Cour martiale
Informations sur la décision
Date de l'ouverture du procès : 22 août 2008
Endroit : BFC Gagetown, Édifice F1, Oromocto (NB)
Chefs d'accusation
•Chef d'accusation 1 (subsidiaire au chef d'accusation 2) : Art. 130 LDN, emploi d'un document contrefait (art. 368 C. cr.).
•Chef d'accusation 2 (subsidiaire au chef d'accusation 1) : Art. 117f) LDN, a commis un acte de caractère frauduleux non expressément visé aux articles 73 à 128 de la Loi sur la défense nationale.
•Chef d'accusation 3 (subsidiaire au chef d'accusation 4) : Art. 130 LDN, emploi d'un document contrefait (art. 368 C. cr.).
•Chef d'accusation 4 (subsidiaire au chef d'accusation 3) : Art. 117f) LDN, a commis un acte de caractère frauduleux non expressément visé aux articles 73 à 128 de la Loi sur la défense nationale.
•Chef d'accusation 5 : Art. 125 LDN, a fait volontairement une fausse déclaration dans un document officiel signé de sa main.
Résultats
•Verdicts : Chefs d'accusations 1, 3 : Une suspension d'instance. Chefs d'accusation 2, 4, 5 : Coupable.
•SENTENCE : Un blâme et une amende au montant de 2400$.
Contenu de la décision
Référence : R. c. Caporal T.J. Buck, 2008 CM 2013
Dossier : 200858
COUR MARTIALE PERMANENTE
CANADA
NOUVEAU-BRUNSWICK
BASE DES FORCES CANADIENNES DE GAGETOWN
Date: 22 août 2008
PRÉSIDENT : COMMANDANT P.J. LAMONT, J.M.
SA MAJESTÉ LA REINE
c.
CAPORAL T.J. BUCK
(Accusée)
SENTENCE
(Prononcée oralement)
[1] Caporal Buck, ayant accepté et enregistré votre plaidoyer de culpabilité relativement au deuxième et au quatrième chefs d’accusation portés contre vous, des accusations se rapportant à des actes frauduleux, de même qu’au cinquième chef d’accusation, une accusation visant une déclaration délibérément fausse dans un document officiel que vous avez signé, la cour vous déclare maintenant coupable des deuxième, quatrième et cinquième chefs d’accusation et ordonne la suspension de l’instance en ce qui a trait aux premier et troisième chefs.
[2] Il incombe maintenant à la cour de déterminer votre sentence. Pour ce faire, la cour a tenu compte des principes de la détermination de la sentence qu’appliquent les cours ordinaires de juridiction criminelle du Canada ainsi que les cours martiales. La cour a également tenu compte des faits de l’espèce décrits dans le sommaire des circonstances (pièce 6) des éléments de preuve recueillis pendant la phase préliminaire et des plaidoiries de la poursuite et de la défense.
[3] Les principes de la détermination de la sentence guident la cour dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire en vue de déterminer une sentence adéquate et adaptée à chaque cas. En règle générale, la sentence doit correspondre à la gravité de l’infraction, à l’attitude blâmable et au degré de responsabilité de son auteur ainsi qu’à sa moralité. La cour se fonde sur les sentences prononcées par les autres tribunaux dans des affaires similaires, non parce qu’elle respecte aveuglément les précédents, mais parce que son sens commun de la justice veut qu’elle juge de façon similaire les affaires similaires. Néanmoins, lorsqu’elle détermine la sentence, elle tient compte des nombreux facteurs qui distinguent chaque affaire dont elle est saisie, tant des circonstances aggravantes susceptibles de justifier une sentence plus sévère que des circonstances atténuantes susceptibles de justifier une sentence moins sévère.
[4] Les buts et les objectifs de la détermination de la sentence ont été exposés de diverses manières dans de nombreuses affaires antérieures. En règle générale, ils concernent la nécessité de protéger la société, y compris, bien entendu, les Forces canadiennes, en favorisant le développement et le maintien d’une collectivité juste, paisible, sûre et respectueuse de la loi. Fait important, dans le contexte des Forces canadiennes, ces objectifs incluent le maintien de la discipline, cette habitude d’obéir si nécessaire à l’efficacité d’une force armée. Ces buts et objectifs comprennent aussi un volet dissuasion individuelle, pour éviter toute récidive du contrevenant, et un volet dissuasion générale, pour éviter que d’autres ne soient tentés de suivre son exemple. La sentence a aussi pour objet d’assurer la réadaptation du contrevenant, de promouvoir son sens des responsabilités et de dénoncer les comportements illégaux.
