Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l'ouverture du procès : 25 août 2010

Endroit : BFC Shilo, Édifice C106, 106 chemin Patricia, Shilo (MB)

Chefs d'accusation
•Chefs d'accusation 1, 2 : Art. 130 LDN, causant illégalement des lésions corporelles (art. 269 C. cr.).
•Chef d'accusation 3 : Art. 124 LDN, a exécuté avec négligence une tâche militaire.

Résultats
•VERDICTS : Chefs d'accusation 1, 2 : Retirés. Chef d'accusation 3 : Coupable.
•SENTENCE : Détention pour une période de 60 jours.

Contenu de la décision

COUR MARTIALE

 

Référence : R. c. Orton, 2010 CM 3020

 

Date : 20100825

Dossier : 201033

 

Cour martiale permanente

 

Base des Forces canadiennes Shilo

Shilo (Manitoba) Canada

 

Entre : 

 

Sa Majesté la Reine

 

- et -

 

Soldat S.V. Orton, contrevenant

 

 

Devant : Lieutenant-colonel L.-V. d’Auteuil

 


 

TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE

 

MOTIFS DE LA SENTENCE

 

(Prononcés de vive voix)

 

[1]               Soldat Orton, ayant accepté et inscrit votre aveu de culpabilité à l’égard du troisième chef d’accusation figurant à l’acte d’accusation, la cour vous déclare maintenant coupable de ce chef d’accusation. Étant donné que les premier et deuxième chefs d’accusation ont été retirés par la poursuite au début du procès, la cour n’a pas d’autre chef d’accusation à examiner.

 

[2]               À titre de juge militaire présidant la cour martiale permanente, il m’incombe maintenant de déterminer la peine.

 

[3]               Le système de justice militaire constitue l’ultime recours pour assurer le respect de la discipline dans les Forces canadiennes, une composante essentielle de l’activité militaire. Ce système vise à prévenir l’inconduite ou, d’une façon plus positive, à promouvoir la bonne conduite. C’est grâce à la discipline que les forces armées s’assurent que leurs membres rempliront leurs missions avec succès, en toute confiance et fiabilité. Le système veille également au maintien de l’ordre public et assure que les personnes assujetties au code de discipline militaire sont punies de la même façon que toute autre personne vivant au Canada.

 

[4]               Il est reconnu depuis longtemps que l’objectif d’un système de justice ou de tribunaux militaires distincts est de permettre aux forces armées de s’occuper des questions liées au respect du code de discipline militaire et au maintien de l’efficacité et du moral des Forces canadiennes. Cela dit, la peine infligée par un tribunal, qu’il soit militaire ou civil, devrait constituer l’intervention minimale nécessaire qui est adéquate dans les circonstances particulières. Ce principe est directement lié au devoir qui incombe à la cour en vertu de l’alinéa 112.48(2)b) des ORFC de « prononce[r] une sentence proportionnée à la gravité de l’infraction et aux antécédents du contrevenant ».

 

[5]               En l’espèce, le poursuivant et l’avocat du contrevenant ont présenté une recommandation conjointe quant à la peine devant être infligée par la cour. Ils ont recommandé que la cour vous condamne à une détention pour une période de 60 jours afin de répondre aux exigences de la justice. L’imposition d’une sentence est la tâche la plus difficile d’un juge. Comme la Cour suprême du Canada l’a reconnu dans R. c. Généreux[1] :

 

Pour que les Forces armées soient prêtes à intervenir, les autorités militaires doivent être en mesure de faire respecter la discipline interne de manière efficace.

 

            Elle a insisté sur le fait que dans le contexte particulier de la justice militaire :

 

Les manquements à la discipline militaire doivent être réprimés promptement et, dans bien des cas, punis plus durement que si les mêmes actes étaient accomplis par un civil.

 

            Or, le droit ne permet pas à un tribunal militaire d’infliger une peine qui serait disproportionnée par rapport à la peine nécessaire dans les circonstances de l’affaire. Autrement dit, toute peine infligée par un tribunal doit être adaptée au contrevenant et doit constituer l’intervention minimale nécessaire puisque la modération est le principe fondamental de la théorie moderne de la détermination de la peine au Canada.

 

[6]               L’objectif fondamental de la détermination de la sentence par une cour martiale est d’assurer le respect de la loi et le maintien de la discipline en infligeant des peines visant un ou plusieurs des objectifs suivants :

 

a.                   protéger le public, y compris les Forces canadiennes;

 

b.                  dénoncer le comportement illégal;

 

c.                   dissuader le contrevenant, et quiconque, de commettre les mêmes infractions;

 

d.                  isoler, au besoin, les délinquants du reste de la société;

 

e.                   réadapter et amender les contrevenants.

