Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

CACM 487 - Appel abandonné

Date de l’ouverture du procès : 2 février 2005.
Endroit : Garnison Valcartier, édifice 534, l’Académie, Courcelette (QC).
Chefs d’accusation :
• Chef d’accusation 1 : Art. 130 LDN, trafic d’une substance (art. 5.(1) LRCDAS).
• Chef d’accusation 2 : Art. 130 LDN, possession d’une substance (art. 4.(1) LRCDAS).
• Chef d’accusation 3 : Art. 129 LDN, comportement préjudiciable au bon ordre et à la discipline.
Résultats:
• VERDICTS : Chefs d’accusation 1, 3 : Coupable. Chef d’accusation 2 : Non coupable.
• SENTENCE : Emprisonnement pour une période de 45 jours et une amende au montant de 2500$. L'exécution de la peine d'emprisonnement a été suspendue.

Contenu de la décision

Citation : R. c. ex-Soldat M.S. Constantin,2004CM29

 

Dossier : S200429

 

 

COUR MARTIALE PERMANENTE

CANADA

QUÉBEC

CENTRE ASTICOU

 

Date : 12 novembre 2004

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DU LIEUTENANT-COLONEL M. DUTIL, J.M.

 

SA MAJESTÉ LA REINE

c.

EX-SOLDAT M.S. CONSTANTIN

(Accusé)

 

SENTENCE

(Oralement)

 

 

1                  Monsieur Constantin, veuillez vous lever.  Avant de prononcer la sentence, ex-soldat Constantin, la Cour ayant accepté et enregistré votre plaidoyer de culpabilité au premier et au troisième chefs daccusation, la Cour vous trouve maintenant coupable du premier et du troisième chefs daccusation.

 

2             Aux fins de la détermination de la sentence, la Cour a pris en compte,


entre autres facteurs, lensemble des circonstances entourant la commission des infractions pour lesquelles vous avez reconnu votre culpabilité telle que révélée au sommaire des circonstances dont vous avez accepté formellement la véracité et qui fut déposée devant cette Cour sous la pièce 5.  La Cour a pris en compte également lensemble de la preuve présentée lors de la partie de laudition  relative à la détermination de la sentence, soit : la preuve documentaire qui fait lobjet des pièces 3 et 4 ainsi que des pièces 6 à 10; ainsi que le témoignage du capitaine Martineau et votre propre témoignage.  La Cour a examiné cette preuve en fonction des principes applicables en matière de détermination de la peine, y compris les objectifs et les principes contenus aux articles 718, 718.1 et 718.2 du Code criminel lorsquils ne sont pas incompatibles avec, dune part, les exigences impératives pour garantir le maintien dune force armée disciplinée, opérationnelle et efficace; et dautre part, lorsquils ne sont pas incompatibles avec le régime de détermination de la sentence aux termes de la Loi sur la défense nationale.  La Cour a finalement pris en compte les plaidoiries des avocats et la jurisprudence quils ont soumise.

 

3                  Monsieur Constantin, soldat au moment de la commission des infractions, a reconnu sa culpabilité à une accusation portée aux termes de larticle 130 de la Loi sur la défense nationale, soit le trafic dune substance quil a présenté ou tenue pour être du cannabis marihuana contrairement au paragraphe 5 (1) de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances.  Il a également reconnu sa culpabilité à une accusation portée en vertu de larticle 129 de la Loi sur la défense nationale, soit comportement préjudiciable au bon ordre et à la discipline, pour avoir fait usage de drogue sous la forme de cannabis marihuana, contrairement à la politique des Forces canadiennes sur les drogues.

 

4                  La Cour suprême du Canada a reconnu dans larrêt R. c. Généreux , (1992) 1 R.C.S. 259 que :

 

Pour que les Forces armées soient prêtes à intervenir, les autorités militaires doivent être en mesure de faire respecter la discipline interne de manière efficace.

