Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l'ouverture du procès : 18 octobre 2010

Endroit : Garnison Valcartier, Édifice 534 (l'Académie), Courcelette (QC)

Chefs d'accusation
•Chef d'accusation 1 : Art. 130 LDN, braquage d'une arme à feu (art. 87(1) C. cr.).
•Chef d'accusation 2 : Art. 130 LDN, usage négligent d'une arme à feu (art. 86(1) C. cr.).
•Chef d'accusation 3 (subsidiaire au chef d'accusation 6) : Art. 124 LDN, a exécuté avec négligence une tâche militaire.
•Chef d'accusation 4 : Art. 124 LDN, a exécuté avec négligence une tâche militaire.
•Chef d'accusation 5 : Art. 129(2) LDN, acte préjudiciable au bon ordre et à la discipline.
•Chef d'accusation 6 (subsidiaire au chef d'accusation 3): Art. 129 LDN, acte préjudiciable au bon ordre et à la discipline.

Résultats
•VERDICTS : Chefs d'accusation 1, 2, 5 : Retirés. Chefs d'accusation 3, 4 : Coupable. Chef d'accusation 6 : Une suspension d'instance.
•SENTENCE : Un blâme et une amende au montant de 2000$.

Contenu de la décision

COUR MARTIALE

 

Référence : R. c. Thibault, 2010 CM 3022

 

Date : 20101018

Dossier : 201023

 

Cour martiale permanente

 

Base des Forces canadiennes Valcartier

Courcelette, Québec, Canada

 

Entre :

 

Sa Majesté la Reine

 

- et -

 

Adjudant J.F.C. Thibault, contrevenant

 

 

Devant : Lieutenant-colonel L.-V. d'Auteuil, J.M.

 


 

MOTIFS DE LA SENTENCE

 

(Oralement)

 

[1]               Adjudant Thibault, la cour martiale ayant accepté et enregistré votre aveu de culpabilité sous le 3e et 4e chef d'accusation, la cour vous trouve maintenant coupable de ces deux chefs; et puisque le 6e chef d'accusation était subsidiaire au 3e chef d'accusation, la cour ordonne une suspension d'instance concernant le 6e chef d'accusation. Maintenant, le 1er, 2e chef et 5e chef d'accusation ayant été retiré par la poursuite avant le début du procès, donc la cour n'aura aucun autre chef avec lequel elle doit qu'elle doit traiter.

 

[2]               Il est maintenant de mon devoir à titre de juge militaire présidant la cour martiale permanente de déterminer la sentence.

 

[3]               Dans le contexte particulier d'une force armée, le système de justice militaire constitue l'ultime recours pour faire respecter la discipline qui est une dimension essentielle de l'activité militaire dans les Forces canadiennes. Le but de ce système est de prévenir toute inconduite ou de façon plus positive de veiller à promouvoir la bonne conduite. C'est au moyen de la discipline que les forces armées s'assurent que leurs membres rempliront leur mission avec succès, en toute confiance et fiabilité. Le système de justice militaire voit aussi au maintien de l'ordre public et s'assure que les personnes justiciables du code de discipline militaire sont punis de la même façon que toute autre personne vivant au Canada.

 

[4]               L'imposition d'une sentence est la tâche la plus difficile d'un juge. La Cour suprême du Canada a reconnu dans l'arrêt R. c. Généreux[1] que, et je cite : « pour que les Forces armées soient prêtes à intervenir, les autorités militaires doivent être en mesure de faire respecter la discipline interne de manière efficace ». Elle a souligné que « dans le contexte particulier de la discipline militaire, les manquements à la discipline devraient être réprimés promptement, et dans bien des cas, punis plus durement que si les mêmes actes avaient été accomplis par un civil. » Or, le droit ne permet pas à un tribunal militaire d'imposer une sentence qui se situerait au-delà de ce qui est requis dans les circonstances de l'affaire. En d'autres mots, toute peine infligée par un tribunal, qu'il soit civil ou militaire, doit être individualisée et représenter l'intervention minimale requise puisque la modération est le principe fondamental de la théorie moderne de la détermination de la peine au Canada.

