Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l’ouverture du procès : 4 octobre 2005.
Endroit : 22e Escadre North Bay, édifice 33, 33 rue Manston, Hornell Heights (ON).
Chef d’accusation:
• Chef d’accusation 1 : Art. 130 LDN, voies de fait (art. 266 C. cr.).
Résultats:
• VERDICT : Chef d’accusation 1 : Coupable.
• SENTENCE : Une amende au montant de 200$.

Contenu de la décision

Page 1 de 15 Citation : R. c. Caporal R.P. Joseph, 2005 CM 41 Dossier : S200541 COUR MARTIALE PERMANENTE CANADA ONTARIO BASE DES FORCES CANADIENNES NORTH BAY Date :12 janvier 2006 SOUS LA PRÉSIDENCE DU LIEUTENANT-COLONEL M. DUTIL, J.M. SA MAJESTÉ LA REINE c. CAPORAL R.P. JOSEPH (Contrevenant) VERDICT (Prononcé de vive voix) TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE INTRODUCTION [1] Caporal-chef Joseph, la présente Cour vous déclare coupable de la première accusation. Vous pouvez rompre et aller vous asseoir près votre avocat. [2] Le Caporal Joseph, comme il était alors, a été accusé dune infraction punissable aux termes de larticle 130 de la Loi sur la défense nationale plus précisément celle davoir commis des voies de fait en contravention de larticle 266 du Code criminel. [3] La présente accusation découle dune série de faits qui se sont produits en fin daprès-midi ou en début de soirée, le 19 juin 2004, à la résidence du Caporal Joseph située au 30, Royal Crescent, à North Bay. LA PREUVE [4] La preuve présentée à la cour comprend ce qui suit :
Page 2 de 15 a) les témoignages entendus au procès, cest-à-dire le témoignage de M. Michael Sime, de M me Jennifer Parker, du Caporal Panke et du Caporal-chef Joseph; b) la connaissance doffice par la cour des faits et questions énumérés à larticle 15 des Règles militaires de la preuve; c) une copie imprimée de la page Web de commande en ligne de Toppers Pizza déposée devant la cour comme pièce 3. LES FAITS [5] Les faits qui entourent cette affaire commencent dans laprès-midi du 19 juin 2004, à la résidence du Caporal Joseph, située au 30, Royal Crescent, Base des Forces canadiennes de North Bay. Le Caporal Joseph est dans sa maison en compagnie dinvités, savoir le Caporal Bertrand et ses deux enfants et un certain M. Jason Powers. Les enfants jouent dehors avec les deux filles du caporal Joseph, âgées de quatre et de huit ans respectivement. Comme il est bientôt lheure du souper, le caporal Joseph décide de commander une pizza au Toppers Pizza en utilisant le site Web de cet établissement pour faire une commande en ligne. Daprès son témoignage, le Caporal Joseph a lhabitude de commander de la pizza en ligne, à partir de ce site Web, et de le faire aussi par téléphone. [6] Comme il ressort de la pièce 3, chaque pizza Topper est livrée avec une trempette maison gratuite, que la commande ait été faite par téléphone ou par Internet. Toutefois, le Caporal Joseph a compris que la trempette accompagnait automatiquement les commandes faites par Internet parce que ce choix nétait pas offert sur le site Web. Cette idée est compatible avec la pièce 3. Après avoir passé commande, le Caporal Joseph vaque à ses affaires courantes dans la maison. Quelque 40 minutes plus tard, il se rend compte que la commande nest pas encore arrivée. Ce type de commande arrive habituellement dans les 30 ou 40 minutes. Le Caporal Joseph décide de sinformer par téléphone auprès de Toppers Pizza pour savoir en est sa commande parce quelle avait été faite en ligne. Un employé de Toppers Pizza lui dit que la commande a été reçue et que la pizza est en route. Le Caporal Joseph retourne à ses affaires pendant 10 à 15 minutes jusquà ce quil décide de rappeler Toppers Pizza. La deuxième fois, quelquun lui dit que la commande a été reçue et que la pizza est en route, le livreur venant juste de partir. Le Caporal Joseph commence à sénerver parce quon lui avait dit 15 minutes plus tôt que la pizza était déjà partie. [7] De 10 à 15 minutes plus tard, le Caporal Joseph est sur le point dappeler une troisième fois, lorsque la pizza arrive enfin, après plus ou moins le double du temps quil faut normalement pour des commandes similaires. Le livreur de Toppers Pizza, M. Sime, livre la pizza. M. Sime arrive dans son véhicule quil stationne devant lallée
Page 3 de 15 de la maison située au 30, Royal Crescent. Il est accompagné de sa fiancée, M me Parker, qui est assise à lavant sur le siège du passager. M. Sime sort de son véhicule avec deux boîtes de pizza et se dirige vers la porte dentrée. Il rencontre le Caporal Joseph à la porte. Le Caporal Joseph est dans la maison et M. Sime se trouve sur le pas de la porte. M. Sime lui tend les deux boîtes de pizza. Daprès le Caporal Joseph, M. Sime demande à être payé plus ou moins 30 dollars. Le Caporal Joseph prend les deux boîtes de pizza quil place sur une petite table à sa gauche. Comme la commande est arrivée en retard, le Caporal Joseph ouvre la boîte du dessus pour vérifier si la pizza est encore chaude. Il remarque quune garniture manque et quil ny a pas de trempette, laquelle est habituellement placée dans un coin de la boîte de pizza dans