Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l’ouverture du procès : 28 janvier 2013.

Endroit : 6080 rue Young, 5e étage, salle d’audience, Halifax (NÉ).

Chefs d’accusation
•Chef d’accusation 1 (subsidiaire au chef d’accusation 2) : Art. 128 LDN, a comploté avec une autre personne en vue de commettre une infraction prévue par le code de discipline militaire.
•Chef d’accusation 2 (subsidiaire au chef d’accusation 1): Art. 128 LDN, a comploté avec une autre personne en vue de commettre une infraction prévue par le code de discipline militaire.
•Chef d’accusation 3 (subsidiaire au chef d’accusation 4): Art. 130 LDN, emploi d’un document contrefait (art. 368 C. cr.).
•Chef d’accusation 4 (subsidiaire au chef d’accusation 3): Art. 117f) LDN, a commis un acte de caractère frauduleux non expressément visé aux articles 73 à 128 de la Loi sur la défense nationale.

Résultats
•VERDICTS : Chefs d’accusation 1, 4 : Coupable. Chefs d’accusation 2, 3 : Une suspension d’instance.
•SENTENCE : Un blâme et une amende au montant de 3000 $.

Contenu de la décision

 

COUR MARTIALE

 

Référence : R c Morton, 2013 CM 4003

 

Date : 20130130

Dossier : 201267

 

Cour martiale permanente

 

Base des Forces canadiennes Halifax

Halifax (Nouvelle‑Écosse), Canada

 

Entre : 

 

Sa Majesté la Reine

 

- et -

 

Maître de 1re classe D.W. Morton, contrevenant

 

 

En présence du Lieutenant‑colonel J‑G Perron, J.M.

 


 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DE LA SENTENCE

 

(Prononcés de vive voix)

 

[1]               Maître de 1re classe Morton, après avoir accepté et inscrit vos plaidoyers de culpabilité relativement aux premier et quatrième chefs d’accusation, la cour vous déclare maintenant coupable de ces accusations et ordonne le sursis de l’instance à l’égard des deuxième et troisième chefs d’accusation. La cour doit maintenant rendre une sentence juste et appropriée en l’espèce.

 

[2]               L’énoncé des circonstances, au sujet duquel vous avez formellement admis que les faits qui y sont énoncés constituent une preuve concluante de votre culpabilité, l’exposé conjoint des faits et votre témoignage fournissent à la cour les circonstances entourant la perpétration des infractions. Au moment des infractions, vous étiez affecté au Centre de guerre électronique navale à Ottawa (Ontario), à titre de superviseur du soutien de la flotte.

 

[3]               À Dartmouth (Nouvelle‑Écosse), entre le 1er et le 19 décembre 2011, vous êtes allé voir votre ami, le Maître de 2e classe Collins. Au cours de votre conversation, vous avez demandé au Maître de 2e classe Collins de passer le test EXPRES des FC à votre place et il a accepté de le faire. Le 19 décembre 2011, le Maître de 2e classe Collins a réussi le test EXPRES des FC en se faisant passer pour vous. Il a signé le formulaire DND 279, Programme EXPRES FC, en se servant de votre identité. Après le test, vous avez obtenu la copie du membre du formulaire en question que le Maître de 2e classe Collins avait falsifié.

 

[4]               Le 10 janvier 2012, à votre retour à votre unité à Ottawa, vous avez informé votre superviseur, le Premier maître de 2e classe Forrester, que vous aviez réussi le test EXPRES des FC. Vous avez montré au Premier maître de 2e classe Forrester la « copie du membre » du formulaire DND 279, Programme EXPRES FC, que vous aviez reçue du Maître de 2e classe Collins afin que le Premier maître de 2e classe Forrester l’accepte comme document authentique. Les résultats du test EXPRES des FC du 19 décembre 2011 ont été inscrits dans le sommaire des dossiers du personnel militaire (SDPM) vous concernant et dans votre rapport d’appréciation (RAP) annuel pour l’année 2011.

