Page 1 de 5 Référence : R. c. Sous-lieutenant Baptista, 2004 CM 23 Dossier : S200423 COUR MARTIALE PERMANENTE CANADA NOUVELLE-ÉCOSSE 14 e ESCADRE GREENWOOD Date : 3 novembre 2004 PRÉSIDENT : CAPITAINE DE FRÉGATE P.J. LAMONT, juge militaire SA MAJESTÉ LA REINE c. SOUS-LIEUTENANT D. BAPTISTA (Accusé) SENTENCE (Prononcée oralement) TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE [1] Sous-lieutenant Baptista, après avoir accepté et inscrit vos plaidoyers de culpabilité relativement à la troisième et à la sixième accusation, la présente cour vous déclare maintenant coupable de l’accusation numéro 3 et de l’accusation numéro 6. De plus, la cour vous a déjà déclaré coupable, contrairement à vos plaidoyers, de la première et de la deuxième accusation. [2] Il m’incombe maintenant de déterminer votre peine. Pour ce faire, j’ai tenu compte des principes de la détermination de la peine appliqués par les tribunaux ordinaires du Canada ayant compétence en matière pénale et dans les cours martiales. J’ai tenu compte également des faits de l’espèce révélés par les témoignages que j’ai entendus pendant le procès et par la description qui en est donnée dans le sommaire des circonstances, la pièce 10, ainsi si que par les témoignages entendus et reçus par la cour au cours de la phase préliminaire et des plaidoiries de la poursuite et de la défense. [3] Les principes de la détermination de la peine guident la Cour dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire en vue de déterminer une peine adéquate et adaptée à chaque cas. En règle générale, la peine doit correspondre à la gravité de l’infraction et au degré de culpabilité de son auteur, soit à son niveau de responsabilité et à son caractère.
Page 2 de 5 [4] La Cour se fonde sur les peines prononcées par les autres tribunaux dans des affaires similaires, non parce qu’elle respecte aveuglément les précédents, mais parce que son sens commun de la justice veut que qu’elle juge de façon similaire les affaires similaires. Néanmoins, lorsqu’elle détermine la peine, la Cour tient compte des nombreux facteurs qui distinguent chaque affaire dont elle est saisie, des circonstances aggravantes susceptibles de justifier une peine plus lourde et des circonstances atténuantes susceptibles d’en diminuer la sévérité. [5] Les buts et les objectifs recherchés lorsque l’on détermine la peine ont été exposés de diverses manières dans de nombreuses affaires antérieures. En général, ils visent à protéger la société, y compris bien entendu les Forces canadiennes, en favorisant le développement et le maintien d’une collectivité juste, paisible, sûre et respectueuse de la loi. [6] Fait important, dans le contexte des Forces canadiennes, ces objectifs incluent le maintien de la discipline, comportement ou obéissance si nécessaires à l’efficacité d’une force armée. Les buts et objectifs comprennent aussi l’aspect dissuasion de l’individu afin que le délinquant ne récidive pas et du public afin que d’autres ne suivent pas l’exemple du délinquant. La peine vise aussi à assurer la réinsertion du délinquant, à promouvoir son sens de la responsabilité et à dénoncer les comportements illégaux. [7] Il est normal que certains de ces buts et objectifs prévalent sur d’autres au cours du processus permettant d’arriver à une peine juste et adaptée à chaque cas. Toutefois, il incombe au tribunal chargé de déterminer la peine de les prendre en compte; une peine juste et adaptée est une combinaison des ces buts, adaptée aux circonstances particulières de l’espèce. [8] Comme je vous l’ai expliqué lorsque vous avez offert vos plaidoyers de culpabilité relativement à deux infractions, l’article 139 de la Loi sur la défense nationale prévoit les différentes peines qu’une cour martiale peut infliger. Ces peines sont limitées par la disposition de la Loi créant les infractions et prévoyant les peines maximales et aussi par le champ de compétence susceptible d’être exercé par la Cour. Une seule peine peut être infligée au délinquant, qu’il soit déclaré coupable d’une seule infraction ou de plusieurs. Mais la peine peut comporter plus d’une sanction. [9] Un principe important veut que le tribunal inflige la peine la moins sévère qui permettra de maintenir la discipline [10] Pour déterminer la peine, dans cette affaire, j’ai tenu compte des conséquences directes et indirectes de la déclaration de culpabilité et de la peine que je vais infliger.
