Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l’ouverture du procès : 21 juin 2004.
Endroit : Garnison Valcartier, édifice 534, l’Académie, Courcelette (QC).
Chefs d’accusation:
• Chefs d’accusation 1, 3 : Art. 85 LDN, acte d’insubordination.
• Chef d’accusation 2 : S. 83 LDN, désobéissance à un ordre légitime.
• Chef d’accusation 4 : Art. 116a) LDN, dommage, perte ou aliénation irrégulière.
Résultats:
• VERDICTS : Chefs d’accusation 1, 3 : Coupable. Chefs d’accusation 2, 4 : Retirés.
• SENTENCE : Un blâme et une amende au montant de 1200$.

Contenu de la décision

Référence : R. c. Sapeur P. Chabot, 2004CM28

 

Dossier : S200428

 

 

COUR MARTIALE PERMANENTE

CANADA

GARNISON VALCARTIER, QUÉBEC

5E RÉGIMENT DE GÉNIE DE COMBAT

 

Date : 21 juin 2004

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DU LIEUTENANT-COLONEL M. DUTIL, J.M.

 

SA MAJESTÉ LA REINE

Poursuivante

c.

SAPEUR P. CHABOT

(Accusé)

 

SENTENCE

(Oralement)

 

 

[1]        Sapeur Chabot, en déterminant la sentence qu'elle considère être appropriée et minimale dans les circonstances, la Cour a considéré les circonstances entourant la commission des infractions telles que révélées par le sommaire des circonstances très complet et détaillé présenté par la poursuite et dont vous avez accepté la véracité. La Cour a également considéré la preuve présentée lors de l'audition sur sentence, la jurisprudence soumise, les arguments des procureurs et les principes applicables en matière de détermination de la peine.

 

[2]        Lorsqu'il s'agit de donner une sentence appropriée à un accusé pour les fautes qu'il a commises et à l'égard des infractions dont il est coupable, certains principes sont suivis et ces principes peuvent s'énoncer comme suit: premièrement, la protection du public et le public inclut ici les Forces canadiennes; deuxièmement, la punition et la dénonciation du contrevenant; troisièmement, l'effet de dissuasion, non seulement pour vous mais également pour les autres qui seraient tentés de commettre de telles infractions; quatrièmement, la réhabilitation et la réforme du contrevenant; et, finalement, les principes de proportionnalité, de parité de sentence et de globalité.

 

 

 


 

 

 

[3]        Le principe premier, qui est la protection du public, doit faire en sorte que la cour doit déterminer si cette protection sera assurée par une peine qui vise à punir, à réhabiliter ou à dissuader. Combien d'emphase devrait être mise sur l'un ou l'autre de ces principes dépend évidemment des circonstances qui varient d'un cas à l'autre. Dans certains cas, le souci principal, quand ce n'est pas le seul souci, sera la dissuasion de l'accusé ou la dissuasion des autres personnes. Dans de telles circonstances, peu ou aucune importance ne sera accordée à l'aspect réhabilitation ou réformation du contrevenant. Dans d'autres cas, l'accent sera plutôt mis sur la réhabilitation que sur la dissuasion.

 

[4]        La nature des infractions, le contexte et les circonstances entourant la commission desdites infractions sont les principaux éléments pour lesquels cette Cour est d'avis que la protection du public et le maintien de la discipline seront assurés par une peine qui vise à dissuader et à dénoncer votre conduite. Il est toutefois important de préciser, comme je l'ai dit plus tôt, que la sentence doit être la sentence que la Cour considère minimale pour servir les fins de la justice et le maintien de la discipline dans les Forces canadiennes.

 

[5]        En considérant quelle sentence serait appropriée, la cour a pris en considération les facteurs atténuants et les facteurs aggravants suivants. Et je commencerai par les facteurs qui aggravent la peine.

