Page 1 de 4 Référence : R. c. Caporal J.R.P.M .Gendron, 2005CM15 Dossier : S200515 COUR MARTIALE PERMANENTE UNITÉ DE SOUTIEN DE SECTEUR ST-JEAN ST-JEAN-SUR-RICHELIEU (5 E BATAILLON DE SOUTIEN GÉNÉRAL) Date : 19 mai 2005 SOUS LA PRÉSIDENCE DU : LIEUTENANT-COLONEL MARIO DUTIL, JUGE MILITAIRE LA REINE, (Poursuivante) c. CAPORAL J.R.P.M. GENDRON, (Accusé) SENTENCE (Oralement) [1] Aux fins de la détermination de la sentence, la Cour a pris en compte, entres autres facteurs, l’ensemble de la preuve entendue durant le procès et les circonstances entourant la commission de l’infraction pour laquelle vous avez été trouvé coupable. La Cour a pris en compte également l’ensemble de la preuve présentée lors de la partie de l’audition relative à la détermination de la sentence, soit la preuve documentaire qui fait l’objet des pièces 6, 7 et 8 et toute conséquence indirecte du verdict ou de la sentence. La Cour a pris en compte également les plaidoiries des procureurs sur sentence. Finalement, la Cour a examiné la preuve en fonction des principes applicables en matière de détermination de la peine à la lumière des exigences impératives pour garantir le maintien d’une force armée disciplinée, opérationnelle et efficace. [2] La Cour suprême du Canada a reconnu dans l’arrêt R. c. Généreux, [1992] 1 R.C.S., 259 que : Pour que les Forces armées soient prêtes à intervenir, les autorités militaires doivent être en mesure de faire respecter la discipline interne de manière efficace. La Cour suprême a souligné que dans le contexte particulier de la discipline militaire, les manquements à la discipline devaient être réprimés prompte-
Page 2 de 4 ment et, dans bien des cas, punis plus durement que si les mêmes actes avaient été accomplis par un civil. Ces directives de la Cour suprême ne permettent toutefois pas à un tribunal militaire d’imposer une sentence composée d’une ou plusieurs peines qui seraient au-delà de ce qui est requis dans les circonstances de l’affaire. En d’autres mots, toute peine infligée par un tribunal, qu’il soit civil ou militaire, doit toujours représenter l’intervention minimale requise. [3] Pour contribuer à l’un des objectifs essentiels de la discipline militaire, soit le maintien d’une force armée professionnelle disciplinée, opérationnelle et efficace dans le cadre d’une société libre et démocratique, les objectifs et les principes de détermination de la peine peuvent s'énoncer comme suit: Premièrement, la protection du public et le public inclut ici les Forces canadiennes; Deuxièmement, la punition et la dénonciation du contrevenant; Troisièmement, la dissuasion du contrevenant, et quiconque, de commettre les mêmes infractions; Quatrièmement, la réhabilitation et la réforme du contrevenant; Cinquièmement, la proportionnalité à la gravité des infractions et le degré de responsabilité du contrevenant; Sixièmement, l’harmonisation des peines; et Finalement, la Cour prendra en compte les circonstances aggravantes et atténuantes liées à la situation du contrevenant et liées à la perpétration des infractions. [4] Dans la présente cause, la protection du public sera atteinte par une sentence qui mettra l’emphase sur la dissuasion générale, la punition et la dénonciation du contrevenant et la proportionnalité entre la gravité de l’infraction et le degré de responsabilité de son auteur. [5] En considérant quelle sentence serait appropriée, la Cour a pris en compte les facteurs aggravants et les facteurs atténuants suivants. Et je commencerai par les facteurs qui aggravent la peine. La Cour considère comme aggravant les facteurs suivants : 1. La nature de l’infraction et la peine prévue par le législateur. Dans le cas du 1 er chef d’accusation, soit « Comportement déshonorant » aux termes de l’article 93 de la Loi sur la défense natio-