 

[5]               Le formulaire DND 279, Programme EXPRES FC, est employé dans le cadre des normes minimales de condition physique. Il s’agit d’un système d’évaluation de la condition physique et de gestion des documents dont se servent les Forces canadiennes pour favoriser une bonne condition physique individuelle, pour évaluer périodiquement le degré de condition physique des membres des Forces canadiennes et pour tenir un registre institutionnel à cet égard. La chaîne de commandement utilise ce formulaire, sur lequel sont consignés les résultats des tests du Programme EXPRES, aux fins des décisions relatives à la carrière des membres des Forces canadiennes, y compris les évaluations fournies chaque année au moyen des RAP. Selon la politique des Forces canadiennes en matière de santé et de promotion, les membres doivent obtenir, à tout le moins, la note de passage lors de leur évaluation du test EXPRES des FC pour être admissibles à une promotion.

 

[6]               Comme l’a indiqué la Cour d’appel de la cour martiale, la détermination de la peine est un processus fondamentalement subjectif et individualisé au cours duquel le juge du procès a l’avantage d’avoir vu et entendu tous les témoins et c’est l’une des tâches les plus difficiles que le juge du procès doive remplir.

 

[7]               La Cour d’appel de la cour martiale a statué que les objectifs fondamentaux de la détermination de la peine énoncés au Code criminel du Canada s’appliquent au système de justice militaire et que le juge militaire doit en tenir compte au moment de décider de la peine à infliger. Le prononcé des peines a pour objectif essentiel de contribuer au respect de la loi et à la protection de la société, ce qui comprend les Forces canadiennes, par l’infliction de sanctions justes visant l’un ou plusieurs des objectifs suivants :

 

a)                  dénoncer le comportement illégal;

 

b)                  dissuader les délinquants, et quiconque, de commettre des infractions;

 

c)                  isoler au besoin les délinquants du reste de la société;

 

d)                 favoriser la réinsertion sociale des délinquants;

 

e)                  assurer la réparation des torts causés aux victimes ou à la collectivité;

 

f)                   susciter la conscience de leurs responsabilités chez les délinquants, notamment par la reconnaissance du tort qu’ils ont causé aux victimes et à la collectivité.

 

[8]               La cour doit décider si la protection du public serait mieux servie par la dissuasion, par la réinsertion sociale, par la dénonciation ou par une combinaison de ces facteurs.

 

[9]               Les dispositions du Code criminel en matière de détermination de la peine, soit les articles 718 à 718.2, établissent un processus individualisé au cours duquel la cour doit tenir compte, en plus des circonstances de l’infraction, de la situation particulière du contrevenant. La peine doit également être semblable aux autres peines imposées en de semblables circonstances. Le principe de la proportionnalité constitue un élément central de la détermination de la peine. Le principe de la proportionnalité exige que la sanction n’excède pas ce qui est juste et approprié, compte tenu de la culpabilité morale du contrevenant et de la gravité de l’infraction.

 

[10]           Le juge doit soupeser les objectifs de la détermination de la peine de façon à tenir compte des circonstances particulières de l’affaire. Il appartient au juge qui prononce la sanction de déterminer s’il faut accorder plus de poids à un ou plusieurs objectifs. La peine sera par la suite ajustée dans la fourchette des peines appropriées pour des infractions similaires.

 

[11]           La cour doit également infliger une peine qui soit la sanction minimale nécessaire pour maintenir la discipline. L’objectif ultime de la détermination de la peine dans le contexte militaire est le rétablissement de la discipline chez le contrevenant et dans la société militaire. La discipline est l’un des prérequis fondamentaux de l’efficacité opérationnelle de toute force militaire.

 

[12]           La poursuite soutient que les principes suivants de la détermination de la peine s’appliquent en l’espèce : la dénonciation, la dissuasion générale et spécifique et la réinsertion sociale. Elle a cité trois décisions pour faire valoir que la peine minimale à infliger en l’espèce est une rétrogradation au grade de maître de 2e classe, une réprimande et une amende selon un montant allant de 1 000 $ à 3 000 $. Pour sa part, l’avocat de la défense affirme qu’une réprimande assortie d’une amende de 1 500 $ constituerait une peine juste en l’espèce.

