Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

CACM 480 - Appel rejeté

Date de l’ouverture du procès : 9 mars 2004.
Endroit : 6080 rue Young, 5e étage, salle d’audience, Halifax (NÉ).
Chefs d’accusation:
• Chef d’accusation 1 (subsidiaire au chef d’accusation 2) : Al. 75g) LDN, a intempestivement occasionné de fausses alertes.
• Chef d’accusation 2 (subsidiaire au chef d’accusation 1) : Art. 129 LDN, comportement préjudiciable au bon ordre et à la discipline.
Résultats:
• VERDICTS : Chef d’accusation 1 : Coupable. Chef d’accusation 2 : Une suspension d’instance.
• SENTENCE Un blâme et une amende au montant de 10,000$.

Contenu de la décision

Page 1 de 11 Référence : R. c. Lélève-officier J.A. McNulty, 2004CM05 Dossier : F200405 COUR MARTIALE PERMANENTE CANADA NOUVELLE-ÉCOSSE BASE DES FORCES CANADIENNES HALIFAX Date : 12 mars 2004 PRÉSIDENT : LIEUTENANT-COLONEL M. DUTIL, juge militaire SA MAJESTÉ LA REINE c. LÉLÈVE-OFFICIER J. MCNULTY (Accusé) VERDICT (Prononcé oralement) [1] En vertu de lalinéa 75g) de la Loi sur la défense nationale, lélève-officier McNulty est accusé davoir occasionné intempestivement des fausses alertes et, subsidiairement, en vertu de larticle 129 de la Loi, de comportement préjudiciable au bon ordre et à la discipline. Ces accusations ont été portées à la suite dun incident qui aurait eu lieu le 29 décembre 2002, au cours duquel laccusé aurait téléphoné au NCSM WINDSOR et déclaré quune bombe se trouvait à bord. Ce geste a provoqué de fausses alertes à bord du NCSM WINDSOR et dans les alentours. [2] Permettez-moi de commencer par une explication sur la présomption dinnocence et sur la norme relative à la preuve hors de tout doute raisonnable, norme liée au principe fondamental appliqué dans tous les procès pénaux, même dans les procès ayant trait au Code de discipline militaire. Cette norme et ce principe sont bien connus des avocats, mais il est fort probable quils soient moins familiers aux autres personnes présentes dans cette salle. On peut affirmer à juste titre que la présomption dinnocence constitue sans doute le principe fondamental par excellence de notre droit pénal. Dans les affaires relevant du Code de discipline militaire, comme dans celles relevant du droit pénal, quiconque est accusé dune infraction criminelle est présumé innocent jusquà ce que la poursuite ait prouvé sa culpabilité, et cela, hors de tout doute raisonnable.
Page 2 de 11 [3] Un accusé na pas à prouver son innocence. Il incombe à la poursuite de prouver hors de tout doute raisonnable chaque élément de linfraction. La norme relative à la preuve hors de tout doute raisonnable ne sapplique pas aux éléments constitutifs de la preuve ou à des éléments de preuve distincts sur lesquels se fonde la poursuite, mais à la preuve, dans sa globalité, sur laquelle se fonde la poursuite pour établir la culpabilité. Il incombe à la poursuite de prouver hors de tout doute raisonnable la culpabilité de laccusé, jamais à laccusé de prouver son innocence. Si, après avoir examiné tous les éléments de preuve, le tribunal a un doute raisonnable quant à la culpabilité de laccusé, celui-ci doit être acquitté. [4] Lexpression « hors de tout doute raisonnable » est employée depuis très longtemps. Elle fait partie de lhistoire et des coutumes de la justice. Comme la souligné monsieur le procureur, dans son arrêt R. c. Lifchus, répertorié [1997] 3 R.C.S. 320, la Cour suprême du Canada a proposé un modèle de directive sur le doute raisonnable. Par la suite, la Cour suprême et les cours dappel ont appliqué les principes définis dans larrêt Lifchus à de nombreuses décisions. En substance, le doute raisonnable nest pas un doute imaginaire ou futile. Il ne doit pas se fonder sur la sympathie ou les préjugés mais sur la raison et le bon sens. Il découle logiquement de la preuve présentée ou de labsence de