Cour martiale
Informations sur la décision
CACM 492 - Appel accordé
Date de l’ouverture du procès : 5 avril 2005.
Endroit : 14e Escadre Greenwood, édifice Annapolis, Greenwood (NÉ).
Chefs d’accusation
• Chef d’accusation 1 (subsidiaire au chef d’accusation 2) : Art. 114 LDN, a commis un vol, étant, par son emploi, chargé de la garde ou de la distribution de l’objet volé ou d’en avoir la responsabilité.
• Chef d’accusation 2 (subsidiaire au chef d’accusation 1) : Art. 129 LDN, comportement préjudiciable au bon ordre et à la discipline.
• Chef d’accusation 3 (subsidiaire au chef d’accusation 4) : Art. 114 LDN, a commis un vol, étant, par son emploi, chargé de la garde ou de la distribution de l’objet volé ou d’en avoir la responsabilité.
• Chef d’accusation 4 (subsidiaire au chef d’accusation 3) : Art. 129 LDN, comportement préjudiciable au bon ordre et à la discipline.
• Chef d’accusation 5 : Art. 129 LDN, comportement préjudiciable au bon ordre et à la discipline.
Résultats
• VERDICTS : Chefs d’accusation 1, 3, 4, 5 : Non coupable. Chef d’accusation 2 : Coupable.
• SENTENCE : Une réprimande et une amende au montant de 2000$.
Contenu de la décision
Référence : R. c. Caporal R.D. Parsons, 2006cm3001
Dossier : C200516
COUR MARTIALE PERMANENTE
CANADA
NOUVELLE-ÉCOSSE
BASE DES FORCES CANADIENNES GREENWOOD
Date : 31 janvier 2006
SOUS LA PRÉSIDENCE DU CAPITAINE DE FRÉGATE P.J. LAMONT, J.M.
SA MAJESTÉ LA REINE
c.
CAPORAL R.D. PARSONS
(Accusé-requérant)
DÉCISION RELATIVEMENT AUX PARAGRAPHES 52(1) ET 24(1) DE LA CHARTE CANADIENNE DES DROITS ET LIBERTÉS
TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE
INTRODUCTION
[1] Un système de justice qui n’arrive pas à commander le respect de la collectivité qu’il dessert n’est pas digne de ce nom. Par le biais d’un avis de demande en date du 17 octobre 2005, le demandeur, le caporal Rodney Dwayne Parsons, cherche à obtenir un jugement déclaratoire selon lequel son procès en cour martiale permanente sur les chefs d’accusation de vol et de possession inappropriée de biens publics est inconstitutionnel, et ce, au motif que la cour martiale permanente, créée en vertu de l’article 174[1] de la Loi sur la défense nationale, n’est pas un tribunal indépendant au sens du droit garanti à l’alinéa 11d) de la Charte canadienne des droits et libertés[2]. Le demandeur allègue en particulier que bon nombre des dispositions législatives et réglementaires portant sur les juges militaires qui président les cours martiales permanentes ne respectent pas le principe de l’indépendance judiciaire et sont donc incompatibles avec un droit garanti par la Charte, savoir le droit à un procès devant un tribunal indépendant et impartial. Selon le demandeur, ces dispositions devraient être déclarées inopérantes en vertu du paragraphe 52(1) de la Charte.
[2] De plus, le demandeur veut obtenir un arrêt des procédures ou une autre réparation, conformément au paragraphe 24(1) de la Charte.
[3] La poursuite, que je désignerai sous le nom d’intimée, prétend que les dispositions contestées sont valides sur le plan constitutionnel, mais si la cour est en désaccord avec cette affirmation, la poursuite n’a pas cherché à justifier une des dispositions en cause au regard de l’article premier de la Charte.
CONTEXTE LÉGISLATIF
[4] Les dispositions législatives et réglementaires en cause dans la présente demande font partie d’un ensemble de modifications importantes apportées à la Loi sur la défense nationale par le biais du projet de loi C-25, qui est entré en vigueur en 1999[3]. Il s’agissait de modifications complètes et radicales, qui portaient sur bon nombre d’aspects du système de justice militaire, notamment la création d’un service de poursuites indépendant et d’un poste de directeur du service d’avocats de la défense. De plus, les modifications ont permis de préciser les rôles du ministre de la Défense nationale et du juge-avocat général.
[5] Les modifications ont également entraîné la création du poste de juge militaire. Les titulaires de ce poste doivent être nommés par le gouverneur en conseil parmi les grades des officiers du rang des Forces canadiennes légalement formés et qualifiés. Les juges militaires sont nommés à titre inamovible pour un mandat de cinq ans[4]. Le mandat des juges militaires est renouvelable pour une durée non spécifiée[5], mais les juges militaires cessent d’occuper leur charge dès qu’ils atteignent l’âge fixé par règlement du gouverneur en conseil pour la retraite[6].
[6] À la cour martiale générale[7] ou à la cour martiale disciplinaire[8], le juge militaire siège à titre de membre de la cour et préside les procédures[9]. À ces tribunaux, le juge militaire siège à un comité composé de cinq ou de trois membres des Forces canadiennes dont le rôle est de déterminer les faits de l’espèce en fonction des éléments de preuve présentés au cours du procès, et sur les directives du juge militaire, de conclure si l’accusé est coupable ou non coupable. Le juge militaire statue sur les questions de droit ou sur les questions mixtes de droit et de fait qui sont présentées devant ces cours[10]. Par conséquent, le rôle du juge militaire qui siège à ces cours est semblable à celui d’un juge d’une cour supérieure de juridiction criminelle qui préside un procès devant jury en vertu de la partie XX du Code criminel[11].
[7] Le juge militaire peut aussi siéger à titre de seul juge, soit à une cour martiale permanente[12] dans le cadre du procès de tout membre des Forces canadiennes, soit à une cour martiale générale spéciale[13] dans le cadre du procès de civils qui peuvent être assujettis au droit militaire. Dans les deux cas, le juge militaire exerce les fonctions de juge du droit et de juge des faits, sensiblement de la même manière qu’une cour de juridiction criminelle, qu’il s’agisse d’une cour provinciale ou d’une cour supérieure, et ce, sur tout le territoire canadien.
[8] Ainsi, aux termes du code de discipline militaire[14], une cour martiale canadienne contemporaine représente le visage même du système de justice pénale pour les membres de la collectivité qu’elle dessert. De plus, elle fait partie d’un processus essentiel visant à améliorer et à maintenir la discipline au sein des Forces canadiennes. Cette dualité des rôles n’est pas nouvelle et a toujours fait partie des systèmes de justice militaire canadien et britannique[15]. Comme l’a fait remarquer le juge en chef Lamer dans l’arrêt R. c. Généreux[16] :
[...] Certes, le Code de discipline militaire porte avant tout sur le maintien de la discipline et l’intégrité au sein des Forces armées canadiennes, mais il ne sert pas simplement à réglementer la conduite qui compromet pareilles discipline et intégrité. Le Code joue aussi un rôle de nature publique du fait qu’il vise à punir une conduite précise qui menace l’ordre et le bien-être publics [...] (page 282) […] Les tribunaux militaires jouent donc le même rôle que les cours criminelles ordinaires, soit punir les infractions qui sont commises par des militaires ou par d’autres personnes assujetties au Code de discipline militaire [...]
[9] En l’espèce, le demandeur allègue que le système de justice militaire créé aux termes de la Loi sur la défense nationale, modifiée en 1999, est inconstitutionnel parce que la cour martiale permanente n’est pas un tribunal indépendant. Cette allégation exige un examen du droit afférent à l’indépendance judiciaire.
INDÉPENDANCE JUDICIAIRE
[10] Le juge Major, s’exprimant au nom de la Cour suprême du Canada, a prononcé le jugement de la Cour dans l’arrêt Colombie-Britannique c. Imperial Tobacco Canada Ltée[17] et a déclaré ce qui suit (au paragraphe 44 et suivants) :
44 L’indépendance judiciaire est reconnue comme un « principe fondamental » de la Constitution qui se reflète à l’al. 11d) de la Charte canadienne des droits et libertés, ainsi qu’aux art. 96 à 100 et dans le préambule de la Loi constitutionnelle de 1867 : Renvoi relatif à la rémunération des juges de la Cour provinciale de l’Île-du-Prince-Édouard, [1997] 3 R.C.S. 3, par. 109. Elle est un moyen de « préserver notre ordre constitutionnel et de maintenir la confiance du public dans l’administration de la justice » : Ell c. Alberta, [2003] 1 R.C.S. 857, 2003 CSC 35, par. 29. Voir aussi Demande fondée sur l’art. 83.28 du Code criminel (Re), [2004] 2 R.C.S. 248, 2004 CSC 42, par. 80-81.
45 L’indépendance judiciaire consiste essentiellement en la liberté « de rendre des décisions que seules les exigences du droit et de la justice inspirent » : Mackin c. Nouveau‑Brunswick (Ministre des Finances), [2002] 1 R.C.S. 405, 2002 CSC 13, par. 37. Elle requiert que les juges soient libres d’agir sans « ingérence [indue] de la part de quelque autre entité » (Ell, par. 18) — c.‑à‑d. que les pouvoirs exécutif et législatif du gouvernement ne doivent pas « empiéter sur les “pouvoirs et fonctions” essentiels du tribunal » (MacKeigan c. Hickman, [1989] 2 R.C.S. 796, p. 828). Voir aussi Valente c. La Reine, [1985] 2 R.C.S. 673, p. 686‑687; Beauregard c. Canada, [1986] 2 R.C.S. 56, p. 73 et 75; R c. Lippé, [1991] 2 R.C.S. 114, p. 152‑154; Babcock c. Canada (Procureur général), [2002] 3 R.C.S. 3, 2002 CSC 57, par. 57; et Demande fondée sur l’art. 83.28 du Code criminel (Re), par. 87.
46 L’inamovibilité, la sécurité financière et l’indépendance administrative constituent les trois « caractéristiques essentielles » ou « conditions essentielles » de l’indépendance judiciaire : Valente, p. 694, 704 et 708, et Renvoi relatif à la rémunération des juges de la Cour provinciale de l’Île‑du‑Prince‑Édouard, par. 115. Leur maintien est indispensable à l’indépendance judiciaire. Il faut qu’« une personne raisonnable et bien informée de toutes les circonstances » les perçoive comme étant sauvegardées : Mackin, par. 38 et 40, et Assoc. des juges de la Cour provinciale du Nouveau‑Brunswick c. Nouveau‑Brunswick (Ministre de la Justice), [2005] 2 R.C.S. 286, 2005 CSC 44, par. 6.
47 Or, même lorsque les conditions essentielles de l’indépendance judiciaire existent, et qu’elles sont raisonnablement perçues comme telles, l’indépendance judiciaire elle‑même n’est pas nécessairement assurée. La question critique est de savoir si la cour est libre, et raisonnablement perçue comme étant libre, d’exercer sa fonction juridictionnelle sans ingérence de la part de qui que ce soit, y compris des pouvoirs exécutif et législatif du gouvernement. Voir, par exemple, Demande fondée sur l’art. 83.28 du Code criminel (Re), par. 82‑92.
[11] Un ancien juge en chef de la Cour d’appel de la cour martiale, dans l’arrêt Gratton c. Conseil canadien de la magistrature[18], s’est exprimé de la manière suivante :
« […] l’indépendance judiciaire fait partie intégrante de notre société libre et démocratique. Elle est reconnue et sauvegardée par la Constitution et les conventions constitutionnelles, par les lois et par la common law. Elle sert essentiellement à permettre aux juges de rendre des décisions en conformité avec leur conception du droit et des faits, sans avoir à craindre de subir eux-mêmes des conséquences fâcheuses. Cela s’impose pour assurer au public que, tant en apparence qu’en réalité, leurs causes seront jugées, leurs lois interprétées et leur Constitution appliquée sans distinction de personnes. La garantie aux juges de pouvoir rester en poste sans subir d’ingérence irrégulière dans l’exercice de leurs fonctions est indispensable à l’indépendance de la justice. Mais il importe tout autant de se rappeler que la protection de l’inamovibilité [TRADUCTION] “vise à profiter non pas aux juges, mais bien aux justiciables”. »
[12] Les avocats ici présents concèdent que le critère qu’il convient d’appliquer pour déterminer si la garantie de l’indépendance judiciaire est assurée aux juges militaires est un critère objectif, axé sur les structures juridiques qui soutiennent les caractéristiques de l’indépendance des juges militaires. Autrement dit, on se demande si la Loi sur la défense nationale et les règlements pris en vertu de celle-ci offrent à une personne qui doit être jugée par une cour martiale permanente des garanties suffisantes selon lesquelles le juge militaire qui préside la cour martiale est en mesure d’entendre l’affaire et de rendre une décision sans ingérence de la part d’acteurs externes. Ou encore, si une personne raisonnable et sensée, informée des dispositions législatives pertinentes, de leur historique et des traditions les entourant, après avoir envisagé la question de façon réaliste et pratique et en l’ayant étudiée en profondeur, conclurait qu’un juge militaire qui préside cette cour est un tribunal en mesure de statuer en toute indépendance[19].
