Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l’ouverture du procès : 13 novembre 2014.

Endroit : Centre Asticou, bloc 2600, pièce 2601, salle d’audience, 241 boulevard de la Cité-des-Jeunes, Gatineau (QC).

Chefs d’accusation
• Chef d’accusation 1 : Art. 84 LDN, a usé de violence envers un supérieur.
• Chef d’accusation 2 : Art. 84 LDN, a frappé un supérieur.
• Chef d’accusation 3 : Art. 85 LDN, s’est conduit d’une façon méprisante à l’endroit d’un supérieur.
• Chef d’accusation 4 : Art. 85 LDN, a insulté verbalement un supérieur.

Résultats
• VERDICTS : Chefs d’accusation 1, 2 : Retirés. Chefs d’accusation 3, 4 : Coupable.
• SENTENCE : Détention pour une période de 15 jours. L’exécution de la peine de détention a été suspendue.

Contenu de la décision

 

COUR MARTIALE

 

Référence : R. c. Khadr, 2014 CM 1025

Date : 20141113

Dossier : 201421

 

Cour martiale permanente

 

Salle d’audience du centre Asticou

Gatineau (Québec), Canada

 

Entre :

 

Sa Majesté la Reine

 

- et –

 

Caporal T.M. Khadr, contrevenant

 

 

En présence du: Colonel M. Dutil, J.M.C.


 

MOTIFS DE LA SENTENCE

 

(Rendus de vive voix)

 

[1]               Le Caporal Khadr a plaidé coupable à deux chefs d’accusation d’acte d’insubordination, infraction prévue à l’article 85 de la Loi sur la défense nationale.

 

[2]               Les avocats de la poursuite et de la défense ont présenté une recommandation conjointe quant à la sentence. Ils recommandent que la Cour impose une sentence de détention de 15 jours et que l’exécution de la sentence soit suspendue. La Cour n’est pas liée par cette proposition conjointe, mais elle ne peut la rejeter que si elle est inadéquate, qu’elle est contraire à l’intérêt public ou qu’elle jette autrement le discrédit sur l’administration de la justice militaire.

 

[3]               Les circonstances entourant la perpétration des infractions sont exposées à la pièce 7 :

 

a)                  Le Caporal Khadr était membre de la Force régulière des Forces canadiennes pendant toute la période pertinente en l’espèce.

 

b)                  De mars à juillet 2013, le Caporal Khadr, technicien en imagerie, était affecté au Centre d’imagerie interarmées des Forces canadiennes, à Ottawa.

 

c)                  Le 19 juillet 2013, le Caporal Khadr a été convoqué au bureau du Sergent Dawson; le Caporal‑chef Turcotte était lui aussi présent dans le bureau.

 

d)                 Le Sergent Dawson voulait rencontrer le Caporal Khadr au sujet d’une note de division qui avait été donnée à ce dernier et qui exposait les domaines dans lesquels il devait améliorer son rendement. Il y était mentionné que le Caporal Khadr argumentait avec les autorités militaires et qu’il avait de la difficulté à accepter la critique.

 

e)                  Au cours de la réunion, le Caporal Khadr a demandé à ce que la date d’un incident bien précis soit ajoutée à la note de division. Le Sergent Dawson a dit qu’il modifierait la note en question en vue d’y ajouter la date.

 

f)                   Le Caporal Khadr devint agité; il a dit au Sergent : [traduction] « Je vais signer la maudite note ». Il a gribouillé sur la note de division et l’a ensuite lancée sur le bureau.

 

g)                  Le Corporal‑chef Turcotte est intervenu en demandant au Caporal Khadr de se calmer. Le Caporal Khadr a répondu ainsi : [traduction] « T’es qui toi pour me dire quoi faire? » et il a hurlé d’autres obscénités. Il a poussé le Caporal‑chef Turcotte.

 

h)                  Le Sergent Dawson a ordonné au Caporal Khadr de sortir de son bureau. Après que ce dernier eut lancé d’autres obscénités, il s’est conformé à la directive et il a quitté le bureau.

 

[4]        Les avocats ont fait part à la Cour des faits pertinents qui sont essentiels à la détermination d’une sentence adéquate et adaptée en l’espèce, et ces faits sont exposés à la pièce 8 :

 

a)                  Sept ans se sont écoulés depuis la dernière infraction du Caporal Khadr. Le Caporal Khadr n’a pas eu de problèmes disciplinaires au cours de cette période.

