Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l’ouverture du procès : 2 mai 2013.

Endroit : BFC Esquimalt, édifice 30-N, Victoria, (CB).

Chefs d’accusation
•Chef d’accusation 1 : Art. 93 LDN, comportement déshonorant.
•Chef d’accusation 2 : Art. 97 LDN, ivresse.

Résultats
•VERDICTS : Chefs d’accusation 1, 2 : Coupable.
•SENTENCE : Une rétrogradation au grade de lieutenant et une amende au montant de 5000$.

Contenu de la décision

 

COUR MARTIALE

 

Référence :  R c Castle, 2013 CM 4008

 

                                                                                                                    Date :  20130502

Dossier :  201275

 

                                                                                                       Cour martiale permanente

 

                                                                                 Base des Forces canadiennes Esquimalt

                                                                              Victoria (Colombie-Britannique), Canada

 

Entre : 

 

Sa Majesté la Reine

 

- et -

 

Capitaine B.M. Castle, contrevenant

 

 

En présence du Lieutenant-colonel J-G Perron, J.M.

 


 

[traduction française officielle]

 

RESTRICTION À LA PUBLICATION

 

Restriction à la publication :  Par ordonnance de la cour rendue en vertu de l'article 179 de la Loi sur la défense nationale et de l'article 486,5 du Code criminel, il est interdit de publier ou de diffuser de quelque façon que ce soit tout renseignement qui permettrait d'établir l'identité de la personne décrite dans le présent jugement comme étant la plaignante.

 

MOTIFS DE LA SENTENCE

 

(Oralement)

 

[1]               Capitaine Castle, ayant accepté et inscrit vos plaidoyers de culpabilité à l’égard des premier et deuxième chefs d’accusations, la cour vous déclare à présent coupable de ces accusations fondées sur les articles 93 et 97 de la Loi sur la défense nationale.  La cour doit maintenant rendre une sentence juste et appropriée en l’espèce.

 

[2]               L’exposé des circonstances, dont vous avez formellement admis que les faits qui y sont énoncés constituent une preuve concluante de votre culpabilité, fournit à la cour les circonstances entourant la perpétration de l’infraction. Lors des infractions, vous travailliez comme instructeur à l’École régionale d’instructeurs de cadets (ÉRIC) de la région du Pacifique.  Le 31 mai 2012, vous étiez présent à un dîner régimentaire des diplômés d’un cours élémentaire d’officier qui a été donné à l’ÉRIC du 25 mai au 3 juin 2012.  Ce cours élémentaire d’officier offre une première formation et qualification aux élèves officiers comme officiers du CIC.  Bien que vous ayez présenté un exposé traitant du cours, vous ne faisiez pas partie du personnel enseignant ni n’agissiez comme chef de groupe d’étude dans le cadre de ce cours.  Vous avez assisté au dîner régimentaire en compagnie d’autres membres du personnel d’ÉRIC et de finissants du cours.  Tous les finissants du cours élémentaire d’officier étaient d’âge adulte, soit âgés d’au moins 19 ans.  Il n’y avait aucun cadet lors du dîner réglementaire et tous les participants portaient l’uniforme lors du dîner et de la réception.

 

[3]               Pendant le dîner et la réception qui s’en est suivie, vous avez consommé une quantité considérable d’alcool.  Vous vous êtes exprimé de plus en plus fort et de façon agitée au fur et à mesure que la soirée avançait.  Durant la soirée, en présence d’autres officiers membres du personnel d’ÉRIC et de finissants du cours, vous avez utilisé un langage grossier pour ordonner à des élèves officiers de quitter leurs quartiers après le dîner et de se rendre au mess afin de déplacer de l’ameublement pour y aménager un plancher de danse improvisé, et vous avez par la suite crié après des élèves officiers pour les inciter à danser; vous avez ensuite juré après la conductrice de service du cours lorsqu’elle a tenté de replacer le mobilier à la fin de la soirée.  Un certain nombre d’élèves officiers présents au dîner régimentaire et à la réception ont remarqué votre comportement ébrieux et déplacé au cours de la soirée.

