Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l’ouverture du procès : 25 février 2013.

Endroit : BFC Valcartier, édifice 534, l’Académie, Courcelette (QC).

Chefs d’accusation
•Chef d’accusation 1 (subsidiaire aux chefs d’accusation 2, 3) : Art. 130 LDN, avoir commis une fraude (art. 380(1) C. cr.).
•Chef d’accusation 2 (subsidiaire au chef d’accusation 1) : Art. 117f) LDN, a commis un acte à caractère frauduleux non expressément visé aux articles 73 à 128 de la Loi sur la défense nationale.
•Chef d’accusation 3 (subsidiaire au chef d’accusation 1) : Art. 117f) LDN, a commis un acte à caractère frauduleux non expressément visé aux articles 73 à 128 de la Loi sur la défense nationale.
•Chef d’accusation 4 : Art. 125a) LDN, a fait volontairement une fausse déclaration dans un document officiel signé de sa main.

Résultats
•VERDICTS : Chefs d’accusation 1, 4 : Coupable. Chefs d’accusation 2, 3 : Une suspension d’instance.
•SENTENCE : Détention pour une période de 30 jours et une rétrogradation au grade de sergent.

Contenu de la décision

COUR MARTIALE

 

Référence : R c Arsenault, 2013 CM 4007

 

Date : 20130425

Dossier : 201254

 

Cour martiale permanente

 

Garnison Valcartier

Valcartier (Québec) Canada

 

Entre :

 

Sa Majesté la Reine

 

- et -

 

Adjudant P.D. Arsenault, contrevenant

 

Devant : Lieutenant-colonel J-G Perron, J.M.


 

MOTIFS DE LA SENTENCE

 

(Oralement)

 

[1]        Adjudant Arsenault, suite à un procès complet la cour vous a trouvé coupable d'un chef d'accusation déposé en vertu de l'article 130 de la Loi sur la défense nationale, soit d'avoir commis une fraude contrairement à l'article 380(1) du Code criminel du canada et d'un chef d'accusation déposé en vertu du paragraphe 125a) de la Loi sur la défense nationale, soit d'avoir fait volontairement une fausse déclaration dans un document officie signé de sa main. Je dois maintenant imposer une peine appropriée et cette peine se doit la peine minimale requise dans les circonstances de l'affaire pour assurer les fins de la discipline.

 

[2]        La Cour d'appel de la cour martiale du Canada nous indique aux paragraphes 30 à 33 de l'arrêt 2009 CACM 5 Le soldat R.J. Tupper et Sa Majesté La Reine qu'un juge militaire doit tenir compte des objectifs fondamentaux de la détermination de la peine qui figurent aux articles 718 et suivants du Code criminel. «  La peine doit aussi être proportionnelle à la gravité de l'infraction et au degré de responsabilité du délinquant » et elle doit être « semblable à celles infligées à des délinquants pour des infractions semblables commises dans des circonstances semblables. » Un délinquant ne devrait pas être privé de sa liberté lorsque les circonstances justifient l'imposition de sanctions moins contraignantes.

 

L'article 718 du Code criminel se lit comme suit :

 

Le prononcé des peines a pour objectif essentiel de contribuer, parallèlement à d'autres initiatives de prévention du crime, au respect de la loi et au maintien d'une société juste, paisible et sûre par l'infliction de sanctions justes visant un ou plusieurs des objectifs suivants :

 

a) dénoncer le comportement illégal;

 

b) dissuader les délinquants, et quiconque, de commettre des infractions;

 

c) isoler, au besoin, les délinquants du reste de la société;

 

d) favoriser la réinsertion sociale des délinquants;

 

e) assurer la réparation des torts causés aux victimes ou à la collectivité;

 

f) susciter la conscience de leurs responsabilités chez les délinquants, notamment par la reconnaissance du tort qu'ils ont causé aux victimes et à la collectivité.