 

b)                  Dans cette période en question, le Caporal Khadr s’est marié et a fondé une famille; le Caporal Khadr est la seule source de revenus pour sa famille, qui comprend son épouse et trois fils, âgés de sept, cinq et deux ans.

 

c)                  En août 2013, environ un mois après les incidents dont la Cour est saisie, le Major Paul Sedge, un psychiatre militaire, a posé un diagnostic de schizophrénie de sous‑type paranoïde à l’égard du Caporal Khadr.

 

d)                 En raison de sa schizophrénie non traitée, la capacité du Caporal Khadr à composer avec les situations stressantes était gravement perturbée au moment de l’infraction. Il souffrait de manque de sommeil à long terme en lien à des hallucinations auditives et la mégalomanie, qui sont deux symptômes de la schizophrénie. Dans les mois précédant l’incident sur les lieux de travail, le Caporal Khadr a très peu dormi, deux ou trois heures par nuit. Le jour, il ruminait constamment sur une illusion en particulier et il passait des heures à effectuer des recherches sur Internet. Il avait de la difficulté à maintenir son ancrage ou sa perception dans la réalité. En dernier lieu, avant ses traitements, son comportement était irritable, méfiant et volatile.

 

e)                  Depuis qu’il a reçu son diagnostic il y a de cela plus d’un an, le Caporal Khadr se présente régulièrement à des réunions de suivi à la clinique de santé et il se conforme à son plan de traitement.

 

f)                   Le Caporal Khadr se présente au Service de santé des Forces canadiennes à l’hôpital Montfort toutes les deux semaines pour y recevoir des injections de médicaments retard antipsychotiques, sous surveillance d’infirmiers.

 

g)                  Le Caporal Khadr ne constitue plus un risque d’agression.

 

h)                  Le Caporal Khadr continue bel et bien de présenter des symptômes de schizophrénie qui entravent sa capacité à se rétablir et qui limitent ses perspectives professionnelles. La schizophrénie est un problème de santé mentale chronique et incurable. Le Caporal Khadr aura probablement besoin de prendre des médicaments pour traiter la schizophrénie, et ce, pour le restant de ses jours. Il a été classé dans la catégorie médicale permanente et on prévoit qu’il sera libéré des Forces pour raison médicale.

 

[5]               Pour déterminer la sentence imposée à un contrevenant aux termes du code de discipline militaire, la cour martiale doit se laisser guider par les principes et les objectifs applicables, notamment ceux qui sont énoncés aux articles 718.1 et 718.2 du Code criminel.

 

[6]               L’objectif fondamental de l’imposition d’une sentence en cour martiale est de contribuer au respect de la loi et au maintien de la discipline militaire en infligeant des sentences qui répondent à un ou plusieurs des objectifs suivants :

 

a)                  la protection du public, y compris celle des Forces canadiennes;

 

b)                  la dénonciation des comportements illégaux;

 

c)                  l’effet dissuasif de la sentence, non seulement sur le contrevenant, mais aussi sur les autres personnes qui pourraient être tentées de commettre des infractions semblables;

 

d)                 l’amendement et la réadaptation du contrevenant.

 

[7]        La sentence prononcée par la Cour doit également tenir compte des principes suivants :

 

a)                  la sentence doit être proportionnelle à la gravité de l’infraction, aux antécédents du contrevenant et à son degré de responsabilité;

 

b)                  elle devrait être semblable aux sentences infligées à des contrevenants pour des infractions semblables commises dans des circonstances semblables;

 

c)                  la sentence devrait être adaptée aux circonstances aggravantes ou atténuantes liées à la perpétration de l’infraction ou à la situation du délinquant. Toutefois, la Cour doit faire preuve de retenue lorsqu’elle détermine la sentence en infligeant la sanction la moins sévère pour maintenir la discipline.

 

[8]        En l’espèce, la sentence doit mettre l’accent sur les objectifs de la dénonciation, de la dissuasion spécifique et générale et de la réadaptation.

