Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l’ouverture du procès : 4 mai 2004.
Endroit : BFC Kingston, casernes Vimy, édifice Genet, 11 avenue Satellite, Kingston (ON).
Chef d’accusation :
• Chef d’accusation 1 : Art. 130 LDN, voies de fait causant des lésions corporelles (art. 267b) C. cr.).
Résultats:
• VERDICT : Chef d’accusation 1 : Coupable.
• SENTENCE : Détention pour une période de 14 jours.

Contenu de la décision

Référence : R. c. le Caporal T.D. Ennover, 2004cm3011

 

Dossier : 200433

 

 

Cour martiale permanente

CANADA

ONTARIO

Base des Forces canadiennes Kingston ______________________________________________________________________

Date : 6 mai 2004

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PRÉSIDENT : CAPITAINE DE FRÉGATE P.J. LAMONT, juge militaire

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SA MAJESTÉ LA REINE

c.

LE CAPORAL T.D. ENNOVER

(Accusé)

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VERDICT

(Prononcées oralement)

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TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE

 

[1]        Caporal Ennover, la Cour vous déclare coupable de l’accusation de voies de fait ayant causé des lésions corporelles portée contre vous.

 

[2]        Le caporal Ennover est accusé de voies de fait ayant causé des lésions corporelles perpétrées sur la personne du soldat Neron-Bilodeau, le 11 juin 2003. Ce jour-là, l’accusé et le soldat Neron-Bilodeau regardaient un film en compagnie d’autres militaires de leur peloton, dans la salle commune d’un bâtiment de caserne de la Base des Forces canadiennes Borden. Une querelle a éclaté entre les deux hommes à propos d’une chaise que le soldat Neron-Bilodeau avait apportée dans la salle commune, mais sur laquelle l’accusé s’était assis après que le soldat Neron-Bilodeau se fut absenté pendant un certain temps.

 

[3]        À la fin du film, le soldat Neron-Bilodeau est retourné dans sa chambre, située au deuxième étage du bâtiment, et il a remporté sa chaise. Alors qu’il était à la porte de sa chambre, l’accusé l’a abordé. Quelques instants plus tard, l’accusé a frappé le soldat Neron-Bilodeau à la bouche avec son coude. Le soldat Neron-Bilodeau s’est mis à saigner abondamment, puis on l’a transporté à l’hôpital où on lui a posé quatorze points de suture.

 


[4]        Dans une poursuite devant la cour martiale, comme dans toute poursuite pénale devant un tribunal canadien, il incombe à la poursuite de prouver la culpabilité de l’accusé hors de tout doute raisonnable. Dans un contexte juridique, il s’agit d’un terme technique ayant une signification consacrée. Si la preuve ne permet pas d’établir la culpabilité de l’accusé hors de tout doute raisonnable, celui-ci ne doit pas être déclaré coupable de l’infraction. Le fardeau de la preuve incombe toujours à la poursuite. L’accusé n’a jamais le fardeau de prouver. En fait, l’accusé est présumé innocent à toutes les étapes de la procédure, jusqu’à ce que la poursuite ait prouvé sa culpabilité hors de tout doute raisonnable, compte tenu de la preuve admissible.

 

[5]        Le doute raisonnable ne signifie pas une certitude absolue : il n’est pas suffisant de prouver seulement une culpabilité probable. Si la cour est plutôt convaincue que l’accusé est plus probablement coupable que non coupable, cela ne suffit pas pour le déclarer coupable hors de tout doute raisonnable; dans ce cas, l’accusé doit être acquitté. De fait, la norme « hors de tout doute raisonnable » est beaucoup plus proche de la certitude absolue qu’elle ne l’est de la « culpabilité probable ».

 

[6]        Cependant, le doute raisonnable n’est pas un doute futile ou imaginaire. Il ne se fonde pas sur la sympathie ou les préjugés. C’est un doute fondé sur la raison et le bon sens, qui découle de la preuve présentée ou de l’absence de preuve.

 

[7]        La preuve hors de tout doute raisonnable s’applique à chacun des éléments de l’infraction reprochée. En d’autres termes, si la preuve ne permet pas de prouver chacun des éléments de l’infraction hors de tout doute raisonnable, l’accusé doit être acquitté.