 

5                  La Cour suprême a souligné que dans le contexte particulier de la discipline militaire, les manquements à la discipline devaient être réprimés promptement et, dans bien des cas, punis plus durement que si les mêmes actes avaient été accomplis par un civil. Ces directives de la Cour suprême ne permettent toutefois pas à un tribunal militaire dimposer une sentence composée dune ou plusieurs peines qui serait au-delà de ce qui est requis dans les circonstances d'une affaire.  En dautres mots, toute peine infligée par un tribunal, quil soit civil ou militaire, doit toujours représenter  lintervention minimale requise.

 

6                  Lorsqu'il s'agit de donner une sentence ap­propriée à un accusé pour les fautes qu'il a commises et à l'égard des infractions dont il est coupable, certains objectifs sont visés à la lumière des principes applicables. Force est de constater que ces objectifs et ces principes varient légèrement dun cas à lautre, mais limportance attribuée à chacun doit être adaptée aux circonstances de laffaire.  Pour contribuer à lun des objectifs essentiels de la discipline militaire, soit le maintien dune force armée professionnelle, disciplinée, opérationnelle et efficace dans le cadre dune société libre et démocratique, ces objectifs et ces principes peuvent s'énoncer comme suit:

 

Premièrement, la protection du public et le public inclut ici les Forces canadiennes;

 

Deuxièmement, la punition et la dénonciation du contrevenant;

 


Troisièmement, la dissuasion du contrevenant, et qui­conque, de commettre les mêmes infractions;

 

Quatrièmement, isoler le délinquant, le cas échéan­t, de la société y compris des membres des Forces canadiennes;

 

Cinquièmement, la réhabilitation et la réforme du contrevenant;

 

Sixièmement, la proportionnalité à la gravité des infractions et le degré de responsabilité du contrevenant;

 

Septièmement, lharmonisation des peines;

 

Huitièmement, le recours à une peine privative de liberté seulement lorsque la Cour est satisfaite quil sagit de la peine de dernier ressort;

 

Finalement, la Cour prendra en compte les circonstances atténuantes et aggravantes liées à la situation du contrevenant et liées à la perpétration des infractions.

 

7                  Dans la présente cause, la protection du public sera atteinte par une sentence qui mettra lemphase sur la dénonciation des gestes reprochés, la dissuasion tant collective quindividuelle et la réhabilitation du contrevenant.

 

8                  En considérant quelle sentence serait ap­propriée, la Cour a pris en considération les facteurs aggravants et les facteurs atténuants suivants. Et je commencerai par les facteurs qui aggravent la peine.  La Cour considère comme aggravant les facteurs suivants :

 

1.  La nature de linfraction et la peine prév­ue par le législateur. Dans le cas du premier chef daccusation, linfraction de trafic de cannabis marihuana est passible de cinq ans demprisonnement pour des quantités de moins de trois kilos.  Dans le cas du troisième chef daccusation, soit le comportement préjudiciable au bon ordre et à la discipline aux termes de larticle 129 de la Loi sur la défense nationale, et ce pour avoir consommé des drogues contrairement à la politique des Forces canadiennes en semblable matière, elle est punissable par la destitution ignominieuse du service de Sa Majesté.  Ces infractions sont objectivement sérieuses.

 


2.  Le fait que vous avez à plusieurs reprises fait ce trafic sur un établissement militaire, plus particulièrement dans les quartiers pour célibataires des militaires affectés au peloton dattente.  Les circonstances de cette affaire révèlent que vous avez vendu des quantités variables de cannabis à quatre de vos collègues qui pouvaient varier dun joint à 3,5 grammes sur une période denviron un mois et demi entre avril et juin 2003.  Il semble que ce trafic seffectuait à la demande de vos collègues et que vous le faisiez pour pouvoir financer votre propre consom­mation de cannabis.