une tasse en plastique. Quelque peu énervé, le Caporal Joseph dit à M. Sime quil manque la trempette. À son tour, M. Sime lui demande de payer les pizzas. Le Caporal Joseph lui répète quil ny a pas la sauce, ce à quoi M. Sime lui répond à peu près quil na pas la sauce parce quil ne la pas commandée. Le caporal se dit surpris par la réponse. Il déclare à M. Sime que la trempette est habituellement fournie avec toutes les commandes faites par Internet, mais cela ne semble avoir aucun effet sur M. Sime, au contraire. [8] Daprès le Caporal Joseph, M. Sime agit tout comme sil blâmait JosephSS le Caporal Joseph, et comme si ce problème ne le concernait pas. Le Caporal Joseph se déclare offusqué par cette remarque. Il répète à M. Sime que la trempette est incluse lorsque les commandes sont faites par Internet, ce à quoi lemployé de Toppers Pizza rétorque que ce nest pas son site Web à lui. À ce moment-là, la situation tourne au choc de deux égos, avec des échanges de mots entre eux deux. Le Caporal Joseph dit en témoignage que M. Sime ne lécoute pas et quil nadmet pas de faute ou de responsabilité pour le fait que la trempette et la garniture pour la pizza ne soient pas . M. Sime déclare, dans son témoignage, que le Caporal Joseph lui dit avoir toujours reçu la trempette chaque fois, mais il ajoute que le Caporal Joseph lui dit ne pas avoir commandé la pizza par Internet. M. Sime dit quil lui offre de commander la sauce pour le client, bien que le Caporal Joseph soutienne avoir fait cette suggestion lui-même. [9] Quoi quil en soit, M. Sime appelle Toppers Pizza en utilisant le téléphone du Caporal Joseph et il est alors établi quun autre livreur déposerait la trempette parce quil est en train de livrer une pizza dans les environs. Cette solution semble assez satisfaisante pour le Caporal Joseph. Mais, daprès lui, M. Sime lui répète, après avoir terminé lappel, que la commande faite par le Caporal Joseph nincluait pas de trempette puisque cet article ne figurait pas dans la commande au bureau. Par conséquent, M. Sime continue à ergoter avec le client. Le Caporal Joseph est alors tout à fait exaspéré, mais M. Sime est aussi très contrarié. Le Caporal Joseph déclare à M. Sime quil paiera la pizza, mais au livreur suivant, ce quil veut dire quil paiera lorsquil aura la trempette. Selon le Caporal Joseph, il en avait assez de traiter avec M. Sime qui agissait comme si cétait la faute du client et il estimait que la première livraison était arrivée si tard quil ne devrait payer quau deuxième livreur, cest-à-dire
Page 4 de 15 lorsque la livraison serait faite à sa satisfaction. M. Sime, non seulement rejette cette proposition, mais exige un paiement intégral immédiatement. [10] À ce stade, le Caporal Joseph en a assez de toute cette situation et il dit à M. Sime quil ne veut plus de la pizza. Selon le Caporal Joseph, M. Sime est maintenant très fâché et il dit à son client quil doit lui payer la pizza. Selon le témoignage de M. Sime, cest le Caporal Joseph qui était fâché et, si le Caporal Joseph lui avait dit quil ne voulait plus de la pizza, M. Sime laurait tout simplement rapportée chez Toppers Pizza, le personnel se serait partagé la ou les pizzas. Cest alors que le Caporal Joseph attrape la boîte du dessus, qui nétait pas tout à fait fermée, et la passe ou la tend à M. Sime qui refuse de la prendre et continue à exiger le paiement. Le Caporal Joseph déclare que M. Sime, à ce moment-là, met ses mains en lair, de chaque côté, au niveau de la poitrine et des épaules, pour indiquer quil ne la prendrait pas. Malgré ce signe très net que le livreur ne veut pas reprendre la pizza, le Caporal Joseph tourne alors la boîte de pizza vers le haut et sarrange pour la placer entre les mains de M. Sime avec une telle force ou pression que M. Sime est contraint de la tenir pour quelle ne tombe pas par terre. Autrement dit, M. Sime a été forcé dattraper la pizza. [11] M. Sime décrit la scène de façon différente. Daprès lui, le Caporal Joseph a attrapé la première pizza et la poussée vers lui avec tant de force quil a lui-même reculer, bien quil ait adouci son témoignage en contre-interrogatoire et déclaré avoir fait un pas en arrière parce quil ne sattendait pas à ce que le client lui rende la pizza. M. Sime a déclaré quà cause du geste du Caporal Joseph, il avait reçu la boîte sur le menton, bien que M. Sime nait pas révélé ce détail à la police au cours des entrevues antérieures. Une fois que M. Sime a la première boîte de pizza en main, le Caporal Joseph se tourne sur la gauche et attrape la deuxième boîte. Il la pose alors sur la première boîte, maintenant tenue à lhorizontale par M. Sime qui a les mains devant lui. Le Caporal Joseph décrit avoir agi avec délicatesse alors que M. Sime déclare que la boîte lui a été jetée à plat dans les mains, qui tenaient déjà la première boîte. Le Caporal Joseph demande à M. Sime de sen aller. Lorsque M. Sime se tourne pour partir, dit-il, le Caporal Joseph lui crie quelque chose. Il se retourne et voit quune part ou un morceau de pizza est jeté dans sa direction. M. Sime