 

[3]        Le procureur de la poursuite suggère que la sentence minimale et appropriée pour cette infraction est une période de détention de 30 jours et d'une rétrogradation au grade de sergent. Il plaide que les principes de détermination de la peine qui s'appliquent dans cette cause sont la dénonciation, la dissuasion spécifique et générale et la réhabilitation. Votre avocat, pour sa part, affirme que la sentence appropriée pour cette infraction consiste d'un blâme et d'une amende de 5,000 dollars. Pour déterminer ce qui constitue en l'espèce la sentence appropriée, j'ai pris en compte les circonstances qui ont entourées la commission des infractions telles que révélées par la preuve qui a été déposée durant le procès, la preuve déposée au cours de l'audition sur sentence, la jurisprudence et les plaidoiries des avocats. J'ai analysé ces divers éléments à la lumière des objectifs et des principes applicables en matière de la détermination de la peine.

 

[4]        Vous avez été trouve coupable d'avoir obtenu frauduleusement des indemnités de frais d'absence du foyer et l'indemnité différentielle de vie chère au cour de la période juillet 2005 à janvier 2007. Au moment des infractions, vous veniez d'être muté à Gagetown du 12e Régiment blindé du Canada. Vous étiez séparé de votre conjointe de fait depuis septembre 2004 et vos enfants vivaient avec elle à Val-Bélair au cours de votre mutation. Vous avez obtenu ces indemnités parce que vous n'aviez pas informé vos supérieurs de votre nouveau statut civil et de votre situation familiale et vous aviez demandé d'être muté en restriction imposée.

 

[5]        Ayant résumé les principaux fait de cette cause, je vais maintenant me concentrer sur la détermination de la peine. Donc, en considérant quelle sentence serait appropriée, j'ai pris en considération les facteurs aggravant et les facteurs atténuant suivants. Je débute avec les facteurs qui atténuent la peine.

 

Bien que vous ayez une fiche de conduite; l'infraction de conduite en état d'ébriété date du 12 janvier 1990. La nature de l'infraction ainsi que le fait qu'elle a eu lieu en 1990 font en sorte que la cour ne portera pas attention à cet antécédent judiciaire lors de la détermination de la peine.

 

Le lieutenant-colonel Boivin est commandant du 12e Régiment blindé du Canada depuis juin 2011. Il vous connaît depuis son arrivée au régiment en 1997 et il fut votre commandant de troupe en 1998. Il fut informé de l'enquête et des allégations en 2011. Il a témoigné que vous avez fourni un excellent  rendement depuis qu'il a pris le commandement du régiment. Votre dernier rapport annuel de performance (RAP) indique aussi que vous avez fourni un rendement exceptionnel pour votre grade. Vous avez occupé le poste d'adjudant quartier-maître d'escadron depuis l'été 2012. Bien que vous soyez responsable d'un budget annuel d'approximativement 7 500 dollars vous n'avez pas l'autorité d'approuver des dépenses. Le lieutenant-colonel Boivin a aussi expliqué qu'il y avait un système rigide de contrôle du quartier-maître pour éviter tout risque de fraude envers le régiment.

 

Il caractérisa cette fraude d'une erreur d'un point de vue administratif lorsqu’il témoigna de la confiance qu'il avait dans vos capacités de soldat et dans votre leadership. Il témoigna aussi qu'il s'attendait que les valeurs d'honnêteté, d'intégrité et de loyauté soient démontrées par tout membre de son unité. Ce témoignage laisse la cour quelque peu perplexe. La cour ne comprend pas comment l'on peut décrire des infractions au Code de discipline militaire et une fraude de 34 043 dollars comme étant simplement une erreur d'un point de vue administratif.

 

Le lieutenant-colonel Boivin est d'accord que les sommes obtenues frauduleu-sement devront être remboursées à la Couronne. Alors, bien que votre commandant indique qu'il vous fait confiance comme soldat et leader; il indique aussi qu'il s'attend à mieux sur le plan éthique et qu'il devra envisager les mesures administratives de carrière qui s'imposeront suite à une révision de carrière. Il a aussi indiqué que son évaluation de votre rendement ainsi que votre RAP ne prend pas en compte de cette condamnation et que votre prochain RAP devra refléter ceci. Cette confiance de votre commandant est un facteur atténuant mais avec un poids moindre.