 

3.  Le fait que vous avez consommé des drogues quotidiennement durant cette même période dans les quartiers de la garnison Valcartier, alors que vous étiez bien au fait de la politique des Forces canadiennes en matière de drogues.  Ceci est dautant plus significatif parce que vous vous étiez enrôlé dans la force régulière le 12 juin 2002, mais surtout parce que vous aviez été membre de la force de réserve à partir de 1997 à titre de policier militaire.  Non seulement étiez-vous doublement au fait de la politique des Forces canadiennes sur les drogues, mais vous en connaissiez les effets.

 

4.  Le fait que vous avez accompli vos opérations illicites en faisant preuve dun certain degré de sophistication et de planification lorsque vous entreposiez une balance et un moulin à café pour faire le trafic de cannabis à lintérieur de deux casiers occupés illégalement dans le sous-sol des quartiers pour célibataires dont vous aviez obtenu accès en faisant un double dune clé dun ami ayant résidé à cet endroit.

 

5.  Le fait quil existait, selon le témoignage du capitaine Martineau, un climat malsain au sein du peloton dattente durant cette période  alors quun certain nombre de militaires sadonnaient impunément  à la consommation de drogues dans les quartiers.

 

Quant aux facteurs atténuants, la Cour retient les éléments suivants :

 

1.  Le fait que vous avez reconnu votre culpabilité et que vous avez manifesté dès le début du processus denquête, en vous confiant aux policiers militaires, que vous aviez fait usage et le trafic de stupéfiants tel quen fait foi le sommaire des circonstances. Ces plaidoyers de culpabilité sont, de l'avis de cette Cour, une indication réelle de la sincérité de vos plaidoyers de culpabilité.  Lors de votre témoignage vous vous êtes excusé publiquement pour le tort que vous avez causé à vos collègues et aux Forces canadiennes par vos activités illicites.   La Cour considère ces éléments comme étant une indication sincère et tangible des remords que vous éprouvez pour vos gestes répréhensibles.

 

2.  Le fait quil sagisse dune drogue dite « douce » dans le contexte davoir fait lusage de cette drogue.


 

3.  Labsence de fiche de conduite ou de dossier criminel lié aux drogues.

 

4.  Le fait que vous viviez à ce moment des moments difficiles.  La Cour naccepte pas la thèse à leffet que vous consommiez du cannabis marihuana à des fins thérapeutiques, mais elle reconnaît que durant la période visée par les accusations vous étiez physiquement incapable de poursuivre votre entraînement et que cette situation a eu un effet dentraînement sur votre capacité à gérer cette situation troublante.  Selon la preu­ve entendue, vos rêves de faire partie des Forces canadiennes à plein temps étaient fragilisés.  Vous vous êtes laissés aller au découragement et vous avez perdu votre motivation.  Cela nexcuse pas vos agissements, mais il sagit du contexte dans lequel vous avez commencé à consommer du cannabis marihuana et à accommoder vos collègues consommateurs de la même substance pour financer votre consommation quotidienne.

 

5.  Le fait que la preuve non-contredite devant cette Cour fait état que vous aviez développé une dépendance aux drogues lors de ladite période, du moins une dépendance psychologique subjective. La Cour considère cet élément comme un facteur atténuant dans le contexte où le trafic n’était pas fait dans un but de lucre autre que pour financer votre propre consommation.

 


6.  Le fait que vous avez entrepris des démarches positives pour mettre fin relativement tôt à votre comportement attribuable à votre dépendance aux drogues après que vous eusses réalisé vos erreurs.  Il faut toutefois être prudent lorsque vient le temps d’évaluer la sincérité et limpact dune telle démarche lorsquil sagit dimposer une sentence.  Hors, la preuve documentaire qui fait état de votre thérapie et de votre suivi, à la lumière de votre propre témoignage, sont particulièrement convaincants.  Votre démarche a été des plus sincère et sérieuse.  La Cour retient de ce témoignage que vous êtes devenu ou redevenu un jeune homme responsable, motivé et actif dans votre communauté.  Dès votre libération des Forces canadiennes en juillet 2004, vous vous êtes trouvé un emploi.  Depuis septembre 2004, vous occupé un poste permanent et à plein temps à titre dagent de service à la clientèle pour Solution Anjura de chez Bell Sympatico.  Selon vos dires, vos chances davancement sont excellentes.  La Cour souligne le degré de motivation qui vous habite lorsque vous parlez de votre nouvelle carrière.  Il est également opportun de reconnaître que vous habitez dorénavant chez vos parents dans la région de Montréal et quils contribuent à leur façon à votre réinsertion sociale. Vous me semblez avoir acquis un niveau de maturité et de jugement qui n’étaient pas présents au printemps de lannée 2003.    