preuve. [5] Laccusation portée contre un individu ne préjuge en rien de sa culpabilité, et jajouterai que les seules accusations dont doit répondre un accusé sont celles qui figurent sur lacte daccusation déposé au tribunal. Quest-ce que la preuve? La preuve peut être constituée des affirmations solennelles ou des témoignages sous serment faits devant un tribunal, par des témoins sur ce quils ont observé ou fait. Elle peut aussi être constituée de documents, de photos, de cartes et dautres éléments déposés par des témoins, de témoignages dexperts, de faits officiellement admis par la poursuite ou la défense et de questions dont le tribunal a une connaissance doffice. [6] Il nest pas rare que des éléments de preuve présentés au tribunal se contredisent. Souvent les témoins ont des souvenirs différents des événements et le tribunal doit repérer les éléments plausibles. Crédibilité nest pas synonyme de vérité et absence de crédibilité ne signifie pas mensonge. Le tribunal doit tenir compte de nombreux facteurs pour évaluer la crédibilité dun témoignage. Par exemple, il doit évaluer la possibilité dobserver qua eue le témoin, ce qui lincite à se souvenir, par exemple si les événements étaient remarquables, inhabituels et frappants ou au contraire, insignifiants, et par conséquent, tout naturellement plus difficiles à se remémorer. Il doit aussi se demander si lissue du procès peut présenter un avantage pour le témoin, c'est-à-dire si celui-ci a des raisons de favoriser la poursuite ou la défense, ou sil est impartial. [7] Bien entendu, ce dernier facteur sapplique aussi, mais de façon différente, à laccusé. Même si lon peut raisonnablement présumer quun accusé a
Page 3 de 11 intérêt à être acquitté, du fait de la présomption dinnocence, on ne peut conclure quun accusé qui choisirait de parler risque de mentir. Un autre élément permet de déterminer la crédibilité : la capacité apparente du témoin à se souvenir. On peut observer lattitude du témoin pendant sa déposition pour évaluer sa crédibilité : il faut se demander si le témoin a répondu aux questions avec naturel, si ses réponses étaient précises ou évasives, hésitantes ou argumentées, et enfin, si son témoignage était cohérent et correspondait aux faits incontestés. [8] Un témoignage peut comporter, et en fait comporte toujours, des contradictions mineures et involontaires, mais cela ne doit pas nécessairement conduire à lécarter. Il en va autrement dun mensonge, qui constitue toujours un acte grave et risque de fausser lensemble dun témoignage. Le tribunal nest pas obligé de retenir tous les témoignages. En revanche, il doit retenir ceux quil juge plausibles. En dautres termes, le tribunal doit considérer a priori les témoignages comme dignes de foi à moins quil ait des motifs de ne pas y accorder crédit. [9] Au paragraphe 242 de larrêt R. c. Starr, répertorié (2000) 2 R. C.S. 144, la Cour suprême a déclaré : «… une manière efficace de définir la norme du doute raisonnable à un jury consiste à expliquer qu'elle se rapproche davantage de la certitude absolue que de la preuve selon la prépondérance des probabilités. » [10] En outre, il ne faut pas oublier quil est quasiment impossible dapporter une preuve conduisant à une certitude absolue. Dailleurs, la poursuite na pas dobligation en ce sens. Il serait impossible de respecter une norme aussi élevée en matière de preuve. [11] La poursuite est seulement tenue de prouver la culpabilité de laccusé, en lespèce de lélève-officier McNulty, hors de tout doute raisonnable. Concrètement, cela signifie que si le tribunal est convaincu que laccusé est probablement ou vraisemblablement coupable, il doit lacquitter. Comme je lai dit plus tôt, lapproche appropriée en matière de preuve consiste à analyser la preuve dans son ensemble et non chacun de ses éléments constitutifs. Il est essentiel de confronter