[5] Il est normal qu’au cours du processus permettant d’arriver à une sentence juste et adaptée à chaque cas, certains de ces buts et objectifs l’emportent sur d’autres. Toutefois, il incombe à la cour chargée de déterminer la sentence de les prendre tous en compte; une sentence juste et adaptée est une sage combinaison de ces buts, adaptée aux circonstances particulières de l’espèce.
[6] Comme la cour vous l’a expliqué lorsque vous avez fait votre déclaration de culpabilité, l’article 139 de la Loi sur la défense nationale prévoit les différentes sentences qu’une cour martiale peut infliger. Ces sentences sont limitées par la disposition de la loi qui crée l’infraction et qui prévoit une sentence maximale. Un contrevenant reçoit une seule sentence, qu’il ait été déclaré coupable d’une ou de plusieurs infractions, mais cette sentence peut prévoir plusieurs sentences. Un principe important veut que la cour inflige la sentence la moins sévère permettant de maintenir la discipline. Pour déterminer la sentence, dans cette affaire, la cour a tenu compte des conséquences directes et indirectes sur l’accusée de la déclaration de culpabilité et de la sentence qu’elle va infliger.
[7] En ce qui concerne les faits du dossier, en bref, l’accusée a présenté par écrit en mai 2007 une demande de paiement à tirer des fonds publics pour des dépenses engagées pour son déménagement de la Base des Forces canadiennes de Greenwood à la Base de Gagetown. Elle a faussement déclaré qu’elle avait dû loger à l’hôtel pendant vingt jours, alors qu’en réalité elle ne l’avait fait que cinq nuitées. Quand elle a été questionnée au sujet des différences apparentes, elle a changé sa déclaration quant au nombre total de jours réclamés, mais a quand même tenté de frauder. Le montant total réclamé s’élevait à un certain moment à 5802,80$, mais l’accusée aurait eu droit à une partie de ce montant, d’après ce que je comprends, alors le montant de la fraude est quelque peu inférieur à cette somme. On m’a informé que les sommes ont été payées avant le déménagement et que les sommes dues ont été récupérées. Autrement dit, la restitution des fonds ne constitue pas un problème.
[8] Les avocats préconisent une sévère réprimande et une amende de 2400$. La détermination de la sentence revient bien entendu à la cour, mais, comme dans ce cas-ci, lorsque les avocats des parties s’accordent sur la sentence à infliger, leur recommandation a beaucoup de poids pour la cour. Les cours d’appel du Canada, y compris la Cour d'appel de la cour martiale, ont établi que le tribunal qui prononce la sentence ne doit pas écarter les requêtes conjointes des avocats, à moins que la requête ne soit, selon la cour, contraire à l’intérêt public ou que la sentence ne soit par ailleurs susceptible de déconsidérer l’administration de la justice.
[9] D’après l’ensemble de la preuve entendue, la cour conclut que les infractions commises ne reflétaient pas les habitudes de l’accusée. Cette dernière a servi comme technicienne médicale et n’a commis aucune infraction disciplinaire au cours des six années de service qu’elle a complétées. D’après ses deux derniers Rapports d'évaluation de rendement, l’accusée est considérée comme une professionnelle accomplie qui traite bien ses subordonnés. L’accusée a plaidé coupable et avait fait connaître son intention de le faire à la poursuite tôt dans le dossier. La cour considère qu’elle a ainsi manifesté un remords réel. De plus, la cour tient compte des conditions financières particulières de l’accusée, mère monoparentale d’un enfant de neuf ans.
[10] Toutefois, la cour considère que les infractions commises impliquaient une certaine part de planification et d’exécution; l’accusée n’a pas immédiatement reconnu son infraction, mais a plutôt tenté d’échapper aux conséquences en faisant de fausses déclarations verbales au représentant des services de transfert.
[11] Considérant toutes ces circonstances, la cour ne peut affirmer que la requête des avocats est contraire à l’intérêt public et que la sentence est par ailleurs susceptible de déconsidérer l’administration de la justice. En effet, selon la cour, les mesures proposées sont tout à fait dans les limites des sentences infligées pour ces types d’infractions; en conséquence, la cour accueille la requête conjointe.
[12] Veuillez vous lever, caporal Buck. La cour vous inflige une réprimande sévère et vous impose une amende de 2400$. L’amende est payable sur-le-champ.
COMMANDANT P.J. LAMONT, J.M.
Avocats :
Major J.J. Samson, Direction des procureurs militaires, région de l’Ouest
Procureur de Sa Majesté la Reine
Lieutenant-Colonel T. Sweet, Direction du service d’avocats de la défense
Avocat du caporal Buck