 

[13]           J’énoncerai maintenant les circonstances aggravantes et les circonstances atténuantes dont j’ai tenu compte pour déterminer la peine qu’il convient d’infliger en l’espèce. À mon avis, les éléments suivants constituent des facteurs aggravants :

 

a)                  le complot, qui est prévu à l’article 128 de la Loi sur la défense nationale, est une infraction grave sur le plan objectif, puisqu’il est passible d’un emprisonnement maximal de sept ans. En revanche, l’acte de caractère frauduleux visé au sous‑alinéa 117f) de la Loi sur la défense nationale n’est pas une infraction aussi grave sur le plan objectif, puisque l’auteur de cette infraction encourt comme peine maximale un emprisonnement de moins de deux ans;

 

b)                  les infractions examinées en l’espèce étaient préméditées jusqu’à un certain point de votre part. Vous avez rencontré le Maître de 2e classe Collins et vous lui avez demandé de passer le test EXPRES des FC à votre place. Vous avez ensuite téléphoné pour prendre le rendez‑vous pour le test. Vous lui avez donné votre numéro matricule, votre date de naissance, votre unité d’appartenance, le code d’identification de votre unité et d’autres renseignements personnels dont il avait sans doute besoin pour remplir le formulaire;

 

c)                  les infractions en question n’ont pas été commises de façon impulsive, mais étaient plutôt intentionnelles et planifiées. Le Maître de 2e classe Collins s’est soumis au test le 19 décembre 2011 et il vous a remis la copie du membre de ce formulaire le même jour. Vous avez montré cette copie au Premier maître de 2e classe Forrester le 10 janvier 2012 en lui disant que vous aviez réussi votre test EXPRES des FC;

 

d)                 le procureur de la poursuite a soutenu que vous aviez abusé de votre position de confiance vis‑à‑vis les Forces canadiennes et vos superviseurs ainsi que de votre position d’autorité vis‑à‑vis le Maître de 2e classe Collins. Je ne suis pas d’accord avec le procureur de la poursuite. Vous avez menti à votre superviseur et vous aviez l’intention de frauder les Forces canadiennes, mais vous n’avez pas explicitement abusé d’une position de confiance lors de l’infraction. Même si le Maître de 2e classe Collins occupe un poste d’un grade inférieur au vôtre, vous lui avez parlé comme s’il s’était agi d’un ami que vous connaissiez depuis plus de 20 ans et je n’ai été saisi d’aucun élément de preuve tendant à démontrer que vous avez abusé de votre autorité lorsque vous avez comploté avec le Maître de 2e classe Collins. En conséquence, je ne considérerai pas le principe énoncé au sous‑alinéa 718.2a)(iii) comme un facteur aggravant;

 

e)                  vous avez dit au Maître de 2e classe Collins que vous occupiez le deuxième rang sur la liste des candidats par ordre de mérite et que vous pourriez obtenir une promotion au début de la nouvelle année, pourvu que vous réussissiez auparavant votre test EXPRES des FC. Vous avez expliqué au Maître de 2e classe Collins que vous seriez incapable de réussir le test, en raison d’un problème d’ordre médical, et vous lui avez demandé de passer le test à votre place;

 

f)                   en demandant à un ami de passer le test EXPRES des FC à votre place, vous avez mis son bien‑être en péril. Vous étiez sans doute au courant des conséquences auxquelles il serait exposé si votre plan était découvert. Vous êtes membre des Forces canadiennes depuis suffisamment longtemps pour savoir qu’il pourrait être accusé, ce qui entraînerait de graves conséquences pour sa vie et sa carrière. Même si c’est lui qui a décidé en bout de ligne de vous aider et de s’exposer à ces conséquences, vous n’avez pas tenu compte de son bien‑être, parce que vous vouliez être promu au grade de premier maître de 2e classe. Vous avez agi de la sorte pour tirer un avantage personnel, ce qui n’est pas une conduite démontrant des qualités de leadership;

 

g)                  bien que vous ayez une fiche de conduite, elle remonte à un certain temps déjà et porte sur des infractions qui ne sont pas liées à celles dont il est question en l’espèce. En conséquence, je ne considérerai pas cette fiche comme un facteur aggravant.

