Page 1 de 5 Référence : R. c. Caporal MacMullin,2004CM46 Dossier : S200446 COUR MARTIALE PERMANENTE CANADA NOUVEAU BRUNSWICK USS/BFC GAGETOWN Date : 20 Mars 2004 PRÉSIDENT : LIEUTENANT-COLONEL M. DUTIL, J.M. SA MAJESTÉ LA REINE c. CAPORAL D.G. MACMULLIN (Accusé) SENTENCE (prononcé oralement) [1] Le système distinct de justice militaire ou de tribunaux militaires vise à permettre aux Forces armées de connaître des affaires ayant directement trait à la discipline, à l’efficacité et au moral de l’armée. Toutefois, la peine imposée par un tribunal, qu’il soit militaire ou civil, devrait représenter la mesure minimale nécessaire adaptée aux circonstances de l’espèce. [2] Pour déterminer la peine, la Cour a tenu compte des circonstances de l’infraction présentées lors du procès et des éléments de preuve entendus lors de l’audience de détermination de la peine, des plaidoiries des avocats et des principes applicables en matière de détermination de la peine. [3] En général, les principes qu’il faut prendre en compte pour prononcer une peine adaptée reposent sur les éléments suivants : premièrement, la protection de l’intérêt public, y compris celui des Forces canadiennes; deuxièmement, la peine applicable au contrevenant; troisièmement, l’effet dissuasif de la peine, non seulement
Page 2 de 5 sur le contrevenant mais aussi sur tous ceux qui pourraient être tentés de commettre les mêmes infractions; quatrièmement, l’amendement et la réinsertion du contrevenant. [4] Le principe fondamental vise la protection du public, y compris les Forces canadiennes et la Cour doit déterminer ce qui protégera le mieux le public : la dissuasion, la réinsertion ou une peine. Sur quel principe s’attarder dépend des circonstances de l’espèce. Dans certains cas, le principe dominant, sinon le seul principe, sera la dissuasion, générale ou spécifique ou les deux. Dans d’autres cas, on s’attachera plus à la réinsertion et à la réadaptation du contrevenant. [5] Compte tenu des circonstances particulières de cette affaire, laquelle concerne le bon ordre militaire primaire et la discipline des officiers, la Cour est d’avis que la dissuasion générale et spécifique et la peine constituent les principes dominants. La Cour estime également que la peine doit être proportionnelle à la gravité de l’infraction et en l’espèce, elle doit respecter le principe de la parité des peines. [6] Pour déterminer ce qu’elle considère comme une peine équitable et adaptée, la Cour s’est penchée sur les facteurs suivants : Premièrement, la gravité objective de cette infraction. La peine maximale pour une infraction visée à l’article 84 de la Loi sur la défense nationale est l’emprisonnement à perpétuité et l’infraction reprochée est une infraction extrêmement grave; Deuxièmement, l’absence d’une fiche de conduite et de casier judiciaire; Troisièmement, le fait qu’aucune preuve présentée à la Cour ne démontre votre tendance à commettre des actes de violence ou que vous ayez déjà commis des actes de violence dans le passé. À la suite de ces incidents, on semble vous avoir interdit de jouer au hockey de compétition au sein de l’unité, les autorités de l’unité ne voulant pas vous exposer à une situation susceptible d’être dangereuse. Le hockey semble être très important pour vous; vous avez été privé d’un sport qui vous est cher et dans lequel vous évoluez à un niveau national. Toutefois, je remarque qu’il n’y a pas de preuve de votre implication dans d’autres incidents de violence au cours des parties de hockey ou que votre sergent-major régimentaire n’était pas au courant de tels incidents. Par conséquent, si cette mesure était préventive, l’unité a dû se fonder sur d’autres raisons et celles-ci n’ont pas été portées à la connaissance de la Cour; Quatrièmement, j’ai examiné votre rang, votre âge et votre situation sociale, familiale et financière; Cinquièmement, le contexte particulier de cette affaire dégagé par les preuves écrasantes présentées à la Cour. Vous avez commis des voies de fait sur un officier supérieur en présence d’autres membres des Forces canadiennes et vous
Page 3 de 5 avez joué un rôle considérable dans le désordre qui a grandement perturbé le voisinage civil; Sixièmement, le fait que vous ayez causé des lésions corporelles au lieutenant Cahill. Même si la violence des voies de fait était loin d’être aussi grave que celle dans les affaires concernant le Sergent Mallette ou le soldat Turgeon, vous avez malgré tout blessé le lieutenant Cahill et en conséquence, il n’est pas encore en mesure de reprendre toutes ses activités requises en raison de la blessure causée à son conduit lacrymal. Le fait que le lieutenant Cahill ait été blessé n’indique pas le degré de force utilisé lors de la perpétration des voies de fait. Aucune preuve présentée à la Cour ne démontre que la violence utilisée était excessive. Les éléments de preuve indiquent que la blessure a été causée par le contact d’un doigt ou du pouce sur la paupière et que cette blessure a malheureusement nécessité l’insertion d’un petit tube dans le conduit lacrymal et deux ou trois points de suture; Septièmement, le fait qu’il y ait eu consommation d’alcool, notamment par la victime, dont le propre comportement peut soulever des doutes dans les circonstances, particulièrement à la lumière du témoignage du caporal Brostowski, la seule personne sobre sur les six personnes présentes, et le fait que le soldat Gillis ait constitué le facteur le plus concourant et le plus important de cet incident; celle-ci était complètement saoule et incontrôlable; Huitièmement, le fait que vous soyez un bon travailleur, légèrement supérieur à la moyenne; Neuvièmement, le fait que le soldat Gillis ait commis des voies de fait contre vous; suite à cet incident, elle a subi un procès pour voies de fait et ivresse et a été condamnée à une amende de 800 $; Dixièmement, le fait que les voies de fait ont été commises alors que les intéressés n’étaient pas en service et ne portaient pas leurs uniformes et après qu’ils aient participé à une réunion sociale où boire n’est pas seulement toléré mais est considéré comme normal; Onzièmement, le fait que vous ayez, aujourd’hui, présenté des excuses publiques devant la Cour; à mon avis vous exprimez des remords et vous acceptez la responsabilité de vos actions. [7] La poursuite recommande que cette Cour vous condamne à une période de détention de 90 jours. En outre, la poursuite demande à la Cour de rendre une ordonnance interdisant la possession d’armes, autres que les armes de service, conformément à l’article 147.1 de la Loi sur la défense nationale.