 

[4]               À la fin de la réception/dîner militaire officielle, une camionnette du MDN conduite par la conductrice en service du cours a été utilisée pour transporter les finissants et le personnel du mess à leurs quartiers.  Vers 0 h 30 le 1er juin 2012, vous ainsi que trois élèves officiers avez emprunté la dernière navette partant du mess.  Alors que le groupe marchait vers le véhicule de service, vous avez empoigné les fesses de l’élève officier J.H.

 

[5]               Lorsque le groupe a pris place dans le véhicule de service et malgré le fait que le dossier du siège arrière était rabattu sur le siège vous vous êtes déplacé vers l’arrière et vous êtes assis à côté de l’élève officier J. H.  Alors que vous vous asseyiez, vous vous êtes penché vers l’arrière et êtes tombé dans l’espace à bagages arrière de la camionnette vu que le dossier du siège arrière était rabattu.  L’élève officier vous a aidé à vous rassoir sur le siège.

 

[6]               Une fois la camionnette en mouvement, vous avez remonté votre main sous la tunique de l’élève officier J.H. jusque dans sa jupe, sous ses sous-vêtements, et empoigné ses fesses.  Elle vous a dit d’arrêter à deux reprises, mais vous avez continué à mouvoir vos mains de ses fesses en direction de son vagin.  À ce stade, elle vous a dit que votre comportement était inapproprié, s’est levée d’où elle était assise et s’est déplacée vers un siège inoccupé dans le banc du milieu. 

 

[7]               Comme l'a indiqué la Cour d'appel de la cour martiale, la détermination de la peine est un processus fondamentalement subjectif et individualisé, et c'est l'une des tâches les plus difficiles que le juge du procès doit remplir.

 

[8]               La Cour d’appel de la cour martiale a statué que les objectifs fondamentaux de la détermination de la peine énoncés au Code criminel du Canada s’appliquent au système de justice militaire et que le juge militaire doit en tenir compte au moment de décider de la peine à infliger.  Le prononcé des peines a pour objectif essentiel de contribuer au respect de la loi et à la protection de la société, ce qui comprend les Forces canadiennes, par l’infliction de sanctions justes visant l’un ou plusieurs des objectifs suivants :

 

a)      dénoncer le comportement illégal;

 

b)      dissuader les contrevenants, et quiconque, de commettre des infractions;

 

c)      isoler au besoin les contrevenants du reste de la société;

 

d)     favoriser la réinsertion sociale des délinquants;

 

e)      assurer la réparation des torts causés aux victimes ou à la collectivité;

 

f)       susciter la conscience de leurs responsabilités chez les contrevenants, notamment par la reconnaissance du tort qu’ils ont causé aux victimes et à la collectivité.

 

[9]               La cour doit décider si la protection du public serait mieux servie par la dissuasion, par la réinsertion sociale, par la dénonciation ou par une combinaison de ces facteurs.

 

[10]           Les dispositions du Code criminel en matière de détermination de la peine, soit les articles 718 à 718.2, établissent un processus individualisé au cours duquel la cour doit tenir compte, en plus des circonstances de l'infraction, de la situation particulière du contrevenant.  La peine doit également être semblable aux autres peines imposées en de semblables circonstances.  Le principe de la proportionnalité constitue un élément central de la détermination de la peine.  Le principe de la proportionnalité exige que la sanction n’excède pas ce qui est juste et approprié, compte tenu de la culpabilité morale du contrevenant et de la gravité de l’infraction.

 

[11]           La cour doit également infliger la peine la moins sévère nécessaire pour assurer le maintien de la discipline.  L’objectif ultime de la détermination de la peine dans le contexte militaire est le rétablissement de la discipline chez le contrevenant et dans la société militaire.  La discipline constitue l’une des conditions fondamentales de l’efficacité opérationnelle de toute armée.

