Page 1 de 4 Référence : R. c. L’élève-officier J.A. McNulty, 2004CM05 Dossier : S200405 COUR MARTIALE PERMANENTE CANADA NOUVELLE-ÉCOSSE BASE DES FORCES CANADIENNES HALIFAX Date : 12 mars 2004 PRÉSIDENT : LIEUTENANT-COLONEL M. DUTIL, juge militaire SA MAJESTÉ LA REINE c. L’ÉLÈVE-OFFICIER J. MCNULTY (Accusé) SENTENCE (Prononcée oralement) [1] Élève-officier McNulty, le système distinct de justice militaire ou de tribunaux militaires vise à permettre aux Forces armées de connaître des affaires ayant directement trait à la discipline, à l’efficacité et au moral de l’armée. La Cour suprême du Canada a statué que les affaires d’infraction à la discipline militaire devaient être réglées rapidement et, en général, sanctionnées plus sévèrement que celles concernant un comportement semblable mais relevant du droit commun. Toutefois, la peine infligée par un tribunal, qu’il soit militaire ou civil, devrait représenter la mesure minimale nécessaire adaptée aux circonstances de l’espèce. [2] Pour déterminer la peine, la Cour a examiné les circonstances de l’infraction commise, établies par la preuve présentée au cours du procès, par les preuves documentaires présentées à la Cour pendant l’audition sur la détermination de la peine et par votre témoignage et celui de Mme Jennifer Lynn MacDonald. La Cour a aussi tenu compte des plaidoiries de l’avocat de la défense et des principes applicables en matière de détermination de la peine. [3] En général, les principes qu’il faut prendre en compte pour prononcer une peine adaptée reposent sur les éléments suivants : premièrement, la protection de l’intérêt public, y compris celui des Forces canadiennes; deuxièmement, la peine
Page 2 de 4 applicable au contrevenant ou sa dénonciation; troisièmement, l’effet dissuasif de la peine, non seulement sur le contrevenant, mais aussi sur tous ceux qui pourraient être tentés de commettre les mêmes infractions et quatrièmement, l’amendement et la réinsertion du contrevenant. [4] Le principe fondamental vise la protection du public, y compris les Forces canadiennes, et la Cour doit déterminer ce qui protégera le mieux le public : la dissuasion, la réinsertion ou une peine. Ce sont les circonstances propres à chaque espèce qui permettent de déterminer si l’un ou l’autre de ces principes doit prévaloir. Dans certaines affaires, le principe qui prévaut, à condition que d’autres principes soient applicables, est celui de la dissuasion générale ou spécifique ou les deux à la fois. Dans d’autres, on favorisera, par exemple, l’amendement et la réinsertion du contrevenant. [5] En l’espèce, la poursuite a recommandé l’imposition d’une peine mettant l’accent sur la dissuasion générale et la dénonciation pour assurer la protection du public. Ces facteurs sont certainement extrêmement importants et pertinents, car, comme la preuve l’a révélé au cours du procès, cette affaire a eu des répercussions importantes. Toutefois, la Cour est convaincue qu’il est ici inutile de recourir à la dissuasion spécifique : il est improbable que vous commettiez de nouveau de tels actes à l’avenir, ou du moins, la Cour ne dispose d’aucune preuve étayant cette hypothèse. [6] Pour déterminer ce qu’elle considère comme une peine équitable et adaptée, la Cour s’est penchée sur les facteurs suivants : Le premier facteur est celui de la gravité objective de l’infraction dont vous avez été déclaré coupable. Celle-ci entraîne une peine d’emprisonnement à perpétuité. C’est une infraction extrêmement grave; Deuxièmement, la Cour a tenu compte du contexte particulier de cette affaire établi par la preuve présentée au procès. Bien que les circonstances de l’espèce ne soient pas des plus graves, les conséquences de vos actes sont très importantes : peu importe les circonstances, il s’agit toujours d’une alerte à la bombe; Troisièmement, j’ai tenu compte de votre grade et de votre niveau au sein des Forces canadiennes. Vous veniez d’être enrôlé comme élève-officier dans le corps des cadres des instructeurs de cadets de réserve, un poste pour lequel vous deviez avoir la confiance de nos jeunes et représenter un modèle pour les personnes placées sous vos ordres. Cependant, vous n’étiez pas nouveau au sein des Forces canadiennes : de 1993 à 1996, vous avez servi dans le corps d’infanterie de la force régulière; vous saviez donc l’importance que revêtent la sécurité et les opérations pour les militaires de tous grades. Votre