 

7.  Le fait que vous avez déjà perdu votre emploi au sein des Forces canadiennes pour des raisons directement reliées aux affaires devant la Cour aujourdhui.  Une telle conséquence est très significative dans le contexte de cette cause. Elle doit être prise en compte dans l’évaluation des critères de la dénonciation et de la dissuasion qui sont applicables en lespèce et la Cour ne partage pas les prétentions de la poursuite à leffet contraire.

 

8.  Votre jeune âge, au moment de la commission des infractions.

 

9.  Le délai écoulé depuis la commission des infractions.

 

9                  Dans larrêt R. c. Gladue (1999) 133 C.C.C.(3d) 385, la Cour suprême a indiqué quune peine dincarcération devrait être la sanction pénale de dernier recours.   Dans le contexte du Code criminel lincarcération sous la forme de l'emprisonnement nest adéquate que lorsqu'aucune autre sanction ou combinaison de sanctions n'est appropriée pour l'infraction et le délinquant.  Ce principe est pertinent dans le contexte de la justice militaire.  Il faut toutefois prendre en compte les différences importantes entre le régime de détermination de la peine applicable à un tribunal civil siégeant en matière criminelle et pénale par rapport à un tribunal militaire dont les pouvoirs de punition sont prévus à la Loi sur la défense nationale.  Le système de justice pénale civil comporte ses particularités comme, par exemple, lemprisonnement avec sursis qui se distingue des mesures probatoires, mais qui constitue  néanmoins  une véritable peine demprisonnement.  Le système de justice militaire, quant à lui,  dispose doutils disciplinaires comme la détention qui vise à réhabiliter les détenus militaires et à leur redonner lhabitude dobé­ir dans un cadre militaire structuré autour des valeurs et des compétences propres aux membres des Forces canadiennes.  Tout comme lemprisonneme­nt avec sursis, la détention peut avoir un effet dénonciateur et dissuasif important, sans toutefois stigmatiser les détenus militaires au même degré que les militaires condamnés à lemprisonnement.  Une telle peine nest toutefois pas appropriée en matière de trafic de drogues.

 

10                Le trafic de stupéfiants est une infraction très sérieuse en soi, mais elle lest encore plus dans le contexte militaire en raison des effets pernicieux que la consommation de drogue occasionne.  Cest dailleurs pour contrer ces effets que les Forces canadiennes ont mis sur pied le programme des Forces canadiennes sur le contrôle des drogues.  Si la seule accusation devant cette cour était  liée à lusage de cannabis marihuana, lordre et le degré dimportan­ce accordés à chacun des principes applicables en matière de détermination de la sentence  seraient différents.  Ce nest toutefois pas le cas.

 


11                Lorsque lacte reproché déborde le cadre disciplinaire et quil constitue  une activité  proprement criminelle, il faut non seulement examiner linfraction à la lumière des valeurs et des compétences propres aux membres des Forces canadiennes, mais aussi dans loptique de lexercice dune juridiction pénale concurrente.