les déclarations des témoins à lensemble de la preuve administrée pour pouvoir se prononcer sur leur crédibilité et leur fiabilité. [12] En lespèce, la défense a décidé de ne pas présenter de preuve; cest son droit. Je le répète, il incombe à la poursuite de prouver la culpabilité de laccusé; celui-ci na jamais à prouver son innocence. Comme le principe du doute raisonnable sapplique aussi à la question de la crédibilité, le tribunal nest pas tenu de se prononcer de manière définitive sur la crédibilité dun témoin ou dun groupe de témoins, pas plus quil nest tenu daccorder foi à un témoin ou à un groupe de témoins. Si la Cour
Page 4 de 11 éprouve un doute raisonnable quant à la culpabilité de lélève-officier McNulty suscité par le manque crédibilité des témoins, alors elle doit lacquitter. [13] Maintenant, examinons la preuve présentée à la Cour. Cette preuve est constituée des témoignages du matelot de 3 e classe Suurhoff, de Mme Suurhoff et du maître de 2 e classe Hayward, ainsi que de la pièce 3, déposée à la Cour, dans laquelle ont été consignés six faits admis par la défense. Les voici : Le 29 décembre 2002, à environ cinq heures, le NCSM Windsor, stationné dans le port dHalifax, a reçu une alerte à la bombe. Lenquête de la police militaire a permis de déterminer que lappel provenait du domicile du matelot de 3 e classe Mark Michael Suurhoff, portant le matricule C44 470 741. En outre, la police militaire a réussi à se procurer un enregistrement sonore de la communication entre Halifax et lopérateur de base, on demande à ce dernier détablir la communication avec le NCSM Windsor. La voix que lon entend sur cet enregistrement est celle du matelot de 3 e classe Suurhoff. Au moment de linfraction, lélève-officier McNulty faisait partie de la Force de réserve des Forces armées canadiennes, plus précisément, dun de ses sous-éléments, le Cadre des instructeurs de cadets défini à lalinéa 2.034c) des Ordonnances et règlements de la Reine applicables aux Forces canadiennes... Lélève-officier McNulty reconnaît également quau moment de linfraction, il était assujetti au Code de discipline militaire, en vertu du sous-alinéa 60(1)c)(viii) de la Loi sur la défense nationale. En outre, la Cour ayant pris connaissance doffice des faits et des questions relevant de larticle 15 des Règles militaires de la preuve a pu compléter la preuve. [14] On peut résumer les faits se rapportant à lespèce comme suit : Dans la soirée du 28 décembre 2002, le matelot de 3 e classe Suurhoff et sa femme, qui habitaient à la Station radio navale Newport Corner, en Nouvelle-Écosse, ont assisté à une réception chez des voisins lon fêtait un anniversaire de mariage. Laccusé et Debbie, conjointe de fait de son frère Derek, y assistaient aussi. Cest ce jour-là que les
Page 5 de 11 Suurhoff ont fait connaissance avec laccusé, qui assistait à la fête parce quil était le frère de leur voisin Derek McNulty. Au cours de cette soirée, ces personnes ont bu trois ou quatre verres dalcool. Lambiance était bonne mais calme. Vers minuit, le matelot de 3 e classe Suurhoff et sa femme sont rentrés chez eux. Lélève-officier McNulty et sa belle-sœur sont partis avec les Suurhoff. Comme les Suurhoff navaient pas envie daller se coucher et quils rentraient chez eux à pieds en compagnie de laccusé et de sa belle-sœur, le matelot de 3 e classe Suurhoff a invité lélève-officier McNulty à se joindre à eux pour poursuivre la soirée en jouant aux fléchettes. Laccusé a accepté linvitation, mais pas Debbie. Ensuite, le matelot de 3 e classe Suurhoff, Mme Suurhoff et lélève-officier McNulty ont passé le restant de la nuit ensemble, je suppose jusquau petit matin, chez les Suurhoff, à jouer aux fléchettes et à discuter de choses et dautres, notamment des problèmes que rencontrait le frère de lélève-officier McNulty dans son travail. Tous trois se sont