Page 4 de 5 [8] La poursuite demande à cette Cour de rendre une ordonnance de prélèvement des substances corporelles pour analyse des empreintes génétiques en vertu de l’article 196.11 de la Loi car l’infraction commise en vertu de l’article 84 constitue une infraction secondaire, mais fait plus important encore, parce qu’il y a eu des lésions corporelles et que cette infraction constitue une infraction primaire désignée. [9] À l’appui de ses recommandations, la poursuite indique que cette affaire est aussi sérieuse que les affaires Mallette et Turgeon dans lesquelles les contrevenants ont chacun été condamné à des périodes de détention. Tel qu’indiqué par le poursuivant, j’étais le juge militaire qui a présidé chacune des audiences de ces Cours martiales permanentes. Je suis complètement en désaccord avec son opinion sur la manière dont l’affaire concernant le caporal MacMullin devrait être examinée à la lumière de ces deux décisions. [10] Malette était en service en Bosnie, il n’était pas au campement, mais plutôt à l’extérieur de celui-ci. Il était en possession d’une arme chargée, à l’instar du lieutenant et du chauffeur. Le niveau de menace était faible; toutefois, la menace était réelle. Même si l’attaque commise sur le jeune lieutenant avait été de courte durée, elle était extrêmement violente; le contrevenant a notamment continué de donner des coups de pied dans la figure de sa victime lorsque celle-ci était allongée sur le sol, immobile. [11] Par ailleurs, le poursuivant dans l’affaire du soldat Turgeon, était le même que dans la présente affaire. Dans l’affaire du soldat Turgeon, la Cour a estimé que son attaque était extrêmement violente et malveillante. Si je me souviens bien, Turgeon a trouvé au cours d’un exercice de milice, sa soeur de 16 ans en train d’avoir des relations sexuelles consensuelles avec une autre personne dans les buissons. La soeur de Turgeon et la victime étaient nues et la victime était sur elle. Il n’est pas nécessaire d’être plus spécifique et de fournir de plus amples détails. Quoi qu’il en soit, l’accusé s’est jeté sur la victime qui se trouvait dans cette situation précaire, la prenant par surprise, et qu’il a commencé à violemment lui donner des coups de poings; il l’a ensuite laissée à cet endroit. [12] Je comprends que cette jurisprudence peut servir de guide, toutefois il est toujours difficile d’examiner un ensemble de faits en dehors de son contexte spécifique. À la lumière des circonstances de l’espèce, la Cour est convaincue qu’une période d’incarcération n’est pas nécessaire en vue d’assurer la protection du public et la dissuasion générale. [13] La Cour estime également que les circonstances de l’espèce, étant donné notamment le faible niveau de violence utilisé et le fait que vous ayez été victime de l’attaque du soldat Gillis au cours des mêmes événements, n’oblige pas la Cour à rendre une ordonnance vous interdisant la possession d’armes. Cette ordonnance n’est pas souhaitable, en l’absence de tout autre élément de preuve, dans l’intérêt de votre propre sécurité ou de la sécurité de toute autre personne.
Page 5 de 5 [14] Par ailleurs, la Cour n’est pas convaincue, en l’absence de tout autre élément de preuve, qu’il est dans l’intérêt de l’administration de la justice de rendre une ordonnance de prélèvement de substances corporelles pour analyse des empreintes génétiques. [15] Caporal MacMullin, la Cour vous condamne à un blâme et à payer une amende de 1 800 $ par versements égaux, pendant une période de 12 mois . Si vous étiez libéré des Forces canadiennes avant le paiement complet de cette amende, le solde non payé sera dû et exigible au complet avant la date effective de la libération. LIEUTENANT-COLONEL M. DUTIL, J.M. Avocats : Lieutenant-Commandant C.J. Deschênes, Poursuites militaires régionales de l’Atlantique Lieutenant-Colonel D.T. Sweet, Procureur de Sa Majesté la Reine, Avocat du caporal MacMullin