 

[5]               Dans le cas qui nous occupe ici, le procureur de la poursuite et l'avocat de la défense ont présenté une suggestion commune sur la peine. Ils ont recommendé que la cour vous condamne à un blâme et une amende au montant de 2,000 dollars. La cour martiale n'est pas liée par cette recommendation, il est toutefois de jurisprudence constante que seul des motifs incontournables et convaincants peuvent lui permettre de s'en écarter. Il est aussi généralement reconnu qu'elle ne devrait agir ainsi que lorsqu'il serait contraire à l'intérêt public de l'accepter et que cela aurait pour effet de déconsidérer l'administration de la justice.

 

[6]               L'imposition d'une sentence devant une cour martiale a pour objectif essentiel le respect de la loi et le maintien de la discipline, et ce, en infligeant des peines visant un ou plusieurs des objectifs suivants :

 

a.                   la protection du public y compris les Forces canadiennes;

 

b.                  la dénonciation du comportement illégal;

 

c.                   la dissuasion du contrevenant et quiconque de commettre les mêmes infractions;

 

d.                  isoler au besoin les délinquants du reste de la société; et

 

e.                   la réhabilitation et la réforme du contrevenant.

 

[7]   Les peines infligées qui composent la sentence imposée par un tribunal militaire peuvent également prendre en compte les principes suivants :

a.                   la proportionnalité en relation à la gravité de l'infraction;

 

b.                  la responsabilité du contrevenant et les antécédents de celui-ci ou de celle-ci;

 

c.                   l'harmonisation des peines, c'est-à-dire l'infliction de peine semblable à celle infligée à des contrevenants pour des infractions semblables commises dans des circonstances semblables;

 

d.                  l'obligation, avant d'envisager la privation de liberté, d'examiner la possibilité de peine moins contraignante lorsque les circonstances le justifie. Bref, le tribunal ne devrait avoir recours à une peine d'emprisonnement ou de détention qu'en dernier ressort;

 

e.                   finalement, toute peine qui compose une sentence devrait être adaptée aux circonstances aggravantes ou atténuantes liées à la perpétration de l'infraction ou à la situation du contrevenant.

 

[8]               La cour est d'avis que l'infliction d'une peine au contrevenant dans cette cause doit mettre l'accent sur les objectifs liés à la dénonciation et à la dissuasion générale et spécifique. Il est important de retenir que le principe de dissuasion générale implique que la peine infligée devrait non seulement dissuader le contrevenant de récidiver mais aussi dissuader toute autre personne qui se trouve dans une situation analogue de se livrer aux mêmes actes illicites.

 

[9]               Ici, la cour est saisie de deux infractions qui concernent le fait d'avoir exécuté avec négligence une tâche militaire. Essentiellement, de ce que je comprends des circonstances, c'est que le 8 juin 2009, l'adjudant Thibault se trouvait en mission en Afghanistan, avait une tâche bien spécifique avec son commandant de peloton; c'était de diriger et de superviser un champ de tir d'armes légères et ainsi que de lance-roquettes M-72. L'adjudant Thibault était responsable d'un des deux champs de tir puisque le lieutenant devait s'occuper d'un autre au même endroit. Et alors qu'un caporal-chef, le caporal-chef Cyr, tirait avec un fusil d'assault C-7, l'adjudant Thibault a lancé une grenade de type « sound and flash grenade nine banger» au pied du tireur. La détonation vise à désorienter l'ouïe et la vue des tireurs habituellement et c'est arrivé, mais le tireur a réussi à garder le contrôle de son arme.

 

[10]           En tant qu'adjoint de tir, l'adjudant Thibault n'a pas ne s'est pas assuré de respecter les normes qui sont prescrites à l'entraînement dans une telle situation. Il n'avait surtout pas obtenu de dérogation pour agir ainsi. La même journée, sans aucune supervision, l'adjudant Thibault a saisi un lance-roquettes M-72 et a effectué un premier tir sur une palette de bois qui se trouvait dans le champ tir, et il l'a fait même à une deuxième reprise sans s'assurer que l'endroit était dégagée selon les normes de sécurité applicable soit environ 250 mètres. Il y avait des gens qui se trouvaient à environ 30 mètres. De plus au niveau des circonstances il se trouvait au moment du tir que l'adjudant Thibault était le plus haut gradé en plus d'être le responsable du champ de tir.