 

[7]               Lorsqu’il inflige une peine, le juge militaire doit également tenir compte des principes suivants :

 

a.                   La peine doit être proportionnelle à la gravité de l’infraction.

 

b.                  La peine doit être proportionnelle à la responsabilité et aux antécédents du contrevenant.

 

c.                   La peine devrait être semblable à celles imposées à des contrevenants du même genre pour des infractions semblables commises dans des circonstances semblables.

 

d.                  Le contrevenant ne devrait pas être privé de liberté, lorsque les circonstances le justifient, si des peines moins contraignantes sont indiquées dans les circonstances. En bref, la cour ne devrait infliger une peine d’emprisonnement ou de détention qu’en dernier recours, comme l’ont déterminé les cours d’appel, à savoir la Cour d’appel de la cour martiale et la Cour suprême du Canada.

 

e.                   Finalement, la peine devrait être adaptée aux circonstances aggravantes ou atténuantes liées à l’infraction ou au contrevenant.

 

[8]               Plus tôt dans mes motifs, j’ai fait référence à la recommandation conjointe des avocats. J’aimerais seulement mentionner que bien que la cour ne soit pas liée par cette recommandation conjointe, il est généralement reconnu qu’elle ne devrait s’en écarter que lorsqu’elle a des raisons convaincantes de le faire, notamment parce que la recommandation n’est pas adéquate, est déraisonnable, aurait pour effet de déconsidérer l’administration de la justice ou serait contraire à l’intérêt public.

 

[9]               En l’espèce, la cour doit se pencher sur une infraction commise par le contrevenant, qui a négligemment exécuté un devoir militaire qui lui était imposé, c’est‑à‑dire qu’il a n’a pas pris les précautions nécessaires pour éviter une décharge dangereuse de sa mitrailleuse légère C9. Il s’agit d’une infraction très grave. Si je comprends bien, le matin du 24 février 2010, le Soldat Orton participait à un exercice de tir réel dans le champ de tir avec son unité. Pour s’assurer d’être prêt, il a décidé de nettoyer son arme. Malheureusement, il n’a pas procédé correctement et l’a manié sans précaution à plusieurs égards. La pire chose qu’il a faite ce matin‑là est probablement d’avoir inséré des balles dans la C9. Cette manœuvre n’est pas évidenteil est rare qu’un militaire doive faire une telle manœuvre et il s’agit de l’une des quatre choses incorrectes que le Soldat Orton a faites ce matin‑là. De plus, je n’irais pas jusqu’à dire qu’il ne s’est vraiment pas soucié – mais il ne s’est pas soucié ni n’a pris les précautions nécessaires – ce que j’aimerais dire, c’est que vous avez pointé votre arme dans la mauvaise direction, mais n’avez pas fait attention comme il fallait et vous le saviez. Pendant que vous maniez votre arme, vous avez tiré une rafale de balles et deux membres des FC ont été blessés, le Sergent Ricard et le Bombardier Coles. Ils ont été gravement blessés ce matin‑là et ils ont dû être retirés rapidement.

 

[10]           Pour déterminer la peine, j’ai tenu compte des éléments de preuve qui ont été présentés devant la cour. J’ai entendu les témoignages du Bombardier Coles, du Sergent Ricard, du Major Lunney et, finalement, du Soldat Orton. Parmi les documents présentés, certains sont liés à l’état des blessures des deux victimes et d’autres concernent l’efficacité au travail du Soldat Orton.

 

[11]           Pour en arriver à une peine qu’elle croit juste et appropriée, la cour a tenu compte des circonstances atténuantes et aggravantes décrites ci-après. La cour considère comme aggravants les facteurs suivants :

 

a.                   La gravité objective des infractions : l’infraction dont vous avez été accusé est visée à l’article 124 de la Loi sur la défense nationale. Cette infraction est passible de destitution ignominieuse du service de Sa Majesté ou d’une peine moindre.