déclare dans son témoignage quil a été capable dattraper la pizza avec la main gauche et quil la mise sur la boîte du dessus. [12] En contre-interrogatoire, M. Sime a déclaré que le morceau de pizza lui arrivait droit sur lui, mais sur le côté, bien quil ait maintenu que le morceau ne lui ait pas été tendu. En contre-interrogatoire, M me Parker a déclaré le contraire et elle corrobore les dires du Caporal Joseph selon lequel il a pris un morceau de pizza par terre et la tendu à M. Sime, bien que dans un geste brutal. En interrogatoire principal, elle a déclaré que le morceau de pizza avait été lancé contre M. Sime. Le Caporal Joseph déclare aussi que M. Sime a attrapé le morceau de pizza de la main gauche et la serré. Le Caporal Joseph se tourne alors pour rentrer chez lui, il sentend alors avec son ami Bertrand pour emmener les enfants chez MacDonald. Dans
Page 5 de 15 lintervalle, M. Sime appelle Toppers Pizza avec le téléphone cellulaire de M me Parker et il demande à quelquun de communiquer avec la police. Bien quelle nait pas vu de contacts ou entendu de conversation entre M. Sime et le Caporal Joseph, M me Parker déclare quelle a pu voir quils étaient tous les deux en colère. Laffaire se poursuit lorsque le Caporal Joseph, son ami et les quatre enfants sortent de la maison pour prendre la fourgonnette et aller au restaurant. Le véhicule de M. Sime bloque alors lallée. M me Parker a déclaré quun homme leur avait dit de partir parce quils allaient sortir de lallée. Sa fiancée lui aurait répondu quils ne bougeraient pas. [13] Un patrouilleur de la police militaire, le Caporal Panke, arrive aussitôt après ou presque SS quelques minutes plus tard ou à peu près au moment cet échange a lieu. M. Sime remarque que le Caporal Joseph sadresse à la police en appelant lofficier de police par son prénom et que ce dernier lautorise à partir pour revenir 25 minutes plus tard seulement, ou quils sentendent sur ce point. M. Sime est encore plus énervé de ce fait et il est maintenant très fâché à cause de la situation; il déclare quil lui aurait donné un coup de poing dans la figure, faisant référence au Caporal Joseph. Le Caporal Joseph quitte sa résidence et M. Sime se rend à la section de police militaire dans son véhicule conduit par M me Parker. Elle a déclaré, dans son témoignage, quelle-même et M. Sime avaient eu une conversation animée à propos de lincident, tandis quelle conduisait vers le poste de police pour y faire des déclarations. Au cours de lentrevue avec la police militaire, M me Parker et M Sime nont pas été séparés lun de lautre pour éviter que leur version des faits soit altérée. M. Sime na pas été blessé pendant léchange. LA LOI ET LES ÉLÉMENTS ESSENTIELS DE LACCUSATION La première accusation (article 130 de la Loi sur la défense nationale article 266 du Code criminel) [14] La première accusation allègue une contravention à larticle 130 de la Loi sur la défense nationale en violation de larticle 266 du Code criminel. Il est allégué que le Caporal Joseph, le 19 juin 2004 ou vers cette date, à la base des Forces canadiennes de North Bay, en Ontario, ou près de celle-ci, a effectivement commis des voies de fait sur la personne de M. Michael Sime. En plus des éléments dinfraction concernant lidentité du contrevenant, ainsi que de la date et du lieu linfraction alléguée a été commise, la poursuite devait prouver hors de tout doute raisonnable : a) que le Caporal Joseph a employé la force dune manière intentionnelle contre M. Michael Sime; b) que M. Michael Sime na pas consenti à lemploi de la force dune manière intentionnelle contre lui par le Caporal Joseph; et
Page 6 de 15 c) que le Caporal Joseph savait que M. Michael Sime navait pas consenti à lemploi de la force dune manière intentionnelle contre lui. PRÉSOMPTION DINNOCENCE ET DOUTE RAISONNABLE [15] Avant que la cour nexpose son analyse juridique, il convient de traiter de la présomption dinnocence et de la norme de la preuve hors de tout doute raisonnable; il sagit dune norme qui est inextricablement liée à ce principe fondamental à tous les procès criminels. Ces principes sont évidemment très bien connus des avocats, mais dautres personnes dans la salle daudience peuvent ne pas les connaître aussi bien. [16] Il est juste de dire que la présomption dinnocence est peut-être le principe le plus fondamental de notre droit criminel, et le principe de la preuve hors de tout doute raisonnable est un élément essentiel de la présomption dinnocence. Dans les questions qui relèvent du Code de discipline militaire, tout comme pour celles qui relèvent du droit criminel, toute personne accusée dune infraction criminelle est présumée innocente jusquà ce que la partie poursuivante prouve quelle est coupable hors de tout doute raisonnable. Une personne accusée na pas à prouver son innocence. Cest à la partie poursuivante quil incombe de prouver chacun des éléments de linfraction hors de tout doute raisonnable. [17] La norme de la preuve hors de tout doute raisonnable ne sapplique pas à chacun des éléments de preuve, ou à chacune