 

12                Lanalyse de la jurisprudence militaire en matière de trafic de drogues et autres substances, au cours des dernières années, nous indique que lincarcération, sous la forme de lemprisonnement, est la peine privilégiée pour assurer la protection du public et le maintien de la discipline par la dissuasion générale et individuelle, la punition du contrevenant et la réhabilitation.  En matière de trafic, la Cour partage toutefois lopinion exprimée par la Cour dappel du Québec dans larrêt R. c. Lebovitch (1979) 48 C.C.C. (2d) 539, qui reconnaît que dans la recherche dune proportionnalité entre la gravité du crime et le degré de responsabilité du contrevenant, il est opportun de faire une différence entre le trafiquant-usager qui agit pour se payer sa drogue et celui qui nagit que dans un but de lucre, surtout lorsque le contrevenant trafiquant-usager réussit à arrêter de consommer.  Comme cest le cas dans cette affaire, lex-soldat Constantin ne faisait pas le trafic de marihuana pour le simple et unique appât du gain.  Selon la preuve entendue, il sapprovisionnait auprès dun collègue militaire, lex-soldat Hébert-Painchaud, pour sa consommation personnelle pour en revendre une partie à dautres collègues afin de financer ladite consommation.  En ce qui concerne le principe dharmonisati­on des peines, lex-soldat Hébert-Painchaud a été jugé par cour martiale permanente en septembre 2004 pour des infractions à peu près similaires.  Suite à la suggestion commune des procureurs, la cour martiale permanente la condamné à 60 jours demprisonnement.  La preuve présentée lors de laudition portant sur la détermination de la peine était relativement sommaire et nettement moins favorable que dans le présent dossier.

 

13                La Cour est davis que les circonstances de cette cause ne justifient toutefois pas une approche différente. Une sentence qui comporte une peine demprisonneme­nt demeure  nécessaire pour assurer la protection du public et le maintien de la discipline en raison des principes de première importance que sont la dissuasion collective, la dénonciation du comportement illégal et la gravité des infractions reprochées dans le contexte de la discipline militaire.

 


14                La preuve dans cette affaire est toutefois particulièrement convaincante en ce qui concerne les démarches de réhabilitation et de réinsertion sociale du contrevenant depuis les événements.  Certes, il serait sans doute facile de dire quil  navait pas vraiment le choix ayant été libéré des Forces canadiennes en juillet 2004 en raison des actes qui font lobjet des accusations devant cette Cour. Force est de constater que lex-soldat Constantin sest réellement pris en main.  Sans doute avait-il un intérêt à essayer de sauver sa carrière en suivant une thérapie.  Son parcours la emmené ailleurs.  Les autorités militaires ont maintenu la recommandation de libération aux termes de la politique des Forces canadiennes en matière de drogues et il fut libéré.  Les mois qui ont suivi sa libération, et ce jusqu’à ce jour, témoignent de sa volonté sincère non seulement de vaincre cette dépendance, mais aussi d’être un membre actif et utile de la société. Combien de jeunes adultes choisissent plutôt la voie de la facilité pour vivre aux crochets de la société ou de patauger dans un milieu propice aux activités criminelles lorsquils ont goûté aux plaisirs de la drogue et aux produits de la criminalité

 

15                À la lumière des circonstances de cette affaire et de la preuve devant cette cour, la cour croit quune sentence adéquate devrait comporter au moins une peine demprisonnement minimale de 45 jours assortie dune ou dautres peines.   Or, je souscris aux commentaires de la juge Rousseau-Houle de la Cour dappel du Québec dans larrêt R. c. Prokos (1998) A.Q. no 2374, lorsquelle affirme, pour la majorité :

 

 34. Les infractions relatives au trafic de stupéfiants doivent toujours être clairement et hautement réprouvés.

 

Un peu plus loin au même paragraphe, elle dit :

 

Il faut se garder toutefois dentretenir le mythe, au nom dun objectif de dissuasion générale et en invoquant la gravité intrinsèque des infractions, que le seul châtiment valable et dissuasif est une peine demprisonnement ferme.