 

b.                  Ensuite, la cour estime que la gravité subjective de l’infraction porte sur trois aspects :

 

i.               Premièrement, le contexte de la négligence. D’abord, vous avez été bien entraîné à manier la mitrailleuse légère C9. En fait, si je comprends bien, vous avez manié cette arme pendant une bonne partie des opérations auxquelles vous avez participé. Vous étiez dans un théâtre d’opérations où beaucoup d’éléments constituent un danger pour la vie des membres des FC. La sécurité est donc une question importante, surtout en ce qui concerne les armes. De plus, le genre d’arme que vous utilisez est important. Il s’agit d’une arme automatique, ce qui veut dire, comme l’a indiqué le poursuivant, que l’on peut tirer beaucoup de balles et de munitions en l’espace d’une minute. Toutes les armes sont dangereuses, mais ce genre d’arme est un peu plus dangereux de par sa nature. Lorsque vous appuyez sur la gâchette, comme vous le savez très bien, je sais que vous le savez très bien, mais je dois le mentionner, car je veux que les gens sachent que j’ai tenu compte de ces renseignements, donc ce genre d’arme est un peu plus dangereux. Comme je l’ai déjà dit dans le résumé des faits, le fait de pointer votre arme était une erreur et je crois qu’il s’agit d’un élément que tous les soldats apprennent dans le cadre de l’instruction de base. À moins que vous ne tiriez sur l’ennemi lorsque vous vous trouvez dans les lignes amies, vous devez faire attention à l’endroit où vous pointez votre arme parce que quelque chose pourrait arriver. Il y a aussi la façon dont vous avez décidé de nettoyer votre arme. Je crois qu’il s’agit d’une bonne chose que votre arme était en bonne condition ce matin‑là, mais vous avez commis une erreur en mettant des balles dans votre arme et je suis pas mal certain que vous ne le referez plus jamais pour n’importe quelle arme; vous n’allez plus mettre de balles dans la chambre comme vous l’avez fait. Vous avez mis l’arme à la position « prêt », vous avez retiré et replacé le canon, vous avez laissé les parties aller vers l’avant, si je comprends bien, sans contrôle, alors une rafale a été déclenchée. Je crois néanmoins que dans ce contexte, beaucoup de petites choses se sont produites, et vous ne vous êtes jamais douté pendant que vous nettoyiez votre arme qu’un tel incident surviendrait. Le contexte de la négligence révèle également qu’il y a un certain niveau d’attention. Dans un théâtre d’opérations, je crois que les gens s’attendraient à ce que les militaires fassent plus attention, particulièrement lorsqu’ils transportent une arme. Lorsque les soldats sont sur un champ de tir, la sécurité est la première préoccupation. Je ne crois pas que ce soit différent selon la raison pour laquelle vous vous trouvez dans un théâtre d’opérations. Une personne raisonnable aurait dû faire attention, probablement, et vous le savez. En l’espèce, votre conduite était plus qu’un écart marqué par rapport à celle d’une personne raisonnable.

 

ii.             Le deuxième facteur aggravant dont je dois tenir compte est les conséquences sur les victimes et les conséquences de votre négligence sur les victimes. Il est malheureux que la vie de deux personnes ait changé. Mais je sais que vous n’avez pas fait exprès. Ces conséquences sont plutôt dues à une négligence. Vos collègues ont été blessés : d’abord physiquement, et comme vous l’avez su ce matin, une des victimes se remet bien de ses blessures mais n’est pas encore tout à fait rétablie pour l’instant. Je crois que le Sergent Ricard a été blessé assez gravement, mais il ne s’agit pas seulement de l’aspect physique; il y a aussi l’aspect émotionnel. Je crois que vous avez entendu les deux avocats dire que leur avenir est incertain. Les victimes ne savent pas ce qu’il en sera de leur carrière, elles doivent s’adapter à une nouvelle vie et – je sais que vous le savez – ce n’est pas quelque chose qu’elles ont voulu. Lorsque je parlerai des facteurs atténuants, je tiendrai compte du fait que vous regrettez sincèrement vos actes, mais la réalité est que les victimes doivent composer tous les jours avec ces blessures et les conséquences qu’elles entraînent. Je dois considérer cet aspect comme un facteur aggravant.

 

iii.           Le troisième élément, qui ne concerne pas le contexte de la négligence, est la familiarité avec votre arme. Ce n’est pas seulement le fait que vous êtes fantassin, mais aussi que vous étiez précisément chargé de transporter cette arme et d’apprendre à connaître ses fonctionnalités. Vous avez utilisé cet outil au cours des opérations auxquelles vous avez participé en tant que soldat, vous avez été entraîné à le manier et vous l’avez utilisé souvent jusqu’au moment de l’incident. Vous connaissiez donc bien cette arme et je dois également considérer cet aspect comme un facteur aggravant.