Page 3 de 5 [11] Les faits se rapportant aux deux infractions d’absence sans permission, les chefs d’accusation numéros 3 et 6, sont énoncés dans la pièce 10. Aux dates précisées dans les accusations, le contrevenant ne s’est pas présenté à son travail au mess d’Annapolis avant 12 h 05. Son superviseur a été incapable de le joindre au cours de cette matinée. [12] Puis encore, il y a juste trois semaines, un vendredi matin, le contrevenant a téléphoné à son superviseur pour lui demander de pouvoir s’absenter jusqu’à 10 h 30 ce jour-là. Il ne s’est pas présenté à 10 h 30 et on n’a pas entendu parler de lui avant qu’il téléphone à son superviseur le 12 mai 2003. Rien dans la preuve produite devant moi n’explique pourquoi le contrevenant ne s’est pas présenté au travail comme il devait le faire à ces deux occasions. [13] Les faits relatifs aux accusations de faux et d’emploi d’un document contrefait, les chefs d’accusation 1 et 2, sont exposés dans mes conclusions : je ne vais pas les répéter. [14] La poursuite fait valoir qu’il conviendrait, en l’espèce, de condamner l’accusé à une courte peine d’emprisonnement et à la destitution du service de Sa Majesté. L’avocat de la défense, pour le compte du contrevenant, fait valoir qu’une blâme assortie d’une amende de 5 000 $ serait suffisante pour satisfaire aux principes de détermination de la peine en l’espèce. [15] Les deux avocats ont mentionné des facteurs atténuants et des facteurs aggravants dont la cour devrait tenir compte. Le contrevenant a 27 ans à l’heure actuelle. Il s’est joint aux Forces canadiennes en janvier 1999 et il a obtenu sa commission à son rang actuel en mai suivant. Il a reçu une formation en gestion de vol avant de se joindre aux Forces canadiennes et son ambition était d’être pilote. Il a été blessé au début de son entraînement dans les Forces canadiennes et il est peu probable qu’il vole jamais. [16] Par suite de son état physique, on m’a dit qu’on lui avait refusé des cours de formation ou des cours de formation professionnelle et il est possible qu’une libération des Forces canadiennes pour des motifs médicaux soient en instance. Il vit en union de fait et je n’ai aucun renseignement sur l’existence de personnes à charge. [17] L’avocat m’a signalé que les accusations d’absence sans permission remontaient à avril et mai 2003, et que celles de faux et d’emploi d’un document contrefait remontaient à avril et au début de mai 2002. Il m’a dit que l’existence de ces accusations pesant contre lui pendant longtemps a été une source de tension pour le contrevenant. [18] D’abord, en ce qui concerne les deux infractions d’absence sans permission, en l’absence d’une preuve expliquant pourquoi le contrevenant a commis ces infractions, je ne peux que conclure qu’il voulait simplement éviter de faire son travail. Qu’il
Page 4 de 5 commette une telle infraction deux fois dans un délai relativement court, après qu’on lui a expressément conseillé de se présenter au travail à temps ou de demander la permission de s’absenter exige une peine importante. À cet égard, la cour se préoccupe tout particulièrement du principe de dissuasion générale. [19] En ce qui concerne les infractions de faux et d’emploi de document contrefait, la poursuite a mentionné plusieurs facteurs aggravants. Ces infractions montrent une certaine complexité de la préparation des documents contrefaits. Le contrevenant est un officier tenu à juste titre à un haut degré de probité. La malhonnêteté est certainement indigne, comme le suppose la poursuite, mais elle est également incompatible avec l’éthique militaire. Les membres d’une force armée doivent être capables de se fier à l’honnêteté et à l’intégrité de leurs collègues pour réussir à exécuter efficacement