 

[14]           En ce qui concerne les circonstances atténuantes, je souligne les éléments suivants :

 

a)                  vous avez plaidé coupable. Par conséquent, un plaidoyer de culpabilité est habituellement considéré comme un facteur atténuant. De façon générale, on considère que cette interprétation n’est pas en contradiction avec le droit au silence de l’accusé ni avec son droit d’exiger de la poursuite qu’elle prouve hors de tout doute raisonnable les accusations pesant contre lui, mais constitue plutôt un moyen pour les tribunaux d’infliger une peine plus clémente, l’avis de culpabilité signifiant habituellement qu’il n’y aura pas de témoins à assigner, ce qui réduit de beaucoup les coûts associés aux procédures judiciaires. L’aveu est généralement vu aussi comme un signe que l’accusé est disposé à assumer la responsabilité de ses actes illicites et du tort qui en a résulté;

 

b)                  le crédit donné à un aveu de culpabilité varie selon les circonstances de chaque cas. Il a beaucoup été question de remords au cours de l’audience relative à la détermination de la peine. L’absence de remords n’est pas un facteur aggravant. Le remords montre l’attitude du contrevenant à l’égard des crimes qu’il a commis et ses chances de réinsertion sociale;

 

c)                  bien que je convienne avec l’avocat de la défense que l’aveu de culpabilité en l’espèce est un facteur atténuant, je ne crois pas que le Maître de 1re classe Morton a toujours accepté la responsabilité de ses actes. Il a déclaré au cours de son témoignage qu’il avait téléphoné à un avocat militaire en mars 2012. Après cette conversation, il n’a fourni aucun renseignement à ses superviseurs au sujet des infractions en question. Il avait le droit de ne pas admettre avoir commis les actes illégaux dont il a été déclaré coupable. Il ne peut être puni pour avoir exercé ce droit. En conséquence, il n’y a pas lieu de lui infliger une peine plus lourde parce qu’il ne s’est pas rendu lui‑même aux autorités et n’a pas coopéré avec celles‑ci. Cependant, sa décision de garder le silence n’appuie pas les allégations de l’avocat de la défense selon lesquelles le contrevenant a toujours accepté la responsabilité de ses actes illégaux;

 

d)                 lorsqu’il s’est fait demander au cours de son interrogatoire en chef pourquoi il avait agi de la sorte, le Maître de 1re classe Morton n’a pas dit qu’il avait commis les infractions en question pour s’assurer d’obtenir une promotion, mais plutôt parce qu’il craignait d’être renvoyé du fait qu’il ne respecterait pas les conditions relatives à l’universalité du service. En contre‑interrogatoire, il n’a pas donné spontanément cette explication, bien que ce motif soit énoncé clairement dans l’exposé conjoint des faits figurant à la pièce 6;

 

e)                  le Maître de 1re classe Morton a déclaré au cours de son témoignage qu’il devait passer le test EXPRES des FC à la fin de 2011, mais il a également souligné qu’il s’était fait dire qu’il devait se soumettre au test au plus tard le 31 mars 2012. En contre‑interrogatoire, il a affirmé ignorer qu’il pouvait obtenir une exemption médicale le dispensant de l’obligation de passer le test EXPRES des FC au cours de la période visée par le RAP. Pourtant, il a pu trouver la documentation officielle du RAP lorsqu’il lui a fallu corriger ce rapport. À mon avis, la preuve ne démontre pas que le Maître de 1re classe Morton a toujours accepté pleinement la responsabilité de ses gestes. Cela étant dit, son plaidoyer de culpabilité est considéré comme un facteur atténuant;

 

f)                   les parties se sont longuement attardées aux deux griefs concernant le RAP du Maître de 1re classe Morton. Le contrevenant avait le droit de demander réparation et il a d’ailleurs obtenu gain de cause lors des deux griefs. Cette preuve n’est pas prise en compte dans la détermination d’une peine juste dans la présente affaire;

 

g)                  j’ai examiné les lettres de recommandation figurant à la pièce 9 et les RAP de la pièce 10. Ces documents et le témoignage de tous les témoins de la défense montrent clairement que le Maître de 1re classe Morton a toujours été un excellent opérateur de détecteurs électroniques (Marine). Il a également fait montre d’excellentes qualités de leadership lorsqu’il a exercé ses fonctions à bord de navires ou dans le cadre d’affectations à terre. J’accepterai la preuve qu’il a présentée au sujet de son état de santé, selon laquelle le mal de dos dont il souffrait et le manque de sommeil et le stress qui en ont résulté ont influencé son jugement au cours de cette période. J’accepte cette preuve parce qu’elle permet de comprendre votre conduite, mais elle ne l’excuse pas;

 

h)                  il appert de la preuve qu’une telle conduite ne vous ressemble pas. Bien que la préméditation et la planification sous‑jacentes aux infractions ainsi que la période au cours de laquelle elles ont été commises constituent des facteurs aggravants, je considérerai l’excellent rendement que vous avez toujours affiché par ailleurs et le fait que les infractions en question ne vous ressemblent pas comme des facteurs atténuants.