 

[11]           Vous comprendrez, Adjudant Thibault, que les tribunaux sont sensibles à ce genre d'infraction même si elle est typiquement militaire, comme l'a si bien souligné votre avocat, parce que lorsqu'elles sont portées et les gens sont reconnus coupable de ça dans le code de discipline militaire, il s'agit d'infractions parmi les infractions les plus sérieuses. En ce sens, c'est sérieux pour différentes raisons. Vous savez que les militaires sont guidés par des objectifs, par des principes; un des principes est le respect, le respect de l'intégrité des gens, le respect d'autrui et dans les circonstances qui ont été relatées, c'est assez clair que ce n'était pas l'une des choses qui vous guidait à ce moment-là. Aussi ce type d'infraction-là réfère à la responsabilité et à l'intégrité. Vous m'avez vu expliquer à vous ainsi qu'à vos avocats la notion d'écart marqué sur la nature de négligence, on a parlé de négligence criminelle. Et lorsqu'une telle infraction est apportée devant un tribunal militaire, c'est sûr et certain que ce qui vient à notre esprit et ce sont ces obligations auxquelles vous auriez manqué de responsabilité et d'intégrité. Être fiable et digne de confiance au sein des Forces canadiennes c'est quelque chose d'essentiel, et ce, en tout temps, particulièrement dans les circonstances des incidents. Et je crois qu'à ce moment-là, c'était — disons que c'était le moindre de vos soucis.

 

[12]           Pour arriver à ce qu'une cour croit être une peine juste et appropriée, elle doit tenir compte des circonstances aggravantes et atténuantes. Sur le plan objectif, la gravité objective, j'en ai parlé un peu, pour situer un peu dans l'échelle des infractions les plus graves, je dois dire que l'article 124 de la Loi sur la défense nationale c'est une infraction sérieuse parce que sur le plan objectif, la peine maximale est la destitution ignominieuse du service de Sa Majesté ou peine moindre. Relativement à la gravité subjective, il y a trois aspects que je retiens de la preuve qui m'a été présentée :

 

a.                   D'abord, il y a l'insouciance téméraire dont vous avez fait preuve. Ce n'est pas une insouciance ordinaire dans les circonstances. Quand on parlait d'écart marqué on parlait de quelque chose qui est très particulier, ce qu'une personne ne ferait pas normalement dans les circonstances. Compte tenu de votre expérience, autant sur la manipulation des armes et en tenant compte aussi des missions auxquelles vous avez participé, la formation que vous avez reçue. Formation qui est quand même impressionnante parce que vous avez touché à beaucoup de choses. En raison de votre grade, ça fait quand même quatre ans, si je ne me trompe pas, que vous êtes adjudant. Donc, on vous voit comme — vous êtes perçu comme un leader au sein de votre unité et le fait que vous avez agit en présence de subalternes, tout ça mis ensemble, démontre une insouciance téméraire, et en ce sens, c'est un facteur aggravant que je dois considérer.

 

b.                  L'autre aspect est le théâtre opérationnel. Je suis tout à fait conscient que des champs tirs, il y en a au Canada sur les bases, ça fait parti de l'entraînement quotidien, ben je ne dirais pas quotidien mais habituel des gens de votre métier, d'où les formations que vous avez, mais quand on est en théâtre opérationnel, on se trouve à avoir ou être en présence d'entraînement de tir réel de manière plus fréquente simplement pour être — et vous en connaissez les raisons comme moi — c'est s'assurer que les gens sont à l'aise avec leur arme et puis sont capable de s'en servir de manière efficace, compte tenu que leur vie peut être en danger, puis pas juste la leur mais celle des autres. Donc, on veut des gens qui manipulent bien leurs armes et surtout qu'ils ne sont pas dangereux pour les autres, et en théâtre opérationnel on a plus le champ tir. Alors le fait que ça se soit passé là-bas où les gens vont et sont déjà en danger, on met encore plus en danger les vies de nos soldats, dans ce contexte-là c'est un facteur que je dois considérer aggravant, le lieu où ça s'est passé.

