Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l’ouverture du procès : 30 novembre 2004.
Endroit : BFC Petawawa, édifice L-106, Petawawa (ON).
Chefs d’accusation:
• Chef d’accusation 1 : Art. 84 LDN, a frappé un supérieur.
• Chef d’accusation 2 : Art. 85 LDN, s’est conduit d’une façon méprisante à l’endroit d’un supérieur.
Résultats:
• VERDICTS : Chef d’accusation 1 : Non coupable. Chef d’accusation 2 : Coupable.
• SENTENCE : Une amende au montant de 1000$.

Contenu de la décision

Page 1 de 5 Référence : R. c. Lex-soldat R. Powers, 2004CM13 Dossier : F200413 COUR MARTIALE PERMANENTE CANADA ONTARIO BASE DES FORCES CANADIENNES PETAWAWA Date : 2 décembre 2004 PRÉSIDENT : CAPITAINE DE FRÉGATE P.J. LAMONT, J.M. SA MAJESTÉ LA REINE c. LEX-SOLDAT R. POWERS (Accusé) VERDICT (Prononcé oralement) TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE [1] Veuillez vous lever M. Powers. La cour vous déclare coupable du premier et du deuxième chef daccusation. Vous pouvez vous asseoir. [2] Les faits ayant donné lieu à ces accusations se sont déroulés dans les toilettes du Sherman Club, le mess des caporaux et des soldats, situé à Meaford, en Ontario, le 11 novembre 2003. Hier, jai mis en délibéré ma décision concernant la demande de la défense présentée avant louverture du procès en vue dobtenir la suspension des procédures fondée sur larticle 7 de la Charte. Celle-ci a soutenu que le délai écoulé dans cette affaire avant la mise en accusation avait privé laccusé de la possibilité déprouver la crédibilité du plaignant, le caporal-chef Stanbury, à lappui de sa défense. [3] À mon avis, la confrontation de la preuve présentée à lappui de cette demande au témoignage apporté pendant le procès ne permet pas détablir que le délai écoulé entre le moment de linfraction et la mise en accusation, effectuée le 31 mars
Page 2 de 5 2004, a lésé la capacité de laccusé à se défendre contre les chefs daccusation portés contre lui. [4] Dans une poursuite devant la cour martiale, comme dans toute poursuite pénale devant un tribunal canadien, il incombe à la poursuite de prouver la culpabilité de laccusé hors de tout doute raisonnable. Dans un contexte juridique, il sagit dun terme technique ayant une signification consacrée. Si la preuve ne permet pas détablir la culpabilité de laccusé hors de tout doute raisonnable, celui-ci ne doit pas être déclaré coupable de linfraction. Le fardeau de la preuve incombe toujours à la poursuite. Laccusé na jamais le fardeau de prouver son innocence. En fait, laccusé est présumé innocent à toutes les étapes de la procédure, jusquà ce que la poursuite ait prouvé sa culpabilité hors de tout doute raisonnable, compte tenu de la preuve admissible. [5] Le doute raisonnable ne signifie pas une certitude absolue, mais il nest pas suffisant de prouver seulement une culpabilité probable. Si la cour est plutôt convaincue que laccusé est plus probablement coupable que non coupable, cela ne suffit pas pour le déclarer coupable hors de tout doute raisonnable; dans ce cas, laccusé doit être acquitté. De fait, la norme « hors de tout doute raisonnable » est beaucoup plus proche de la certitude absolue quelle ne lest de la « culpabilité probable ». Cependant, le doute raisonnable nest pas un doute futile ou imaginaire. Il ne se fonde pas sur la sympathie ou les préjugés. Cest un doute fondé sur la raison et le bon sens, qui découle de la preuve présentée ou de labsence de preuve. La preuve hors de tout doute raisonnable sapplique à chacun des éléments de linfraction reprochée. En dautres termes, si la preuve ne permet pas de prouver chacun des éléments de linfraction hors de tout doute raisonnable, laccusé doit être acquitté. [6] Le principe du doute raisonnable sapplique également à la crédibilité des témoins dans une affaire comme la présente alors que la preuve révèle différentes versions des faits importants ayant une incidence directe sur les questions. La démarche permettant darriver à établir ce qui sest passé na rien à voir avec la préférence pour lune des versions données par un témoin. La Cour peut considérer quun témoin dit la vérité ou quil nen est rien; elle peut aussi conclure que seules certaines parties du témoignage sont véridiques et exactes. Si les éléments de preuve présentés par l'accusé concernant le litige ou les éléments importants de laffaire sont accueillis, il s'ensuit que l'accusé est acquitté de l'accusation. Par contre, si la preuve n'est pas accueillie, mais que la cour conserve néanmoins un doute raisonnable, l'accusé doit être acquitté. Même si le témoignage de l'accusé ne suscite pas un doute raisonnable, la Cour doit quand même tenir compte de tous les éléments de preuve qu'elle juge plausibles et fiables pour déterminer si la culpabilité de l'accusé est établie hors de tout doute raisonnable. [7] En lespèce, il y a des incohérences et des contradictions importantes entre les dépositions des témoins. Toutefois, je rejette les conclusions selon lesquelles les trois témoins de la poursuite se sont concertés à propos de leurs témoignages. Dans certains cas, comme dans le présent, les incohérences elles-mêmes montrent que les