Page 3 de 4 connaissance et votre expérience de l’armée constituent une circonstance aggravante importante dans votre cas; J’ai aussi tenu compte du fait que vous n’avez jamais fait l’objet de condamnations par un tribunal militaire ou civil; En outre, j’ai tenu compte du fait que l’incident a eu lieu il y a plus de quatorze mois. Aussi, les témoignages que j’ai entendus lors de l’audition me portent à croire que cette affaire aurait pu être jugée plus rapidement; La Cour a également tenu compte de votre âge ainsi que de votre situation financière, économique et sociale. [7] La Cour vous considère comme un jeune homme très intelligent et disert qui risque de voir son brillant avenir compromis à court terme. Les témoignages présentés au cours de la procédure de détermination de la peine ont montré que votre engagement envers votre communauté était fort, notamment ces dernières années à l’Université de l’Alberta. Par son témoignage, Mme MacDonald a convaincu la Cour que vous étiez une personne de bonne volonté qui a commis une erreur de jugement extrêmement grave et malheureuse. La présente peine est susceptible de compromettre votre avenir, du moins votre avenir immédiat dans les Forces canadiennes ainsi que les démarches que vous faites actuellement pour joindre les rangs de la police métropolitaine de Toronto ou de la GRC. Mais la Cour ne veut pas prononcer une peine qui détruirait votre vie, qui détruirait la vie d’un homme jeune et intelligent, même si vous auriez dû être plus avisé, beaucoup plus avisé. C’est peut être une erreur, mais elle est infiniment grave, et appelons-la par son nom : c’était un acte criminel. Cette erreur a eu de graves conséquences, notamment à la suite des événements du 11 septembre 2001. On ne peut comparer un tel acte à la plaisanterie qui consiste à tirer le signal d’alarme à l’école pour pouvoir sortir, surtout pas lorsqu’il a été commis par un homme âgé de 28 ou 29 ans au moment des faits. Il ne faut pas oublier que votre acte a eu des répercussions directes sur les opérations des Forces canadiennes et sur son personnel. [8] La Cour n’est pas d’accord avec la poursuite qui soutient qu’une peine de prison assortie ou non d’une obligation de démissionner suffirait à servir les intérêts de la justice. Je dis cela parce que, comme aucune cour martiale n’a encore jugé ce genre d’infraction, du moins les deux avocats n’ont pas trouvé de précédents, la Cour estime qu’en l’espèce il n’est pas nécessaire d’infliger une peine d’emprisonnement pour que s’exerce la dissuasion générale. Par exemple, que vous soyez ou non en mesure de payer une amende, et la seule preuve dont dispose la Cour… ou plutôt la Cour déduit que rien ne prouve que vous ne puissiez pas payer une amende. [9] Pour toutes ces raisons, la Cour vous condamne à un blâme et à une amende de 10 000 $. Si vous étiez libéré des Forces canadiennes avant le paiement total
Page 4 de 4 de l’amende, le solde serait alors dû dans sa totalité la veille de votre libération effective. Élève-officier McNulty, veuillez sortir. [10] L’audience tenue par la présente cour martiale concernant l’élève-officier McNulty est levée. LIEUTENANT-COLONEL M. DUTIL, juge militaire Conseils : Le major R.F. Holman, procureur militaire régional (Atlantique), Procureur de Sa Majesté la Reine Le capitaine D. Sinclair, juge-avocat adjoint, Petawawa, Procureur adjoint de Sa Majesté la Reine Le major J.A.M. Côté, Direction du service d’avocats de la défense, Avocat de l’élève-officier J.A. McNulty