leurs lourdes fonctions. [20] L’avocat de la défense a, à bon droit, fait valoir que ces infractions n’ont pas entraîné de pertes financières pour l’entreprise de matériaux de construction et soutient que les infractions n’étaient pas liées au poste militaire qu’occupe le contrevenant. D’après moi, cependant, on ne saurait accepter qu’il y ait deux poids deux mesures pour les officiers de Forces canadiennes selon qu’il s’agit de leurs activités professionnelles dans le cadre du service commandé d’une part et leurs activités personnelles en tant que membres de la société canadienne, d’autre part. [21] La poursuite souligne qu’une cour martiale a déjà déclaré le contrevenant coupable d’une accusation d’acte frauduleux commis le 27 mars 2001 pour lequel il a été condamné à un blâme et à une amende de 2 500 $ en juillet 2002. Le faux et l’emploi d’un document contrefait dont la cour est saisie aujourd’hui ont été commis avant que le contrevenant ne soit jugé et condamné pour l’acte frauduleux, mais après la date à laquelle il a été accusé d’acte frauduleux en décembre 2001. Ces infractions ont donc été commises au moment où le contrevenant attendait d’être jugé pour l’accusation de fraude. [22] Les circonstances de cette précédente infraction révèlent que le contrevenant avait préparé des faux documents cette fois-là pour commettre une fraude qui a entraîné la perte de fonds publics. Il est évident que le contrevenant n’a pas considéré que faire l’objet d’une enquête et d’accusations pour cette infraction antérieure était un avertissement lui intimant de modifier sa façon de faire [23] Il importe de se rappeler que le contrevenant n’est pas puni aujourd’hui pour l’acte frauduleux qu’il a commis en mars 2001. La cour chargée de se prononcer sur cette infraction antérieure s’en est occupée. Mais la conduite antérieure du contrevenant est un élément pertinent à l’appréciation de son caractère à l’heure actuelle et au principe de dissuasion spécifique.
Page 5 de 5 [24] Les infractions d’absence sans permission ont été commises après qu’il a été condamné pour l’infraction de fraude. [25] Comme je l’ai déjà signalé, une seule peine est prononcée par une cour martiale même si l’accusé est déclaré coupable de plus d’une infraction. Lorsque, comme en l’espèce, il y a différentes sortes d’infractions qui se sont produites à des périodes différentes, il est difficile et éprouvant de trouver la peine adaptée. La cour tient compte du principe de la totalité pour s’assurer que ce qui pourrait autrement sembler des peines adaptées pour chacune des accusations prises individuellement ne soient pas simplement additionnées. Il faut regarder quel sera l’effet global de la seule peine comme réponse à toutes les infractions. [26] Il est vrai, bien sûr, que souvent, les préoccupations de la cour au sujet de la dissuasion générale et de la dissuasion spécifique sont satisfaites par l’infliction d’une peine qui est moins sévère que l’emprisonnement. Toutefois, en l’espèce et pour les motifs que j’ai donné précédemment, les circonstances de ces infractions et de leur auteur justifient une peine d’emprisonnement.. [27] De plus, par son inconduite criminelle et disciplinaire répétée, le contrevenant a montré qu’il n’est manifestement pas apte à continuer de servir les Forces canadiennes. [28] Levez-vous, sous-lieutenant Baptista. [29] Vous êtes condamné à un emprisonnement de trente jours et à la destitution du service de Sa Majesté. [30] La sentence est prononcée à 12 h 29, le 4 novembre 2004. CAPITAINE DE FRÉGATE P.J. LAMONT, juge militaire Conseils : Le major R.F. Holman, procureur militaire régional (Atlantique) Procureur de Sa Majesté la Reine Le major J. A. M. Côté, Avocat du sous-lieutenant D. Baptista