 

[12]           La poursuite et votre avocat ont conjointement proposé une peine de rétrogradation au rang de lieutenant et une amende de 5 000 $.  La Cour d’appel de la cour martiale a clairement affirmé que le juge chargé de la détermination de la peine ne devrait pas rejeter la recommandation conjointe des avocats, à moins que la peine proposée ne soit de nature à déconsidérer l’administration de la justice ou qu’elle ne soit pas dans l’intérêt public.

 

[13]           J’énoncerai maintenant les circonstances aggravantes et les circonstances atténuantes dont j’ai tenu compte pour déterminer la peine qu’il convient d’infliger en l’espèce.  À mon avis, les éléments suivants constituent des facteurs aggravants :

 

a)      la conduite déshonorante, que réprime l’article 93 de la Loi sur la défense nationale, est une infraction grave sur le plan objectif, puisqu'elle est passible d'un emprisonnement maximal de cinq ans ou d’une peine moindre parmi les peines prévues.  L’ivresse, que réprime l’article 97 de la Loi sur la défense nationale, n’est pas une infraction aussi grave sur le plan objectif, puisqu'elle est passible d'un emprisonnement de moins de deux ans ou d’une peine moindre parmi les peines prévues;

 

b)      ces infractions sont graves sur le plan subjectif dans un contexte militaire. Par votre conduite déshonorante, vous avez abusé de l’intégrité physique et sexuelle d’une subalterne.  Vous avez manifesté un mépris absolu envers son bien-être physique et émotionnel;

 

c)      vous étiez ivre et vous avez abusé de votre grade et de votre autorité tout au long de la soirée.  Vous ne vous êtes pas comporté de la façon dont on s’attend d’un capitaine ayant 13 années d’expérience dans ce grade.  Vous avez même servi en tant que major intérimaire en deux occasions au moins par le passé.  Vous n’avez pas fait preuve devant les officiers cadets des qualités au chapitre du leadership dont nous avons besoin et que nous recherchons de nos officiers.  Vous n’avez certainement pas été l’exemple que nous souhaitons offrir à nos futurs jeunes chefs de file.  Je suis d’accord avec le procureur de la poursuite pour dire que cette situation pourrait avoir une incidence négative sur le respect que le public porte aux Forces canadiennes et au mouvement des cadets;

 

d)     vous étiez âgé de 39 ans au moment de l’infraction et aviez été dans le Cadre des instructeurs de cadets depuis 17 ans.  Vous avez travaillé de façon ininterrompue à l’ÉRIC dans un service de classe A ou de classe B depuis 2002.  Vous avez également suivi de nombreux cours, dont un portant sur la prévention du harcèlement.  Vous saviez qu’un comportement de la sorte n’est pas toléré dans les Forces canadiennes.  En fin de compte, vous étiez assez âgé et aviez suffisamment d’expérience pour être plus avisé.

 

[14]           En ce qui concerne les circonstances atténuantes, je souligne les éléments suivants :

 

a)      comme vous n’avez pas de fiche de conduite, il s’agit donc de votre première infraction.  Vous avez plaidé coupable.  Un plaidoyer de culpabilité est généralement considéré comme une circonstance atténuante.  De façon générale, on estime que cette approche n’est pas en contradiction avec le droit au silence de l’accusé ni avec son droit d’exiger du ministère public qu’il prouve hors de tout doute raisonnable les accusations pesant contre lui, mais constitue plutôt un moyen pour les tribunaux d’infliger une peine plus clémente, l’aveu de culpabilité signifiant habituellement qu’il n’y aura pas de témoins à assigner, ce qui réduit de beaucoup les coûts associés aux procédures judiciaires.  Fait encore plus important, l’aveu de culpabilité est aussi généralement vu comme un signe que l'accusé est disposé à assumer la responsabilité de ses actes illicites et du tort qui en a résulté;

 

b)      votre avocat a fait savoir à la cour qu’un acte d’accusation dans lequel figure un chef d’accusation d’agression sexuelle a été présenté le 28 novembre 2012 et que vous aviez l’intention de plaider coupable à d’autres chefs en janvier 2013.  Je suis d’accord avec le procureur de la poursuite pour dire que cet incident d’inconduite sexuelle ne se situe pas dans la partie supérieure de l’échelle en matière d’infractions sexuelles, mais il ne situe pas non plus dans la partie la plus basse de ce spectre;