 

c.                   Finalement, il y a le degré de responsabilité que vous aviez à ce moment-là. En étant le plus haut gradé sur le champ de tir, dont vous étiez responsable, c'est clair que vous deviez agir avec un certain leadership. Je pense que c'est assez clair pour vous, c'est quelque chose que vous connaissez bien, vous deviez donner l'exemple. Et on l'a retrouvé ailleurs dans d'autres documents, dans le témoignage du major, c'est clair que c'est un facteur que la cour doit considérer comme étant aggravant dans les circonstances.

 

[13]           Il y a aussi une série de facteurs atténuants dont la cour doit tenir compte :

 

a.                   Le premier facteur est votre plaidoyer de culpabilité. En plaidant coupable aux deux infractions, dont exécuter avec négligence une tâche qui vous était assignée, vous avez témoigné de manière manifeste de vos remords, de votre sincérité dans votre intention de continuer à représenter un actif solide pour les Forces canadiennes.

 

b.                  Il y a aussi l'absence de dossier criminel ou d'infraction similaire sur votre fiche de conduite. Vous devez comprendre que quand les avocats s'adressent à moi et puis disent que vous n'avez pas de fiche de conduite, la fiche de conduite dans les Forces canadiennes est un instrument sur lequel on inscrit les bons coups et les mauvais coups. Alors vous pourriez avoir une fiche de conduite pour les mentions que vous auriez eu, par exemple, en théâtre opérationnel ou au combat. Alors ce n'est pas le fait que vous n'avez pas de fiche de conduite mais vous n'avez pas de mention sur la fiche de conduite pour des infractions de même nature qui sont similaires.

 

c.                   Il y a le fait que vous avez eu les conséquences administratives qui ont découlées de ces incidents-là. Les mesures administratives ne sont pas une sentence en soi. C'est quelque chose qui, sous la responsabilité de la chaîne de commandement, de vos superviseurs, de vos supérieurs, et c'est totalement différent de la sentence qui est imposée par un tribunal militaire. Par contre, la cour doit en tenir compte. Premièrement parce que ça a l'effet de dénoncer — un effet de dénonciation pour les gestes qui ont été commis. Si j'ai bien compris, vous avez été retiré plus tôt de mission en raison de cet incident particulier, donc les gens peuvent y voir une dénonciation du comportement que vous avez eu, et ce, sans égard à votre responsabilité comme tel. D'autre part, c'est une mesure qui a sûrement un certain effet dissuasif auprès des autres militaires qui sont sur place là-bas. Il y a un message qui est passé à l'effet qu'un tel comportement ne peut pas être toléré. Donc la cour doit tenir compte de ces mesures administratives-là qui vous ont été imposées.

 

d.                  Il y a le fait aussi de faire face à cette cour martiale. Sans être ostracisé, c'est sûr et certain que les gens sont au courant que vous avez fait l'objet d'accusation et vous deviez comparaître devant une cour martiale. Et ce fait –là plus le fait que plusieurs personnes parmi vos pairs et d'autres membres, probablement de votre unité, sont ici ou ont été ici aujourd'hui, fait en sorte que ça a un effet dissuasif probablement sur vous, parce que ce n'est pas nécessairement une expérience qu'on veut répéter, et ça a aussi un effet dissuasif sur les autres, ça leur donne une idée qu'est-ce que ça peut être.

 

e.                   Maintenant, il y a deux autres facteurs atténuants dont je tiens compte et sur laquelle je mets plus d'emphase parce que jusqu'à un certain point je suis d'accord avec les représentations qui ont été faites par les avocats. Il y a d'abord le fait qu'il s'agit d'un incident isolé. Et vous avez vu par mes questions que j'ai essayé d'explorer avec le major, à comprendre durant son témoignage, basé sur les faits qu'il connaissait, si c'était quelque chose qui sans être habituel pouvait revenir chez vous en terme de comportement ou non, et il est clair qu'il s'agit d'un incident isolé. C’est-à-dire que c'est un comportement qui est tout à fait inusité et inattendu de votre part ce qui en fait un évènement unique dans votre carrière. Et en ce sens, c'est un facteur atténuant parce qu'on peut détecter que ce n'est pas une habitude que vous avez de faire de telles choses dans de telles circonstances.