[13] La perception d’une personne raisonnable est l’élément clé. La personne indûment désabusée n’a pas confiance en l’exercice approprié de tout pouvoir public, et ce, sans égard aux lois ou aux règlements qui autorisent ou entravent son exercice. Par ailleurs, la personne crédule ou qui fait trop confiance n’aura besoin d’aucune norme imposée par la loi, mais sa confiance est naïve et mal placée. Seules des garanties objectives intéressent la personne raisonnable et peuvent justifier sa confiance dans l’exercice approprié de la fonction judiciaire.
[14] Les trois « caractéristiques essentielles » ou « conditions essentielles » de l’indépendance judiciaire auxquelles le juge Major fait référence dans l’arrêt Colombie-Britannique c. Imperial Tobacco Canada Ltée ont été énoncées pour la première fois par le juge LeDain, s’exprimant au nom de la Cour suprême du Canada, dans l’arrêt Valente c. La Reine[20]. Il s’agit du critère fondamental en vertu duquel la garantie constitutionnelle doit être mesurée. En appliquant ce critère, la cour doit tenir compte du contexte dans lequel fonctionne le tribunal[21]. Compte tenu de ce contexte, il suffira que l’essence de chacune des caractéristiques essentielles soit respectée[22]. Les législatures ne sont pas tenues de légiférer sur la méthode idéale pour garantir à tout le moins l’indépendance judiciaire; elles ont seulement l’obligation d’offrir le niveau d’indépendance minimum exigé par la Constitution[23].
INAMOVIBILITÉ
[15] Dans l’arrêt Valente c. La Reine[24], le juge LeDain a précisé que l’inamovibilité des juges était une caractéristique essentielle de l’indépendance judiciaire, conformément à ce qui est garanti par l’alinéa 11d) de la Charte[25]. Cela comprend deux exigences, savoir qu'un juge ne puisse être révoqué que pour un motif « lié à sa capacité d'exercer les fonctions judiciaires », et ce, seulement après une « enquête judiciaire [...] au cours de laquelle le juge visé a pleinement l'occasion de se faire entendre »[26].
[16] La révocation de la charge d’un juge militaire est prévue au paragraphe 165.21(2) de la Loi sur la défense nationale :
(2) Un juge militaire est nommé à titre inamovible pour un mandat de cinq ans, sous réserve de révocation motivée par le gouverneur en conseil sur recommandation d’un comité d’enquête établi par règlement du gouverneur en conseil.
[17] Les articles 101.13 et 101.14 des ordonnances et règlements royaux applicables aux Forces canadiennes (ORFC) portent sur la constitution d’un comité d’enquête, prévoient la procédure à suivre et exposent la norme précise que le comité d’enquête doit appliquer au moment de décider de recommander ou non la révocation de la charge d’un juge militaire. Le comité est composé d’au moins deux juges de la Cour d’appel de la cour martiale nommés par le juge en chef de cette cour. La norme devant être appliquée par le comité est clairement liée à la capacité du juge militaire de continuer à exercer ses fonctions judiciaires.
[18] Le demandeur ne prétend pas que le régime concernant la révocation de la charge des juges militaires prévu par ces règlements contrevient à l’inamovibilité des juges militaires. Il allègue plutôt qu’en raison du fait que le régime est énoncé dans les règlements et non dans la Loi sur la défense nationale, il peut facilement être modifié selon les caprices de l’exécutif, par al simple adoption de nouveaux règlements. Les règlements ne sont pas l’objet du même degré d’examen par le Parlement que les projets de loi avant l’adoption de la loi, et les règlements établis en vertu de l’article 12 de la Loi sur la défense nationale sont soustraits à l’enregistrement par le greffier du Conseil privé[27].
[19] Selon moi, les arguments exposés par le demandeur sur ce point souffrent d’un vice de raisonnement quant à la nature d’un règlement. Sous le régime d’une loi, le Parlement peut déléguer son pouvoir à l’exécutif, qui sera chargé d’adopter des règlements selon la portée du pouvoir de réglementation qui lui est conféré. Les règlements dûment adoptés sont autant une expression de l’intention du Parlement que la loi qui autorise leur adoption.
[20] Dans l’arrêt R. c. J.P.[28], la Cour d’appel de l’Ontario aborde la question du Règlement sur l’accès à la marijuana à des fins médicales pris en vertu de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances afin de prévoir une exemption médicale à l’interdiction prévue à l’article 4 de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, pour ce qui est de la possession de marijuana. La Cour a fait la remarque suivante[29] :
[TRADUCTION]
[...] Comme l’a expliqué le juge Duff dans l’arrêt Gray (Re), une législation déléguée sous forme de règlement exprime davantage la volonté du Parlement qu’une disposition d’une loi [...]
[21] Dans l’affaire J.P., l’accusé soutenait que le règlement autorisant, dans certains cas, l’utilisation de la marijuana à des fins médicales devrait être énoncé dans la loi habilitante. La Cour n’était pas de cet avis et a déclaré qu’à supposer que les règlements soient adoptés dans le respect du pouvoir conféré par la loi,
[TRADUCTION]
[...] [C]omme toute autre action gouvernementale, ces règlements pouvaient faire l’objet d’une contestation fondée sur la Charte. L’issue de cette contestation était toutefois liée à la compatibilité ou non de la teneur des règlements avec ce que commande la Charte, sans égard au fait que la teneur se trouve dans les règlements plutôt que dans la loi[30].
[22] Bon nombre des exigences de base concernant la sécurité financière des juges, dont certaines seront abordées ci-après, se trouvent dans la législation déléguée. Par exemple, le Règlement de l’Ontario intitulé Traitements et avantages sociaux des juges provinciaux[31] vise les traitements, les prestations de retraite, les vacances, le droit aux congés, etc., des juges de la Cour de justice de l’Ontario. Il est vrai qu’en vertu de la convention cadre incluse à l’annexe de la Loi sur les tribunaux judiciaires, les recommandations formulées par la Commission indépendante qui a examiné les problèmes financiers des juges de l’Ontario nommés par l’autorité provinciale ont force exécutoire pour le gouvernement, sauf pour ce qui est des prestations de retraite. Néanmoins, il ne peut être réellement envisageable d’inclure ces dispositions dans un règlement plutôt que dans une loi, car l’indépendance judiciaire serait ainsi compromise.
[23] Je ne suis surtout pas convaincu que le faible degré d’examen accordé aux règlements par opposition aux projets de loi ou la soustraction de l’enregistrement des règlements pris en vertu de la Loi sur la défense nationale puissent raisonnablement être perçues comme ayant une incidence sur l’indépendance des juges militaires. La validité constitutionnelle de ces règlements, comme ils s’appliquent
aux juges militaires, doit être évaluée du point de vue du contenu des règlements et non pas selon que les règles figurent dans un règlement ou dans une loi.
[24] Comme je l’ai déclaré, le demandeur ne conteste pas le contenu des règlements portant sur la révocation des juges militaires. J’en conclus donc que le régime prévoyant la révocation de la charge des juges militaires n’est pas incompatible avec l’indépendance judiciaire des juges militaires, un droit garanti par l’alinéa 11d) de la Charte.
[25] Le Rapport Lamer[32] m’a été présenté à titre d’élément de preuve dans le cadre de la présente demande. Au cours de son examen de l’application de la Loi sur la défense nationale, cinq ans après les modifications à la loi en vertu du projet de loi C-25, l’ancien juge en chef du Canada a recommandé au gouvernement que certaines des dispositions des ORFC portant sur les juges militaires soient incluses dans la loi elle-même. Ces dispositions visaient la composition du comité d’examen chargé de recommander le renouvellement du mandat des juges militaires et les facteurs que le comité d’examen doit prendre en compte (page 21), ainsi que la solde annuelle des juges militaires, la composition du comité d’examen de la rémunération et les facteurs que celui-ci doit prendre en compte (page 23).
[26] J’estime que les recommandations formulées par l’ancien juge en chef n’étaient rien d’autre qu’une tentative réfléchie visant à améliorer l’ordre public. Ces recommandations n’ont certainement pas pour objet de tenir compte de la norme minimale requise en vertu de la garantie constitutionnelle de l’indépendance judiciaire[33]. À ce titre, je ne crois pas que les recommandations formulées par l’ancien juge en chef aient une incidence sur la conclusion que j’ai tirée selon laquelle le régime de révocation des juges militaires de l’exercice de leurs fonctions judiciaires (dont il est question aux articles 101.13 et suivants des ORFC) est suffisant sur le plan constitutionnel.
RETRAITE
[27] L’âge de la retraite des juges militaires est prévu par le règlement pris en application de la Loi sur la défense nationale[34]. L’article 101.175 des ORFC porte sur l’âge de la retraite des juges militaires et il énonce que l’âge de la retraite varie en fonction du grade du juge, et ce, de la même manière que l’âge de la retraite est fixé pour les autres officiers. À titre de militaires de la force régulière, les juges militaires sont assujettis à l’âge de la retraite prévu aux règlements qui visent tous les officiers des Forces canadiennes.
[28] Le demandeur prétend qu’il est possible de redéfinir l’âge de la retraite simplement par voie réglementaire, ce qui permet donc à l’exécutif de modifier l’âge de la retraite des juges militaires. L’avocat attire mon attention sur un récent énoncé de principe en vertu duquel les membres des Forces canadiennes peuvent reporter à 60 ans l’âge de la retraite. Une instruction, portant le numéro 14/04 et émanant du sous-ministre adjoint (Ressources humaines – Militaires), m’a été présentée à titre de pièce VD1-12. Dans ce document, il est stipulé que l’âge de retraite des militaires enrôlés dans la force régulière le 1er juillet 2004 ou après cette date est établi à 60 ans. Les militaires au service des FC le 30 juin 2004 peuvent choisir de prendre leur retraite à 60 ans si ce choix est fait au moins une année avant l’âge de la retraite autrement applicable.
[29] Le demandeur fait valoir que l’âge de la retraite des juges militaires devrait être fixé dans la loi. Pour les motifs que j’ai déjà énoncés en rapport avec la révocation de la charge des juges militaires, je ne suis pas convaincu que le fait de fixer par règlement l’âge de la retraite des juges soit inconstitutionnel au motif qu’il porte atteinte à l’indépendance judiciaire. Une fois de plus, c’est le contenu du règlement qui compte.
[30] Néanmoins, les prescriptions constitutionnelles de l’indépendance judiciaire délimitent le pouvoir, tant de l’exécutif que de l’autorité législative pour ce qui est de modifier l’âge de la retraite des juges. Par exemple, si un règlement était adopté pour diminuer l’âge de la retraite des juges militaires habiles à tenir une audience dans une tentative déguisée visant à les révoquer de leur charge, cela soulèverait certainement une question grave quant à l’indépendance judiciaire. Tel n’est pas le cas en l’espèce.
[31] Le demandeur prétend que le report e l’âge de la retraite à 60 ans est une question qui relève de la discrétion des autorités des Forces canadiennes et que, par conséquent, les juges militaires qui désirent rester en fonction peuvent raisonnablement être perçus comme des personnes qui tentent d’obtenir un avantage auprès de l’exécutif, ce qui compromet leur indépendance. À mon avis, le libellé de l’instruction 14/04 fait en sorte qu’il est manifeste que tous les militaires de la force régulière au service des FC le 30 juin 2004 peuvent choisir de prendre leur retraite à 60 ans, et ce, sans avoir à obtenir l’approbation de la chaîne de commandement. Il n’est pas raisonnable de présumer que l’indépendance des juges militaires est compromise par la possibilité qu’un juge militaire puisse décider de rester en fonction jusqu’à l’âge de 60 ans.