 

[15]           J’ai examiné les décisions que le procureur de la poursuite et l’avocat de la défense ont invoquées devant moi. Je suis d’avis que ces décisions portaient sur des situations moins graves que celle de la présente affaire. Bien qu’elles concernent dans tous les cas des activités malhonnêtes liées au test EXPRES des FC, aucun des contrevenants n’a été déclaré coupable de complot et les faits sont différents de ceux qui ont été établis en l’espèce. Le sergent Biron a été déclaré coupable en 2010 des deux accusations portées sous le régime de l’article 125 de la Loi sur la défense nationale, soit d’avoir fait une fausse inscription dans un document, et a été condamné à une réprimande et à une amende de 1 000 $ suivant une proposition conjointe présentée à la cour. Le Maître de 2e classe Collins a été déclaré coupable en 2012 d’avoir fait une fausse inscription dans un document aux termes de l’article 125 de la Loi sur la défense nationale et a été condamné à une réprimande et à une amende de 1 200 $, par suite d’une proposition conjointe présentée à la cour. Le colonel Lewis a été déclaré coupable en 2012 d’avoir modifié un document, contrairement à l’article 125 de la Loi sur la défense nationale, et a été condamné à une amende de 5 000 $. La poursuite a demandé une rétrogradation dans cette affaire‑là.

 

[16]           En 2004, le caporal Chevrier a été déclaré coupable d’une accusation qui semble avoir été portée sous le régime de l’article 125 de la Loi sur la défense nationale, soit la présentation d’un document falsifié, et a été condamné à une amende de 650 $. L’avocat de la défense a également cité l’affaire de la lieutenant‑colonel Miller, qui aurait été déclarée coupable d’une accusation portée sous le régime de l’article 125 de la Loi sur la défense nationale et de deux accusations fondées sur l’article 129 de la Loi sur la défense nationale pour avoir menti au sujet de son test EXPRES des FC et pour avoir déposé un faux formulaire. Elle a été condamnée à un blâme et à une amende de 3 000 $. Il semblerait que la poursuite n’ait pas demandé de rétrogradation dans cette affaire‑là.

 

[17]           Dans R c Nasogaluak, 2010 CSC 6, la Cour suprême du Canada décrit au paragraphe 42 le concept de la proportionnalité en matière de détermination de la peine :

 

                D’une part, ce principe requiert que la sanction n’excède pas ce qui est juste et approprié compte tenu de la culpabilité morale du délinquant et de la gravité de l’infraction. En ce sens, le principe de la proportionnalité joue un rôle restrictif. D’autre part, à l’optique axée sur l’existence de droits et leur protection correspond également une approche relative à la philosophie du châtiment fondée sur le « juste dû ». Cette dernière approche vise à garantir que les délinquants soient tenus responsables de leurs actes et que les peines infligées reflètent et sanctionnent adéquatement le rôle joué dans la perpétration de l’infraction ainsi que le tort qu’ils ont causé. [] Sous cet angle, la détermination de la peine représente une forme de censure judiciaire et sociale. []  Toutefois, sans égard au raisonnement servant d’assise au principe de la proportionnalité, le degré de censure requis pour exprimer la réprobation de la société à l’égard de l’infraction demeure dans tous les cas contrôlé par le principe selon lequel la peine infligée au délinquant doit correspondre à sa culpabilité morale et non être supérieure à celle‑ci. Par conséquent, les deux optiques de la proportionnalité confluent pour donner une peine qui dénonce l’infraction et qui punit le délinquant sans excéder ce qui est nécessaire.