Page 3 de 5 témoins nont pas inventé leur témoignage, mais quils se trompent simplement sur certains points. Lorsque la Cour apprécie la crédibilité des témoins, il lui appartient de juger dans quelle mesure leurs incohérences affectent la fiabilité de leurs dépositions. En lespèce, jai évalué la preuve apportée par les témoins dans cet esprit. [8] Un doute subsiste en moi, quant à savoir si laccusé a frappé le caporal-chef Stanbury. Les dépositions des témoins de la poursuite se contredisent sur le nombre de coups assenés au caporal-chef Stanbury, sur la manière dont il a été frappé, sur le côté gauche ou le droit, et sur la puissance du coup. Laccusé nest pas coupable davoir frappé un supérieur. [9] Les témoignages des soldats Jerome et Baker mont convaincu que laccusé avait craché au visage du caporal-chef Stanbury. En revanche, je rejette la conclusion selon laquelle le caporal-chef Stanbury naurait reçu au visage que de la salive, car les parties criaient très fort alors quelles se trouvaient dans des quartiers extrêmement proches. Jen conclus que laccusé a craché intentionnellement et que cet acte correspondait à sa conduite habituelle, visant à afficher tout son dédain tant pour le caporal-chef Stanbury que pour la force de réserve. [10] Il est vrai que le témoignage du soldat Gillies, en particulier, ne concorde pas avec ceux des soldats Jerome et Baker quant à la quantité et à la sorte dalcool consommé ni quant à lattitude adoptée par les parties et les autres personnes dans les toilettes. Néanmoins, dans leur globalité, les témoignages apportés par les soldats Jerome et Baker mont convaincu quils avaient décrit avec exactitude lincident relatif au crachat. [11] Je rejette largument selon lequel laccusé agissait en légitime défense dans un milieu qui lui était hostile, ce qui le libérait de son obligation de se montrer respectueux envers le caporal-chef Stanbury ou de dire son nom quand ce dernier le lui a demandé. Il est vrai quil y a des circonstances , dans un mess, les relations hiérarchiques sappliquent moins rigoureusement. Toutefois, latmosphère décontractée qui y règne ne permet pas à un membre du mess de se montrer irrespectueux envers un supérieur, que cet irrespect vise la personne, luniforme que porte le supérieur ou lélément des Forces canadiennes dans lesquelles il sert. [12] Je rejette le témoignage de laccusé selon lequel, dans les toilettes, il sest senti menacé par le caporal-chef Stanbury et les soldats Jerome et Baker. À mon avis, la conduite insultante quil a constamment adoptée pendant la période en question ne cadre pas avec les menaces dont il déclare avoir fait lobjet. Jadmets que laccusé ait simplement voulu sortir des toilettes et que le caporal-chef Stanbury len a empêché dans une certaine mesure, mais je conclus quil sest contenté dessayer dignorer le caporal-chef Stanbury au lieu daccéder à sa demande raisonnable et légitime de décliner son identité.
Page 4 de 5 [13] Luniforme du caporal-chef Stanbury se composait notamment du kilt du régiment The Lorne Scots. À mon avis, lorsque laccusé a employé lexpression « belle jupe » pour parler de luniforme, le caporal-chef Stanbury a interprété ces termes comme une insulte. Dans ces circonstances, il avait raison dexiger de laccusé quil décline son identité. Dailleurs, le caporal-chef Stanbury aurait manqué à son devoir si, en sa qualité de supérieur de laccusé, il navait pas pris des mesures pour réagir à linsulte. En sa qualité de membre subalterne, laccusé aurait immédiatement décliner son identité au caporal-chef Stanbury quand celui-ci le lui a demandé. Son refus de sexécuter constitue lune des marques dirrespect dont il a fait preuve à lendroit du caporal-chef Stanbury. [14] Je naccorde aucune importance à la question de savoir si, en fait, laccusé avait éraflé les godillots dune autre personne ou si une remarque a été proférée à propos du régiment de laccusé. Cela ne relevait aucunement laccusé de son obligation de respecter le grade et luniforme du caporal-chef Stanbury. [15] Je rejette le témoignage de laccusé selon lequel il ne connaissait pas le grade du caporal-chef Stanbury. Ce grade figurait sur la manche de ce dernier pour être vu de tous. De luniforme, laccusé na remarqué que le kilt. Rien ne prouve que ses capacités dobservation étaient affaiblies par lalcool ou par un quelconque autre facteur. Tout bonnement, je ne crois pas que laccusé ne savait pas quil insultait un supérieur quand il a parlé de la belle jupe. [16] Je retiens le témoignage du soldat Jerome concernant la conversation laccusé a demandé au caporal-chef Stanbury combien de temps il lui avait fallu pour être nommé caporal-chef et laccusé a dit que pour sa part, il ne lui aurait fallu que deux ans pour atteindre ce grade. Si, comme en a témoigné laccusé, il na pris conscience que plus tard dans léchange que son interlocuteur était caporal-chef, il aurait alors modifier immédiatement son attitude. Au lieu de cela, il apparaît quau cours de ses échanges ultérieurs avec le caporal-chef Stanbury dans le mess il a continué à se conduire de façon méprisante envers lui.
Page 5 de 5 [17] Les injures proférées par laccusé à lendroit du caporal-chef Stanbury ne sont pas lélément essentiel de laccusation de conduite méprisante. Toutefois, les caractéristiques de cette conduite irrespectueuse et méprisante me portent à conclure hors de tout doute raisonnable que laccusé avait bien lintention de se comporter de façon méprisante à lendroit du caporal-chef Stanbury quand il lui a craché au visage. CAPITAINE DE FRÉGATE P.J. LAMONT, J.M. Avocats : Le major B.J. Wakeham, directeur des poursuites militaires Procureur de Sa Majesté la Reine Le major A. Appolloni, Direction du service davocats de la défense Avocat de lex-soldat R. Powers
 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.