RENOUVELLEMENT
[32] Premièrement, le demandeur fait valoir que le fait qu’un juge militaire soit nommé pour un mandat de cinq ans plutôt que jusqu’à sa retraite, et qu’il puisse cependant chercher à avoir un renouvellement de son mandat par l’exécutif, peut, sur le plan objectif, compromettre la perception de l’indépendance judiciaire; en effet, cela peut amener à croire raisonnablement que le juge militaire peut trancher de manière à influer favorablement sur un éventuel renouvellement de son mandat ou à obtenir certains autres avantages auprès de l’exécutif au moment où il cesse d’occuper ses fonctions judiciaires.
[33] Deuxièmement, le demandeur attire mon attention sur l’arrêt rendu par la Cour suprême du Canada dans l’affaire Ocean Port Hotel Ltd. c. Colombie-Britannique[35]; il prétend que, bien que les nominations pour une période déterminée puissent être appropriées dans le cas des tribunaux administratifs qui sont chargés de mettre en œuvre la politique gouvernementale dans le cadre des décisions quasi judiciaires, les nominations pour une période déterminée ne sont pas appropriées pour les juges qui n’interviennent pas, bien entendu, dans cette mise en œuvre.
[34] Troisièmement, le demandeur conteste le régime de renouvellement des mandats des juges militaires prévu aux articles 101.15 à 101.17 des ORFC, pour ce qui est de la composition du comité d’examen et des facteurs que le comité doit prendre en compte au moment de formuler des recommandations à l’intention du gouverneur en conseil concernant le renouvellement du mandat d’un juge militaire.
[35] L’intimée réplique que, dans le contexte du système de justice militaire, une nomination pour une période déterminée au cours de laquelle un juge militaire ne peut être révoqué de sa charge que pour un motif déterminé suffit pour répondre aux conditions afférentes à l’indépendance judiciaire. Le processus du renouvellement de mandat est, en réalité, appliqué de manière à ce que le juge militaire ne subisse aucune pression qui puisse influer sur l’issue des décisions judiciaires parce que le comité d’examen est un comité indépendant, qu’il est présumé agir conformément à la loi, que les facteurs qu’il doit prendre en compte sont précis et objectifs et qu’il ne peut pas tenir compte des décisions rendues par le juge militaire qui demande le renouvellement de son mandat.
[36] J’estime qu’il faut prendre note que la nomination des juges pour une période déterminée, bien qu’elle se produise, est très rare au Canada. Auparavant, les juges de la Haute Cour de justice siégeaient à vie, jusqu’à ce que soit modifiée la Constitution en 1960 qui a fixé l’âge de la retraite à 75 ans. À l’heure actuelle, tous les juges nommés par le gouvernement fédéral, notamment les juges de la Cour supérieur de chaque province, les juges de la Cour fédérale et les juges de la Cour canadienne de l'impôt, occupent leurs fonctions jusqu’à leur retraite[36]. Il en va de même pour tous les juges des cours provinciales de l’ensemble du Canada, bien que l’âge de la retraite varie d’un ressort provincial à l’autre. Dans certains ressorts provinciaux, même les juges de paix habiles à tenir une audience sont nommés jusqu’à leur retraite.
[37] La question de la nomination des juges militaires pour une période déterminée a été soulevée devant la Cour d’appel de la cour martiale dans l’arrêt R. c. Lauzon[37], dont il sera question ci-après. En dehors du contexte militaire, les nominations pour une période déterminée sont possibles pour les juges suppléants des cours territoriales des Territoires du Nord-Ouest[38] et du Yukon[39], ainsi que pour les juges suppléants de la Cour des petites créances de la Cour supérieure de justice de l’Ontario[40]. Dans bon nombre de ressorts provinciaux, un juge de la cour provinciale qui a pris sa retraite peut être nommé à titre de juge pour une durée déterminée[41].
[38] J’ai déjà fait remarquer que le rôle d’un juge militaire nommé en vertu des modifications apportées en 1999 à la Loi sur la défense nationale est très similaire à celui d’un juge civil qui préside une cour de juridiction criminelle partout au Canada. Un juge militaire tranche maintenant toutes les questions de droit, notamment pour ce qui est d’infliger la sentence appropriée (qui peut, bien entendu, faire l’objet d’un appel), mais sans avoir le pouvoir qui appartenait au président d’une cour martiale générale ou d’une cour martiale disciplinaire ou à la chaîne de commandement des Forces canadiennes, savoir de confirmer ou de modifier les décisions rendues par un juge militaire. Tout comme son homologue civil, le juge militaire peut rendre une ordonnance obligeant l’accusé à soumettre un prélèvement d’ADN dans le cadre de la détermination de la peine et il peut également rendre des ordonnances en matière d’interdiction d’armes. À l’instar d’un juge de paix civil, un juge militaire peut décerner un mandat de perquisition et traiter le sujet de la mise en liberté provisoire sous caution en attendant le procès. Tout comme un juge de cour provinciale, le juge militaire peut décerner un mandat visant le prélèvement d’échantillons d’ADN dans le cadre d’une enquête. Enfin, tout comme le juge civil, le juge militaire peut aborder les questions afférentes à la santé mentale de l’accusé, savoir son aptitude à subir son procès et la possibilité qu’il puisse invoquer comme moyen de défense le fait qu’il est « non responsable criminellement pour cause de troubles mentaux ».
[39] Le demandeur attire mon attention sur les analogies qui existent entre les fonctions de juge civil et de juge militaire et fait valoir avec insistance qu’il n’y a aucun motif d’ordre militaire pour justifier la différence dans la durée des fonctions. Il faut cependant rappeler que la question dont la présente cour est saisie n’est pas celle de savoir si la durée des fonctions des juges militaires devrait être la même que celle de leurs homologues civils, et ce, dans l’intérêt public, mais bien de déterminer si la Constitution interdit la nomination des juges militaires pour une période déterminée. Bien que la nature des fonctions judiciaires exercées par le juge en cause puisse très bien être un facteur approprié que le corps législatif doit prendre en compte au moment de décider de la durée des fonctions d’un juge, je suis d’avis qu’il s’agit d’un indice incertain quant aux limites des choix que le corps législatif peut faire, conformément aux exigences prévues dans la Constitution.
[40] La nomination des juges pour une durée fixe n’est pas, en soi, inconstitutionnelle. Comme l’a déclaré le juge LeDain dans l’arrêt Valente[42] :
[...] L'essence de l'inamovibilité pour les fins de l'al. 11d), que ce soit jusqu'à l'âge de la retraite, pour une durée fixe, ou pour une charge ad hoc, est que la charge soit à l'abri de toute intervention discrétionnaire ou arbitraire de la part de l'exécutif ou de l'autorité responsable des nominations. (C'est nous qui soulignons.)
[41] L’intimée prétend que la validité constitutionnelle de la nomination des juges militaires pour une période déterminée est réglée dans deux décisions, savoir l’arrêt R. c. Généreux de la Cour suprême du Canada et l’arrêt de la Cour d’appel de la cour martiale dans l’affaire R. c. Lauzon.
[42] Dans l’arrêt Généreux, la Cour suprême du Canada a examiné la question de savoir si la cour martiale générale était un tribunal indépendant et impartial aux fins de l’alinéa 11d) de la Charte. Le procès s’est déroulé à la fin mai de l’année 1989. Aux termes des dispositions de la Loi sur la défense nationale et des dispositions des ORFC en vigueur à l’époque, une cour martiale générale était composée d’un président et d’au moins quatre autres officiers nommés à la cour par une autorité convocatrice. La cour recevait l’aide d’un juge-avocat, conseiller juridique au service du cabinet du juge-avocat général ayant été spécialement formé à titre de juge militaire et affecté au dossier par le juge-avocat général. Comme l’a fait remarquer le juge en chef Lamer[43] :
Le juge-avocat remplit ses fonctions à la cour martiale générale à peu près de la même manière que le juge qui préside l'audience d'une cour de justice ordinaire. Il n'est cependant pas le juge des faits. Le juge-avocat est appelé à statuer sur les questions de droit ou sur les questions mixtes de droit et de fait survenant avant ou après l'ouverture du procès (par. 192(4) de la Loi). Il peut, avec la permission du président, expliquer aux membres de la cour martiale toute question qu'il peut lui sembler nécessaire ou souhaitable de traiter (par. 112.05(4a) O.R.F.C.). Dans certains cas, le président peut ordonner au juge-avocat de statuer sur une question de droit ou sur une question mixte de droit et de fait (art. 112.06 O.R.F.C.). La cour ne peut passer outre à l'avis du juge-avocat sur des questions de droit et de procédure que « pour des raisons très sérieuses » (art. 112.54 O.R.F.C.).
[43] Le juge en chef Lamer a fait remarquer qu’aux termes des règles qui s’appliquaient en 1989, le juge-avocat retournait à ses obligations légales au sein du cabinet du juge-avocat général après la tenue d’une cour martiale. Il avait conclu que cet arrangement était insuffisant pour ce qui est de l’inamovibilité parce que les règlements « ne protègent pas le juge-avocat contre l'ingérence discrétionnaire ou arbitraire de l'exécutif » du fait que le juge-avocat est affecté au dossier par le juge-avocat général, qui représente l’exécutif et qu’« il n'y avait objectivement aucune garantie que sa carrière de juge militaire ne serait pas compromise s'il rendait des décisions favorables à l'accusé plutôt qu'à la poursuite »[44].
[44] Le juge en chef Lamer fait valoir[45] :
[…] qu'une personne raisonnable aurait bien pu craindre que la personne nommée au poste de juge-avocat ait été choisie parce qu'elle avait satisfait aux intérêts de l'exécutif, ou du moins parce qu'elle n'avait pas sérieusement déçu les attentes de l'exécutif lors de procédures antérieures. Tout système de tribunaux militaires qui ne dissipe pas pareilles craintes est entaché d'un vice au regard de l'al. 11d). Par voie de conséquence, la condition essentielle de l'inamovibilité, dans ce contexte, exige à tout le moins la protection contre l'ingérence de l'exécutif pendant une période déterminée. La charge de juge militaire que remplit un officier ne doit pas, durant une certaine période, dépendre du pouvoir discrétionnaire de l'exécutif.
[45] Enfin, le juge en chef Lamer a fait remarquer que les modifications apportées aux ORFC à la suite du procès de Michel Généreux « semblent combler les principales lacunes de l'inamovibilité du juge-avocat »[46] et « ont remédié en grande partie à cette lacune [qu’est le manque d’indépendance institutionnelle] dans la mesure où c'était nécessaire dans le contexte des tribunaux militaires »[47]. Les modifications ont entraîné la nomination d’avocats militaires au poste de juge militaire de première instance pour une période variant entre deux et quatre ans (article 4.09 des ORFC), et le pouvoir de nommer un juge militaire qui est un juge-avocat de la cour martiale générale ou de la cour martiale disciplinaire n’est plus exercé par le juge-avocat général, mais bien par le juge militaire en chef (article 111.22 des ORFC).
[46] À la suite de l’arrêt Généreux, les nouvelles dispositions des ORFC ont été présentées à la Cour d’appel de la cour martiale dans l’arrêt R. c. Edwards[48]. Au moment d’entendre l’appel de la déclaration de culpabilité prononcée par la cour martiale disciplinaire, le juge en chef Strayer a adopté les déclarations incidentes du juge en chef Lamer dans l’arrêt Généreux et a statué que le juge-avocat occupant le poste de juge militaire de première instance au cabinet du juge-avocat général en vertu de l’article 4.09 des ORFC pour une période déterminée généralement fixée à quatre ans, mais en aucun cas inférieure à deux ans, jouissait d’une certaine inamovibilité qui, dans le contexte de la cour martiale, satisfaisait à la norme prévue à l’alinéa 11d) de la Charte.