 

Les procédures disciplinaires et ce procès ont sûrement un certain effet de dissuasion pour vous et pour toute personne qui en prendra connaissance mais comme dans tout autre dossier disciplinaire.

 

Ces infractions ont eu lieu de 2005 à 2007. La caporal-chef Bussières a témoigné que l'on aurait pu commencer une enquête sur ce dossier en février 2007 mais que certaines personnes à Gagetown auraient décidé de ne pas y donner suite. Les autorités militaires ont commencé à se pencher sur ce dossier lors de l'arrivée de l'adjudant Arsenault au 12e RBC à l'été 2009 quand on a découvert le problème avec l'IVC et aussi par un certain concours de circonstances puisque la caporal-chef Bussières avait aussi été mutée au 12e RBC avant l'arrivé de l'adjudant Arsenault. Une enquête policière eut lieu et un procès-verbal de procédure disciplinaire fut rédigé le 2 avril 2012.

 

Je suis bien d'accord avec l'avocat de la défense quand il dit que les autorités à Gagetown auraient dû prendre les actions requises à ce moment. Il y a eu un manquement à cet égard. Le délai pré-accusatoire aurait dû être bien plus court mais le délai post-accusatoire n'est pas excessif. Alors, bien qu'il soit vrai que le manque d'actions à Gagetown n'aide définitivement pas la bonne administration des indemnités des Forces canadiennes ainsi que la discipline militaire, la cour n'a aucune preuve que la période 2009 à aujourd'hui a causé un stress et une anxiété à l'adjudant Arsenault qui mérite que le délai soit considéré comme un facteur atténuant.

 

[6]        Je vais maintenant discuter des facteurs aggravants.

 

La nature de l'infraction et la peine prévue par le législateur. La peine maximale pour l'accusation de fraude dont la valeur de l'objet de l'infraction dépasse 5 000 dollars est 14 ans d'emprisonnement et de trois ans d'emprisonnement pour l'infraction sus l'article 125 de la Loi sur la défense nationale. Objectivement, ces infractions sont sérieuses.

 

Vous n'aviez pas été muté au cours de l'été 2004 car vous aviez informé votre chaîne de commandement que vous aviez des problèmes matrimoniaux. Vous avez été muté à Gagetown à l'été 2005 quelques mois après votre séparation. Vous alliez visiter vos enfants à Québec à toutes les deux fins de semaines et ces voyages vous coûtaient un certain montant d'argent. Vous aviez dit au commis-chef du 12e RBC ainsi qu'à la policière militaire que l'argent que vous receviez grâce aux indemnités aidait à payer ces voyages à Québec. Il ne s'agit pas d'une situation similaire à celle du cas du soldat St-Jean qui lui avait été victime de chantage et avait donc commis une fraude pour acheter le silence. Bien que la cour comprenne que vous viviez une situation émotionnelle bien difficile en 2005 et que la cour est prête à croire que vous aviez utilisé ces montants pour aller visiter vos enfants, ceci n'excuse en rien vos actions. Bien que vous n'ayez pas simplement dépensé ces sommes sur des biens de luxe, vous avez consciemment décidé de commettre cette fraude pour un gain personnel.

 

Il est difficile pour la cour de caractériser ces infractions comme étant hors caractère et qu'il s'agit d'un cas isolé de malhonnêteté compte tenu de la preuve devant la cour. L'adjudant Arsenault a continuellement cherché à cacher des autorités gouvernementales et militaires sa vraie situation familiale. Il a ainsi causé des problèmes à madame Loisel. Il a informé les autorités militaires seulement qu'après que madame Loisel l'ait forcé de lui fournir une note pour qu'elle règle ses problèmes avec le gouvernement du Québec. Il lui indiquait alors que cette demande de sa part lui occasionnerait des problèmes et qu'il devrait rembourser 15 000 dollars. De plus, il a perpétré cette fraude sur une période de 19 mois. Bien que la cour ose espérer que l'adjudant Arsenault a bien appris de cette situation, rien dans la preuve présentée à la cour ne lui indique le l'adjudant Arsenault reconnaît sa conduite illégale et en assume sa responsabilité. La cour ne peut donc affirmer que le risque de récidive est bas.

