Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l’ouverture du procès : 4 mai 2004.
Endroit : BFC Kingston, casernes Vimy, édifice Genet, 11 avenue Satellite, Kingston (ON).
Chef d’accusation :
• Chef d’accusation 1 : Art. 130 LDN, voies de fait causant des lésions corporelles (art. 267b) C. cr.).
Résultats:
• VERDICT : Chef d’accusation 1 : Coupable.
• SENTENCE : Détention pour une période de 14 jours.

Contenu de la décision

Référence : R. c. le Caporal T.D. Ennover, 2004cm3012

 

Dossier : 200433

 

 

Cour martiale permanente

CANADA

ONTARIO

Base des Forces canadiennes Kingston ______________________________________________________________________

Date : 7 mai 2004

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PRÉSIDENT : CAPITAINE DE FRÉGATE P.J. LAMONT, juge militaire

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SA MAJESTÉ LA REINE

c.

LE CAPORAL T.D. ENNOVER

(Accusé)

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SENTENCE

(Prononcée oralement)

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TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE

 

[1]        Caporal Ennover, vous avez été déclaré coupable du premier chef d’accusation, à savoir d’avoir commis des voies de fait ayant causé des lésions corporelles. Il m’incombe maintenant de déterminer votre peine. Pour ce faire, j’ai tenu compte des principes de la détermination de la peine appliqués par les tribunaux ordinaires du Canada ayant compétence en matière pénale et dans les cours martiales. J’ai tenu compte également des faits de l’espèce révélés par les témoignages que j’ai entendus pendant la phase préliminaire et pendant le procès ainsi que des plaidoiries de la poursuite et de la défense.

 

[2]        Les principes de la détermination de la peine guident la Cour dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire en vue de déterminer une peine adéquate et adaptée à chaque cas. En règle générale, la peine doit correspondre à la gravité de l’infraction et au degré de culpabilité ou de responsabilité de son auteur. La Cour se fonde sur les peines prononcées par les autres tribunaux dans des affaires similaires, non parce qu’elle respecte aveuglément les précédents, mais parce que son sens commun de la justice veut qu’elle juge de façon similaire les affaires similaires. Néanmoins, lorsqu’elle détermine la peine, la Cour tient compte des nombreux facteurs qui distinguent chaque affaire dont elle est saisie, des circonstances aggravantes susceptibles de justifier une peine plus lourde et des circonstances atténuantes susceptibles d’en diminuer la sévérité.

 


[3]        Les buts et les objectifs recherchés lorsque l’on détermine la peine ont été exposés de diverses manières dans de nombreuses affaires antérieures. En général, ils visent à protéger la société, y compris bien entendu les Forces canadiennes, en favorisant le développement et le maintien d’une collectivité juste, paisible, sûre et respectueuse de la loi. Fait important, dans le contexte des Forces canadiennes, ces objectifs incluent le maintien de la discipline, comportement ou obéissance si nécessaires à l’efficacité d’une force armée. Les buts et objectifs comprennent aussi l’aspect dissuasion de l’individu afin que le délinquant ne récidive pas et du public, afin que d’autres ne suivent pas l’exemple du délinquant. La peine vise  aussi à assurer la réadaptation du délinquant, à promouvoir son sens de la responsabilité et à dénoncer les comportements illégaux.

 

[4]        Il est normal que certains de ces buts et objectifs prévalent sur d’autres au cours du processus permettant d’arriver à une peine juste et adaptée à chaque cas. Toutefois, il incombe au tribunal chargé de déterminer la peine de les prendre en compte; une peine juste et adaptée est une combinaison des ces buts, adaptée aux circonstances particulières de l’espèce.

 

[5]        L’article 139 de la Loi sur la défense nationale prescrit les différentes peines susceptibles d’être infligées par une cour martiale. Ces peines sont limitées par les dispositions de la Loi créant les infractions et prévoyant les peines maximales et aussi par le champ de compétence susceptible d’être exercé par la Cour.

 

[6]        Une seule peine peut être infligée au délinquant, qu’il soit déclaré coupable d’une seule infraction ou de plusieurs. Mais la peine peut comporter plus d’une sanction.

 

[7]        Un principe important veut que le tribunal inflige la peine la moins sévère qui permettra de maintenir la discipline.

