Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l’ouverture du procès : 13 mai 2013.

Endroit : SFC St. John’s, Mess Fort Pepperrell, 308 chemin Langley, St. John’s (NL).

Chefs d’accusation
•Chef d’accusation 1 (subsidiaire au chef d’accusation 2) : Art. 83 LDN, a désobéi à un ordre légitime d’un supérieur.
•Chef d’accusation 2 (subsidiaire au chef d’accusation 1) : Art. 129 LDN, comportement préjudiciable au bon ordre et à la discipline.

Résultats
•VERDICTS : Chef d’accusation 1 : Une suspension d’instance. Chef d’accusation 2 : Coupable.
•SENTENCE : Une réprimande et une amende au montant de 750$.

Contenu de la décision

 

COUR MARTIALE

 

 

Référence : R c Comerford, 2013 CM 4009

 

Date : 20130513

Dossier : 201301

 

Cour martiale permanente

 

Station des Forces canadiennes St. John’s

St. John's (Terre-Neuve) Canada

 

Entre :

 

Sa Majesté la Reine

 

et

 

Ex-adjudant G.M. Comerford, contrevenant

 

 

Devant : Le lieutenant-colonel J-G Perron, J.M.

 


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DE LA SENTENCE

 

(Prononcée de vive voix)

 

[1]        Ex-adjudant Comerford, vous avez été accusé de désobéissance à un ordre légitime et de conduite préjudiciable au bon ordre et à la discipline. Ayant accepté et inscrit votre plaidoyer de culpabilité à l’égard du deuxième chef d’accusation, la cour vous déclare coupable de cette accusation déposée en vertu de l’article 129 de la Loi sur la défense nationale et ordonne l’arrêt des procédures à l’égard du premier chef d’accusation. La cour doit maintenant déterminer la peine juste et appropriée en l’espèce.

 

[2]        Le sommaire des circonstances renseigne la cour sur les circonstances entourant la perpétration de l’infraction; vous avez formellement admis les faits qui sont rapportés et qui établissent de façon concluante votre culpabilité. À l’époque de l’infraction, vous étiez membre du personnel chargé du cours de qualification élémentaire en leadership (Terre) offert par le 56e Escadron du génie. Le capitaine Lane était l’officier chargé du cours. Le capitaine Lane a ordonné la tenue d’une réunion du personnel chargé du cours, à savoir le sous‑lieutenant Quigley, l’adjudant Comerford, le sergent Lamswood et le sergent Baldwin. La réunion a eu lieu dans un bureau de la Station des Forces canadiennes St. John's.

 

[3]        Au début de la réunion, le capitaine Lane a exposé les questions dont il souhaitait discuter. Vous vous êtes mis à parler en même temps que lui à voix haute au sergent Baldwin. Le capitaine Lane vous a demandé d’attendre qu’il ait terminé de parler. Vous avez continué de parler à voix haute au sergent Baldwin. Le capitaine Lane vous a prié de vous calmer et d’attendre qu’il ait terminé de parler au groupe. Vous vous êtes alors levé et vous vous êtes mis à crier après le personnel du cours. Le capitaine Lane vous a proposé de quitter temporairement la pièce. Vous avez continué de crier après le personnel du cours et le capitaine Lane vous a alors ordonné de quitter la pièce. En sortant, vous avez dit au groupe que vous ne reviendriez pas, que vous étiez en proie à un stress énorme dans votre vie personnelle et que c’était uniquement grâce à vous que le cours se donnait toujours. Vous avez ensuite quitté la pièce. La réunion a été interrompue par votre explosion de colère, mais elle s’est poursuivie après votre départ.

 

[4]        Comme l’a souligné la Cour d’appel de la cour martiale, la détermination de la peine est un processus fondamentalement subjectif et individualisé et constitue l’une des tâches les plus difficiles que le juge du procès doit remplir. La Cour d’appel de la cour martiale a en outre précisé que les objectifs fondamentaux de la peine, qui sont énoncés dans le Code criminel du Canada, s’appliquent dans le contexte du système de justice militaire, et que le juge militaire doit tenir compte de ces objectifs lorsqu’il détermine la peine.

 

[5]        L’objectif fondamental de la détermination de la peine est de contribuer au respect de la loi et à la protection de la société, qui comprend les Forces canadiennes, par l’infliction de sanctions justes visant un ou plusieurs des objectifs suivants :

                                                           

a)         dénoncer le comportement illégal;

 

b)         dissuader les délinquants, et quiconque, de commettre des infractions;;

 

c)         isoler, au besoin, les délinquants du reste de la société;

 

d)         favoriser la réinsertion sociale des délinquants;

 

e)         assurer la réparation des torts causés aux victimes ou à la collectivité;

 

f)         susciter la conscience de leurs responsabilités chez les délinquants, notamment par la reconnaissance du tort qu’ils ont causé aux victimes et à la collectivité.

 

[6]        La cour doit déterminer si la protection du public serait mieux assurée par la dissuasion, par la réinsertion sociale, par la dénonciation ou par une combinaison de ces éléments.

 

[7]        Les dispositions relatives à la détermination de la peine qui sont énoncées aux articles 718 à 718.2 du Code criminel prévoient un processus individualisé dans le cadre duquel la cour doit prendre en compte non seulement les circonstances de l’infraction, mais aussi la situation particulière du contrevenant. La peine doit également être semblable aux autres peines infligées dans des circonstances semblables. La proportionnalité est au cœur de la détermination de la peine. Le principe de proportionnalité exige que la sanction ne soit pas plus sévère que celle qui est juste et appropriée compte tenu de la culpabilité morale du contrevenant et de la gravité de l’infraction.