 

[8]        Le principe du doute raisonnable s’applique également à la crédibilité des témoins dans une affaire comme la présente alors que la preuve révèle différentes versions des faits importants ayant une incidence directe sur les questions. La démarche permettant d’arriver à établir ce qui s’est passé n’a rien à voir avec la préférence pour l’une des versions données par un témoin. La Cour peut considérer qu’un témoin dit la vérité ou qu’il n’en est rien. Mais la Cour peut conclure aussi que seules certaines parties du témoignage sont véridiques et exactes.

 

[9]        Si les éléments de preuve présentés par l’accusé ou par d’autres témoins, à l’appui de sa défense sont accueillis, il s’ensuit que l’accusé est acquitté de l’accusation. Par contre, si la preuve n’est pas accueillie, mais que la cour conserve néanmoins un doute raisonnable, l’accusé doit être acquitté. Même si le témoignage de l’accusé ou des autres témoins à l’appui de sa défense ne suscite pas un doute raisonnable, la Cour doit tenir compte de tous les éléments de preuve qu’elle juge crédibles et fiables pour déterminer si la culpabilité de l’accusé est établie hors de tout doute raisonnable.

 


[10]      L’infraction de voies de fait ayant causé des lésions corporelles comporte plusieurs éléments que la poursuite doit établir hors de tout doute raisonnable pour pouvoir déclarer l’accusé coupable. En l’espèce, la défense admet plusieurs faits et ceux-ci ne soulèvent pas de questions. La défense a admis que l’identité de l’accusé ne faisait pas de doute. La date et le lieu de l’infraction, soit le 11 juin 2003, à la Base des Forces canadiennes Borden, énoncés dans les détails de l’accusation ont aussi été prouvéset ces éléments ne soulèvent pas de question.

 

[11]      La défense a admis aussi qu’il y a eu emploi intentionnel de la force par l’accusé sur le soldat Neron-Bilodeau sans le consentement de ce dernier. Parfois, lorsque la cour est convaincue que les voies de fait ont causé des lésions corporelles, elle ne s’interroge pas sur le consentement, mais quoi qu’il en soit, en l’espèce, la question du consentement ne se pose pas.

 

[12]      Il reste deux éléments à examiner : il faut déterminer si l’accusé savait que le soldat Neron-Bilodeau ne consentait pas à l’emploi de la force et si les lésions corporelles ont été causées par l’emploi de la force.

 

[13]      Étant donné la rapidité avec laquelle l’accusé a frappé le soldat Neron-Bilodeau et la nature de la blessure provoquée par le coup, je n’hésite pas à conclure que l’accusé savait que le soldat Neron-Bilodeau ne consentait pas à être frappé.

 

[14]      Les lésions corporelles sont définies à l’article 2 du Code criminel.  Il s’agit d’une blessure qui nuit à la santé ou au bien-être d'une personne et qui n'est pas de nature passagère ou sans importance. J’accepte le témoignage du soldat Neron-Bilodeau selon lequel le coup porté à sa bouche l’a fait saigner abondamment, a nécessité des points de suture pour que la blessure puisse se refermer et a laissé une cicatrice sur sa lèvre que la Cour a pu voir clairement. Le soldat a souffert d’une tuméfaction à l’intérieur de sa bouche et l’une de ses dents est restée déchaussée pendant plusieurs mois. À mon avis, la preuve permet d’établir qu’il y a eu lésion corporelle. L’avocat de la défense admet ce fait.

 

[15]      L’accusé invoque un moyen de défense fondé sur la légitime défense. Le paragraphe 34(1) du Code criminel prévoit que :

 

« Toute personne illégalement attaquée sans provocation de sa part est fondée à employer la force qui est nécessaire pour repousser l'attaque si, en ce faisant, elle n'a pas l'intention de causer la mort ni des lésions corporelles graves. »

 

[16]      Compte tenu des faits de l’espèce, j’estime que la disposition résiduelle sur la légitime défense énoncée à l’article 37 du Code criminel n’avantage pas plus l’accusé que le paragraphe 34(1).

 

[17]      Si la preuve de la légitime défense est suffisante pour donner au moyen de défense une apparence de vraisemblance, il incombe à la poursuite d’en réfuter les arguments hors de tout doute raisonnable. À mon avis, la Cour dispose de suffisamment d’éléments de preuve pour donner aux arguments en faveur de la légitime défense une apparence de vraisemblance. C’est pourquoi je vais me pencher sur les éléments du moyen de défense fondé sur la légitime défense.