remué les méninges pour aider lélève-officier McNulty à trouver des solutions, car celui-ci sinquiétait pour son frère et désirait laider. Pendant cette partie de la nuit, soit environ entre minuit et cinq heures du matin, le matelot de 3 e classe Suurhoff a bu trois ou quatre bières, mais sa femme pense quil nen a pas bu plus dune. Mme Suurhoff a déclaré quelle navait pris quun verre de toute la nuit. Quant à lélève-officier McNulty, il a apporté une bouteille de whisky de seigle, et daprès Mme Suurhoff, il a bu plus dun verre au cours de la nuit. Bien que le matelot de 3 e classe Suurhoff, sa femme et laccusé aient bu cette nuit-là, ils nétaient pas saouls. Lélève-officier McNulty semblait de bonne humeur. Le matelot de 3 e classe Suurhoff savait que le frère de laccusé était de service de jour-là sur le NCSM WINDSOR, un sous-marin, cest pourquoi lélève-officier McNulty voulait parler à son frère. Le matelot de 3 e classe Suurhoff savait aussi comment entrer en communication avec le NCSM WINDSOR par lintermédiaire de lopérateur de base. À la suite dune conversation entre Mme Suurhoff et son mari, tous trois sont montés dans la cuisine, et, alors même que ni Mme Suurhoff ni son mari nétaient convaincus que cétait la chose à faire cette nuit-là, le matelot de 3 e classe Suurhoff a suggéré à lélève-officier McNulty dappeler son frère.
Page 6 de 11 Vers cinq heures, le 29 décembre 2002, le matelot de 3 e classe Suurhoff a pris le combiné et composé le numéro de téléphone de lopérateur de base, en présence des deux autres personnes. Le matelot de 3 e classe Suurhoff a demandé quon le mette en communication avec le NCSM WINDSOR. À ce moment, il a tendu le combiné à lélève-officier McNulty. Mme Suurhoff se trouvait approximativement à deux pieds de lélève-officier McNulty; son mari se tenait à peu près à deux pieds derrière elle. Les Suurhoff ont continué à parler sans faire attention à ce que disait lélève-officier McNulty. Tout à coup, le matelot de 3 e classe Suurhoff a entendu lélève-officier McNulty prononcer les paroles suivantes en imitant laccent arabe : « Je mappelle Abdul. Il y a une bombe dans votre bateau ». Le matelot de 3 e classe Suurhoff a vu lélève-officier McNulty se mettre à rire, puis raccrocher. Il a déclaré quil était resté abasourdi par ce quil venait dentendre. Il a demandé à lélève-officier McNulty si cétait son frère qui était à lautre bout du fil, ce à quoi ce dernier a répondu : « Je ne crois pas ». Mme Suurhoff a déclaré que lélève-officier McNulty avait parlé au téléphone en imitant laccent arabe, mais que le seul mot anglais quelle avait entendu était « bombe ». Elle était choquée, stupéfaite, sidérée. Elle était contrariée. Elle a indiqué quelle est restée en état de choc pendant trois à cinq secondes. Peu après lappel téléphonique, alors que les Suurhoff étaient encore en état de choc, ils ont échangé quelques paroles. À ce moment, Mme Suurhoff était très agitée et vociférait contre lélève-officier McNulty. Elle linsultait et lui demandait si cétait avec son frère quil parlait. Daprès sa version des faits, lélève-officier McNulty a répondu : « Oups, je naurais pas faire ça ». Ensuite, elle a entendu son mari demander à lélève-officier McNulty sil parlait au téléphone avec son frère, ce à quoi ce dernier a répondu « non ». En proie à une grande agitation, le matelot de 3 e classe Suurhoff a inscrit le numéro de téléphone de lopérateur de base sur un bout de papier et a demandé à lélève-officier McNulty de quitter les lieux. Avant que laccusé ne parte, le matelot de 3 e classe Suurhoff lui a dit quil devrait rappeler pour faire une mise au point ou sexpliquer. Le matelot de 3 e classe Suurhoff a précisé que lélève-officier McNulty navait pas réagi et quil était parti. En revanche, sa femme a déclaré que lélève-officier McNulty avait acquiescé avant de partir.
