Cour martiale
Informations sur la décision
Date de l'ouverture du procès : 14 octobre 2008
Endroit : BFC Shilo, Aménagements multiples pour l'entraînement, Édifice C-106, Shilo (MB)
Chefs d'accusation
•Chef d'accusation 1 : Art. 130 LDN, homicide involontaire (art. 236a) C. cr.).
•Chef d'accusation 2 : Art. 124 LDN, a exécuté evec négligence une tâche militaire.
Résultats
•Verdicts : Chefs d'accusation 1, 2 : Retirés.
Contenu de la décision
Référence : R. c. Caporal‑chef R.M.F. Fraser, 2008 CM 2014
Dossier : 2007-67
PROCÉDURE PRÉLIMINAIRE
CANADA
QUÉBEC
CENTRE ASTICOU
Date : Le 19 septembre 2008
SOUS LA PRÉSIDENCE DU CAPITAINE DE FRÉGATE P.J. LAMONT, J.M.
CAPORAL‑CHEF R.M.F. FRASER
(Requérant)
c.
SA MAJESTÉ LA REINE
(Intimée)
DÉCISION CONCERNANT UNE DEMANDE
SUIVANT L’ARTICLE 112.03 DES ORFC
EN VUE DE FIXER UNE NOUVELLE DATE DE PROCÈS
TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE
[1] Le Caporal‑chef R.M.F. Fraser est accusé dans un acte d’accusation de
deux infractions à la Loi sur la défense nationale : une accusation d’homicide involontaire, prévue au Code criminel, et une accusation de négligence dans l’exécution d’une tâche militaire, prévue à l’article 124 de la Loi sur la défense nationale, infractions qui auraient été commises le 9 août 2006. Le procès doit commencer le 14 octobre 2008, à la Base des Forces canadiennes Shilo, au Manitoba, devant une cour martiale générale.
[2] Par voie d’avis de demande daté du 5 septembre 2008 et qui devait être présenté le 17 septembre 2008 (produit sous la cote PP1-1) , l’accusé, par l’entremise de son avocat, cherche à obtenir une nouvelle date de procès. Le 19 septembre 2008, j’ai entendu la demande à Gatineau, au Québec, par videoconférence. À la fin de la plaidoirie, j’ai rejeté la demande en indiquant que les motifs seraient déposés ultérieurement. Voici ces motifs.
[3] Le requérant cherche à obtenir une nouvelle date de procès en raison de ce qu’on présente comme un défaut de la poursuite de divulguer entièrement sa preuve suivant l’arrêt R. c. Stinchcombe, [1991] 3 R.C.S. 326. Le document en question est décrit comme étant les [traduction] « notes prises à l’audience » par le dénommé Darryl G. Barr, spécialiste judiciaire au sein de la section des armes à feu du Laboratoire judiciaire de la Gendarmerie royale du Canada à Halifax. Si je comprends bien, il s’agit des documents de travail que M. Barr a préparés lorsqu’il a examiné le fusil automatique C7A2 des Forces canadiennes. L’arme en question fait l’objet du rapport de M. Barr daté du 9 septembre 2008 et envoyé au Service national des enquêtes des Forces canadiennes à Edmonton. On m’a informé que la défense a reçu le rapport le 14 septembre 2008, neuf jours suivant le dépôt de la présente demande. Depuis lors, la défense a demandé à la poursuite les documents de travail en question. À la date de la plaidoirie pour la présente demande, les documents de travail de M. Barr ne se trouvaient pas encore en la possession de la poursuite et n’avaient pas encore été transmis à la défense, mais on s’attend à ce que la poursuite et la défense reçoivent lesdits documents d’ici environ une semaine.
[4] Au cours de l’argumentation, l’avocat m’a dit que la défense souhaite soumettre le rapport de M. Barr ainsi que ses documents de travail à son propre expert. L’avocat indique que la défense a besoin d’un délai d’au moins 90 jours pour que l’expert examine les documents en cause et qu’il prépare la preuve de la défense, et pour que lui‑même donne préavis de son intention de déposer le témoignage d’un expert selon l’article 657.3 du Code criminel. Pour ces motifs, la défense demande une nouvelle date de procès.
[5] La poursuite s’oppose à l’ajournement du procès. L’avocat de la poursuite souligne que le rapport de M. Barr daté du 9 septembre 2008 n’est que le dernier des quatre rapports rédigés par M. Barr, et que tous ces rapports ont été communiqués à la défense au fur et à mesure qu’ils étaient prêts, à différents moments à partir du début d’août 2007, où le premier rapport daté du 26 septembre 2006 a été communiqué. Ce n’est que très récemment que la défense a demandé pour la première fois les documents de travail de M. Barr, qu’elle obtiendra sous peu.