 

[18]      Le moyen de défense fondé sur la légitime défense comporte quatre éléments. Tout d’abord, il faut une preuve démontrant que l’accusé a été agressé par le soldat Neron‑Bilodeau. Le paragraphe 265(1) du Code criminel définit les voies de fait comme suit :

 

« Commet des voies de fait, ou se livre à une attaque ou une agression, quiconque, selon le cas :

 

a) d'une manière intentionnelle, emploie la force, directement ou indirectement, contre une autre personne sans son consentement;

 

b) tente ou menace, par un acte ou un geste, d'employer la force contre une autre personne, s'il est en mesure actuelle, ou s'il porte cette personne à croire, pour des motifs raisonnables, qu'il est alors en mesure actuelle d'accomplir son dessein… »

 

[19]      Les deux définitions des voies de fait données ci-dessus s’appliquent à la preuve en l’espèce. Selon le témoignage du plaignant, le soldat Neron-Bilodeau, l’accusé a pointé son doigt devant son visage, alors, de la main, le soldat Neron‑Bilodeau a brusquement écarté le doigt de l’accusé de son visage. À son avis, il n’a pas eu recours à la violence pour déplacer le doigt de l’accusé et il a évalué à trois sur une échelle de dix le degré de la force employé. Mais en droit, un simple attouchement peut être qualifié de voies de fait même s’il ne s’accompagne pas de violence. Dans son témoignage, le soldat Lachance a indiqué que le plaignant, le soldat Neron‑Bilodeau, avait posé la main sur l’épaule de l’accusé et l’avait poussé. Ces gestes constitueraient aussi des voies de fait sur l’accusé aux fins du moyen de défense fondé sur la légitime défense.

 

[20]      L’accusé n’a confirmé ni le témoignage du soldat Neron-Bilodeau ni celui du soldat Lachance sur ces points, mais il a déclaré que le plaignant avait levé son bras ce qui l’a incité à réagir comme il l’a fait, en le frappant à la bouche avec son coude. La tentative ou la menace d’employer la force constituent des voies de fait. Même si l’accusé a mal interprété l’intention du plaignant, lorsque celui-ci a levé son bras, s’il a cru raisonnablement que des voies de fait allaient se produire ou étaient imminentes, alors il peut invoquer la légitime défense.

 

[21]      En deuxième lieu, l’accusé ne doit pas avoir provoqué les voies de fait. La provocation peut prendre l’allure de coups, de propos ou de gestes visant à provoquer les voies de fait. À mon avis, la preuve ne permet pas de prouver hors de tout doute raisonnable qu’il y a eu provocation de la part de l’accusé; par conséquent, cet élément de la légitime défense a été établi.

 

[22]      Troisièmement, l’accusé ne doit pas avoir eu l’intention de causer la mort ni de lésions corporelles graves. Pour prouver cet élément, il faut enquêter sur l’état mental de l’accusé au moment où il a agi en légitime défense. À mon avis, les témoignages ne permettent pas d’établir hors de tout doute raisonnable que l’accusé avait l’intention, par ses actes, de causer la mort ou des lésions corporelles graves. Donc, cet élément de la légitime défense a été établi.

 


[23]      Le quatrième élément concerne la proportionnalité, à savoir que l’accusé ne doit employer que la force nécessaire pour repousser l'attaque. Cela ne signifie pas la force que l’accusé croit être nécessaire pour maîtriser l’agresseur. Il faut entendre ici la seule force nécessaire pour faire échec aux voies de fait ou les arrêter. Cela ne veut pas dire que l’accusé doit reculer face à son agresseur. Mais s’il ne prend pas les autres mesures qui s’offrent à lui, on risque de conclure qu’il n’a pas agi en légitime défense, mais qu’il voulait simplement se battre.