des preuves séparées, à lappui de la thèse défendue par la partie poursuivante, mais plutôt à lensemble de la preuve sur laquelle cette dernière se fonde pour établir la culpabilité de laccusé. Le fardeau de prouver la culpabilité dune personne accusée hors de tout doute raisonnable incombe à la partie poursuivante, jamais à la personne accusée. [18] Le tribunal doit déclarer la personne non coupable si, après avoir examiné toutes les preuves, il subsiste un doute raisonnable quant à sa culpabilité. Lexpression « hors de tout doute raisonnable » est utilisée depuis très longtemps. Elle fait partie de notre histoire et de nos traditions de justice. Dans R. C. Lifchus (1997) 3 R.C.S. 320, la Cour suprême du Canada a proposé un modèle de directives pour le doute raisonnable. Les principes décrits dans laffaire Lifchus ont été appliqués dans de nombreuses autres décisions de la Cour suprême et des cours dappel. En substance, un doute raisonnable nest pas un doute exagéré ou frivole. Il ne doit pas être fondé sur la sympathie ou un préjugé. Il repose sur la raison et le bon sens. Cest un doute qui survient à la fin du procès et qui est fondé non seulement sur ce que la preuve révèle au tribunal mais également sur ce quelle ne lui révèle pas. Le fait quune personne ait été inculpée nest pas une indication quelle est coupable, et jajouterai que les seules accusations dont une personne accusée doit répondre sont celles qui apparaissent sur lacte daccusation présenté à la cour.
Page 7 de 15 [19] Au paragraphe 242 de R. c. Starr, (2000) 2 R.C.S. 144, la Cour suprême a statué que : [...] une manière efficace de définir la norme du doute raisonnable à un jury consiste à expliquer quelle se rapproche davantage de la certitude absolue que de la preuve selon la prépondérance des probabilités. Par contre, il faut se rappeler quil est pratiquement impossible de prouver quoi que ce soit avec une certitude absolue. La partie poursuivante na pas à le faire. La certitude absolue est une norme de preuve qui nexiste pas en droit. La partie poursuivante na que le fardeau de prouver la culpabilité de laccusé, en lespèce le Caporal-chef Joseph, hors de tout doute raisonnable. Pour placer les choses en perspective, si la cour est convaincue que laccusé est probablement ou vraisemblablement coupable, elle doit acquitter laccusé car la preuve dune culpabilité probable ou vraisemblable ne constitue pas une preuve de culpabilité hors de tout doute raisonnable. [20] Mais quentend-on par élément de preuve? La preuve peut comprendre des témoignages sous serment ou des déclarations solennelles de personnes appelées à témoigner sur ce quelles ont vu ou fait. La preuve peut consister en documents, en photographies, en cartes ou en dautres éléments de preuve matérielle présentés par les témoins, en témoignages de témoins-experts, en aveux judiciaires quant aux faits par la partie poursuivante ou la défenderesse et en des éléments dont la cour prend connaissance doffice. [21] Il nest pas rare que des preuves présentées devant la cour soient contradictoires. Les témoins ont souvent des souvenirs différents dun événement. La cour se doit de déterminer quelle preuve est crédible. [22] La crédibilité nest pas synonyme de dire la vérité et labsence de crédibilité nest pas synonyme de mentir. Plusieurs facteurs influencent lévaluation par la cour de la crédibilité du témoignage dun témoin. Par exemple, un tribunal évaluera lopportunité qua eu un témoin dobserver, les raisons dun témoin de se souvenir. Il se demandera, par exemple, si les événements valaient la peine dêtre notés, sils étaient inhabituels ou frappants, ou relativement sans importance et, par conséquent, à juste titre plus facile à oublier. Le témoin a-t-il un intérêt dans lissue du procès, autrement dit, a-t-il une raison pour favoriser la partie poursuivante ou la défense, ou est-il impartial? Ce dernier facteur sapplique dune manière quelque peu différente à laccusé. Bien quil soit raisonnable de présumer que laccusé ait intérêt à se faire acquitter, la présomption dinnocence ne permet pas de conclure que laccusé mentira lorsque laccusé décide de témoigner. [23] Un autre élément dans la détermination de la crédibilité dun témoin est son apparente capacité à se souvenir. Le comportement du témoin quand il témoigne est