Page 7 de 11 Les Suurhoff nont pas signalé lappel téléphonique. Le matelot de 3 e classe Suurhoff venait de se réengager dans les Forces canadiennes et, comme lappel téléphonique avait été fait depuis son domicile et quil serait possible didentifier son origine, il sinquiétait des répercussions que cet incident pourrait avoir sur sa carrière, même si lui et sa femme avaient limpression que lélève-officier McNulty allait éclaircir laffaire. À aucun moment, les Suurhoff nont signalé lincident aux autorités des Forces canadiennes, notamment à la police militaire. Ils nont parlé à la police militaire quaprès y avoir été enjoints. Lors du contre-interrogatoire, le matelot de 3 e classe Suurhoff a déclaré que le jour de sa convocation à la police militaire, il avait parlé de lincident à Derek McNulty, en société, parce que celui-ci lui demandait ce quavait fait son frère. Mme Suurhoff a été interrogée par la police militaire quatre jours après son mari. Elle a indiqué quelle avait parlé de lincident à sa voisine Debbie, la femme de Derek McNulty. Les Suurhoff ont reconnu quils avaient discuté de lincident ensemble avant dêtre interrogés par la police militaire. Mme Suurhoff a spontanément admis quelle avait parlé de lincident avec son mari avant de le relater à la police. Lors du contre-interrogatoire, elle a déclaré quelle et son mari navaient pas forgé cette histoire ensemble, malgré les discussions quils avaient eus entre eux. [15] Tournons-nous maintenant vers le récepteur de lalerte à la bombe, le maître de 2 e classe Hayward. Celui-ci a déclaré que, le 29 décembre 2002, à cinq heures, il était de service sur le NCSM WINDSOR et que le matelot de 1 re classe Derek McNulty, lun de ses subordonnés, létait aussi. Le maître de 2 e classe Hayward a dit quau moment il avait reçu lappel téléphonique, le matelot de 1 re classe McNulty dormait, cest pourquoi il était chargé de prendre les appels. Son témoignage peut se résumer comme suit : Le 29 décembre 2002, entre 5 h 05 et 5 h 07, il a reçu un appel téléphonique à bord du NCSM WINDSOR. Pour répondre, il a employé les salutations dusage, à savoir : « Bonjour ». Ensuite, pour se présenter, il sest nommé, a indiqué son grade et a donné le nom du NCSM WINDSOR. Il sest ainsi exprimé pour que son interlocuteur sache bien à qui il sadressait. Immédiatement après sêtre présenté à son interlocuteur, il a cru entendre ces paroles : « Bonjour. Je mappelle Ahmed », puis quelque chose, et par lexpression « quelque chose », je ne veux pas dire un nom de famille. Puis linterlocuteur a poursuivi ainsi : « il y a une bombe à
Page 8 de 11 bord ». Lofficier marinier Hayward a demandé : « Qui êtes-vous? », mais on avait raccroché à lautre bout du fil. Daprès lui, le message na pas duré plus de cinq à dix secondes. Ensuite, il a réagi. Dabord, il a pensé à une blague dun membre de léquipage pendant le congé de Noël ou, éventuellement, à un exercice, mais après avoir téléphoné au NCSM VICTORIA, il a rapidement écarté ces possibilités. Il navait alors pas dautre choix que de déclencher la procédure dalerte à la bombe. Son premier geste a été de réveiller ses compagnons de quart, les matelots de 1 re classe Cleaveley et McNulty. Ils ont lancé les recherches. Le second du bâtiment a été avisé, et une procédure complète dintervention de sécurité a été lancée. On a fait venir le personnel disponible, on a appelé la police militaire, le Service dincendie, lUnité de plongée de la flotte et lUnité de recherche d'explosifs. La procédure comprend la fouille de tous les compartiments du NCSM WINDSOR, de fond en comble et de la poupe à la proue. Elle inclut également létablissement de barrages autour de larsenal maritime, la fouille et linspection des abords du navire, au-dessus et au-dessous du niveau de leau, de la jetée, etc. En dautres termes, il sagit dune procédure dinspection complète et minutieuse qui dure environ six heures. Lofficier marinier Hayward a déclaré quil navait jamais rencontré laccusé, pas plus que le matelot de 3 e classe Suurhoff. Il a déclaré que lors de son interrogatoire, la