[47] Le juge-avocat, dont le rôle a été examiné par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Généreux et par la Cour d’appel de la cour martiale dans l’arrêt Edwards, n’a que quelques points communs avec le juge militaire nommé en vertu des modifications apportées à la Loi sur la défense nationale en 1999. Le poste de juge-avocat ne pouvait pas, à quelque égard que ce soit, être distingué de celui de ces homologues en vertu du droit militaire de l’Angleterre. En ce qui concerne ce rôle, Clode a, en 1874, décrit la fonction de juge-avocat au sein de la cour martiale générale en citant des auteurs anciens[49], savoir :
[TRADUCTION]
Le juge-avocat ne peut pas s’ingérer dans une décision relevant de son propre pouvoir à l’avantage de la cour martiale (le président et les membres en sont les seuls responsables). Le juge-avocat ne dispose d’aucun pouvoir judiciaire ou vote déterminant, que ce soit au moment de déterminer la peine ou de faire connaître les idées interlocutoires de la cour; il n’est donc pas autorisé à réglementer ou à imposer de telles peines ou à faire connaître les idées de la cour.
[48] Dans l’arrêt Lauzon[50], la Cour d’appel de la cour martiale a entendu une contestation similaire fondée sur l’alinéa 11d) de la Charte, mais cette fois dans le contexte de la cour martiale permanente. Elle a déclaré ce qui suit au paragraphe 26 :
Comme notre Cour d'appel l'a décidé dans l'arrêt R. c. Edwards [...] l'affectation des membres à un poste de juge militaire pour une durée fixe, même si cette période n'est pas à vie, garantit l'indépendance institutionnelle [...]
[49] À la cour martiale permanente, les fonctions judiciaires du juge militaire sont beaucoup plus importantes que celles du juge-avocat siégeant à une cour martiale générale. Néanmoins, la Cour d’appel de la cour martiale ne semble pas avoir fait cette distinction au moment d’aborder la question de l’indépendance judiciaire des juges militaires siégeant à la cour martiale permanente.
[50] Puisque l’affaire portait surtout sur l’indépendance du juge-avocat siégeant à une cour martiale générale, je ne suis pas d’avis que l’arrêt Généreux soit déterminant en l’espèce. Je considère que la question dont je suis saisi, savoir la validité constitutionnelle des nominations pour une durée déterminée des juges militaires qui président une cour martiale permanente, a été réglée par l’arrêt Lauzon. Une nomination pour une période déterminée de 5 ans, dans le cas des juges militaires, n’est pas, en soi, inconstitutionnelle.
[51] Invoquant l’arrêt Ocean Port Hotels Ltd[51], le demandeur prétend qu’une nomination pour une période déterminée peut être appropriée dans le cas des tribunaux administratifs, mais pas dans celui d’un tribunal qui exerce les fonctions judiciaires d’un juge militaire. Selon moi, la présente affaire n’étaye pas la thèse selon laquelle la nomination à durée déterminée d’un tribunal exerçant les fonctions judiciaires est incompatible avec l’alinéa 11d) de la Charte[52]. Cette question n’a pas été abordée dans l’arrêt Ocean Port Hotels parce que cette affaire ne porte que sur l’interprétation des mesures législatives qui créent les tribunaux administratifs.
[52] Que dire d’un régime visant le renouvellement du mandat d’un juge pour une période déterminée?
[53] Dans l’arrêt Lauzon, l’accusé a prétendu que la possibilité qu’un juge militaire soit reconduit dans ses fonctions porte atteinte au principe de l’inamovibilité des juges militaires de première instance. La Cour a toutefois déclaré ce qui suit[53] :
[27] À notre avis, le fait que l'affectation d'un officier à un poste de juge militaire soit renouvelable ne conduit pas nécessairement à une conclusion d'absence d'indépendance institutionnelle si ce processus de renouvellement est assorti de garanties importantes et suffisantes pour assurer que la Cour et le juge militaire en question soient à l'abri de pressions du pouvoir exécutif pouvant influer sur le sort des décisions à venir [...]
[54] Parmi les quelques exemples qui existent ailleurs, en droit canadien, en ce qui concerne les juges nommés pour une période déterminée, citons les clauses sur le renouvellement des mandats de ces juges. J’en viens à la conclusion que le fait que le mandat d’un juge militaire puisse être renouvelé ne viole pas, en soi, la garantie de l’indépendance des juges militaires.
[55] Mais, comme nous le rappelle cet extrait de l’arrêt Lauzon, les conditions du renouvellement du mandat des juges peuvent être contraires au principe de l’indépendance judiciaire, principe protégé par l’alinéa 11d) de la Charte. Par exemple, la nouvelle nomination des juges provinciaux par l’exécutif, après leur départ à la retraite, afin qu’ils occupent leurs fonctions « à titre amovible », a été jugée incompatible avec l’alinéa 11d) dans l’arrêt Valente[54].
[56] La difficulté a été cernée par le juge Stevenson dans l’arrêt Généreux, où il fait remarquer que[55] :
[…] lorsque la période d'inamovibilité tire à sa fin, les juges militaires peuvent vouloir s'assurer d'une nouvelle nomination ou de toute autre forme d'avancement. Il serait donc dans l'intérêt de ces juges de plaire à l'« exécutif » [...]
[57] Dans ses observations écrites portant sur la sécurité financière des juges militaires, le demandeur a renvoyé à l’importante perte de rémunération qu’un juge militaire subit s’il redevient avocat à la Branche des services juridiques des Forces canadiennes, après avoir été juge militaire. Il ne fait aucun doute que, dans ce contexte, les rétributions financières constituent une mesure d’encouragement pour qu’un juge militaire demeure en poste, bien qu’il y ait sans aucun doute d’autres facteurs dont l’importance relative variera, bien entendu, en fonction de la personne visée.
[58] Il est manifeste, toutefois, que tout régime de renouvellement de la nomination d’un juge militaire pour une période déterminée doit être conçu avec soin de manière à éviter toute perception raisonnable selon laquelle les décisions rendues par un juge militaire pourraient être influencées par la perspective d’une nouvelle nomination. En tenant compte de ce principe, j’ai entrepris un examen des conditions du renouvellement du mandat d’un juge militaire aux termes des ORFC.
(i) Structure du comité d’examen
[59] Le renouvellement du mandat d’un juge militaire est effectué par le gouverneur en conseil, sur recommandation d’un comité d’examen établi en vertu des règlements. L’article 101.15 des ORFC prévoit que le comité d’examen se compose de trois membres nommés par le gouverneur en conseil et que ces membres sont nommés pour une période maximale de quatre ans. Le comité se compose d’un juge de la Cour d’appel de la cour martiale proposé par le juge en chef de cette cour qui agira à titre de président, d’un avocat civil proposé par le ministre de la Justice et d’une personne proposée par le ministre de la Défense nationale qui n’est ni un avocat militaire œuvrant au sein des Forces canadiennes ni un policier militaire.
[60] Je rejette l’observation de l’avocat de l’intimée selon laquelle le comité d’examen, dans sa forme actuelle prévue par les règlements, est indépendant. Il est évident que le comité, bien qu’il comprenne un membre de la magistrature, savoir le juge de la Cour d’appel de la cour martiale, se compose principalement de personnes proposées par l’exécutif qui, par conséquent, peuvent raisonnablement être perçues comme des personnes représentant les intérêts de l’exécutif. Il n’y a, à coup sûr, aucune disposition dans les règlements pour empêcher une autorité qui propose des candidatures de proposer le nom d’une personne qui, selon ce qu’elle croit, fera avancer ses intérêts.
[61] Mais le renouvellement du mandat des juges ne devrait pas être une affaire de négociation des intérêts d’une branche du gouvernement au détriment de ceux d’une autre. De nos jours, le pouvoir de renouveler le mandat des juges nommés pour une période déterminée appartient, soit au titulaire d’un poste judiciaire, soit au conseil de la magistrature[56], un organe où les juges habiles à tenir une audience prédominent. Par exemple, la nouvelle nomination des juges provinciaux à la retraite à des mandats successifs est généralement faite par le juge en chef provincial[57]. La nouvelle nomination d’un juge en chef à la retraite incombe au conseil de la magistrature[58].
[62] Dans certains cas, la nouvelle nomination peut être faite par l’exécutif, mais à la demande ou sur recommandation d’une personne exerçant des fonctions judiciaires[59] ou d’un conseil de la magistrature[60].
[63] Dans l’un ou l’autre des cas, il est manifeste que les fonctions judiciaires doivent prévaloir au moment de trancher la question de l’inamovibilité.
[64] Je ne suis pas convaincu qu’il y ait des circonstances propres à l’appareil judiciaire militaire qui puissent justifier un rôle accru de l’exécutif et une diminution en parallèle du rôle de la magistrature, dans le processus de renouvellement du mandat. Par conséquent, je conclus qu’en ce qui concerne l’appareil judiciaire militaire, une perception raisonnable d’indépendance dans le processus de renouvellement du mandat exige que le gouverneur en conseil agisse sur avis d’un organe composé principalement de personnes provenant de la magistrature. Le comité d’examen établi en vertu de l’article 101.15 des ORFC ne respecte pas cette norme.
(ii) Facteurs à prendre en compte pour le comité d’examen
[65] L’article 101.17 des ORFC porte sur le processus que le comité d’examen doit suivre et prévoit, au paragraphe 101.17(2), les facteurs sur lesquels le comité doit se fonder pour faire ses recommandations. Parmi les questions qui seront examinées par le comité, citons les exigences du Cabinet du juge militaire en chef, notamment « tout changement d’effectif anticipé qui soit augmenterait soit diminuerait le tableau de l’effectif au sein du cabinet ». Ceci doit renvoyer aux changements qui sont anticipés par l’exécutif. À mon avis, lorsque l’exécutif prévoit une diminution du nombre de juges, il faut le faire au cours de la nomination initiale, simplement en s’abstenant de procéder à une nouvelle nomination. Il est incompatible avec l’indépendance des juges habiles à tenir une audience que l’exécutif puisse se débarrasser des juges habiles à tenir une audience en diminuant simplement l’effectif autorisé et en attendant qu’une nomination existante prenne fin. Ceci ne ferait que de renforcer l’allégation selon laquelle les juges habiles à tenir une audience ont grand intérêt à plaire à l’exécutif s’ils veulent que leur mandat soit renouvelé.
[66] Le comité doit aussi voir quelles sont les exigences relatives aux langues officielles au sein du cabinet. Une fois de plus, il s’agit d’un important facteur à prendre en compte au cours de la nomination initiale pour que l’appareil judiciaire militaire corresponde bien à la tradition linguistique du Canada et soit en mesure de respecter la langue du procès choisie par l’accusé. Bien que ce facteur soit un motif valable pour l’exécutif au moment de procéder à la nomination initiale des juges, il est, selon moi, dénué d’intérêt pour les questions auxquelles un comité d’examen dûment constitué devrait tenir compte.
[67] En vertu de l’alinéa 101.17(2)b), le comité doit de se fonder sur « toute exigence militaire impérieuse ayant pour effet d’employer le juge militaire en cause dans une fonction autre qu’à ce titre ailleurs dans les Forces canadiennes à l’expiration de son mandat ». Ce facteur accorde beaucoup trop d’importance aux intérêts de l’exécutif pour ce qui est de la formulation d’une recommandation visant le renouvellement du mandat des juges. Là encore, une personne raisonnable pourrait raisonnablement percevoir qu’un juge habile à tenir une audience soit tenté de trancher d’une manière qui plaise à l’exécutif pour qu’il ne décide pas que le juge devrait être employé dans une autre fonction non judiciaire ailleurs dans les Forces canadiennes.
[68] Aux termes de l’alinéa 101.17(2)c), le comité doit se fonder sur « la condition physique et de santé requises du juge militaire pour exercer des fonctions militaires à titre d’avocat militaire ». Je ne comprends pas la pertinence éventuelle de ce facteur par rapport à la question dont le comité aurait à délibérer. Si un juge n’est pas en mesure d’exercer des fonctions militaires en raison d’une mauvaise condition physique et de santé, la question devrait aller devant un comité d’enquête qui devra envisager une révocation de la charge du juge militaire. Autrement, je ne comprends pas la pertinence de ces facteurs pour décider de la capacité d’un juge à continuer d’exercer ses fonctions judiciaires. Si, à la fin de sa nomination pour une période déterminée, un juge ne remplit plus les critères prescrits pour ce qui est de la condition physique et de santé, le comité d’examen recommandera-t-il que le mandat du juge ne soit pas renouvelé et que le juge retourne à la Branche des services juridiques des Forces canadiennes, là où il a été recruté, et ce, malgré ses faiblesses physiques ou de santé? Ou est-ce que le fait qu’un juge ne soit plus au niveau des normes de la condition physique constitue un motif pour recommander le renouvellement de son mandat à titre de juge parce qu’il ne satisfait plus à la norme de condition physique ou de santé exigée pour le poste d’avocat militaire? Je n’arrive tout simplement pas à voir la logique de ce facteur.