Page 8 de 15 un facteur dont on peut se servir pour évaluer sa crédibilité : le témoin était-il réceptif aux questions, honnête et franc dans ses réponses, ou évasif, hésitant? Argumente-t-il sans cesse? Finalement, son témoignage était-il cohérent en lui-même et compatible avec les faits qui nont pas été contredits? [24] De légères divergences peuvent se produire, et cela arrive, en toute innocence et elles ne signifient pas nécessairement que le témoignage devrait être écarté. Cependant, il en est autrement dans le cas dun mensonge délibéré. Cela est toujours grave et peut vicier le témoignage du témoin en tout ou en partie. [25] La cour nest tenue daccepter le témoignage de personne à moins que celui-ci ne lui paraisse crédible. Cependant, elle jugera une preuve digne de foi à moins de ne pas avoir de raison, ou plutôt, davoir une raison de ne pas y croire. [26] Comme la règle du doute raisonnable sapplique aussi à la question de la crédibilité, la cour na pas à décider de manière définitive de la crédibilité dun témoin ou dun groupe de témoins et elle nest pas tenue de croire que tout ce que dit un témoin ou groupe de témoins est vrai ni que tout est faux. Il est sûr que cette affaire soulève des questions importantes de crédibilité, mais il ne sagit pas dun cas lapproche en matière dévaluation de la crédibilité exprimée par la Cour suprême du Canada dans R. c. W.(D). peut être appliquée de façon stricte, car le Caporal Joseph a reconnu avoir employé la force. Il sagit de savoir si lemploi de la force était fautif dans les circonstances, comme la fait remarquer lavocat de la défense. [27] Ayant procédé à cet exposé sur la charge de la preuve et sur la norme de la preuve, la cour examinera maintenant la question en litige soumise au présent tribunal et traitera des principes juridiques. QUESTIONS EN LITIGE [28] Lavocat de la défense prétend que la seule question en litige devant la cour consiste à savoir si le fait davoir rendu la première boîte de pizza de la façon décrite par le Caporal Joseph, ce qui est la seule version crédible et fiable daprès la défense, constitue ou non un emploi illégal ou fautif de la force. La défense soutient que la cour devrait avoir un doute raisonnable sur ce point. À titre subsidiaire, elle laisse entendre que, si le tribunal conclut à lemploi illégal de la force, les faits et le contexte de la présente affaire sont tels que la cour devrait acquitter laccusé parce que laffaire est de nature si insignifiante quelle donne lieu à lapplication du principe de minimis non curat lex (la loi ne soccupe pas de choses insignifiantes). QUESTIONS DE CRÉDIBILITÉ [29] La nature de la preuve en lespèce impose à la présente cour de tirer certaines conclusions sur la crédibilité des différents témoins.
Page 9 de 15 M. Sime [30] La cour ne juge pas son témoignage très crédible ou fiable. M. Sime a témoigné au mieux de ses connaissances dans la plupart des cas, sauf lorsquil était question de son propre comportement et de son attitude agressive envers le Caporal Joseph. Il a essayé de décrire sa participation en se donnant le beau rôle la plupart du temps. Il était clair quil était très en colère et fâché de toute la situation. En contre-interrogatoire, il a reconnaître que la manière et le degré de force utilisé par le Caporal Joseph étaient beaucoup moins graves que ce quil avait décrit. En contre-interrogatoire, il a reconnu que certains détails donnés dans linterrogatoire principal navaient pas été révélés pendant les entrevues précédentes avec la police ou étaient tout simplement incorrects. La cour est convaincue que sa perception et son souvenir des événements dans linterrogatoire principal étaient quelque peu exagérés, ce qui nest probablement pas parce quil a cherché à mentir de façon consciente et délibérée, mais parce que son souvenir des faits a probablement été touché par son état émotif au moment de lincident. M me Parker [31] M me Parker a témoigné de façon honnête et franche, mais son témoignage nest pas très concluant en ce qui concerne les faits essentiels. Il est raisonnable de conclure que sa version des faits ou sa compréhension générale de tout lincident ont été viciées par les discussions quelle a eues avec son fiancé, M. Sime, quand ils se rendaient au poste de police ou lorsquils attendaient ensemble que la police arrive à la résidence du Caporal Joseph. La cour retient de son témoignage que les deux hommes étaient en colère lun après lautre et que la colère de M. Sime avait empiré lorsquil avait compris que lofficier de police et le Caporal Joseph se connaissaient et lorsque lofficier de police avait laissé le Caporal Joseph se rendre chez McDonald pour ne revenir que 25 minutes plus tard. Caporal Panke [32] Le Caporal Panke a témoigné avec franchise. Cest lui lofficier de police qui sest présenté à la résidence du Caporal Joseph. Il est crédible et fiable. Il a reconnu, en accord avec lavocat, quil naurait pas interroger M. Sime et M me Parker en posant des questions suggestives car ce nest pas une technique denquête appropriée à cause du risque de vice et quil na pas séparé le plaignant de sa fiancée, comme il aurait le faire. La cour croit son témoignage quand il décrit la poussée de colère de M. Sime lorsquil a permis au Caporal Joseph de sen aller et mentionne son commentaire, savoir que si M. Sime avait su, il aurait envoyé un coup de poing au visage du Caporal Joseph, ou des mots de ce genre. Caporal-chef Joseph