police militaire lui avait demandé didentifier une voix enregistrée et quil avait reconnu celle quil avait entendue à 5 h 05, le 29 décembre 2002. Toutefois, il na pas témoigné sur les paroles quil avait entendues, les paroles prononcées, la qualité de lenregistrement, ou sur des facteurs comme la manière dont la démonstration a été faite, à savoir sa durée, le lieu ou les conditions de son déroulement. La Cour détient la preuve que la voix enregistrée lors de lappel téléphonique effectué entre Halifax et lopérateur de base, la nuit en question, et passé depuis le domicile du matelot de 3 e classe Suurhoff était bien celle de ce dernier. Cest sur ce point que la Cour clôt lexamen de la preuve. [16] Je vais maintenant examiner les éléments de linfraction visée par le premier chef daccusation porté en vertu de lalinéa 75g) de la Loi sur la défense nationale, que la poursuite doit prouver hors de tout doute raisonnable. Je vais répéter ces éléments : premièrement laccusé, à savoir lélève-officier McNulty doit être lauteur de linfraction; deuxièmement, la date et le lieu de linfraction reprochée, à
Page 9 de 11 savoir le 29 décembre 2002, à la Station radio navale Newport Corner, en Nouvelle-Écosse; troisièmement, laccusé a passé un coup de téléphone au NCSM WINDSOR et a dit quil y avait une bombe à son bord; quatrièmement, les propos tenus par laccusé ont occasionné intempestivement des fausses alertes et cinquièmement, laccusé, en lespèce, lélève-officier McNulty, était animé dune intention coupable. [17] Les éléments constitutifs de linfraction ayant donné lieu au deuxième chef daccusation porté subsidiairement en vertu de larticle 129 de la Loi sur la défense nationale quil faut prouver sont les suivants : premièrement lidentité de laccusé; deuxièmement, la date et le lieu de linfraction, à savoir approximativement 29 décembre 2002, à la Station radio navale Newport Corner, en Nouvelle-Écosse; troisièmement, la conduite de laccusé, à savoir que lors de son appel téléphonique au NCSM WINDSOR, il a dit quune bombe se trouvait à bord; quatrièmement, le comportement préjudiciable au bon ordre et à la discipline et cinquièmement, lélève-officier McNulty avait une intention coupable au moment il a commis linfraction qui lui est reprochée. [18] La défense soutient quen lespèce, la poursuite na pas prouvé hors de tout doute raisonnable les éléments essentiels des deux accusations, à savoir que lélève-officier McNulty en était lauteur. [19] En raison de la nature de la preuve présentée à la Cour, celle-ci est tenue de se prononcer sur la crédibilité des différents témoins. La poursuite et la défense ont des points de vue opposés quant à la crédibilité du matelot de 3 e classe Suurhoff et de Mme Suurhoff. La Cour estime que ces personnes ont apporté un témoignage précis et dit tout ce quelles savaient. Leurs témoignages lui paraissent non seulement extrêmement convaincants, mais aussi très fiables, malgré quelques contradictions mineures. Le fait que Mme Suurhoff nait entendu que le mot « bombe » et quelle nait pas saisi les autres paroles naffecte pas la fiabilité de son témoignage. Elle était sous le choc et si furieuse quelle a perdu la maîtrise delle-même. La version du matelot de 3 e classe Suurhoff est totalement corroboré par ce qua entendu lofficier marinier Hayward. [20] La défense semble laisser entendre que cest peut-être le matelot de 3 e classe Suurhoff qui a prononcé le message dalerte à la bombe. Cette allégation nest étayée par aucune preuve; elle est purement théorique. Les témoignages des Suurhoff nont été aucunement contestés. Au contraire, le contre-interrogatoire les a rendus plus convaincants. La Cour a soigneusement examiné leurs témoignages et a tenu compte du fait quils auraient pu avoir un intérêt dans cette affaire et quils ont eu la possibilité de discuter à lavance du témoignage quils allaient donner à la Cour. Comme la déjà dit la Cour, tous deux ont témoigné avec précision et retenue. Ils ont répondu aux questions de leur mieux et ne se sont pas montrés évasifs ou hésitants.