(iii) Norme à appliquer
[69] Il est important de voir que les règlements ne contiennent aucune norme qui doit être appliquée par le comité d’examen dans la formulation de ses recommandations au gouverneur en conseil.
[70] L’absence de normes clairement exprimées était une caractéristique du régime de renouvellement des mandats des juges militaires que le juge Létourneau a prise en compte dans l’arrêt Lauzon, lorsqu’il a constaté que le processus de réaffectation, par le Ministre, « dépend de l'entière discrétion du Ministre, sans aucune norme ou balise protectrice, ce qui, à toute fin pratique, équivaut à mettre, sans cause, un terme à ses fonctions » et que « […] l'absence de normes pour le renouvellement des mandats n'offre pas de garanties objectives suffisantes d'indépendance »[61]. (C'est nous qui soulignons.)
[71] Bien que les règlements prévoient clairement une liste incomplète de certains facteurs sur lesquels le comité doit se fonder (quelques-uns d’entre eux ont déjà été traités ci-dessus), ces facteurs ne sont pas attribuables à une norme ou balise qui servirait à informer des débats du comité et à les orienter. Si le processus de renouvellement du mandat incombait à la magistrature, on pourrait en déduire que la norme à appliquer est l’intérêt de l’administration de la justice militaire, mais une telle norme n’est pas écrite noir sur blanc à l’article 101.17 des ORFC dans sa forme actuelle.
[72] J’en viens donc à la conclusion qu’en raison de ces lacunes, prises collectivement, le régime de renouvellement des mandats des juges militaires n’offre pas les « garanties importantes et suffisantes » dont parlait le juge Létourneau dans l’arrêt Lauzon et, par conséquent, que le régime ne répond pas à la norme d’inamovibilité imposée par l’alinéa 11d) de la Charte.
[73] L’intimée prétend que le régime de renouvellement n’est pas inconstitutionnel du fait que le comité d’examen doit agir conformément aux principes de la justice naturelle et, par conséquent, doit agir raisonnablement et ne pas tenir compte des questions étrangères à l’objet du débat. Ainsi, en vertu du paragraphe 101.17(3) des ORFC, le comité d’examen ne doit pas tenir compte des décisions rendues par le juge militaire.
[74] Il est toujours possible, bien entendu, pour un décideur prévu par la loi d’agir de manière appropriée. Il s’agit de savoir si cela suffit pour répondre à la prescription constitutionnelle de la garantie objective d’indépendance judiciaire. Selon moi, la position adoptée par l’intimée trouve nettement écho dans la réponse formulée par le juge en chef Lamer dans l’arrêt Canadien Pacifique Ltée c. Bande indienne de Matsqui[62] :
[...] L'indépendance institutionnelle vise à faire en sorte qu'un tribunal soit doté d'une structure juridique qui permette que ses membres soient, dans une mesure raisonnable, indépendants des personnes auxquelles ils doivent leur nomination. Or, mon collègue le juge Sopinka semble estimer que les bandes appelantes peuvent exercer d'une manière qui comble les lacunes fondamentales des règlements administratifs le pouvoir discrétionnaire que ces règlements leur confèrent relativement aux questions financières et à la durée des fonctions. Avec égards, il est toujours possible d'exercer un pouvoir discrétionnaire d'une manière conforme à la justice naturelle. Le problème réside dans le pouvoir discrétionnaire lui-même, puisque la raison d'être de la doctrine de l'indépendance institutionnelle consiste précisément à faire en sorte que la question de l'indépendance d'un tribunal ne soit pas laissée au pouvoir discrétionnaire de ceux qui en nomment les membres. À mon avis, c'est faire preuve d'incohérence que de reconnaître l'applicabilité du principe de l'indépendance institutionnelle en l'espèce et de conclure par ailleurs que le problème de l'absence d'une disposition prévoyant cette indépendance dans les règlements administratifs peut être réglé par l'exercice des pouvoirs discrétionnaires conférés aux chefs et conseils de bande par lesdits règlements. L'indépendance institutionnelle et le pouvoir discrétionnaire de prévoir cette indépendance (ou de ne pas la prévoir) sont deux choses bien distinctes. L'indépendance qui repose sur un pouvoir discrétionnaire n'est qu'illusoire (passages soulignés dans la version originale).
[75] Le comité d’examen, dans la forme prévue dans les ORFC, ne respecte pas le critère d’inamovibilité exigé par l’indépendance judiciaire.
RETRAIT DES FONCTIONS
[76] L’article 19.75 des ORFC porte sur le retrait des fonctions militaires. La disposition exécutoire est le paragraphe (4) qui prévoit ce qui suit :
(4) Une autorité peut retirer un officier ou militaire du rang de ses fonctions militaires lorsqu’elle juge le retrait nécessaire pour le séparer de son unité dans des cas autres que ceux visés à l’alinéa 101.08(3).
[77] En vertu du paragraphe (2), le chef d’état-major de la défense ou l’officier commandant un commandement sont les autorités investies du pouvoir de retirer un officier ou militaire du rang de ses fonctions militaires. Un article distinct porte sur le retrait des fonctions militaires lorsque le militaire en question fait l’objet d’une enquête pour une infraction à une loi fédérale ou provinciale, est accusé d’avoir commis cette infraction ou a été reconnu coupable de cette infraction[63].
[78] Le demandeur prétend que l’article 19.75 confère au chef d’état-major de la défense et à l’officier commandant un commandement le pouvoir de suspendre temporairement un juge militaire de l’exécution de ses fonctions judiciaires et que ce pouvoir est incompatible avec l’indépendance institutionnelle exigée des juges militaires.
[79] Les fonctions des juges militaires sont prévues à l’article 165.23 de la Loi sur la défense nationale :
(1) Les juges militaires président les cours martiales et exercent les autres fonctions judiciaires qui leur sont conférées sous le régime de la présente loi.
(2) Ils exercent en outre toute autre fonction que leur confie le juge militaire en chef et qui n’est pas incompatible avec leurs fonctions judiciaires.
(3) Ils peuvent, avec l’agrément du juge militaire en chef, être nommés pour agir à titre de commission d’enquête.
[80] Selon moi, les fonctions judiciaires des juges militaires sont des fonctions militaires au sens de l’article 19.75. Les juges militaires qui exécutent des fonctions judiciaires sont donc visés par la portée de cet article.
[81] Compte tenu du pouvoir conféré par cet article, il serait raisonnable pour une personne de conclure qu’un juge militaire peut être retiré de ses fonctions de juge si les décisions qu’il rend déplaisent à l’exécutif et sont contraires à ses attentes (l’exécutif étant représenté par le chef d’état-major de la défense ou l’officier commandant un commandement). Inversement, il serait raisonnable de présumer que les juges militaires qui continuent d’exercer leurs fonctions judiciaires sont ceux dont les décisions n’ont pas déplu à la chaîne de commandement et été contraires aux attentes de cette dernière par le passé. Ces deux visions, bien qu’elles soient raisonnables, sont incompatibles avec une magistrature indépendante de l’exécutif. Par conséquent, à première vue, cet article confère un pouvoir aux juges militaires qui est incompatible avec l’indépendance requise pour occuper une fonction judiciaire.
[82] L’intimée réplique que le pouvoir de suspendre temporairement les juges militaires de leurs fonctions devrait être interprété sous réserve de l’exigence réglementaire d’une recommandation du comité d’enquête pour ce qui est de la révocation de la charge, conformément au paragraphe 165.21(2) de la Loi sur la défense nationale.
[83] Selon moi, le pouvoir de la chaîne de commandement de suspendre temporairement un juge militaire de ses fonctions, conformément à l’article 19.75 des ORFC, est très différent du pouvoir de révocation permanente de la charge dont jouit le gouverneur en conseil, comme il est prévu au paragraphe 165.21(2) de la Loi, et le pouvoir conféré par l’article 19.75 ne peut pas être interprété comme étant soumis au pouvoir conféré par le paragraphe 165.21(2). Ces pouvoirs sont toutefois semblables du point de vue de leur incidence sur l’inamovibilité des juges militaires. Il s’ensuit que l’application possible du pouvoir prévu à l’article 19.75 aux juges militaires viole le droit garanti par la Charte à un tribunal indépendant.
SÉCURITÉ FINANCIÈRE
[84] La sécurité financière est la deuxième caractéristique essentielle sur laquelle le juge Major a attiré l’attention dans l’arrêt Colombie-Britannique c. Imperial Tobacco. Dans l’arrêt Valente, le juge LeDain a écrit que la sécurité financière[64]
[…] veut dire un traitement ou autre rémunération assurés et, le cas échéant, une pension assurée. Cette sécurité consiste essentiellement en ce que le droit au traitement et à la pension soit prévu par la loi et ne soit pas sujet aux ingérences arbitraires de l'exécutif, d'une manière qui pourrait affecter l'indépendance judiciaire. Dans le cas de la pension, la distinction essentielle est entre un droit à une pension et une pension qui dépend du bon vouloir ou des bonnes grâces de l'exécutif.
[85] Ce sont les organes politiques du gouvernement, le législatif et l’exécutif, qui versent les traitements et les autres avantages des juges, notamment les pensions, et la loi permet clairement à ces organes de modifier le montant de ces traitements et avantages en les majorant ou en les diminuant. Mais, comme l’a prétendu la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Renvoi relatif à la rémunération des juges de la Cour provinciale (Î.-P.-É.)[65], la Constitution exige que les gouvernements apportent des changements aux traitements et aux avantages des juges mais seulement après avoir examiné les recommandations d’un comité ou d’une commission qui soit indépendant du gouvernement, et dont les recommandations soient exécutoires et qui tienne compte de critères objectifs pour formuler ses recommandations[66]. Le gouvernement peut décider d’écarter les recommandations de ce comité seulement en justifiant sa décision d’après une norme de rationalité.
[86] Le processus de la commission indépendante s’applique à la détermination des traitements et des avantages des juges parce que les juges, à la différences des employés, ne peuvent pas négocier, individuellement ou collectivement, leur rémunération. Le processus de la négociation implique, en soi, qu’il y ait des attentes mutuelles entre les parties à la négociation et que ces attentes soient simplement incompatibles avec les fonctions judiciaires[67]. Le processus de la commission indépendante a pour objet de remplacer ces mécanismes et de favoriser l’équité, tant pour les juges que pour les fonds publics grâce auxquels les juges sont payés, tout en maintenant l’intégrité de la prise de décisions judiciaires.
[87] En dernier lieu, la rémunération des juges ne peut pas être inférieure à un « minimum » requis, savoir le niveau de sécurité financière minimal pour la charge de juge qui est nécessaire au maintien de la confiance du public dans l’indépendance de la magistrature[68].
SOLDE DES JUGES MILITAIRES
[88] Depuis l’entrée en vigueur des modifications importantes apportées à la Loi sur la défense nationale en 1999, la solde des juges militaires a été fixée par l’exécutif[69], à la suite de la recommandation formulée par le Comité d’examen de la rémunération des juges militaires établi en vertu de l’article 204.23 des ORFC.
[89] Le demandeur ne laisse nullement entendre que le processus du Comité d’examen de la rémunération des juges militaires ne respecte pas les normes que sont l’indépendance, l’efficacité et l’objectivité. Ces normes ont été formulées par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Renvoi relatif à la rémunération des juges de la Cour provinciale (Î.-P.-É.). Il fait plutôt valoir que, du fait que les dispositions garantissant un traitement aux juges militaires sont prévues au règlement et non pas dans la loi elle-même, elles risquent d’être manipulées et modifiées par l’exécutif, et ce, sans contrôle parlementaire. C’est pourquoi, il prétend que la loi est inconstitutionnelle, tout comme les ORFC qui établissent le Comité d’examen de la rémunération et prévoient ses processus.
[90] J’ai déjà eu affaire à un argument semblable dans le cadre d’une affaire d’inamovibilité. Selon moi, le fait que ces dispositions, bien qu’elles soient requises par la Constitution pour assurer l’indépendance judiciaire, sont incluses dans les règlements plutôt que dans la loi habilitante n’a aucune incidence sur l’indépendance judiciaire.