 

c)      J’ai examiné la pièce 8, vos six rapports d’évaluation de rendement (RER) pour la période de 2006-2007 à 2011-2012.  Ils indiquent une bonne performance en tant qu’instructeur.  Je remarque que des commentaires ont été formulés dans les trois derniers RER sur le fait qu’il vous était nécessaire d’améliorer vos compétences en relations interpersonnelles ainsi que d’afficher plus de respect envers vos pairs.  Bien que votre rendement antérieur soit considéré comme une circonstance atténuante, les informations consignées dans les RER indiquent à la cour que votre manque de respect envers autrui ne s’est pas uniquement manifesté lors de cette soirée alors que vous étiez ivre;

 

d)     vous avez suivi un traitement en ce qui a trait à votre consommation d’alcool.  Vous avez déjà eu dans le passé des pertes de connaissance en prenant de l’alcool et vous avez avoué être un consommateur occasionnel excessif d’alcool.  Votre état a été évalué par une infirmière en santé mentale le 5 juin 2012 et vous vous êtes présenté à sept sessions de traitement durant les mois de juin et d’août 2012.  Le conseiller en dépendance de la base a évoqué un diagnostic de consommation problématique d’alcool et recommandé que vous en restreigniez votre consommation.  Depuis votre arrestation le 1er juin 2012, vous avez été mis en liberté sous condition de vous abstenir de boire de l’alcool.  Lorsque les conditions seront levées, vous avez déclaré avoir l’intention de vous abstenir de consommer de l’alcool ou d’extrêmement en restreindre votre consommation dans votre milieu de travail lorsque vous vous trouvez en société; 

 

e)      il ressort de vos RER et de vos tentatives en vue de régler votre problème d’alcool que vous pouvez vous qualifier comme un candidat à la réadaptation, mais vous aurez également à résoudre votre manque de respect pour autrui si vous voulez vous réadapter complètement;

 

f)       même si vous avez conservé votre emploi auprès de l’ÉRIC depuis l’incident, vous avez été relevé de vos fonctions d’instructeur et votre commandant mettra vraisemblablement fin à votre service de classe B.  De plus, un examen administratif de votre aptitude à servir au sein du CIC sera également entrepris et il est fort possible que vous perdiez votre emploi auprès du CIC.

 

[15]           Je suis arrivé à la conclusion que la dénonciation ainsi que la dissuasion générale et spécifique sont les principaux principes de la détermination de la peine qui doivent être appliqués en l'espèce. Après avoir examiné la preuve dans son ensemble, la jurisprudence et les observations soumises par la poursuite et par votre avocat, j’en viens à la conclusion que la peine proposée ne déconsidérerait pas l’administration de la justice et qu’elle sert l’intérêt public. Par conséquent, je souscris à la recommandation conjointe du poursuivant et de votre avocat.  

 

[16]           La cour doit impose la peine minimum qui transmettra un message clair, à vous-même comme aux autres, qu’un comportement de cette nature est inacceptable et une peine qui vous aidera à accepter la responsabilité de vos actes et vous aidera dans votre réadaptation.

 

 

 

POUR CES MOTIFS, LA COUR :

 

[17]           PRONONCE un verdict de culpabilité à l’égard du premier chef d’accusation, relativement à une infraction prévue à l’article 93 de la Loi sur la défense nationale et un verdict de culpabilité à l’égard du second chef d’accusation, relativement à une infraction prévue à l’article 97 de la Loi sur la défense nationale.

 

[18]           VOUS IMPOSE une rétrogradation au grade de lieutenant et une amende de 5 000 $ payable immédiatement.

 


 

Avocats :

 

Lieutenant-colonel S.D. Richards, Service canadien des poursuites militaires

Procureur de Sa Majesté la Reine

 

Capitaine de corvette B.G. Walden, Direction du service d’avocats de la défense

Avocat du Capitaine B.M. Castle

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.