 

[6]        La Cour considère comme aggravant la nature objective de l'infraction et la peine maximale prévue par le législateur, soit la destitution ignominieuse du Service de Sa majesté. Une infraction aux termes de l'article 85 de la Loi sur la défense nationale est une infraction très sérieuse. Deuxièmement, votre fiche de conduite et le fait qu'il semble que vous n'ayez pas appris de vos erreurs passées en matière d'insubordination. Compte tenu de votre grade et de votre expérience vous saviez ou aurait dû savoir que vous aviez d'autres moyens pour régler vos différents avec votre supérieur, sans pour autant miner l'autorité de votre chaîne de commandement. Troisièmement, les circonstances qui ont entouré la commission de l'infraction telles que révélées par le sommaire des circonstances.

 


[7]        Quant aux facteurs atténuants, laissez-moi vous dire que la Cour ne voit que très peu de facteurs atténuants dans votre cas. Cela est d'autant plus clair lorsque la Cour considère les causes qui lui ont été soumises, notamment celles qui ont été soumises par votre avocat. Force est de constater que chacune de ces causes étaient fort différentes de la vôtre, votre avocat étant lui-même impliqué dans plusieurs de ces causes-là. Par exemple, dans la cause du caporal Cadet, ce dernier avait été fortement provoqué et victime des abus de son supérieur qui, lui-même, avait été jugé par procès sommaire pour les propos provocateurs qu'il avait tenus à l'endroit du caporal Cadet et pour lesquels il avait été condamné à une réprimande. Dans la cause du soldat Murphy, il s'agissait d'un jeune soldat qui avait beaucoup moins d'expérience dont la fiche de conduite ne contenait pas de condamnation de même nature et dont les agissements s'expliquaient par son angoisse devant les difficultés qu'il rencontrait pour s'occuper adéquatement de sa jeune conjointe enceinte. En ce qui concerne la cause du caporal Harris, il s'agissait là d'une soumission conjointe des procureurs sur sentence, ce qui n'est pas le cas ici.

 

[8]        La cour retient néanmoins les éléments suivants qui ont eu pour effet d'atténuer la sentence que la cour va vous imposer : premièrement, le fait que vous ayez plaidé coupable au 1er et 3ième chef d'accusation, soit d'avoir commis un acte d'insubordination. En plaidant coupable, vous avez évité un procès qui aurait au moins, si je me fie au sommaire des circonstances, nécessité l'audition d'au moins deux ou trois témoins; deuxièmement, la Cour retient votre âge et vos états de service jusqu'au moment de la commission des infractions; troisièmement, votre situation personnelle et financière. Sur cet aspect, il est clair que votre situation financière est précaire, mais cela, semble-t-il, ne vous a pas ralenti puisque vous vous êtes endetté en plus pour avoir acheté récemment une voiture de marque Mazda 2004. Évidemment vous êtes libre de vos choix mais vous devrez vivre avec les conséquences de ces choix.

 

[9]        Il ressort très clairement de vos rapports d'évaluation antérieurs, ainsi que de votre propre témoignage que vous vous êtes dévoué à la tâche et aux Forces canadiennes lorsque cela faisait votre affaire. Lorsque ça ne vous plaisait pas, vous avez démontré une attitude récalcitrante et négative. D'ailleurs, vos propos m'ont particulièrement étonné. En réponse à la question du procureur de la poursuite sur votre service au sein des Forces canadiennes, vous avez mentionné et je cite : « Je ne me suis pas bien fait servir ». Ceci démontre, aux yeux de la Cour, votre profonde immaturité et votre incompréhension du service militaire. La preuve devant cette cour n'indique pas que vous avez été maltraité ou abusé par les autorités militaires ou l'institution militaire. La preuve est à l'effet que vous n'avez pas eu ce que vous vouliez et quand vous le vouliez des Forces canadiennes, ce qui est bien différent. Si l'on y regarde de près, il est vrai que vous ne retiendrez pas beaucoup d'éléments positifs de votre court passage au sein des Forces canadiennes, et cela est dommage, puisqu'il appert que vous serez libéré d'ici quelques mois, et ce à votre demande. Mais, il est juste de dire que les Forces canadiennes ne pourront pas avoir une opinion différente relativement à votre propre contribution. Force est de constater que votre vision du service militaire n'aura été celle que de votre propre point de vue et qu'elle aura été limitée à ce que les Forces canadiennes non seulement pouvaient faire pour vous, mais devaient faire pour vous. Laissez-moi vous dire qu'il s'agit là d'une vision profondément erronée sur laquelle plusieurs de vos camarades et de vos officiers supérieurs pourraient vous entretenir.