 

Ensuite, l'autre facteur atténuant que je considère très important est l'absence de conséquence réelle et fâcheuse. Si je comprends bien les circonstances, vous étiez responsable de ce champ de tir-là et jusqu'à un certain point vous vous êtes fié à votre propre jugement et peut-être que dans votre perspective à vous, il n'y avait aucun danger dans la manière dont vous avez agi en raison de votre très grande familiarité avec ce que vous avez utilisé, que ce soit le pétard, que ce soit le lance-roquettes M-72, probablement pour vous, il vous est apparu qu'il n'y avait pas de gens qui étaient nécessairement en danger. Par contre, selon les normes applicables dans les Forces canadiennes qui sont très restrictives, parce que ce sont des armes qui ont un pouvoir de blesser et de tuer, vous n'avez pas respecté ça. Et il n'y a personne qui a été mis réellement en danger, je n'ai pas de preuve à l'effet qu'il y aurait pu y avoir un blessé quelconque, mais il y avait quand même un risque. Et en ce sens, même s'il y avait un risque, il n'y a pas eu de dégât. Et je dois — c'est un facteur qui joue dans la détermination de la sentence et je crois que c'est important. Et c'est très heureux qu'une telle chose ne soit pas arrivée parce que je ne pense pas que vous auriez aimé être confronté à certains de vos confrères ou de vos consoeurs qui auraient été blessés par une de vos actions en théâtre d'opération. Je l'ai personnellement vu et je ne pense pas que c'est une situation dans laquelle aucun militaire veut se retrouver par son erreur en une fraction de seconde se trouve à changer le cours de la vie de quelqu'un. Je ne pense pas que c'est quelque chose qui intéresse bien des gens malgré le fait que le métier que vous pratiquez est un métier qui comporte certains dangers qui sont inhérents et le fait d'être en théâtre d'opération augmente ce risque. Vous ne voulez pas être un facteur dans la vie de ces gens-là, pas ceux que vous côtoyez tous les jours à tout le moins. Et il n'y a pas eu personne de blessé c'est une chose dont je dois tenir compte. Et j'espère que vous allez comprendre aussi que ce n'est pas une chose que vous voulez qui se reproduise. Ça c'est les facteurs atténuants comme tels.

 

[14]           Je dois tenir compte aussi — j'ai parlé un peu plus tôt de certains principes, il y a un principe de parité. C’est-à-dire que je dois tenir compte des autres décisions qui ont été rendues en semblable matière. J'ai mentionné en autre le caporal-chef Elliott[2], le soldat Orton[3], j'ai aussi — j'ai une décision que j'ai rendue en 2008 dans Carreau-Lapointe[4] qui n'est pas dans les mêmes circonstances mais il s'agissait d'une négligence sous l'article 124, trois infractions de négligence où un blâme et une amende de 1,000 dollars avait été donnés. Ce n'était pas en théâtre opérationnel, ce n'était pas non plus avec des armes, c'était relié à la sécurité et à la surveillance et c'est une négligence aussi. Et dans votre cas, la question de sécurité est un facteur. C'est des décisions dont je dois tenir compte et comme nous l'auront dit les avocats, il n'y a pas de décisions de cour martiale qu'on peut retrouver, qui sont similaires dans les circonstances et le type d'accusation comme tel, mais ça me sert à déterminer quelle serait la sentence minimale dans les circonstances et je tiens compte de ces décisions-là.

