldat et chef de file. Le capitaine Little vous a également accordé son appui total et a indiqué qu’il n’hésiterait pas à recourir à vos services dans sa prochaine mission en Afghanistan.
[15] Le lieutenant-colonel McPherson a déclaré que : [Traduction] « la situation en cause n’est attribuable qu’à un manque de jugement momentané ». Il estime aussi que cette « erreur mal avisée » ne devrait pas être retenue contre vous. La situation qui a mené à cette procédure disciplinaire ne vous ressemble effectivement pas lorsque l’on considère les pièces 7, 8, 10 et 11. Cela ressemble aussi à un manque de jugement. Je n’irais pas jusqu’à dire qu’il s’agit d’une « erreur mal avisée » parce que je ne dispose d’aucune preuve me permettant d’expliquer pourquoi vous avez pris cette direction. Vous avez admis votre responsabilité en plaidant coupable, mais vous n’avez pas expliqué à ce tribunal pourquoi vous avez agi ainsi.
[16] Malgré le fait que la présente mesure disciplinaire planait au‑dessus de votre tête et que vous veniez de subir la perte de votre fils, vous avez continué de donner le même rendement que vous avez toujours donné durant votre carrière. Comme il est d’usage, vous devrez rembourser le montant de 2 832,50 $ aux Forces canadiennes. J’ai également examiné le Programme de counseling financier du RARM en pièce 9 pour déterminer la peine juste dans cette affaire.
[17] Sergent McLean, veuillez vous lever. Vous avez pris des décisions très irréfléchies au début de l’année 2006. Vous avez admis votre erreur à la première occasion, lorsque vous avez été interrogé par la police militaire. J’espère que vous avez compris la leçon. À première vue, je trouve que la peine proposée est relativement clémente si je la compare avec d’autres cas de fraude que j’ai jugés pour des montants similaires à l’affaire qui nous occupe. Mais après avoir étudié l’ensemble de la preuve présentée et les observations présentées par le procureur et votre avocat, je suis arrivé à la conclusion que la peine proposée ne jette pas le discrédit sur l’administration de la justice et qu’elle est rendue dans l’intérêt du public. Par conséquent, je suis d’accord avec la recommandation conjointe du procureur et de votre avocat. Cette peine, si elle établit clairement que les réclamations frauduleuses seront punies, doit également tenir compte de la gravité de l’infraction et de la personnalité du contrevenant. J’ai aussi tenu compte des conséquences indirectes de la peine.
[18] Sergent McLean, je vous condamne à un blâme et à une amende de 1 500 $. Cette amende doit être payée par versements mensuels de 150 $ à compter du 1er juin 2008. Si vous quittez les Forces canadiennes, le montant total à payer devra alors être acquitté avant la date officielle de votre libération des Forces canadiennes.
[19] L’instance de la présente cour martiale concernant le Sergeant McLean est terminée.
LIEUTENANT-COLONEL J-G. PERRON, J.M.
AVOCATS :
Le Major B.J.A. McMahon, Poursuites militaires régionales (Centre)
Procureur de Sa Majesté la Reine
M. D. Bright, c.r., Boyne Clarke Barristers and Solicitors, 33 Alderney Drive, bureau 700, Dartmouth (Nouvelle-Écosse)
Avocat du sergent K.J. McLean