 

Ces infractions étaient préméditées et s'étendent sur une période de 19 mois. Il s'est rendu à la salle des rapports à tous les mois pour signer une fausse déclaration et ainsi obtenir ces sommes. Il n'a donné aucune indication qu'il désire volontairement rembourser ces sommes.

 

Le montant de la perte ou du risque de perte, soit 34 034 dollars, fut prouvé hors de tout doute raisonnable lors du procès. Il ne s'agit pas d'un fait contesté aggravant tel que prévu à l'article 112.52 des ORFC. La cour a exigé d'office que le commis-chef du 12e RBC, l'adjudant Bergeron, lui fournisse des précisions sur les indemnités d'opération en campagne que l'adjudant Arsenault avait reçues de juillet 2005 à janvier 2007. La pièce 37 fut présentée à la cour d'un commun accord de la poursuite et de la défense sur ce sujet mais la cour avait besoin de plus d'explications pour bien comprendre cette preuve et pour l'aider à déterminer la sentence. L'adjudant Bergeron a témoigné que, selon le système de solde des Forces canadiennes, l'adjudant Arsenault avait reçu l'indemnité d'opérations en campagne pour une période cumulative de 30 jours durant la période des infractions. L'article 205.39 des Directives sur la rémunération et les avantages sociaux, (DRAS), indemnité d'opérations en campagne, qui s'appliquaient au moment de l'infraction indique qu'un militaire avait droit à 16,41 dollars par jour. Alors, l'adjudant Arsenault a reçu approximativement 490 dollars selon cette directive au cours de cette période.

 

La cour avait demandé que cette information lui soit fournie car il avait été mentionné au cours du procès que l'adjudant Arsenault devait passer des périodes de temps en campagne et aurait donc eu droit à cette indemnité. Puisqu'il ne pouvait pas recevoir l'indemnité d'opérations en campagne et certains frais selon les frais d'absence au foyer, la cour voulait connaître le montant des indemnités d'opérations en campagne que l'adjudant Arsenault aurait pu recevoir pour ainsi déterminer la perte pécuniaire réelle.

 

Il est possible que l'adjudant Arsenault ait passé plus de temps en campagne mais aucune preuve à ce sujet ne fut présentée par l'accusé au cours du procès ou au cours de l'audition sur sentence. La preuve indique que l'adjudant Arsenault n'a jamais informé les autorités militaires qu'il recevait des indemnités d'opérations en campagne quand il finalisait ses réclamations. L'adjudant Arsenault a donc reçu la somme de 34 043 dollars pour lesquelles il n'avait pas droit ainsi qu'approximativement 490 dollars en indemnité d'opérations en campagne. Le fait qu'il ait reçu ces deux indemnités simultanément mène à la conclusion que la perte réelle de cette fraude est bien 34 043 dollars. Cette situation quant à l'indemnité d'opérations en campagne est jugée un facteur aggravant mais la cour y donne peu de poids compte tenu du montant d'indemnité d'opérations en campagne reçu comparé au montant de la fraude.

 

La cour considère que l'ampleur et la durée de la fraude sont importantes mais que l'adjudant Arsenault n'a pas indûment tiré partie de la réputation d'intégrité don il jouissait. Il s'agit d'une fraude de 34 043 dollars sur une période de 19 mois, soit un montant considérable réparti sur une longue période de temps. La preuve n'indique pas qu'il avait une réputation d'intégrité plus connue ou importante que tout autre militaire qui se présentait à la salle des rapports au cours de ces infractions. Alors, la cour ne prend en considération que le facteur aggravant stipulé à l'alinéa (1)a) de l'article 380.(1) du Code criminel.