Page 3 de 4 nale, cette infraction est passible d’un emprisonnement maximal de cinq ans. Il s’agit d’une infraction objectivement sérieuse. 2. Le fait que vous étiez un militaire du rang d’âge mûr qui comptait environ 17 ans d’expérience dans la Force régulière au moment de la commission de l’infraction. 3. Le fait que vous étiez en situation de contrôle en tant que chauffeur du véhicule et que l’enseigne de vaisseau de 2 e classe Doddridge était à votre merci pour retourner à Montréal. Même si elle était, en théorie, en situation d’autorité envers vous, l’équilibre des forces en présence et la dynamique qui existait, tel qu’il appert de l’ensemble de la preuve entendue au procès, ne laissent planer aucun doute que vous exerciez un contrôle effectif sur ce jeune officier féminin lors de la commission de l’infraction. 4. Le fait que vous avez abusé de la confiance et de la naïveté d’un jeune officier féminin sans expérience tant au niveau professionnel que personnel en lui faisant croire que vous deviez vous masturber pour des raisons médicales. 5. La nature de l’acte qui constitue le comportement déshonorant. Il ne s’agit pas seulement d’un acte à caractère sexuel, soit de la masturbation commise dans un véhicule militaire, il faut reconnaître que cet acte a eu lieu alors que vous étiez en service et que vous aviez la tâche de raccompagner un jeune officier féminin de la Force de réserve à Montréal à partir de Rouyn-Noranda. Quant aux facteurs atténuants, la Cour retient les éléments suivants : 1. L’absence de fiche de conduite ou d’antécédents criminels ou judiciaires. 2. Le fait que votre carrière de près de 20 ans de service au sein de la Force régulière avait été jusque là sans tache, mais aussi que vous avez fait preuve, tel qu’en font foi la liste de vos décorations et récompenses, que les Forces canadiennes ont été en mesure de compter sur vous. 3. Le fait que votre comportement déshonorant n’a impliqué ni violence, ni contact physique avec la plaignante et qu’elle n’en a gardé aucune séquelle.
Page 4 de 4 4. Votre situation familiale et financière. La preuve devant cette cour démontre que vous avez une conjointe et que vous êtes le père de deux jeunes adolescentes. Selon les dires de votre avocat, votre revenu d’emploi constitue l’unique revenu de votre ménage. 5. Le fait que le verdict de cette cour en ce qui concerne la commission d’un acte à caractère sexuel risque d’avoir un impact sérieux sur votre carrière au sein des Forces canadiennes. Votre avocat a indiqué à la cour que votre cas fera sans doute l’objet d’un Conseil de révision de carrière aux termes de la politique des Forces canadiennes sur les inconduites à caractère sexuel, soit l’OAFC 19-36. La Cour ne dispose toutefois pas d’information fiable sur les recommandations possibles de votre chaîne de commandement si votre cas devait faire l’objet d’une telle procédure administrative. Il importe toutefois de souligner que la politique des Forces canadiennes est très sévère en semblable matière allant même jusqu’à la libération. [6] Dans ces circonstances, la Cour est satisfaite qu’une sentence composée d’un blâme et d’une amende de l’ordre suggéré par les procureurs sera suffisante pour les fins de l’administration de la justice et le maintien de la discipline. [7] Caporal Gendron, veuillez-vous lever. En conséquence, cette Cour vous condamne à un blâme et à une amende de 1500 dollars payable par versements mensuels égaux de 100 dollars. Si vous deviez être libéré des Forces canadiennes avant le paiement complet de cette amende, le solde deviendra exigible immédiatement avant votre libération. LIEUTENANT-COLONEL M. DUTIL, J.M. Avocats : Major M. Trudel, Procureure militaire régional de l'Est Avocate de la poursuivante Major L. Boutin, Direction du service d'avocats de la défense Avocat du caporal Gendron