[91] Un point de vue semblable à celui du demandeur en l’espèce a été adopté dans l’arrêt Valente du fait que les traitements des juges de cour provinciale de l’Ontario, étaient alors fixés par règlement. Le juge LeDain écrit ce qui suit[70] :
La principale objection apportée à la façon dont les traitements des juges de cour provinciale sont fixés, est qu'ils ne sont pas fixés par le corps législatif et qu'ils ne grèvent pas le Fonds du revenu consolidé. Ces deux conditions ont traditionnellement été considérées comme offrant le plus haut degré de sécurité en matière de traitement des juges [...]
Bien qu'il puisse être théoriquement préférable que les traitements des juges soient fixés par le corps législatif, plutôt que par le pouvoir exécutif, et qu'ils grèvent le Fonds du revenu consolidé, plutôt que d'exiger une affectation de crédit annuelle, je ne pense pas que l'une ou l'autre de ces caractéristiques doive être considérée comme essentielle à la sécurité financière qui peut être raisonnablement perçue comme suffisante pour assurer l'indépendance au sens de l'al. 11d) de la Charte [...]
[92] Je conclus que l’indépendance judiciaire des juges militaires n’exige pas que leurs traitements soient fixés de manière légale et que la contestation concernant les dispositions législatives et réglementaires portant sur la solde des juges militaires échoue.
[93] En dernier lieu, aux paragraphes 37 à 41 de ses observations écrites, le demandeur constate que la solde des juges militaires est bien supérieure à celle des avocats militaires œuvrant au sein de la Direction générale du juge-avocat général et que si, à la fin de ses fonctions judiciaires, un juge voulait retourner travailler à la Branche des services juridiques, le traitement qu’il recevrait à titre d’avocat militaire serait inférieur au minimum nécessaire pour maintenir la confiance du public dans le système judiciaire.
[94] Il a été question de cette observation dans mon exposé sur l’inamovibilité, sujet où ce point est, selon moi, des plus pertinents. Aucun élément de preuve n’a été présenté à la cour, à mon sens, sur le traitement minimum que devraient recevoir les juges militaires pour assurer le niveau de sécurité financière exigé par l’indépendance judiciaire. Par ailleurs, il faut rappeler que l’exigence de la sécurité financière des juges est due au fait que le manque de sécurité financière pourrait avoir une incidence, aux yeux d’une personne raisonnable, sur la prise de décision judiciaire. Cette préoccupation disparaît une fois que le juge a quitté ses fonctions judiciaires.
PENSIONS DES JUGES MILITAIRES
[95] Il n’existe pas de régime de pension distinct pour les juges militaires, mais en tant que militaires du rang de la force régulière, ils sont des contributeurs qui sont autorisés à recevoir des prestations de pension en vertu de la Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes[71]. Le demandeur ne conteste pas le fait que les juges militaires sont, en règle générale, considérés comme des membres des Forces canadiennes aux fins de la pension. Si l’on en croit l’arrêt rendu par la Cour suprême du Canada dans l’affaire Valente, il est peu probable que l’auteur de cette contestation générale puisse avoir gain de cause[72].
[96] Le demandeur conteste toutefois deux des dispositions de la Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes au motif qu’elles sont incompatibles avec le principe de l’indépendance judiciaire.
[97] La première de ces dispositions est le sous-alinéa 18(2)c)(iii) de la Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes, qui permet à un contributeur qui est obligatoirement retraité de la force régulière, après y avoir servi pendant dix ans ou plus mais moins de vingt ans, de recevoir une annuité immédiate réduite au lieu d’un remboursement de contributions ou d’une annuité différée, sous réserve du consentement du ministre de la Défense nationale. Le demandeur fait valoir que le consentement du ministre permet d’envisager la négociation des prestations de pension entre l’exécutif et le juge à la retraite et que la négociation entre l’exécutif et la magistrature, pour ce qui est des questions financières, est incompatible avec l’arrêt rendu par la Cour dans l’affaire Renvoi relatif à la rémunération des juges de la Cour provinciale (Î.-P.-É.)[73].
[98] À mon avis, le simple fait que l’exécutif ait le pouvoir d’administrer les prestations de pension d’un juge quand il part à la retraite de ses fonctions judiciaires ne viole pas les principes de la sécurité financière qui caractérisent l’indépendance judiciaire. Ce pouvoir est une caractéristique nécessaire à l’administration de tous les régimes de retraite du secteur public dont les prestations sont versées grâce aux fonds publics. La négociation des prestations de pension après avoir pris sa retraite n’est pas le genre de négociation qui a été interdit dans l’arrêt Renvoi relatif à la rémunération des juges de la Cour provinciale (Î.-P.-É.) pour cause de conflit avec le principe de l’indépendance judiciaire, et la perspective d’avoir à prendre part à ce type de négociation à l’avenir ne peut pas être raisonnablement perçue comme ayant une incidence sur le processus de la prise de décision judiciaire au moment où le juge occupe son poste.
[99] La deuxième disposition de la Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes, qui est contestée en l’espèce, est le paragraphe 49(4). L’article 49 de la Loi constitue le Conseil des pensions militaires qui a pour mission d’établir et de certifier, dans le cas de tout contributeur retraité de la force régulière, la « raison de sa retraite ». Le montant de la prestation de pension qui sera versé en vertu de la Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes peut varier en fonction de la raison de la retraite. Aux termes du paragraphe (4), le Conseil du Trésor peut exclure des cas ou catégories de cas de la compétence du Conseil des pensions militaires.
[100] Le demandeur fait valoir qu’un juge militaire à la retraite peut présenter des observations au Conseil des pensions militaires quant à la raison appropriée de la retraite d’après laquelle les prestations de pension du juge doivent être fixées et que ceci donne lieu à une négociation inacceptable sur les prestations de pension. Le demandeur demande le prononcé d’une ordonnance selon laquelle les dispositions de l’article 49 doivent faire l’objet d’une interprétation atténuée de manière à ne pas s’appliquer aux juges militaires.
[101] Une fois de plus, je ne crois pas qu’il s’agisse du type de négociation que le juge en chef Lamer visait dans l’arrêt Renvoi relatif à la rémunération des juges de la Cour provinciale (Î.-P.-É.). Dans le cadre de sa plaidoirie, l’avocat du demandeur a convenu qu’il serait déraisonnable pour le Conseil des pensions militaires de tenir compte des décisions rendues par un juge au moment d’établir la raison adéquate de la retraite de ce juge. Il ne serait pas raisonnable pour quiconque de présumer que la prise de décision judiciaire puisse varier à cause des préoccupations du juge sur la manière dont il pourrait être traité par le Conseil des pensions militaires après son départ à la retraite.
INDÉPENDANCE ADMINISTRATIVE
[102] La troisième et dernière caractéristique essentielle de l’indépendance judiciaire est l’indépendance administrative, ce qui concerne les affaires administratives qui touchent directement l’exercice de la fonction judiciaire, notamment l’affectation des juges, les audiences de la cour, l’attribution des salles d’audience et la tenue du rôle d’audience, ainsi que la gestion du personnel administratif qui s’occupe de ces fonctions.
CABINET DU JUGE MILITAIRE EN CHEF
[103] Le demandeur prétend que deux des dispositions des ORFC portant sur l’organisation des Forces canadiennes sont généralement inconstitutionnelles dans la mesure où elles renvoient au Cabinet du juge militaire en chef, et ce, parce qu’elles sont incompatibles avec l’indépendance administrative qui caractérise l’indépendance judiciaire. Le paragraphe 2.07(2) des ORFC confère au chef d’état-major de la défense le pouvoir de déterminer l’effectif d’officiers et militaires du rang de chaque unité des Forces canadiennes. Le paragraphe 3.21(1) des ORFC porte qu’« à moins que le chef d’état-major de la défense n’en dispose autrement », l’officier commandant un commandement détient le pouvoir de commander toutes les unités, etc. affectées à son commandement.
[104] Les parties ont convenu de certains faits dans le cadre du présent litige. Ces faits sont consignés par écrit et présentés en tant qu’élément de preuve dans le cadre de la présente demande à titre de pièce VD1-8, d’où j’ai tiré la citation suivante :
[TRADUCTION]
« [...] En vertu de l’Arrêté ministériel d’organisation 2000007, le ministre de la
Défense nationale a autorisé l’organisation du Cabinet du juge militaire en chef à titre d’unité des Forces canadiennes faisant partie de la force régulière, avec l’ID MIN 3763. L’Ordonnance des organisations des Forces canadiennes 3763 en date du 20 février 2002 remplace l’Ordonnance des organisations des Forces canadiennes 3763 en date du 26 février 1998 et précise, au paragraphe 4, le rôle du juge militaire en chef à titre de commandant du Cabinet du juge militaire en chef. Ce commandant exerce également les pouvoirs et la compétence d’un officier commandant un commandement pour ce qui est du personnel, et ce, pour le compte du Cabinet du juge militaire en chef, sauf en ce qui a trait aux demandes de redressement de grief et aux questions disciplinaires. »
[105] Le demandeur fait valoir qu’en vertu du paragraphe 3.21(1) des ORFC , le chef d’état-major de la défense conserve le pouvoir de décider de quelle manière le juge militaire en chef, à titre d’officier commandant un commandement, exercera son pouvoir par rapport à ce commandement et que ce pouvoir est incompatible avec l’indépendance judiciaire. Il allègue que le Cabinet du juge militaire en chef devrait être créé en vertu d’une loi plutôt qu’en vertu d’une simple directive administrative qui pourrait être annulée d’un trait de plume.
[106] Selon moi, les préoccupations exprimées par le demandeur dans la présente partie de ses observations n’entrent pas dans le domaine décrit par le juge LeDain comme étant « essentiel ou comme une exigence minimale de l'indépendance institutionnelle ou “collective” » des juges militaires[74].
[107] L’Ordonnance des organisations des Forces canadiennes 3763 en date du 20 février 2002 est une pièce dont je suis saisi sous la cote VD1-2[75]. Il est question, dans cette Ordonnance, du rôle du juge militaire en chef au moment de nommer les juges militaires et les militaires qui présideront les tribunaux militaires, de l’offre des services d’un sténographe judiciaire, ainsi que de la chaîne de commandement en ce qui a trait aux griefs déposés devant le Cabinet du juge militaire en chef et aux questions disciplinaires soumises à ce Cabinet. Cette Ordonnance porte que le document est un document organisationnel [TRADUCTION] « et qu’il ne saurait être utilisé à des fins autres qu’organisationnelles ». Et surtout, aucune des dispositions de cette Ordonnance n’a pour objet de donner des directives au juge militaire en chef dans le cadre de l’exercice des fonctions judiciaires dont a traité le juge LeDain.
[108] Selon moi, les mesures d’ordre administratif dont se plaint le demandeur ressemblent, en quelque sorte, à la relation qui existe entre un procureur général provincial dont le ministère emploie du personnel judiciaire, d’une part, et les juges qui sont aidés dans l’exercice de leurs fonctions judiciaires par ce personnel, d’autre part. Le pouvoir que peut exercer l’exécutif à titre d’employeur sur le personnel judiciaire à son emploi ne s’étend pas aux questions qui iraient à l’encontre des conditions essentielles de l’indépendance administrative du système judiciaire. Les mesures d’ordre administratif régissant le Cabinet du juge militaire en chef, comme elles sont énoncées dans les ORFC ou autrement établies devant moi en tant qu’élément de preuve, ne dépassent pas cette limite.
GRIEFS
[109] Déjà au temps des Articles of War de 1672, le soldat avait le droit de présenter une pétition à ses supérieurs pour demander la réparation d’un préjudice que lui avait causé un supérieur[76]. Ce droit est maintenant inclus au paragraphe 29(1) de la Loi sur la défense nationale, qui est libellé de la manière suivante :
29.(1) Tout officier ou militaire du rang qui s’estime lésé par une décision, un acte ou une omission dans les affaires des Forces canadiennes a le droit de déposer un grief dans le cas où aucun autre recours de réparation ne lui est ouvert sous le régime de la présente loi.
[110] En vertu de la loi, le chef d’état-major de la défense est l’autorité de dernière instance en matière de règlement de griefs[77], mais ce dernier peut (et dans des cas prescrits, il doit) renvoyer un grief devant le Comité des griefs, qui formulera une recommandation non exécutoire.