 

La cour ne considère pas que les infractions constituent un abus de confiance d'autorité tel que prévue à l'alinéa 718.2a)(iii) du Code criminel. L'adjudant Arsenault n'a pas abusé une position spéciale de confiance au moment où il a commis cette fraude bien qu'il ait trahi la confiance que les Forces canadiennes placent dans chacun de nous quant au respect des lois et des directives. Par ailleurs, la fraude commise par l'adjudant Arsenault est de par sa nature même un abus de confiance qui est pris en considération lors de l'imposition de la peine. La CACM résume très bien ce concept au paragraphe [22] de l'arrêt le soldat St-Jean et Sa Majesté La Reine2000 CMAC 429 comme suit :

 

Après avoir examiné la peine imposée, les principes applicables et la jurisprudence de notre Cour, je ne peux affirmer que le président a commis une erreur ou a agi de façon déraisonnable quand il a fait valoir la nécessité de mettre l'accent sur l'objectif de dissuasion. Dans un organisme public aussi grand et complexe que les Forces armées canadiennes, qui possède un budget considérable, qui gère une quantité énorme d'équipement et de biens de l'État et qui met en application une multitude de programme divers, la direction doit inévitablement pouvoir compter sur le concours et l'intégrité de ses employés. Aucune méthode de contrôle, si efficace qu'elle puisse être, ne peut remplacer l'intégrité du personnel auquel la direction accorde toute sa confiance. Un abus de confiance telle la fraude est souvent très difficile à découvrir et les enquêtes qui y ont trait sont dispendieuses. Les abus de confiance minent le respect du public envers  l'institution et ont pour résultat la perte de fonds publics. Les membres des Forces armées qui sont déclarés coupables de fraude, et les autres membres du personnel militaire qui pourraient être tentés de les imiter, devraient savoir qu'ils s'exposent à des sanctions qui dénonceront de façon non équivoque leur comportement et leur abus de la confiance que leur témoignaient leur employeur de même que le public et les dissuaderont de se lancer dans ce genre d'activités. L'objectif de dissuasion n'implique pas nécessairement l'emprisonnement dans de tels cas, mais il n'en exclut pas en soi la possibilité, même dans le cas d'une première infraction. Il ny a pas à notre Cour de règle stricte selon laquelle une fraude commise par un membre des Forces armées contre son employeur commande obligatoirement l'imposition d'une peine d'emprisonnement ou ne peut automatiquement mériter de l'emprisonnement. Chaque cas dépend des faits et des circonstances.

 

La jurisprudence canadienne en matière de fraude indique clairement que la dissuasion générale et la dénonciation sont les objectifs sentenciels qui s'imposent dans la vaste majorité des cas de fraude. Le Juge en chef militaire, le colonel Dutil, a très bien décrit cette approche aux paragraphes 15 et 16 de sa sentence prononcée au cours de la cour martiale du caporal-chef Roche et je le cite :

 

[15]         Nonobstant les décisions de la Cour d'appel de la cour martiale dans les affaires St-Jean, Lévesque, Deg et Vanier, force est de constater que, depuis les modifications apportées au Code criminel en 2004 relativement à la peine maximale applicable à l'infraction de fraude de plus de 5000 dollars aux termes de l'alinéa 280(1)(a) du Code criminel, les diverses cours d'appel au Canada ont généralement infligé des peines d'emprisonnement dans le cas de fraudes importantes ou lorsqu'elles sont commises envers l'employeur qu'elles se soient déroulées sur de longues ou courtes périodes.