 

[24]      Dans ce contexte, on exige une simple proportionnalité entre la violence de l’agression perpétrée sur l’accusé et la force de la réaction de celui-ci. L’accusé n’avait pas besoin de mesurer avec précision le niveau de force nécessaire. S’il croyait sincèrement, en se fondant sur des motifs raisonnables, que la force employée était nécessaire, le moyen de défense fondé sur la légitime défense peut être invoqué pour justifier ses actes. En revanche, si l’accusé fait preuve de négligence quant à la force nécessaire pour se défendre, il ne peut invoquer la légitime défense. La blessure susceptible de résulter de l’emploi de la force n’est pas un facteur déterminant du caractère raisonnable de la force employée.

 

[25]      Le soldat Neron-Bilodeau a déclaré sous serment qu’il avait eu une dispute avec l’accusé parce que celui-ci occupait la chaise qu’il avait apportée de sa chambre pour regarder le film. Il était contrarié parce que l’accusé avait refusé de lui rendre sa chaise, mais il s’était assis par terre lorsqu’on le lui avait ordonné. Il s’est alors mis à insulter l’accusé en français et en anglais. Après la fin du film, il a récupéré sa chaise et est retourné dans sa chambre, au deuxième étage. À la porte de sa chambre, l’accusé l’a abordé et lui a parlé en anglais, pointant son doigt devant son visage. Le soldat Neron‑Bilodeau a expliqué que la chaise venait de sa chambre. De la main, il a écarté le doigt de l’accusé pointé sur son visage. À ce moment, il a reçu un coup et est tombé, inconscient. Lorsqu’il a repris connaissance, quelques instants plus tard, il était par terre et il souffrait, il était confus et il y avait du sang partout. On l’a conduit à l’hôpital où l’on a posé des points de suture sur sa lèvre supérieure. Il a nié avoir eu des propos ou des gestes menaçants envers l’accusé. 

 

[26]      J’admets ce que déclare le soldat Neron-Bilodeau dans son témoignage, à savoir qu’il n’avait pas l’intention de se battre avec l’accusé et qu’il n’a pas eu de propos ou de gestes menaçants.

 

[27]      Le matelot de 3e classe Carignan occupait la chambre en face de celle du soldat Neron-Bilodeau. Il n’a pas vu l’accusé frapper ce dernier, mais en entendant du remue-ménage, il est sorti de sa chambre et il a vu le soldat Neron-Bilodeau, un genou à terre, le visage dans les mains et saignant abondamment. Il a demandé à l’accusé pourquoi il avait frappé le soldat Neron-Bilodeau; l’accusé lui a répondu que c’était parce que le soldat Neron-Bilodeau l’avait traité d’idiot. Plus tard, l’accusé s’est excusé et a dit à Carignan qu’il réagissait toujours de la sorte quand des gens l’insultaient.

 


[28]      Le caporal Ennover a déposé au procès. Il a déclaré qu’après avoir refusé de céder la chaise au soldat Neron-Bilodeau, les francophones du peloton assis près de lui l’avaient insulté. À la fin du film, il est resté pour faire du ménage et ensuite, il est retourné à sa chambre, au deuxième étage du bâtiment de caserne. Il a vu le soldat Neron-Bilodeau devant la porte de sa chambre et il lui a parlé pour déterminer à qui appartenait la chaise. Le soldat Neron-Bilodeau a confirmé que la chaise lui appartenait et le caporal Ennover s’est excusé. Le soldat Neron-Bilodeau a tenu des propos insultants à l’égard du caporal Ennover. Ce dernier a affirmé dans sa déposition qu’il pensait que le soldat Neron‑Bilodeau allait le frapper. Il a levé le coude, et le soldat s’est retrouvé par terre. Il a perçu le mouvement du soldat Neron-Bilodeau comme un geste d’agression et il a voulu le maîtriser. Il l’a frappé en légitime défense. Il voulait empêcher le soldat Neron‑Bilodeau de faire « ce qu’il allait faire, peu importe ».

 

[29]      Lors du contre-interrogatoire, le caporal Ennover a admis que le soldat Neron‑Bilodeau ne l’avait nullement menacé physiquement. Plus tard, il a contredit ce témoignage, déclarant qu’en réalité, il avait été menacé par le soldat Neron‑Bilodeau. Ensuite, il a été contre-interrogé sur les déclarations faites à l’enquêteur de police dans lesquelles il semble dire qu’il ne s’est pas senti menacé; toutefois, dans cette longue déclaration, on trouve de nombreux passages où il affirme clairement qu’il s’est senti menacé. J’en conclu que le témoignage de l’accusé sur la question de savoir s’il s’est senti menacé par le soldat Neron‑Bilodeau est totalement incohérent et équivoque.