 

[8]        La cour doit infliger la peine qui soit la moins sévère pour assurer le maintien de la discipline. L’objectif ultime de la peine consiste à rétablir la discipline chez le contrevenant et au sein de la communauté militaire. La discipline est l’une des conditions préalables à l’efficience opérationnelle de toute force armée.  

 

[9]        Le procureur de la poursuite et votre avocat ont recommandé conjointement qu’il vous soit infligé une réprimande et une amende de 750 $. La Cour d’appel de la cour martiale a statué que le juge appelé à prononcer une peine ne doit s’écarter de la recommandation conjointe des avocats que si la peine proposée est de nature à discréditer l’administration de la justice ou si elle ne sert pas l’intérêt public.

 

[10]      J’exposerai maintenant les facteurs aggravants et les facteurs atténuants dont j’ai tenu compte pour déterminer la peine appropriée en l’espèce. Je considère comme aggravants les facteurs suivants :

 

a)      L’article 129 de la Loi sur la défense nationale considère la conduite préjudiciable au bon ordre et à la discipline comme une infraction objectivement grave puisqu’elle est passible, dans le pire des cas, de destitution ignominieuse du service de Sa Majesté;

 

b)      La preuve révèle que vous étiez en proie à un stress important à l’époque de l’infraction parce que votre femme vivait une grossesse difficile et était alitée. Cet élément de preuve n’explique toutefois pas entièrement votre réaction. Votre colère n’était pas dirigée contre le capitaine Lane même si vous lui avez désobéi. Vous êtes un adjudant et comptez 15 années dans les Forces canadiennes; d’après la preuve devant la Cour, vous auriez dû être mieux avisé. Sans qualifier cet excès de colère de stupéfiant, il témoigne certainement d’un manque étonnant de discipline. J’ignore pourquoi vous vous en êtes pris au sergent Baldwin et aux autres sous‑officiers, mais vous avez effectivement perdu votre sang‑froid lorsque vous n’avez pas obéi à l’ordre de vous taire du capitaine Lane;

 

c)      Vous avez raté l’occasion de donner l’exemple à vos subordonnés au chapitre de la discipline. Bien que tout acte d’indiscipline qui comprend une désobéissance aux ordres soit une infraction grave, ce facteur aggravant aurait eu beaucoup plus de poids si vous aviez manifesté cette indiscipline alors que vous vous trouviez à portée de vue ou de voix de participants au cours ou de militaires subalternes.

 

[11]      Quant aux facteurs atténuants, je retiens les suivants :

 

a)      L’exposé conjoint des faits, la pièce 7, révèle que vous avez mérité le prix Howlett du sous‑officier supérieur de l’année de votre bataillon en 2007 et en 2009, et que vous avez reçu la Mention élogieuse du commandant pour votre contribution exceptionnelle. Les pièces 8 et 9, deux lettres attestant sa moralité, et les pièces 10 et 11, un rapport d’évaluation du rendement et un rapport de cours, indiquent que ce type de comportement n’est pas habituel chez vous. Le capitaine Lane a lui aussi trouvé que ce comportement ne vous ressemblait pas;

 

b)      Vous n’avez pas de fiche de conduite; c’est donc que vous en êtes à votre première infraction, et vous avez plaidé coupable. Un plaidoyer de culpabilité est généralement considéré comme un facteur atténuant. Cette approche n’est généralement pas perçue comme allant à l’encontre des droits de l’accusé de garder le silence et d’exiger que le ministère public prouve hors de tout doute raisonnable les accusations portées contre lui. Elle offre plutôt aux tribunaux la possibilité d’infliger une peine moins sévère, car l’aveu de culpabilité suppose habituellement que les témoins n’ont pas à témoigner, ce qui réduit considérablement les coûts associés aux procédures judiciaires. Il suppose aussi généralement que l’accusé accepte d’assumer la responsabilité de ses actes illégaux et de reconnaître le tort que ces actes ont causé. Le procureur de la poursuite a affirmé qu’en l’espèce le plaidoyer de culpabilité témoigne des remords qu’éprouve le contrevenant.

 

[12]      J’ai conclu que la dissuasion générale constitue le premier principe qui doit être appliqué pour déterminer la peine en l’espèce, mais il y a également lieu d’envisager la réinsertion. Ainsi, en me fondant sur la preuve devant moi, je ne suis pas d’avis que la dissuasion spécifique est le principe qu’il convient d’appliquer ici.

 

[13]      Après avoir examiné tous les éléments de preuve ainsi que la jurisprudence, et pris en considération les observations du procureur et de votre avocat, je conclus que la peine recommandée ne discréditera pas l’administration de la justice et qu’elle servira les intérêts de la population. Par conséquent, je souscris à la recommandation conjointe du procureur et de votre avocat.

 

POUR CES MOTIFS, LA COUR :

 

[14]      DÉCLARE l’ex-adjudant Comerford coupable du deuxième chef d’accusation et ordonne l’arrêt des procédures à l’égard du premier chef d’accusation.

 

[15]      CONDAMNE l’ex-adjudant Comerford à une réprimande et à une amende de 750 $.


 

Avocats :

 

Major P. Rawal, Service canadien des poursuites militaires

Procureur de Sa majesté la Reine

 

Capitaine de corvette P.D. Desbiens, Direction du service d’avocats de la défense

Avocat de l’ex-adjudant G.M. Comerford

 

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