 

[12]           Voilà un côté de la médaille. Voici maintenant l’autre côté de la médaille, c’est‑à‑dire les facteurs atténuants :

 

a.                   Votre aveu de culpabilité. Vu les faits présentés en l’espèce, la cour doit considérer que votre aveu de culpabilité constitue un véritable remords et que vous êtes très sincère lorsque vous dites que vous voulez demeurer un atout pour les Forces canadiennes. Cet aveu démontre également que vous assumez l’entière responsabilité de vos actes. La réalité est que vous assumez l’entière responsabilité depuis le tout début, depuis le moment de l’incident, et il ne fait aucun doute pour la cour, d’après votre témoignage et vos actions, que vous regrettez sincèrement vos actes. Soyez assuré que je comprends que vous n’avez jamais voulu qu’un tel incident se produise. Il ne fait aucun doute pour la cour que si vous aviez pu faire quoi que ce soit de différent pour éviter l’incident, vous l’auriez fait sans hésitation. J’en suis certain.

 

b.                  En tant que facteur atténuant, je tiens également compte de votre efficacité au travail. Je crois que vous avez été décrit à beaucoup d’égards comme un bon soldat ayant un futur prometteur. Si je comprends bien, malgré ce qui s’est produit, vous étiez très efficace. Je crois que vous désirez toujours réussir dans les Forces canadiennes, réussir dans votre groupe professionnel et je crois qu’il s’agit d’un élément qui se range du côté positif de la médaille.

 

c.                   De plus, vous avez dû comparaître devant la cour martiale. Je suis certain que cela a déjà eu un effet dissuasif sur vous, et aussi sur d’autres.

 

d.                  Il y a aussi la confiance et le soutien de votre chaîne de commandement. Vous m’avez entendu poser une question précise à ce sujet au Major Lunney. Je voulais comprendre pourquoi, après un tel incident, vos supérieurs ont toujours confiance en votre capacité à utiliser une arme sans blesser quelqu’un autour de vous. D’après sa réponse, ils ont réfléchi à votre intérêt supérieur et à celui de votre unité ainsi qu’au fait que vous deviez agir de manière sécuritaire. Ils ont décidé de vous réintégrer à votre poste avec une arme différente, mais il s’agit néanmoins d’une arme. Ils avaient donc énormément confiance en vous. Et je crois qu’il s’agit d’un message; pour eux, il ne s’agit que d’une question de coïncidence : vous n’avez jamais été impliqué dans un incident de la sorte et c’est pourquoi vos supérieurs vous font énormément confiance. Cette confiance démontre à la cour que vous êtes toujours un atout précieux dans les Forces canadiennes. Il s’agit d’un autre élément à considérer comme un facteur atténuant.

 

e.                   Vous allez devoir apprendre à composer avec cet incident pour le restant de votre vie. Comme vous l’avez dit durant votre témoignage, vous pensez à cet incident tous les jours, tous les jours de votre vie depuis qu’il s’est produit et vous allez devoir composer avec cela. Je crois qu’il s’agit d’un facteur atténuant dans les circonstances de l’espèce.

 

[13]           La cour a donc conclu que la peine devrait focaliser principalement sur l’objectif de la dissuasion générale, de la dissuasion spécifique et de la réprobation. S’agissant de l’infliction d’une peine d’incarcération au Soldat Orton, la Cour suprême du Canada a bien établi, dans l’arrêt Gladue[2], que l’incarcération ne devrait être infligée qu’en dernier recours. La Cour suprême du Canada a précisé que l’incarcération sous forme d’emprisonnement ne convient que lorsqu’aucune autre sanction ou combinaison de sanctions n’est appropriée pour l’infraction et le délinquant. La cour est d’avis que ces principes sont pertinents dans un contexte de justice militaire, compte tenu des différences principales entre le régime des peines qu’applique le tribunal civil siégeant en matière pénale et celui prévu dans la Loi sur la défense nationale pour un tribunal militaire. Il est important de dire que cette manière de procéder a été confirmée par la Cour d’appel de la cour martiale dans R. c. Baptista[3] et dans Castillio[4], où on a conclu que l’incarcération ne devrait être infligée qu’en dernier recours.

 

[14]           Dans la présente instance, j’ai examiné l’échelle des peines, comme je vous l’ai démontré plus tôt dans mes explications, et compte tenu de la nature de l’infraction, des circonstances dans lesquelles elle a été commise, des principes de détermination de la peine applicables, notamment la dissuasion générale, ainsi que des facteurs aggravants et atténuants exposés ci‑dessus, je conclus qu’aucune sanction ou combinaison de sanctions autre que l’incarcération ne semble constituer la peine la moins sévère indiquée et nécessaire en l’espèce.