 

[8]        Pour déterminer la peine, dans cette affaire, j’ai tenu compte des conséquences directes et indirectes pour le délinquant de la déclaration de culpabilité et de la peine que je vais lui infliger.

 

[9]        Les faits relatifs à l’infraction sont exposés dans mes conclusions : je ne vais pas les répéter.

 

[10]      La poursuite recommande une peine de prison d’une durée de 15 à 30 jours. À mon avis, compte tenu des circonstances aggravantes de l’espèce, cette peine se situe dans la fourchette inférieure des peines prévues. Le coup porté par le délinquant a causé plus qu’une lésion légère chez la victime, qui appartenait au même peloton que le délinquant et était d’un grade inférieur à celui-ci.

 


[11]      Plusieurs facteurs atténuants s’appliquent tant à l’infraction qu’à son auteur. Depuis 1994, le caporal Ennover a servi dans la Force régulière et la Force de réserve et son état de service est irréprochable. Son nouveau poste de chercheur en communications lui réserve un avenir prometteur dans les Forces canadiennes. Même si les conséquences de l’infraction sont graves pour le soldat Neron-Bilodeau, le délinquant a été surpris par l’effet de son coup sur la victime. Il a immédiatement offert de l’aide, s’est excusé de sa conduite et s’est montré soucieux du bien-être de la victime. La défense recommande une amende.

 

[12]      Cette affaire comporte un élément troublant. Je n’ai aucun doute à conclure que l’accusé a fait l’objet de propos injurieux et que les membres de son unité lui ont même lancé une épithète raciste particulièrement injurieuse. J’ai conclu que les actes de l’accusé avaient été suscités, en partie du moins, par les insultes viles proférées par les autres membres de son unité. Les Forces canadiennes ne peuvent tolérer de tels propos. Je conclus donc qu’il me faut réduire la peine que j’infligerais dans d’autres circonstances afin d’illustrer le fait que la Cour condamne l’emploi d’épithètes racistes et leur effet déclencheur de l’infraction.

 

[13]      La poursuite a cité la décision Caporal Turgeon, rendue le 7 octobre 2003, qui portait aussi sur une affaire de voies de fait ayant causé des lésions corporelles. Je constate que, dans cette affaire, l’accusé était âgé de 17 ans au moment de l’infraction. En l’espèce, l’accusé est un homme mûr de 37 ans. Dans l’affaire Turgeon, le juge a prononcé une peine d’emprisonnement de 30 jours. À mon avis, l’âge de l’accusé a sans doute constitué un facteur important au moment de la détermination de la peine.

 

[14]      Dans la plupart des cas, une infraction accompagnée de violence commise par un délinquant d’âge mur contre un subordonné exigerait une peine d’emprisonnement, même pour une première infraction. Je ne vois rien dans les conclusions de l’affaire Turgeon interdisant une telle opinion.

 

[15]      En vertu du paragraphe 196.14(1) de la Loi sur la défense nationale, j’ordonne que soit prélevé sur le délinquant des échantillons de substances corporelles en vue de leur analyse génétique.

 

[16]      En vertu de l’article 147.1 de la Loi sur la défense nationale, j’ai envisagé de rendre une ordonnance interdisant le port des armes, mais comme la poursuite ne l’a pas demandé, je refuse de rendre cette ordonnance.

 

[17]      Dans une affaire comme la présente, les principes essentiels applicables à la détermination de la peine sont la dissuasion individuelle et la dissuasion générale. Les membres des Forces canadiennes ne peuvent recourir à la violence pour régler les problèmes, petits ou grands, qui surviennent sur leur lieu de travail. À mon avis, le fait d’infliger seulement une amende serait faire preuve d’un laxisme absolu, car une telle peine ne refléterait pas l’importance des principes de la dissuasion individuelle et générale, dissuasion rendue nécessaire par les faits de l’espèce.

 

 


[18]      Caporal Ennover, levez-vous s’il vous plaît. Vous êtes condamné à quatorze jours de détention.

 

 

 

 

                                       LE CAPITAINE DE FRÉGATE P.J. LAMONT, juge militaire.

 

Avocats :

 

Capitaine A. Carswell, Direction des poursuites militaires

Capitaine S.M.A. Raleigh, procureur militaire régional centre,

procureurs de sa Majesté la Reine

Le major L. Boutin, Direction du service d'avocats de la défense, avocat du caporal T.D.Ennover

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