 

[18]           Dans R c Reid et R c Sinclair, 2010 CMAC 4, la Cour d’appel de la cour martiale formule les remarques suivantes au paragraphe 39 :

 

La rétrogradation est un instrument important faisant partie de la trousse utilisée par le juge militaire dans la détermination de la peine. La rétrogradation sanctionne de manière plus efficace la perte de confiance des forces militaires envers le membre contrevenant que toute amende ou blâme pouvant être imposé…

 

[19]           Bien que le Maître de 1re classe Morton n’ait pas abusé de son grade pour commettre les infractions en question et qu’il n’ait pas abusé non plus de son grade lorsqu’il a demandé au Maître de 2e classe Collins de passer le test à sa place, il a agi de la sorte afin d’obtenir un avantage personnel, soit une promotion au grade de premier maître de 2e classe. Le Maître de 1re classe Morton n’a pas démontré les qualités de leadership attendues d’un maître de 1re classe en commettant ces infractions. Il a fait passer son intérêt personnel avant le bien‑être de son ami et avant ses responsabilités en qualité de sous‑officier supérieur.

 

[20]           Le Maître de 1re classe Morton a initialement été accusé en mai 2012 et un acte d’accusation a été établi le 4 octobre 2012. Il a été assujetti à une mise en garde et surveillance (MG et S), qui est une mesure corrective administrative, le 13 novembre 2012. Son procès devant la cour martiale a été fixé au 23 novembre 2012. Son unité à Ottawa n’a pas modifié l’emploi qu’il exerçait ou les responsabilités qui lui étaient confiées. La cour n’a été saisie d’aucun témoignage montrant que son travail était surveillé de plus près depuis la découverte des infractions.

 

[21]           Il a été affecté au centre Trinité à titre d’analyste de guerre de surface en décembre 2012, même s’il appert clairement de la DOAD 5019‑4 qu’une personne sous MG et S ne peut faire l’objet d’aucune affectation, sauf s’il s’agit d’une affectation dans le cadre d’un déploiement opérationnel ou que le DGCM en décide autrement.

 

[22]           Une affectation au centre Trinité est une affectation très délicate, en raison du type de tâches que cette unité accomplit pour les Forces canadiennes et pour le gouvernement du Canada. Quiconque a regardé les bulletins de nouvelles au cours des derniers mois connaît la nature de cette unité. Le Maître de 1re classe Morton détient une cote de sécurité de niveau très secret.

 

[23]           Il semblerait donc que le Maître de 1re classe Morton ait été affecté à une unité de collecte de renseignements clé alors qu’il était assujetti à une MG et S et qu’il attendait son procès. Apparemment, les autorités compétentes de son corps de métier et de sa chaîne de commandement ont pensé qu’il était suffisamment digne de confiance pour occuper le poste d’analyste de guerre de surface au grade de maître de 1re classe dans une unité de collecte de renseignements de nature très importante et très délicate.  

 

[24]           Pour déterminer la peine à imposer, la cour a tenu compte des circonstances entourant la perpétration des infractions, des facteurs atténuants et aggravants exposés par votre avocat et par le procureur de la poursuite, des décisions que les avocats ont citées, des observations que les deux avocats ont formulées ainsi que des principes applicables en matière de détermination de la peine.

 

[25]           La cour a tenu compte des principes de la dénonciation, de la dissuasion générale et spécifique ainsi que de la réinsertion sociale. Bien qu’elle ne soit pas convaincue que la rétrogradation constitue une sanction appropriée dans les circonstances, la cour doit imposer une peine qui vous fera clairement comprendre, à vous et aux autres, qu’un tel comportement est inacceptable et qui vous aidera à accepter la responsabilité de vos actes.

 

POUR CES MOTIFS, LA COUR :

 

CONDAMNE le Maître de 1re classe Morton à un blâme et à une amende de 3 000 $. L’amende sera payée en versements mensuels de 500 $ à compter du 15 février 2013. Le solde dû devra être payé avant votre dernière journée au sein des Forces armées, si vous êtes libéré pour une raison ou pour une autre avant d’avoir complètement acquitté l’amende.

 


 

Avocats :

 

Capitaine de corvette D. Reeves, Service canadien des poursuites militaires

Procureur de Sa Majesté la Reine

 

M. D. Bright, Boyne Clark LLP

99 Wise Road

Dartmouth (N.‑É.)  B3A 4S5

Avocat du Maître de 1re classe D.W. Morton

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