 

[15]           Maintenant, quel serait le type d’incarcération approprié dans les circonstances de l’espèce? Le système de justice militaire dispose de mesures disciplinaires comme la détention, qui vise à réhabiliter les détenus militaires et à leur redonner l’habitude d’obéir dans un cadre militaire structuré. Ces derniers seront donc soumis à un régime d’entraînement qui insiste sur les valeurs et les compétences propres aux membres des Forces canadiennes, pour leur faire voir ce qui les distingue des autres membres de la société. La détention peut avoir un effet dissuasif important sans pour autant stigmatiser un militaire condamné au même degré que les militaires condamnés à l’emprisonnement, comme il ressort des notes ajoutées aux articles 104.04 et 104.09 des ORFC. Je dois indiquer que c’est la première fois que vous êtes condamné pour une infraction. Ainsi, en tant que facteur atténuant, la cour doit également tenir compte du fait que vous n’avez aucune fiche de conduite. J’estime donc que la détention serait le type d’incarcération qui conviendrait le mieux dans les circonstances.

 

[16]           La présente affaire démontre clairement que des valeurs et des principes militaires fondamentaux doivent être inculqués de nouveau au Soldat Orton, particulièrement à l’égard de la responsabilité dans le maniement des armes. De plus, la détention servira d’effet dissuasif général pour ceux qui seraient tentés d’adopter une telle conduite dans les Forces canadiennes.

 

[17]           Concernant la durée de la peine, je dirais qu’une détention de 60 jours semble être une peine appropriée dans les circonstances. Cette peine satisferait aux principes et objectifs de détermination de la peine et permettrait de maintenir la discipline et la confiance à l’égard de l’administration de la justice militaire.

 

[18]           Je comprends qu’une détention de 60 jours ne remplacera jamais ce qui est arrivé aux victimes en l’espèce, et le but n’est pas de nous ramener dans le passé comme si rien ne s’était produit. Je vous encouragerais à profiter de cette période pour réfléchir à la façon dont vous allez composer avec cet incident. Vous connaissez le service militaire, vous savez ce que vous avez fait et je suis pratiquement certain que lorsque vous y réfléchirez, vous serez convaincu que vous pourrez rester dans le service militaire des Forces canadiennes. En raison de cet incident, vous avez beaucoup appris et vous pourrez informer les autres sur ce qui s’est produit. Peut‑être pourriez-vous éviter le même incident à un certain moment dans votre vie en tant que militaire.

 

[19]           Pour les victimes, j’espère que tout ira bien. J’apprécie le fait que vous êtes venu ici et que vous avez relaté exactement votre situation, qui est très difficile. J’espère que les Forces canadiennes continueront de vous soutenir pour vous aider à passer au travers cette période difficile. Malheureusement, la cour ne peut rien faire d’autre. Nous devons composer avec la vie telle qu’elle est, mais j’espère que vous verrez, même s’il n’y a rien de positif au début d’un tel drame, que parfois la vie change pour de bon. Vous ne vous attendiez pas qu’un tel drame survienne dans votre vie, mais j’espère que vous serez en mesure de passer au travers sans problème.

 

[20]           La cour a donné l’occasion aux avocats de dire s’il était souhaitable, pour la sécurité du contrevenant, des victimes et de toute autre personne, de rendre une ordonnance interdisant au contrevenant de posséder une arme à feu. Malgré le fait que la perpétration de l’infraction impliquait une arme à feu, aucune violence n’a été exercée et c’est un ensemble de circonstances précises qui nous a amenés dans une situation comme celle‑là. Étant donné que vous étiez en poste sans avoir de restrictions sur quelque arme que ce soit, je ne vois pas la nécessité de rendre une ordonnance de cette nature. La cour est donc d’avis qu’aucune ordonnance de la sorte n’est souhaitable.

 

[21]           Soldat Orton, veuillez vous lever. Par conséquent, la cour vous condamne à une détention de 60 jours. La cour a accepté la recommandation conjointe des avocats étant donné qu’elle n’est pas contraire à l’intérêt public et ne risque pas de déconsidérer l’administration de la justice.

 

[22]           La sentence a été prononcée à 16 h 35, le 25 août 2010.


 

Avocats :

 

Lieutenant-colonel M. Trudel, Direction des poursuites militaires

Procureur de Sa Majesté la Reine

 

Major C.E. Thomas, Direction du service d’avocats de la défense à Ottawa

Avocat du Soldat S.V. Orton

 



[1] [1992] 1 R.C.S. 259.

[2] [1999] 1 R.C.S. 688, paragraphes 38 et 40.

[3] 2006 CACM 1, paragraphes 5 et 6

[4] 2003 CACM 468.

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