Page 10 de 15 [33] Le Caporal-chef Joseph a témoigné de façon calme et franche. Il na pas cherché à éviter les questions ou à argumenter. Il na pas cherché à embellir sa version, sauf quand il a dit avoir placé avec délicatesse la deuxième boîte de pizza au-dessus de la première, que M. Sime tenait en main. Dans le contexte il était alors très en colère, comme il lest reconnu, et les deux personnes étaient fâchées lune contre lautre, la cour nestime pas que cette partie de sa version soit fiable. Cela ne veut pas dire quil ait effectivement placé la deuxième boîte au-dessus de la première dune façon agressive ou brutale. La cour accepte son témoignage lorsquil déclare quil en avait assez de traiter avec M. Sime qui agissait comme si cétait de la faute du client et quil estimait que la première livraison avait été si tardive quil devait payer le second livreur lorsque la livraison serait faite à sa satisfaction. La cour accepte le témoignage du Caporal Joseph en ce qui concerne sa description de létat émotif de M. Sime qui a conduit le Caporal Joseph à semparer de la boîte du dessus, qui nétait pas complètement fermée, et lorsquil la passée ou tendue à M. Sime qui a refusé de la prendre et exigeait encore dêtre payé. La cour accepte le témoignage du Caporal Joseph lorsquil déclare que M. Sime a alors mis ses mains en lair, de chaque côté au niveau de la poitrine et des épaules pour indiquer quil ne prendrait pas la boîte. Néanmoins, le Caporal Joseph a alors tourné la boîte vers le haut et sest arrangé pour la poser entre les mains de M. Sime en employant suffisamment de force ou de pression pour que M. Sime doive la tenir sous peine de la voir tomber par terre. Autrement dit, M. Sime a été contraint dattraper la pizza. DÉCISION [34] La Cour répond ainsi aux questions suivantes : a) Le caporal Joseph a-t-il employé la force dune manière intentionnelle contre M. Michael Sime? Dans le contexte dune attaque illégale, il faut dire que lemploi de la force peut être direct ou indirect. La force employée peut être violente, ou même légère. Pour quil y ait voies de fait, toutefois, le Caporal Joseph doit avoir employé la force dune manière intentionnelle et contre la volonté de M. Sime. Le fait de toucher quelquun accidentellement ne constitue pas un emploi de la force dune manière intentionnelle. Lexpression « dune manière intentionnelle » vise létat desprit du Caporal Joseph lorsquil emploie la force. Cest une expression qui veut dire « délibérément », autrement dit, pas par accident. La cour doit tenir compte de toutes les circonstances de lemploi de la force. La cour doit tenir compte de la nature du contact, et de tous les gestes ou mots qui peuvent lavoir accompagné, ainsi que de toute autre chose qui révèle
Page 11 de 15 lattitude ou létat desprit du Caporal Joseph au moment il a employé la force contre M. Sime. Selon les éléments de preuve admis par le tribunal, la situation avait tourné à un choc des égos entre laccusé et M. Sime. M. Sime nécoutait pas le Caporal Joseph et il nacceptait pas non plus de blâme ou de responsabilité pour labsence de la trempette ou de la garniture pour pizza. M. Sime a téléphoné à Toppers Pizza en utilisant le téléphone du Caporal Joseph, ce qui a alors permis de confirmer quun autre livreur apporterait la trempette parce que cette personne livrait une pizza dans les environs, et cette solution était assez satisfaisante pour le Caporal Joseph. Mais M. Sime a continué dergoter avec son client. Le Caporal Joseph était alors tout à fait exaspéré tandis que M. Sime était aussi très contrarié. Les discussions se sont envenimées lorsque le Caporal Joseph a refusé de payer M. Sime, déclarant préférer payer le second chauffeur lorsquil lui apporterait la trempette. M. Sime a non seulement rejeté cette proposition mais il a exigé le paiement intégral immédiatement. À ce moment-là, le Caporal Joseph en a eu assez de toute la situation et a dit à M. Sime quil ne voulait plus de la pizza. M. Sime était alors très en colère et il a dit à son client quil devait lui payer la pizza. Le Caporal Joseph a alors attrapé la boîte de pizza du dessus, qui nétait pas entièrement fermée, et il la passée ou tendue à M. Sime qui a refusé de la prendre, continuant dexiger le paiement. M. Sime a alors mis ses mains en lair, de chaque côté au niveau de la poitrine et des épaules, pour indiquer quil ne prendrait pas la boîte. Malgré ce signe évident que le livreur ne voulait pas reprendre la boîte de pizza, le Caporal Joseph a tourné la boîte vers le haut et il sest arrangé pour la poser entre les mains de M. Sime en employant suffisamment de force ou de pression pour que M. Sime doive la tenir sous peine de la voir tomber par terre. Autrement dit, M. Sime a été contraint dattraper la pizza, comme je lai dit précédemment. M. Sime décrit ce moment de façon différente, mais la cour croit la réponse donnée par M. Sime en contre-interrogatoire lorsquil déclare avoir fait un pas en arrière parce quil a été pris par surprise lorsque le Caporal Joseph lui a tendu la pizza. Lhistoire dit ensuite que, tandis que M. Sime tenait la première boîte de pizza, le Caporal Joseph sest tourné sur la gauche et a attrapé la deuxième boîte. Il la alors placée sur la première boîte que M. Sime tenait à lhorizontale, les mains levées devant lui, et il a alors demandé à M. Sime de sen aller. Et cet incident sest aggravé avec larrivée de la police militaire.