[111] Le demandeur insiste sur le fait qu’il n’y a aucun arrangement particulier pour régler un grief pouvant être déposé par un juge militaire et il allègue qu’un grief déposé par un juge militaire devrait être réglé par un organisme indépendant du chef d’état-major de la défense. À ce égard, j’ai consulté un passage du rapport de l’ancien juge en chef Lamer, à la page 25 :
[...] Il serait contraire aux principes de l’indépendance judiciaire de permettre à un juge militaire de demander à l’exécutif de réparer un grief puisqu’il pourrait alors y avoir ingérence de celui-ci dans les affaires judiciaires [...]
[112] L’ancien juge en chef poursuit en recommandant que tout grief déposé par un juge militaire soit soumis directement au Comité des griefs pour que celui-ci rende une décision définitive.
[113] Avec le plus grand respect, je dois avouer que j’éprouve quelques difficultés du fait de la portée de la déclaration de l’ancien juge en chef. Du point de vue de la personne raisonnable, il est tout à fait vrai qu’un individu qui occupe la fonction de juge et qui cherche à obtenir un avantage particulier auprès de l’exécutif risque de compromettre la perception de la justice égalitaire. Mais, dans bon nombre de plaintes relativement mineures, il serait déraisonnable de présumer que la prise de décision judiciaire pourrait être influencée par la possibilité qu’un grief soit réglé en faveur du juge.
[114] J’estime qu’il serait prudent pour les juges militaires de renoncer à s’engager dans une procédure de règlement des griefs. Après tout, les juges doivent faire leur part, en tant que personnes, pour s’assurer que l’indépendance judiciaire est maintenue. Dans tous les cas où un grief personnel doit être déposé, le juge aurait tout intérêt à faire en sorte que le grief soit porté à l’attention du juge militaire en chef plutôt que de lancer la procédure officielle, ce qui pourrait donner l’impression de compromettre l’indépendance judiciaire.
[115] Si un juge militaire venait à déposer un grief sur un sujet d’importance capitale qui était lié, d’une certaine manière, à une affaire instruite par le juge, ce juge pourrait être perçu comme ayant perdu l’impartialité dont il doit faire preuve pour préserver la confiance des parties. Les ORFC prévoient expressément, à l’alinéa 112.05(3)b) et à l’article 112.14, la procédure à suivre si une partie demande la récusation du juge désigné pour présider l’affaire.
[116] L’impartialité est liée à l’indépendance, mais ne signifie pas la même chose[78]. L’indépendance est une condition nécessaire, mais non pas suffisante, de l’impartialité. Je ne peux pas dire que l’absence d’une procédure distincte pour l’arbitrage des griefs par les juges militaires ait, en soi, une incidence sur l’indépendance judiciaire.
[117] Enfin, le demandeur réclame un jugement déclaratoire selon lequel les articles 173 et 174 de la Loi sur la défense nationale sont inopérants. Comme je l’ai déjà fait remarquer[79], ces dispositions de la loi permettent la constitution d’une cour martiale permanente, composée d’un seul juge militaire ayant compétence en matière d’infractions d’ordre militaire imputées aux officiers ou aux militaires du rang justiciables du code de discipline militaire.
[118] Dans ses observations écrites déposées devant la présente cour, le demandeur n’a présenté aucun argument visant à contester ces dispositions. Dans sa plaidoirie, l’avocat du demandeur a précisé que le demandeur ne conteste pas la création de la cour martiale permanente en soi. Il ne conteste ces dispositions de la loi que parce que le juge militaire qui préside n’est pas un tribunal indépendant et impartial.
[119] J’ai conclu que les ORFC portant sur le comité d’examen et ses procédures, ainsi que le règlement afférent au retrait des fonctions militaires, ne respectaient pas les normes de l’indépendance judiciaire requises en vertu de l’alinéa 11d) de la Charte. Selon moi, ces conclusions ne visent pas la cour martiale permanente en soi et, par conséquent, ces dispositions de la loi ne sont pas inconstitutionnelles.
RÉPARATIONS
[120] En résumé, j’ai conclus que les dispositions des ORFC portant sur le renouvellement du mandat des juges militaires, en vertu des articles 101.15 à 101.17, et le retrait des fonctions militaires en ce qui concerne les juges militaires, en vertu de l’article 19.75, ne respectaient pas l’indépendance de l’appareil judiciaire militaire exigée en vertu de l’alinéa 11d) de la Charte.
[121] La Charte est la première partie de la Loi constitutionnelle de 1982[80]. Elle fait, par conséquent, partie de la « Constitution du Canada » au sens de l’alinéa 52(2)a).
[122] Le paragraphe 52(1) de la Charte prévoit ce qui suit :
La Constitution du Canada est la loi suprême du Canada; elle rend inopérantes les dispositions incompatibles de toute autre règle de droit.
[123] En invoquant cette disposition, le demandeur demande réparation par le biais d’une déclaration de la présente cour selon laquelle diverses dispositions de la Loi sur la défense nationale et des ORFC appropriées sont inopérantes. En ce qui concerne l’article 19.75, à titre subsidiaire, le demandeur demande à la présente cour de rendre une ordonnance visant à donner une interprétation atténuée de l’article 19.75 de manière à ce qu’il ne s’applique pas aux juges militaires.
[124] Dans l’arrêt Schachter c. Canada[81], la Cour suprême du Canada a résumé le droit concernant les réparations pouvant être accordées en vertu de la Charte lorsqu’une loi a été déclarée incompatible avec la Charte. Le juge en chef Lamer a déclaré ce qui suit au nom de la majorité de la Cour[82] :
Un tribunal jouit d'une certaine latitude dans le choix de la mesure à prendre dans le cas d'une violation de la Charte qui ne résiste pas à un examen fondé sur l'article premier. L'article 52 de la Loi constitutionnelle de 1982 prévoit l'annulation des "dispositions incompatibles" de toute règle de droit. Selon les circonstances, un tribunal peut simplement annuler une disposition, il peut l'annuler et suspendre temporairement l'effet de la déclaration d'invalidité ou il peut appliquer les techniques d'interprétation atténuée ou d'interprétation large. En outre, en vertu de l'art. 24 de la Charte, tout tribunal compétent peut octroyer à « [t]oute personne, victime de violation ou de négation des droits ou libertés qui lui sont garantis par la présente charte » la « réparation » qu'il estime « convenable et juste ». Lorsqu'il choisit la façon dont il appliquera l'art. 52 ou l'art. 24 un page 696 tribunal doit déterminer les mesures qu'il prendra eu égard à la nature de la violation et au contexte de la loi visée.
[125] La cour doit tenir compte de la mesure de l’incompatibilité. Cette incompatibilité peut-elle être traitée seule, par voie de dissociation ou par une interprétation large, ou d’autres parties de la loi ou du règlement sont-elles inextricablement liées à la partie de la loi qui est incompatible avec la Charte[83]?
[126] Tout d’abord, en ce qui concerne l’article 19.75 des ORFC, si la cour devait simplement invalider la disposition irrégulière, il n’existerait aucun moyen pour suspendre temporairement des membres des Forces canadiennes de leurs fonctions dans les cas où cette suspension temporaire est clairement appropriée. Le demandeur reconnaît que cette capacité est nécessaire. Sa plainte, avec laquelle je suis d’accord, dit qu’un tel pouvoir, aux mains de l’exécutif, ne devrait pas s’appliquer aux juges militaires.
[127] Selon moi, l’article 19.75 des ORFC doit être lu de manière à ne pas s’applique aux juges militaires et c’est ce qui est bien fait par la lecture du paragraphe (1) de cet article selon lequel : « Le présent article ne s’applique pas aux officiers et militaires du rang auxquels s’applique l’article 101.08 (Retrait des fonctions militaires – avant ou après le procès). »
[128] Il se peut que le juge militaire en chef doive être considéré comme ayant l’autorité de retirer un juge militaire de ses fonctions militaires, surtout dans les cas où un comité d’enquête tente d’établir si un juge militaire devrait ou non être révoqué de sa charge. L’autorité de suspendre un juge habile à tenir une audience fait partie de certaines lois provinciales[84] et elle est conférée au juge en chef qui agit, dans le cas de l’Ontario par exemple, sur la recommandation provisoire du Conseil de la magistrature. Le fait de savoir si un tel pouvoir devrait exister dans le contexte militaire est une question qui doit être abordée par les décideurs, et non pas par la présente cour.
[129] Il y aura donc une déclaration selon laquelle l’article 19.75 des ORFC ne s’applique pas à un juge militaire.
[130] En ce qui concerne le renouvellement du mandat des juges militaires, j’ai déjà conclu que certains aspects du régime prévu aux articles 101.15 et 101.17 des ORFC violent l’alinéa 11d) de la Charte. Selon moi, l’incompatibilité avec la Charte est limitée aux dispositions spécifiques contenues dans le paragraphe 101.15(2) des ORFC, qui traite de la structure du comité d’examen et dans le paragraphe 101.17(2), qui traite des facteurs sur lesquels le Comité doit se fonder. De plus, le paragraphe 101.15(3) est inextricablement lié au paragraphe 101.15(2).
[131] Il y aura donc une déclaration selon laquelle les paragraphes 101.15(2), 101.15(3) et 101.17(2) des ORFC ne sont pas conformes à l’alinéa 11d) et par conséquent, n’ont pas force de loi.
[132] Comme il a été énoncé ci-dessus, en plus d’un jugement déclaratoire, le demandeur veut obtenir ce que j’appellerais des réparations personnelles en vertu du paragraphe 24(1) de la Charte. Ce paragraphe prévoit ce qui suit :
Toute personne, victime de violation ou de négation des droits ou libertés qui lui sont garantis par la présente charte, peut s'adresser à un tribunal compétent pour obtenir la réparation que le tribunal estime convenable et juste eu égard aux circonstances.
[133] Dans ses observations écrites, le demandeur voulait obtenir une réparation au moyen d’un arrêt ou de la fin des procédures, ou toute autre réparation que la cour juge équitable. Dans ses plaidoiries, le demandeur voulait de plus obtenir une réparation au moyen d’une exemption constitutionnelle.
[134] Dans l’arrêt Schachter, le juge en chef Lamer a écrit ce qui suit[85] :
Il y aura rarement lieu à une réparation en vertu du par. 24(1) de la Charte en même temps qu'une mesure prise en vertu de l'art. 52 de la Loi constitutionnelle de 1982. Habituellement, si une disposition est déclarée inconstitutionnelle et immédiatement annulée en vertu de l'art. 52, l'affaire est close. Il n'y aura pas lieu à une réparation rétroactive en vertu de l'art. 24.
[135] Selon moi, le cas en l’espèce ne constitue pas un des rares cas où un jugement déclaratoire accordé en vertu du paragraphe 52(1) de la Charte devrait être accompagné d’une réparation personnelle. Le demandeur n’a pas montré qu’il avait été touché de façon particulière par la déclaration d’invalidité des articles des ORFC portant sur le renouvellement du mandat des juges militaires ou avait ressenti un effet de par la disposition relative au retrait de ses fonctions militaires. Aucune autorité n’a agi conformément à ces dispositions inconstitutionnelles au détriment du demandeur. Dans ces circonstances, je n’estime pas que les réparations personnelles que veut obtenir le demandeur soient appropriées ou justes.
[136] Il est soutenu qu’une simple déclaration d’invalidité ne récompense pas le demandeur qui a porté la question devant la cour pour obtenir une décision. En ce sens, le fait que le demandeur a eu gain de cause ne constitue une victoire coûteuse Il est vrai, bien sûr, qu’un important intérêt public est servi par le fait de porter une demande de cette nature devant la cour. Mais le fait d’accorder les réparations personnelles que le demandeur veut obtenir en l’espèce entraînerait l’arrêt de toute la poursuite, ce qui me semblerait être plutôt un gain fortuit pour le demandeur, gain auquel il n’a pas démontré qu’il avait droit.
[137] La demande pour arrêt des procédures ou pour une exemption constitutionnelle est rejetée.
ÉTAT DE NÉCESSITÉ
[138] L’intimée demande à la cour de suspendre toute déclaration d’invalidité qu’elle prendra si cette déclaration a pour résultat de faire perdre le pouvoir aux juges militaires de présider des cours martiales[86].