Page 10 de 11 [21] La défense na pas contesté leurs témoignages, même lorsquelle a laissé entendre que la menace avait été proférée par une personne autre que laccusé. La Cour a soigneusement observé leur attitude pendant le contre-interrogatoire. Les tribunaux doivent interpréter le comportement des témoins avec prudence : en lespèce, les Suurhoff nont, daucune façon, fourni des réponses visant à manipuler lavocat. Ils sont restés polis et cohérents et ne se sont jamais montrés évasifs ou hésitants. Leurs témoignages sont cohérents avec eux-mêmes et se corroborent mutuellement en dépit de quelques contradictions. Considérant lensemble de la preuve, la Cour ne sestime pas fondée à récuser partie ou totalité de leurs témoignages. Elle na aucune raison de ne pas y accorder foi. [22] Lofficier marinier Hayward est aussi un témoin convaincant; en tout cas, il na pas dintérêts dans lissue de ce procès. [23] Je le répète, la seule question qui se pose relativement au premier et au deuxième chef daccusation est de prouver hors de tout doute raisonnable que lélève-officier McNulty est bien le contrevenant. Lensemble de la preuve et son degré de fiabilité permettent détablir hors de tout doute raisonnable que cest lélève-officier McNulty qui a téléphoné depuis la Station radio navale Newport Corner, en Nouvelle-Écosse, et qui a dit quune bombe se trouvait à bord du bâtiment. Cette preuve permet aussi détablir hors de tout doute raisonnable que cet appel téléphonique a provoqué le déclenchement de fausses alertes à bord du NCSM WINDSOR et dans ses alentours. Cest la seule conclusion logique et rationnelle susceptible dêtre tirée de la preuve. [24] Comme je lai dit, les témoins entendus par la Cour ont fait preuve dune crédibilité et dune fiabilité à toute épreuve qui na été ni remise en question, ni ébranlée, ni même influencée par la défense lors du contre-interrogatoire ou à tout à tout autre moment, y compris à propos du contenu de la pièce 3. Les témoignages du matelot de 3 e classe Suurhoff et de sa femme ne laisse subsister aucun doute sur le fait que lélève-officier McNulty savait ce quil faisait quand il a lancé lalerte à la bombe, dans le sens il savait quil ne sadressait pas à son frère à ce moment. Par conséquent, la Cour na aucun mal à conclure que, compte tenu des circonstances, lélève-officier McNulty était animé de lintention requise. [25] Élève-officier McNulty, veuillez vous lever sil vous plait. La Cour vous déclare coupable du premier chef daccusation et sursoit à linstance relativement au second. Vous pouvez vous asseoir. LIEUTENANT-COLONEL M. DUTIL, juge militaire
Page 11 de 11 Conseils : Le major R.F. Holman, procureur militaire régional (Atlantique), Procureur de Sa Majesté la Reine Le capitaine D. Sinclair, juge-avocat adjoint, Petawawa, Procureur adjoint de Sa Majesté la Reine Le major J.A.M. Côté, Direction du service davocats de la défense, Avocat de lélève-officier J.A. McNulty
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