Page 12 de 15 Ayant tenu compte de ces faits, et des circonstances dans lesquels ils se sont produits, la cour est convaincue que la poursuite a établi hors de tout doute raisonnable que le Caporal Joseph a employé la force dune manière intentionnelle contre M. Sime, lorsque le Caporal Joseph a tourné la boîte vers le haut et sest arrangé pour la placer entre les mains de M. Sime en exerçant suffisamment de force ou de pression pour que M. Sime doive la tenir sous peine de la voir tomber par terre. b) M. Sime avait-t-il consenti à lemploi de la force dune manière intentionnelle contre lui par le Caporal Joseph? La cour est convaincue que, compte tenu des mêmes éléments de preuve, M. Sime navait pas consenti à lemploi de la force. c) Le Caporal Joseph savait-il que M. Michael Sime navait pas consenti pas à lemploi de la force dune manière intentionnelle contre lui? La preuve établit hors de tout doute raisonnable que le Caporal Joseph était si exaspéré par son expérience en tant que client quil avait poursuivi de toute façon, sans se demander si M. Sime était daccord ou pas. Par conséquent, la cour est convaincue que le caporal Joseph avait la connaissance suffisante. Il ne sagit pas dun cas la poursuite pourrait invoquer un aveuglement délibéré parce que, lorsque M. Sime a mis ses mains en lair, de chaque côté, au niveau de la poitrine et des épaules, il a ainsi fait clairement savoir quil ne prendrait pas la boîte de pizza. Cétait un signe clair que le livreur ne voulait pas reprendre la boîte de pizza. [35] Lavocat de la défense soutient que, si la cour conclut à un emploi fautif de la force, il sagit dun cas de nature tellement insignifiante que la doctrine de minimis non curat lex devrait sappliquer. La défense sappuie sur plusieurs décisions à lappui de cette position, mais surtout sur les affaires R. c. Lepage (C.B.R.Sask.), [1989] S.J. N° 579 et R. c. Starratt (1971), 5 C.C.C. (2d) 32, un arrêt de la Cour dappel de lOntario. Daprès la preuve que la cour reconnaît comme fiable et qui se trouve surtout dans le témoignage même du Caporal Joseph, la cour a conclu que lacte du Caporal Joseph constitue des voies de fait au sens technique du Code criminel. [36] De grandes discussions ont eu lieu entre juristes sur la doctrine de minimis non curat lex, quant à savoir si le système de justice pénale devrait ou non soccuper de questions de nature insignifiante. Bien que ce principe ait été appliqué dans bon nombre daffaires, la question de la simple reconnaissance de lexistence dun tel moyen de défense na pas été réglée. À titre dexemple, je renvoie au récent arrêt
Page 13 de 15 R. c. Kubassek (2004), 188 C.C.C. (3d) 307, de la Cour dappel de lOntario le juge dappel Cutzman a déclaré, au paragraphe 17 et suivants : [TRADUCTION] [17] La position du ministère public dans cet appel se réduit à deux arguments fondamentaux, le premier étant que le principe de minimis non curat lex ne trouve pas dapplication en tant que moyen de défense en droit pénal, et le second, que même sil peut être soulevé à titre de moyen de défense dans une affaire pénale, ce principe ne pouvait pas être invoqué dans les circonstances de lespèce. [18] Jaccepte le deuxième argument du ministère public et ne juge pas nécessaire de me prononcer sur le premier. [19] Le principe de minimis non curat lex est très ancien. La première mention de ce principe, dans les recueils de jurisprudence, remonte à laffaire Taverner v. Dominum Cromwell (1594), 78 E.R. 601. Plus de deux siècles plus tard, le sens de lexpression a été étendu dans une affaire de saisie dun navire britannique pour violation des lois fiscales britanniques par lexportation de bois de campêche de la Jamaïque vers les États-Unis, pays qui en interdisait limportation : The Reward (1818), 2 Dods. 265, 165 E.R. 1482. En rejetant une invitation faite par les propriétaires du navire à infirmer cette condamnation à cause de linsignifiance relative du montant de bois de campêche en cause, sir Walter Scott (devenu plus tard lord Stowell) a déclaré, dans 269-270 Dods., 1484 E.R. : La cour nest pas tenue à une sévérité à la fois dure et pédantesque dans lapplication des lois. La loi permet la qualification qui est implicite dans lancien adage De minimis non curat lex. En présence dirrégularités entraînant de très légères conséquences, elle ne vise pas à infliger des peines inéluctablement sévères. Si lécart est une vétille qui, advenant quelle se poursuive, naurait que peu ou pas dincidence sur lintérêt public, on pourrait légitimement lignorer. [20] Au cours de la dernière décennie, la Cour suprême du Canada a traité, mais sans la