[139] Dans l’arrêt Schachter, le juge en chef Lamer a écrit ce qui suit[87] :
Un tribunal peut déclarer une loi ou une disposition législative inopérante, mais suspendre l'effet de cette déclaration jusqu'à ce que le législateur fédéral ou provincial ait eu l'occasion de combler le vide. Cette méthode est fort appropriée lorsque l'annulation d'une disposition présente un danger pour le public (R. c. Swain, précité) ou porte atteinte à la primauté du droit (Renvoi relatif aux droits linguistiques au Manitoba, [1985] 1 R.C.S. 721). Cette méthode pourrait également être appropriée dans les cas où une disposition est limitative par opposition aux cas où elle aurait une portée trop large [...]
[140] L’effet de l’application de la doctrine serait de suspendre la déclaration pendant une période raisonnable, afin de permettre au pouvoir exécutif ou au Parlement de corriger les lacunes constitutionnelles qui ont été soulevées par la cour, et ce, grâce à l’adoption d’une loi réparatrice ou à la prise d’un règlement.
[141] À mon avis, la suspension des déclarations que j’ai faites en l’espèce n’est pas justifiée. Les déclarations n’ont pas d’incidence sur la compétence des juges militaires de continuer à présider des cours martiales jusqu’à la date d’échéance du mandat ou la date à laquelle le juge prend sa retraite, selon la plus rapprochée des deux.
[142] Même si je me trompe sur cette question, le critère relatif à la suspension des déclarations n’est pas respecté en l’espèce. Il n’existe aucun danger public, aucune atteinte à la primauté du droit ou aucun refus d’accorder un avantage conformément à une loi inconstitutionnelle. Le pouvoir exécutif peut modifier les règlements que j’ai jugés contraires à la prescription constitutionnelle en vue d’une indépendance judiciaire, sans qu’il y ait un long retard, voire un inconvénient. L’autorité législative pour apporter les modifications requises est claire. Il n’y a aucune raison de douter que les modifications nécessaires seront apportées.
[143] Comme l’a affirmé le juge en chef Lamer dans l’arrêt Renvoi relatif à la rémunération des juges de la Cour provinciale de l’Île-du-Prince-Édouard[88] :
[...] Dans un régime de gouvernement responsable, lorsqu’une législature a arrêté des décisions politiques et a voté des lois pour les concrétiser, l’exécutif a l’obligation constitutionnelle de mettre en œuvre ces décisions.
DÉCISION
[144] La présente demande est, par conséquent, accueillie en ce qui concerne la demande de déclarations relatives au renouvellement du mandat des juges militaires et au retrait de ses fonctions militaires. La demande est autrement rejetée.
CAPITAINE DE FRÉGATE P.J. LAMONT, J.M..
Avocats :
Major Samson, Procureur militaire régional, région Atlantique
Major Holman, Procureur militaire régional, Ottawa
Procureur pour Sa Majesté la Reine
Major Appolloni, Direction du Service d’avocats de la défense, Ottawa
Avocat du Caporal R.D. Parsons
[1] Article 174 de la Loi sur la défense nationale : « La cour martiale permanente est constituée par un seul juge militaire. »
[2] Alinéa 11d) de la Charte : « Tout inculpé à le droit : [...] d) d'être présumé innocent tant qu'il n'est pas déclaré coupable, conformément à la loi, par un tribunal indépendant et impartial à l'issue d'un procès public et équitable; […] »
[3] L.C. 1998, ch. 35.
[4] Loi sur la défense nationale, article 165.21.
[5] Loi sur la défense nationale, paragraphe 165.21(3).
[6] Loi sur la défense nationale, paragraphe 165.21(4).
[7] Loi sur la défense nationale, paragraphe 167(1.)
[8] Loi sur la défense nationale, paragraphe 170(1).
[9] Loi sur la défense nationale, paragraphe 165.23(1).
[10] Loi sur la défense nationale, article 191.
[11] R. c. Nystrom, CACM-483, 20 décembre 2005, motifs du juge Létourneau, paragraphe 70.
[12] Loi sur la défense nationale, article 174.
[13] Loi sur la défense nationale, article 177.
[14] Partie III de la Loi sur la défense nationale.
[15] TYTLER, A.F. Essay on Military Law, 1814, à la page 206. [TRADUCTION] « Du fait que le roi est le poursuivant pour tous les crimes qui constituent une infraction à l’ordre public dont il est le gardien, il est aussi, de manière plus précise, le poursuivant dans les procès pour des infractions militaires, qui sont des violations de son propre pouvoir à titre de chef de l’armée. Par conséquent, dans tous les procès qui ont lieu devant une cour martiale générale, le juge-avocat mène la poursuite au nom du roi, et ce, soit à titre individuel, pour juger une violation du droit militaire public (comme c’est le cas dans un procès pour mutinerie ou désertion), soit en collaboration avec un poursuivant privé, qui est généralement une partie ayant personnellement souffert de l’agression et du crime commis par le prisonnier qui doit être jugé […] »
[16] [1992] 1 R.C.S. 259, à la page 281.
[17] 2005 CSC 49.
[18] (1994) 115 D.L.R. (4th) 81, [1994] 2 C.F. 769, motifs du juge Strayer.
[19] Valente c. La Reine [1985] 2 R.C.S. 673, paragraphes 13 et 22, Renvoi relatif à la rémunération des juges de la Cour provinciale de l’Île-du-Prince-Édouard [1997] 3 R.C.S. 3, paragraphe 113, Ell c. Alberta [2003] 1 R.C.S. 857, paragraphe 32.
[20] Ibid.
[21] Ibid., paragraphe 25; Ell c. Alberta, précité, note de bas de page 19, paragraphe 30; R. c. Généreux, précité, note de bas de page 16, page 259, motifs du juge en chef Lamer, aux pages 284 et 285, motifs du juge Stevenson, à la page 316.
[22] Valente, paragraphe 26.
[23] R. c. Lippé [1991] 2 R.C.S. 114, motifs du juge en chef Lamer, à la page 142.
[25] Valente, paragraphe 27, « L'inamovibilité, de par l'importance qui y a été attachée traditionnellement, doit être considérée comme la première des conditions essentielles de l'indépendance judiciaire pour les fins de l'al. 11d) de la Charte. »
[26] Valente, paragraphe 30. Voir également Therrien (Re), [2001] 2 R.C.S. 3.
[27] Règlement sur les textes réglementaires, C.R.C., ch. 1509, alinéa 7a).
[28] (2003) 177 C.C.C. (3d) 522 (C.A. Ont.).
[29] Ibid., paragraphe 26.
[30] Ibid., paragraphe 24.
[31] Règlement de l’Ontario 67/92.
[32]Le premier examen indépendant par le très honorable Antonio Lamer C.P., C.C., C.D., des dispositions et de l’application du projet de loi C-25, Loi modifiant la Loi sur la défense nationale et d'autres lois en conséquence, en date du 3 septembre 2003.
[33] L’ancien juge en chef attire lui-même l’attention des lecteurs sur cette distinction dans le Rapport à la page 21.
[34] Paragraphe 165.21(4) de la Loi sur la défense nationale : « Le juge militaire cesse d’occuper sa charge dès qu’il atteint l’âge fixé par règlement du gouverneur en conseil pour la retraite. »
36 FRIEDLAND, M.L. Une place à part : l’indépendance et la responsabilité de la magistrature au Canada, 1995, à la page 41.
[37] [1998] A.C.A.C. no 5.
[38] À la suite de la décision Reference re: Territorial Courts Act (N.W.T.) S.6(2) (1997) 152 D.L.R. (4th) 132, la loi a été modifiée pour que le mandat des juges territoriaux suppléants aille jusqu’à leur départ à la retraite. Voir la Loi sur la Cour territoriale, L.R.T.N.-O. 1988, ch. T-2, article 11, modifié.
[39] Loi sur la Cour territoriale, L.R.Y. 2002, ch. 217, paragraphe 6(2).
[40] Loi sur les tribunaux judiciaires, L.R.O. 1990, ch. C.43, article 32.
[41] Voir, par exemple, la Provincial Court Act, 1998 de la Saskatchewan, L.S. 1998, ch. P-30.11, paragraphe 13(3).
[42] Valente, paragraphe 31.
[44] Ibid., pages 302 et 303.
[46] Ibid., page 305.
[47] Ibid., page 309.
[48] [1995] A.C.A.C. no 10.
[49] CLODE, Charles M. Military and Martial Law, 1874, page 125.
[50] Précité, note de bas de page 37. Voir R. c. Bergeron (1999) CACM-417.
[51] Précité, note de bas de page 35.
[52] Ocean Port Hotels, au paragraphe 24 : « Même si certains tribunaux administratifs peuvent parfois être assujettis aux exigences de la Charte relatives à l’indépendance, ce n’est généralement pas le cas. »
[54] Valente, paragraphes 37 à 39. Avant que cette affaire ne puisse être soumise à la Cour suprême du Canada, cet élément opposable de la loi avait été modifié.
[55] Généreux, page 317.
[56] Un conseil de la magistrature se compose principalement de juges , avec une représentation de l’exécutif et peut-être même des personnes indépendantes (R. c. Temela (1992) 71 C.C.C. (3d) 276 (C.A.T.N.-O.). Dans l’arrêt Ell c. Alberta [2003] 1 R.C.S., le juge Major, s’exprimant au nom de la Cour, a fait valoir que, dans l’arrêt Valente, « la Cour a statué que le rôle joué en matière d’inamovibilité par un conseil de la magistrature provincial avait contribué de façon importante à assurer l’indépendance judiciaire [...] »
[57] Valente, paragraphe 39. Pour la Saskatchewan, voir le paragraphe 13(3) de la Provincial Court Act, 1998; pour la Nouvelle-Écosse, voir le paragraphe 6A(1) de la Provincial Court Act; et pour l’Ontario, voir le paragraphe 47(3) de la Loi sur les tribunaux judiciaires.
[58] Paragraphe 47(5) de la Loi sur les tribunaux judiciaires de l’Ontario.
[59] Voir, par exemple, l’arrêt Pellerin c. Therien (1997) 148 D.L.R. (4th) 255 (C.A. Qué.),aux pages 266 à 269.
[60] Reference re: Territorial Court Act S.6(2) (1997) 152 D.L.R. (4th) 132, paragraphes 88 à 95; Craig c. British Columbia [1997] B.C.J. no 1417, paragraphe 98.
[62] [1995] 1 R.C.S. 3, pages 60 et 61.
[63] Article 101.08 des ORFC.
[64] Valente, paragraphe 40.
[65] [1997] 3 R.C.S. 3.
[66] Ibid., paragraphe 133.
[67] Ibid., paragraphe 134.
[68] Ibid., paragraphe 135.
[69] Paragraphe 12(3) de la Loi sur la défense nationale : « Le Conseil du Trésor peut, par règlement : a) fixer les taux et conditions de versement de la solde des juges militaires; ».
[70] Valente, paragraphes 42 et 43.
[71] L.R.C. 1985, ch. C-17, modifié.
[72] À l’époque de l’affaire Valente, les juges de cour provinciale de l’Ontario étaient traités, pour les fins de la pension, comme des fonctionnaires provinciaux. Voir l’arrêt Valente aux paragraphes 45 et 46.
[73] Renvoi relatif à la rémunération des juges de la Cour provinciale (Î.-P.-É.), paragraphe 134.
[74] Valente, paragraphe 49.
[75] Curieusement, cet instrument renvoi aux « présidents » et aux « juges-avocats » des cours martiales générales et des cours martiales disciplinaires, et ce, malgré les changements apportés par les modifications de 1999 de la Loi sur la défense nationale.
[76] CLODE, Charles M. Military and Martial Law, 1874, pages 17 et 78.
[77] Loi sur la défense nationale, article 29.11.
[78] Ruffo c. Conseil de la Magistrature [1995] 4 R.C.S.267, motifs du juge Gonthier au nom de la Cour, au paragraphe 38 et suivants.
[79] Voir le texte de la note de bas de page 12, précité.
[80] La Loi de 1982 sur le Canada (R.-U.), ch. 11.
[81] [1992] 2 R.C.S. 679.
[83] Ibid., page 717.
[84] Voir, par exemple, la Loi sur les tribunaux judiciaires de l’Ontario, L.R.O. 1990, chap. 43, paragraphes 51.4(10) et 51.4(12), et la Provincial Court Act de la Nouvelle-Écosse, L.R.N.-É. 1989, ch. 238, paragraphe 15(2).
[86] Observations écrites de l’intimée, par. 54.
[88] Précité, voir note de bas de page 19, par. 139.