 

Les tribunaux ont d'ailleurs recours à une peine privative de liberté au motif qu'elle s'impose pour atteindre les objectifs primordiaux que constituent la dissuasion générale et la dénonciation dans ce genre d'affaire, et ce même si le contrevenant n'a pas d'antécédents judiciaires; a enregistré un plaidoyer de culpabilité et a exprimé ses remords; a remboursé en totalité ou en partie les victimes; a peu de chance de récidives; et, qu'il est une personne appréciée et reconnue dans la communauté

 

[16]         En considérant quelle sentence serait appropriée, la Cour doit tenir compte de la gravité objective de l'infraction et du degré de responsabilité du contrevenant eu égard aux circonstances aggravantes et atténuantes qui sont liées à la perpétration de l'infraction ou à la situation du contrevenant. En ce qui concerne les facteurs qui permettent de pouvoir bien évaluer la responsabilité du contrevenant relativement à l'imposition d'une sentence adéquate en matière de fraude, il convient d'examiner entre autre : la nature et l'étendue de la fraude et la perte économique ou pécuniaire réelle de la victime; le degré de préméditation dans la planification et la mise en œuvre de la fraude; le comportement du contrevenant après la commission de l'infraction y compris le remboursement des victimes; la collaboration avec les autorités ainsi que le plaidoyer de culpabilité à la première opportunité; les antécédents judiciaires; le bénéfice personnel tiré de la fraude; le lien d'autorité et de confiance envers la victime; et, la motivation sous-jacente à la commission de la fraude. Certains de ces facteurs peuvent être traités comme circonstance aggravante ou atténuante alors que ce n'est pas le cas pour d'autres qui relèvent du principe fondamental qui veut que la peine doit être proportionnelle à la gravité de l'infraction et au degré de responsabilité du délinquant tel qu'énoncé à l'article 718.1 du Code criminel.

 

[7]        L'adjudant Arsenault, vous n'avez pas démontré les qualités que nous recherchons chez un sous-officier sénior et ce comportement n'est pas le genre d'exemple que l'on peut tolérer. Les Forces canadiennes s'attendent à plus d'un adjudant; il ne s'agit pas d'être seulement un bon soldat et un bon chef dans un contexte opérationnel; il faut aussi posséder et démontrer certaines qualités personnelles qui sont essentielles au bon ordre et à la discipline des Forces canadiennes et au respect de la loi. Enfreindre le Code de discipline militaire comme vous l'avez fait mine la discipline et le respect de la règle de droit. Aucune personne ne peut décider pour des raisons bien personnelles quand il ou elle va respecter la loi et les directives.

 

[8]        Compte tenu des facteurs aggravants et atténuants et du besoin de dénoncer le comportement du contrevenant ainsi que de dissuader au sein des Forces canadiennes ce genre d'activités illégales, je vais imposer une sentence qui vous donnera, ainsi qu'aux autres membres des Forces canadiennes, le message que ce genre de comportement est inacceptable et comporte des conséquences importantes. La peine d'emprisonnement est habituellement la peine qui s'impose dans une cause de fraude importante et non la détention. Par ailleurs, j'ai pris en considération la plaidoirie des avocats et la preuve présentée.

 

[9]        Compte tenu des faits particulier de cette cause, je considère que la peine que je vais maintenant prononcer constitue la sentence la plus minimale pour assurer la protection du public et le maintien de la discipline dans les circonstances en plus de promouvoir la réhabilitation du contrevenant.

 

POUR CES RAISONS LA COUR :

 

[10]      CONDAMNE l'adjudant Arsenault à une période de détention de 30 jours et une rétrogradation au grade de sergent.

 

[11]      Je vous aurais condamné à une peine d'incarcération plus longue n'eut été du fait qu'une rétrogradation au grade de sergent sera un signe très tangible pour vous et tout autre membre des Forces canadiennes que ce genre de comportement n'est pas accepté. Cette combinaison de peines atteint les objectifs de la dissuasion et de la dénonciation.


 

Avocats :

 

Major G. Roy, Service canadien des poursuites militaires
Avocat de la poursuite

 

Capitaine de corvette M. Létourneau, Service d'avocats de la défense
Avocat de l'adjudant P.D. Arsenault

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