[6] J’ai examiné les copies des quatre rapports signés par M. Barr. Les trois premiers rapports ont été communiqués avant la fin de novembre 2007. Ils portaient sur l’examen effectué par M. Barr du fusil C7A2 susmentionné et de deux autres armes à feu, d’une douille, de trois cartouches endommagées, de divers fragments de métal et de divers articles vestimentaires et d’équipement. Le quatrième rapport, qui est le plus récent, porte sur un G-Wagon, décrit comme un véhicule utilitaire léger des Forces canadiennes, censé être [traduction] « le type de véhicule impliqué dans l’incident ». Un examen a été effectué dans le but de déterminer certaines distances à l’intérieur du G‑Wagon et l’emplacement du fusil C7A2 par rapport au défunt.
[7] La poursuite soutient que, pour statuer sur la demande, la cour devrait tenir compte de l’arrêt de la Cour suprême du Canada Darville c. La Reine (1956) 116 C.C.C. 113. Plus précisément, la poursuite soutient que la défense se rend coupable de retard ou de négligence en omettant d’assurer la présence d’un témoin expert bien préparé, et qu’elle n’a donc pas respecté les conditions applicables à l’octroi d’un ajournement énoncées dans Darville par les juges Taschereau et Cartwright.
[8] Je ne suis pas convaincu que les facteurs énoncés dans Darville s’appliquent en l’espèce. Dans l’affaire Darville, l’ajournement du procès était demandé pour que la défense puisse assigner des témoins. En l’espèce, la défense n’a pas encore trouvé un expert convenable, et elle ignore ce qu’un expert de la défense pourra dire, et elle n’aurait donc pas pu décider si elle devait faire témoigner un enquêteur en armes.
[9] Je ne considère pas non plus qu’il s’agit en l’espèce d’une question de défaut de s’acquitter de l’obligation de divulgation. Selon la défense, les documents de travail d’un témoin expert comme M. Barr relèvent de l’obligation de la poursuite reconnue dans l’arrêt Stinchcombe et ils auraient dû être divulgués au moment où le rapport de M. Barr a été présenté, même en l’absence d’une demande expresse de la défense à cet égard. Si tel était le cas, pour s’acquitter de l’obligation de diligence raisonnable dont la Cour suprême du Canada parle dans l’arrêt R. c. Dixon, [1998] 1 R.C.S. 244, la défense aurait dû aviser la poursuite de cette omission il y a longtemps, au moment de la publication des trois premiers rapports, apparemment sans les documents de travail. On ne m’a présenté aucun motif justifiant le fait que la défense a cherché à obtenir ces documents pour la première fois il y a seulement quelques jours avant de plaider la présente demande.
[10] Il appartient au juge de décider s’il y a lieu d’octroyer un ajournement du procès. Ce pouvoir discrétionnaire doit être exercé judiciairement en tenant compte de l’ensemble des circonstances pertinentes. Voici les circonstances pertinentes en l’espèce :
a. la date du procès a été fixée depuis plusieurs mois, apparemment avant que le Lieutenant‑colonel Sweet ne soit engagé comme avocat de la défense, à la fin d’avril ou au début de mai 2008;
b. une période de trois semaines du calendrier de la cour a été réservée pour le procès;
c. cinq membres des Forces canadiennes et trois substituts ont été
nommés par l’ordre de convocation pour constituer le comité de la
cour et ont reçu l’ordre de comparaître et de demeurer à la
disposition de la cour pendant le procès;
d. la poursuite a convoqué 31 témoins;
e. il s’agit de la première demande présentée par l’une ou l’autre des parties en vue de faire ajourner le procès;
f. la défense savait dès le début d’août 2007 qu’il était possible que la poursuite appelle à témoigner un enquêteur en armes à feu;
g. à ce stade, la défense semble n’avoir fait que des démarches préliminaires en vue de consulter un expert convenable.
[11] Dans les circonstances, je ne suis pas convaincu que le requérant ait fourni des motifs suffisants pour que le procès soit ajourné, et par conséquent, la demande est rejetée.
[12] Cela dit, il se peut qu’une fois les rapports et les documents de travail examinés par un expert de la défense, celui‑ci estime avoir besoin d’une certain temps pour procéder à un interrogatoire et préparer son témoignage. La défense a bien sûr la possibilité de présenter une nouvelle demande d’ajournement si son expert ne dispose pas de suffisamment de temps pour se préparer, mais je m’attendrais normalement à entendre la preuve du témoin expert proposé à l’appui de la demande.
[13] Enfin, j’ordonne que les présents motifs ne soient pas rendus publics de quelque manière que ce soit jusqu’à ce que la poursuite prenne fin pour quelque raison que ce soit, ou jusqu’à ce que le comité de la présente cour martiale générale prononce ses conclusions, selon que l’un ou l’autre fait se produit en premier lieu.
LE CAPITAINE DE FRÉGATE P.J. LAMONT, J.M.
AVOCATS :
Lieutenant-colonel D.T. Sweet
Avocat du Caporal‑chef R.M.F. Fraser
Lieutenant-colonel B.W. MacGregor
Procureur de Sa Majesté la Reine