 

[9]        Ce n’est pas la première fois que le Caporal Khadr est convoqué devant les tribunaux militaires relativement à un acte d’insubordination. Le contrevenant a notamment été déclaré coupable d’une infraction similaire devant une cour martiale permanente le 21 septembre 2007 (2007 CM 2028) et la Cour l’a condamné à une réprimande, à une amende de 500 $ et à la consignation aux quartiers pendant une période de 21 jours.

 

[10]      Dans l’appréciation des principes applicables en matière de détermination de la sentence, le juge militaire Lamont avait souligné certaines des circonstances aggravantes et atténuantes de l’infraction et du contrevenant aux paragraphes 9 et 10 de sa décision :

 

[9]                 Comme je l’ai dit, j’ai examiné les circonstances aggravantes et les circonstances atténuantes qui m’ont été présentées avec insistance par les deux avocats au cours de leurs plaidoiries. En ce qui concerne certaines des circonstances aggravantes, elles ont trait principalement aux circonstances de l’infraction. L’infraction créée par l’article 85 de la Loi sur la défense nationale est objectivement sérieuse et comporte une sentence maximale très sévère. Il s’agit d’une indication envoyée aux Forces canadiennes pour leur signifier que le Parlement entend que les infractions de cette nature soient traitées de façon sérieuse. L’un des facteurs qui est intervenu dans la perpétration de l’infraction était, apparemment, un emportement en présence de plusieurs autres membres de l’unité du contrevenant. De plus, la cour a examiné la fiche de conduite du contrevenant, qui montre deux infractions antérieures ayant été traitées le jour même de la perpétration de l’infraction et pour lesquelles le contrevenant doit se voir imposer une sentence. L’une de ces infractions était, une fois de plus, un chef d’accusation de conduite méprisante envers un supérieur.

 

[10]             La cour a également tenu compte de bon nombre des circonstances atténuantes qui ont principalement trait à la situation personnelle du contrevenant. Il est âgé de 27 ans et, par conséquent, j’estime qu’il est encore jeune. Il est un nouveau marié, et son épouse doit accoucher dans quelques semaines. La cour remarque qu’il a terminé avec succès une période de mise en garde et de surveillance de six mois qui a été imposée, en partie, en ce qui concerne l’affaire qui l’a conduit devant la présente cour martiale. Il a également terminé avec succès, comme sa chaîne de commandement l’a exigé, un cours de maîtrise de la colère qui semble avoir été suivi aussitôt après la perpétration de l’infraction pour laquelle la cour l’a déclaré coupable. On m’a également dit que le contrevenant s’était excusé. La formulation des excuses, à qui elles ont été faites et le moment auquel elles l’ont été n’ont pas été précisés devant cette cour, mais toutes ces circonstances ont conduit la cour à conclure que, selon les éléments de preuve en l’espèce, le contrevenant a, en effet, franchi un moment charnière dans sa jeune existence.

 

[11]           Le facteur le plus aggravant en l’espèce est sa condamnation pour des infractions de type similaire antérieures, alors que la santé mentale du contrevenant, ses efforts sincères et authentiques pour suivre des traitements médicaux, sa libération prévue pour des raisons médicales et la reconnaissance de sa culpabilité sont des circonstances atténuantes convaincantes. Il n’y a pas de doute que le problème de santé mentale du contrevenant a joué un rôle important dans son comportement et dans sa conduite en juillet 2013.

 

[12]           Je conviens avec les avocats que la sentence appropriée doit comprendre une période d’incarcération à court terme pour réaliser les objectifs de dissuasion générale et de dissuasion spécifique, ainsi que l’objectif de dénonciation de la conduite. Cependant, au vu de la situation médicale particulière du Caporal Khadr, la Cour convient aussi avec les avocats qu’il n’est pas nécessaire que le Caporal Khadr purge la sentence qui lui est imposée.

 

POUR CES MOTIFS, LA COUR :


[13]           DÉCLARE le contrevenant, le Caporal Khadr, coupable des deux chefs d’accusation d’acte d’insubordination visés à l’article 85 de la Loi sur la défense nationale.

 

[14]           CONDAMNE le contrevenant, le Caporal Khadr, à une sentence de détention de 15 jours et suspend l’exécution de cette sentence.


 

Avocats :

 

Major J.E. Carrier, Service canadien des poursuites militaires, Avocat de Sa Majesté la Reine

 

Major A. Reed, Direction du service d’avocats de la défense, Avocat du Caporal T.M. Khadr

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