 

[30]      Lors de sa déposition, le caporal Ennover a déclaré qu’il était sur le point de quitter les lieux lorsque le soldat Neron-Bilodeau l’a traité d’imbécile. Il lui a alors demandé : « Est-ce que tu m’as traité d’imbécile? » Il a vu le soldat Neron-Bilodeau lever son bras dans un mouvement qu’il a interprété comme un geste d’agression et il a perdu la tête. Il a bloqué le geste du soldat Neron-Bilodeau et il l’a frappé à la bouche avec son coude, expliquant que c’était ce qu’il faisait habituellement.

 

[31]      Le caporal Ennover se souvient vaguement de sa conversation avec le matelot de 3e classe Carignan, mais il nie avoir parlé de l’incident avec lui.

 

[32]      J’accepte le témoignage du matelot Carignan en ce qui concerne ses conversations avec l’accusé. Je conclus que l’accusé s’est excusé auprès du matelot Carignan d’avoir frappé le soldat Neron-Bilodeau et qu’il l’a frappé en réaction à ses insultes. Je conclus que le soldat Neron-Bilodeau a vraiment écarté la main de l’accusé de son visage, mais que ce geste n’était pas violent et qu’il ne menaçait pas l’accusé. Il n’était pas raisonnable de la part de l’accusé d’en avoir conclu autre chose.

 


[33]      Le soldat Lachance a déclaré sous serment qu’il avait assisté à la diffusion du film et entendu des francophones insulter l’accusé. Au deuxième étage, il a vu le soldat Neron-Bilodeau pousser l’accusé à l’épaule droite et, à ce moment, l’accusé a frappé le soldat Neron-Bilodeau au visage avec son coude. Selon le soldat Lachance, l’accusé a réagi par réflexe et la force employée visait à le défendre et non à attaquer. Je crois que le soldat Lachance a eu l’occasion de bien observer l’incident. Je n’accepte pas sa déposition selon laquelle le soldat Neron-Bilodeau a poussé le caporal Ennover à l’épaule. Ni le soldat Neron-Bilodeau ni le caporal Ennover n’ont confirmé cet élément du témoignage du soldat Lachance. Quoi qu’il en soit, je n’admets pas que le soldat Lachance décrive le geste de l’accusé comme un coup porté en légitime défense. Le soldat Lachance n’a, à aucun moment, déclaré que les gestes du soldat Neron‑Bilodeau constituaient d’après lui une menace pour l’accusé. Sa conclusion n’est pas conforme au témoignage de l’accusé, lequel n’a pas déclaré qu’il avait réagi simplement par réflexe. Au contraire, selon l’accusé, sa réaction était intentionnelle et elle visait à maîtriser son adversaire.

 

[34]      Je refuse de croire à la thèse de la défense selon laquelle les francophones voulaient rendre à l’accusé la monnaie de sa pièce du fait de son comportement au sujet de la chaise. Rien ne prouve que le soldat Neron-Bilodeau agissait de concert avec qui que ce soit afin de menacer l’accusé.

 

[3]        À mon avis, l’ensemble de la preuve permet d’établir que le coup porté par l’accusé était tout à fait disproportionné par rapport à la menace que pouvait représenter le soldat Neron-Bilodeau envers l’accusé. L’accusé n’avait pas besoin de frapper le soldat Neron-Bilodeau comme il l’a fait pour se défendre. Je conclus que l’accusé n’était pas convaincu que le degré de force qu’il a employé était nécessaire pour se défendre. Il a lui-même été surpris par la violence du coup qu’il a assené au soldat Neron-Bilodeau. Je suis convaincu aussi hors de tout doute raisonnable que l’accusé n’a pas agi en légitime défense et je déclare que l’accusé est coupable des accusations portées contre lui.

 

 

 

 

                                        LE CAPITAINE DE FRÉGATE P.J. LAMONT, juge militaire

 

Avocats :

 

Capitaine A. Carswell, Direction des poursuites militaires

Capitaine S.M.A. Raleigh, procureur militaire régional centre,

procureurs de sa Majesté la Reine

Le major L. Boutin, Direction du service d'avocats de la défense, avocat du caporal T.D.Ennover

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