 

 35. Lindividualisation de la sentence demeure un principe fondamental de la détermination de la peine.  À légard dinfractions relatives aux stupéfiants, le système de la détermination de la peine ne peut se fonder exclusivement sur la dissuasion sociale et la dénonciation de la gravité des infractions.  La détermination de la peine doit être modulée et individualisée.  Cest au juge, à qui incombe le devoir de déterminer la peine, de  choisir celle qui a le plus de chance de dissuader le délinquant et dassurer sa réhabilitation sociale tout en protégeant la société.

 

  36. Si le critère de la dissuasion générale constitue une considération de première importance, il nen reste pas moins que le critère de la réhabilitation, lorsquil fait lobjet dune démonstration particulièrement convaincante, pourra devenir prééminent lors de la détermination de la peine.

 

Et au paragraphe 45, elle dit :

 

 45. Les tribunaux ne peuvent plus invoquer systématiquement les principes de dissuasion collective et de dénonciation qui ont fait de lemprisonnement la norme au lieu dune peine de dernier ressort.  Lobligation denvisager des sanctions moins contraignantes que la privation de liberté lorsque les circonstances le justifient est imposée aux juges par les articles 718.2d) et 718.[2]e).

 


16                Ces propos de la juge Rousseau-Houle, également juge à la Cour dappel de la cour martiale, sinscrivaient dans le contexte dune cause de trafic et de possession pour fins de trafic dhéroïne où lintimé avait été condamné à purger une peine demprisonnement avec sursis de 23 mois.  Une telle peine nexiste pas sous le Code de discipline militaire.  Avec respect pour lopinion contraire, cette Cour est davis que les propos du juge Rousseau-Houle ne visent pas uniquement lemprisonnement avec sursis en lieu et place de lemprisonnement ferme. 

 

 

17                Force est de reconnaître que certains des principes qui apparaissent aux articles 718.1 et 718.2 du Code criminel sont difficilement applicables dans le contexte de la justice militaire et du régime des peines prévues à la Loi sur la défense nationale.  Même si la Cour dappel de la cour martiale a reconnu depuis longtemps, notamment dans les arrêts R. c. Macdonald et R. c. MacEachern , que la consommation illégale et le trafic de drogues entraînent des conséquences évidentes graves sur le plan disciplinaire et quil est incompatible avec la bonne exécution des obligations militaires, la Cour dappel de la cour martiale,  na pas émis de directives en faveur du recours obligatoire à lemprisonneme­nt ferme peu importe les circonstances en semblable matière.  Il est vrai que la Cour dappel de la cour martiale, dans larrêt R. c. Dominie, Citation neutre 2002 CMAC 8, sest prononcée en ce sens, mais dans le contexte particulier de trafic de crac ou de cocaïne,  et ce sans exclure de manière absolue la possibilité quune peine demprisonneme­nt puisse être suspendue dans des cas très rares lorsquen présence de circonstances atténuantes extrêmement importantes.  Le juge Ewaschuk, pour la cour, émettait les commentaires suivants et je cite les paragraphes [4] et [5] :

 

[4] The appellant first argues that the learned President erred in finding that incarceration was the only sentence available to him. It is our view that the trial judge did not err in finding that the incarceration was the only sentence available in the circumstances of this case.

 

[5] Traf­ficking in crack cocaine on numerous occasions, even though it is non-commercial in nature, generally requires the imposition of actual imprisonment even for civilian offenders. In respect of military offenders, general deterrence requires that the military know that they will be imprisoned if they deal in crack cocaine on military bases. Suspended sentence simply is not available, except in the rare case of extremely mitigating circumstances. This is not one of those rare cases.

 

18                Cette Cour est davis que cette décision de la Cour dappel de la cour martiale ne permet pas de  soutenir que le trafic de cannabis marihuana et lusage dune telle drogue dans des circonstances comme celles qui sont présentes dans cette cause requiert lemprisonnement ferme obligatoire.