 


[10]      Le procureur de la poursuite recommande que la Cour vous inflige une peine de détention de cinq à six jours assortie d'une amende inférieure à 1 000 $ payable immédiatement.

 

[11]      Votre avocat de la défense soumet à la cour qu'une réprimande assortie d'une amende au montant de 500 $ à 800 $ payable par tranches de 50 $ par mois serait suffisante. Lorsque votre avocat indique à la Cour que vous lui aviez demandé d'être puni par la destitution, cette demande correspond tout à fait à l'impression que vous avez transmise à la Cour lors de votre témoignage et de celle qui découle de la preuve, soit celle d'une personne intelligente, centrée sur ses propres besoins et qui n'attache aucune valeur au service militaire et par laquelle une sentence de destitution lui permettrait de lever les voiles une fois pour toutes sans aucune intention d'y revenir.

 

[12]      Il est de jurisprudence constante qu'une sentence qui emporte la destitution en est une qui est très sévère, mais qui, je dois l'admettre, n'aurait pas l'effet escompté dans les cas où les contrevenants cherchent par leurs actions à se faire libérer des Forces canadiennes en commettant des actes relativement mineurs. C'est pourquoi cette peine sera celle qui accompagnera, plus souvent qu'autrement, la peine d'emprisonnement.

 

[13]      Je veux que cela soit bien clair pour vous et pour toute autre personne qui serait tentée de suivre vos traces. Ce genre de comportement, comme je l'ai dit auparavant dans d'autres causes, est inacceptable et ne saurait être toléré ou encouragé. Le respect de la chaîne de commandement est impératif à la cohésion et au moral d'une armée disciplinée. Je peux comprendre que vous ayez été malheureux en raison de vos choix de carrière et que vos demandes de changement de métier se sont avérées difficiles, et ce même si vous en êtes en partie responsable, mais il est vrai également que vous auriez pu utiliser les moyens qui vous sont offerts pour régler des différends lorsque vous vous croyiez à ce moment-là lésé et vous ne l'avez pas fait. Comme je l'avais dit dans la cause du caporal Cadet, ceux qui ne peuvent accepter ces règles élémentaires devraient réfléchir avant de servir ou de continuer à servir dans les Forces canadiennes. La preuve indique que vous avez choisi de quitter. J'espère sincèrement, Sapeur Chabot, que vous pourrez relever des défis qui sauront combler vos attentes là où, à vous entendre, les Forces canadiennes ont échoué.

 

[14]      Avant de prononcer la sentence, Sapeur Chabot, la Cour ayant accepté et enregistré votre plaidoyer de culpabilité à l'égard du 1er et du 3ième chef d'accusation, vous trouve coupable du 1er et 3ième chef d'accusation et la Cour vous condamne à un blâme assorti d'une amende de 1 200 $. Cette amende est payable selon les modalités suivantes;   300 $ payable immédiatement; 50 $ par mois par la suite, à compter du 15 juillet 2004 et


chaque mois par la suite jusqu'au paiement complet de l'amende. Si vous étiez libéré des Forces canadiennes avant le paiement complet de l'amende infligée par la cour, le solde de cette amende deviendra exigible immédiatement avant la date de votre libération.

 

 

LIEUTENANT-COLONEL M. DUTIL, M.J.

 

Avocats:

 

Major G. Roy, Procureur militaire régional de l'Est

Avocat de la poursuivante

Major J.A.M. Côté, Direction du service d'avocats de la défense

Avocat du Sapeur P. Chabot

 

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