 

[15]           Il y a aussi l'effet d'un blâme. Un blâme, pour les militaires, bien sûr c'est  concrètement, on n'y voit peut-être pas le même effet qu'une amende ou qu'un emprisonnement, mais le blâme dans le monde militaire vise à dénoncer le comportement mais aussi est un indicateur à l'effet qu'on a bon espoir que la personne est en mesure de se réhabiliter, parce que le blâme c'est en bas de tout ce qui est prévu en termes d'incarcération, de destitution du service de Sa Majesté ou encore de rétrogradation. À ce stade-là, quand la cour considère un blâme, c'est une indication à la fois pour dénoncer le geste et aussi pour souligner le fait que le militaire peut être réhabilité rapidement au sein des Forces canadiennes.

 

[16]           Finalement, une autre chose qui est importante de retenir, est le fait qu'en plaidant coupable et en étant trouvé coupable des deux infractions, vous avez un casier judiciaire. Un casier judiciaire pour lequel vous devrez faire une demande de pardon une fois que la sentence aura été purgée. Et ça, je pense que c'est quelque chose dont les militaires doivent tenir compte. Ce casier judiciaire-là ne vous empêchera pas, si vous restez au sein des Forces canadiennes, de sortir du pays — je ne vous donnerez pas l'aide juridique ici  mais, essentiellement, dans le cadre des opérations normales avec les pays alliés, ce n'est pas un facteur qui est tenu compte, mais par contre, sur un plan individuel, vous avez un casier judiciaire, et ça impose certaines restrictions potentiellement. Donc, ce n'est pas à négliger non plus dans les circonstances.

 

[17]           J'ai aussi examiné la question de savoir s'il convient en l'espèce de rendre une ordonnance interdisant au contrevenant de posséder une arme telle que m'y oblige l'article 147.1 de la Loi sur la défense nationale. À mon avis, une telle ordonnance n'est ni souhaitable, ni nécessaire pour protéger la sécurité d'autrui ou du contrevenant dans les circonstances de ce procès. Parce que comme l'ont souligné les avocats, ici présent, les circonstances ne militent pas en faveur d'une telle ordonnance. Il s'agit d'un incident très particulier qui ne révèle aucunement que vous avez un problème quelconque dans la manipulation des armes qui ferait en sorte que vous seriez un danger pour vous-même ou pour les autres, au contraire. Je dirais que vous en avez échappé une bonne, cette journée-là du 8 juin, mais je n'ai aucune indication que si vous avez une arme entre les mains que c'est quelque chose qui va se répéter, au contraire.

 

[18]           J'ignore où est-ce que vous en êtes dans votre carrière militaire, parce que j'ai peu de preuves qui m'ont été présentées là-dessus, et puis ce n'est pas un reproche à personne, mais j'ai peu de preuve là-dessus et je travaille uniquement avec la preuve qui m'est présentée dans le cadre de la cour, mais je sais très bien compte tenu de votre expérience et de votre grade que vous allez retenir toutes les leçons qui s'imposent par rapport à un tel incident et que vous allez être capable d'en faire quelque chose de positif lorsque vous-même vous allez agir à titre de leader par rapport à ceux que vous allez superviser. C'est une leçon de la vie, et je suis certain que vous allez en tirer les — tout ce qui faut pour pas que juste vous, vous en bénéficiez, mais les autres aussi, ça j'en suis convaincu.

 

[19]           Donc, à ce stade-ci, Adjudant Thibault, levez-vous. La cour vous condamne donc à un blâme et à une amende de 2,000 dollars, l'amende doit être payée en versements mensuels consécutifs de 200 dollars à compter du 1er novembre 2010 et durant les neufs mois qui suivent. Si pour une raison ou pour une autre, vous étiez libéré des Forces canadiennes avant d'avoir fini de payer cette amende, le montant total impayé devra être versé avant votre libération.

 

            Les procédures concernant la cour martiale permanente de l'adjudant Thibault sont maintenant terminées.


 

Avocats :

 

Major A. St-Amant, Service canadien des Poursuites militaires

Avocat de la poursuivante

 

Capitaine de corvette M. Létourneau, Direction du service d'avocats de la défense

Avocat pour l'Adjudant J.F.C. Thibault



[1] [1992] 1 R.C.S. 259

[2] R. v. Elliott, 2010 CM 3019

[3] R. v. Orton, 2010 CM 3020

[4] R. c. Carreau-Lapointe, 2008 CM 3023

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.