 


19                            Les Forces armées canadiennes ne constituent pas une société distincte qui opère en vase clos à labri des valeurs fondamentales de la société canadienne. Force est de reconnaître quelles ont néanmoins des besoins spécifiques qui découlent directement de la nature de leur existence comme institution et des mandats qui leur sont confiées par le Gouvernement du Canada.  Lorsque les autorités militaires décident dexercer leur pouvoir de libérer un individu  pour une violation de la politique des drogues des Forces canadiennes avant que cette personne nait été jugée, cette décision peut être parfaitement justifiée.  Il en va souvent de lefficacité opérationnelle et des impératifs de discipline.  Toutefois, lorsquun tribunal militaire est saisi a posteriori dune cause comme celle en lespèce où laccusé a depuis été libéré, ce tribunal doit prendre en compte toutes les circonstances aggravantes et atténuantes y compris celles qui sont postérieures à la libération de laccusé

 

20                La preuve de la réhabilitation et de la réinsertion sociale de monsieur Constantin est particulièrement convaincante.  Elle sest amorcée alors quil était encore militaire, mais elle sest poursuivie par la suite au point où cette Cour a dû analyser avec soin les conséquences quauraient une peine demprisonnement ferme tant sur le contrevenant que sur lensemble de la collectivité.  La preuve non-contredite et crédible devant la Cour indique quune peine dincarcération signifierait sans doute la perte de lemploi à plein temps et permanent de monsieur Constantin.  En soi, ce serait une conséquence dont il est lunique responsable. Lanalyse ne se limite pas toutefois à ce seul élément. Les efforts sincères et marqués du contrevenant de prendre sa vie en main depuis plus dun an seraient grandement fragilisés si la Cour refusait de considérer la suspension dune peine demprisonnement.  Au surplus, une peine demprisonnement ferme dans le contexte particulier de cette affaire emporterait comme conséquence, outre la perte dun emploi permanent, le message que des efforts exemplaires de réhabilitation sont inutiles.  Il faut également prendre en compte quil existe un risque important de labandon de son processus de réhabilitation si la Cour mettait une emphase injustement exagérée sur le caractère punitif des peines à infliger.  Finalement, il existe cette possibilité malheureuse, quune fois sa peine demprisonnement purgée, ayant perdu son emploi et sa motivation,  que le contrevenant devienne un fardeau économique et social pour lensemble de la collectivité.  Cette situation nest pas souhaitable dans le cas dun jeune adulte qui a pris les grands moyens pour se remettre dans le droit chemin après sy être écarté quelques mois en y laissant une partie de ses rêves, dont une carrière militaire, en cours de route.

 

21                En conséquence, monsieur Constantin, veuillez-vous lever, la Cour vous condamne à lemprisonnement dune durée de 45 jours assortie dune amende de 2500 dollars. Pour les motifs précédemment mentionnés et plus spécifiquement en ce qui a trait à la démonstration particulièrement convaincante qui fut présentée devant le tribunal relativement à votre processus de réhabilitation et de réinsertion sociale, la Cour, à titre dautorité sursoyante, suspend lexécution de la peine demprisonnement à laquelle elle vous a condamné.  Veuillez vous asseoir.

 


22                Madame la Procureure de la poursuite, veuillez informer lavocat de la défense, et ce dans les plus brefs délais, des coordonnées complètes où le contrevenant pourra sacquitter de lamende imposée par la Cour.

 

23                Les procédures de cette Cour martiale permanente relativement à l'ex-soldat Constantin sont terminées.                       

 

 

 

LIEUTENANT-COLONEL M. DUTIL, J.M

 

 

Avocats:

 

Major M. Trudel, Procureur de la poursuite, secteur de l'Est

Avocat pour Sa Majesté la Reine

Procédures préliminaires

Maître Enrico Théberge, Labrecque, Robitaille, Roberge & Asselin, 400, boulevard Jean-Lesage, Québec (Québec).

Avocat du soldat M.S. Constantin

Procès principal

Maître Jean Asselin, Labrecque, Robitaille, Roberge & Asselin, 400, boulevard Jean-Lesage, Québec (Québec).

Avocat du soldat M.S. Constantin

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