régler, la question de savoir si le principe de minimis pouvait servir de moyen de défense dans une accusation pénale. Dans laffaire R. c. Hinchey (1996), 111 C.C.C. (3d) 353 (C.S.C), qui portait sur une accusation de corruption de fonctionnaire, la juge L'Heureux-Dubé, sexprimant pour la majorité de la Cour, a reconnu la possibilité que le principe de minimis soit un moyen de défense permettant de repousser la responsabilité criminelle, mais elle a précisément laissé la question en suspens. Elle a déclaré, en remarque incidente, au par. 69 : [E]n supposant quil puisse y avoir encore des cas qui ne justifient pas une sanction pénale, il y a peut-être une autre méthode permettant déviter quune déclaration de culpabilité soit prononcée : le principe de minimis non curat lex, soit que « la loi ne soccupe pas de choses insignifiantes ». Cette solution pour les cas un accusé a, « strictement parlant », violé un article du Code a été proposée par lAssociation du Barreau canadien, dans Principes de responsabilité pénale : Proposition de nouvelles dispositions générales du Code criminel du Canada (1992), et par dautres : voir le professeur Stuart,
Page 14 de 15 Canadian Criminal Law: A Treatise (3 e éd. 1995), aux pp. 542 à 546. Je sais, toutefois, que notre Cour ne sest pas encore prononcée sur lapplication éventuelle de ce principe comme moyen de défense permettant de repousser la responsabilité criminelle, et que cette question fait lobjet de certains débats devant les instances inférieures. Comme il nest pas strictement nécessaire de trancher cette question pour résoudre laffaire dont nous sommes saisis, il y a lieu de laisser la question en suspens. [21] Dans laffaire Canadian Foundation for Children, Youth and the Law c. Canada (procureur général) (2004), 180 C.C.C. (3d) 353, la Cour suprême a maintenu la constitutionnalité de lart. 43 du Code criminel qui prévoie que tout instituteur, père ou mère, ou toute personne qui remplace le père ou la mère, est fondé à employer la force pour corriger un élève ou un enfant, selon le cas, confié à ses soins, pourvu que la force ne dépasse pas la mesure raisonnable dans les circonstances. La décision de la majorité a été prononcée par la juge en chef McLachlin, les juges Binnie, Arbour et Deschamps ayant chacun rédigé des motifs dissidents. Dans sa dissidence, la juge Arbour a déclaré que le principe de minimis non curat lex existe bien comme moyen de défense en common law : voir les par. 200-208. Mais tout ce que la juge en chef McLachlin a déclaré, s'exprimant au nom de la majorité de la Cour sur ce sujet au par. 44, est ce qui suit : [L]a juge Arbour affirme que les parents qui feront lobjet daccusations criminelles après avoir employé la force pour infliger une correction pourront invoquer les moyens de défense fondés sur la nécessité et le principe de minimis. Je conviens quil est possible dinvoquer la nécessité comme moyen de défense, mais seulement dans des cas il nest pas question de force employée pour infliger une correction, notamment dans celui il sagissait de protéger un enfant contre un danger imminent. Quant au moyen de défense fondé sur le principe de minimis, il est aussi, sinon plus, imprécis et difficile à appliquer que le moyen de défense fondé sur le caractère raisonnable que prévoit lart. 43. [22] Tout comme la juge LHeureux-Dubé dans laffaire Hinchey et la juge en chef McLachlin dans laffaire Canadian Foundation, je nestime pas nécessaire de déterminer en lespèce si le principe de minimis sert de moyen de défense au pénal. Je mexprime ainsi parce que, même à supposer que, pour le règlement du présent appel, ce principe soit un moyen de défense, le fait de qualifier la conduite de M me Kubassek d’« insignifiante » a constitué une erreur de droit qui peut être corrigée par le présent tribunal. [37] En lespèce, il ne fait pas de doute que, lorsque le Caporal Joseph a placé la boîte de pizza sur les mains tendues de M. Sime, malgré le geste très clair de celui-ci montrant quil ne voulait pas la reprendre, cet emploi de la force était délibéré. Le Caporal Joseph avait décidé de régler cette question ainsi, mais il aurait pu gérer cet incident de façon différente, par exemple, en parlant lui-même à un responsable de chez Toppers Pizza ou en essayant de calmer le jeu. Il aurait pu rester sur sa position de ne pas payer la livraison et même prendre la pizza et la sortir de sa maison sans forcer
Page 15 de 15 M. Sime à la prendre. Avec le recul, il faut comprendre quil avait toute raison dêtre exaspéré et mécontent. Toutefois, il ne sagit pas dun moyen de défense dans les circonstances. Bien quil nait pas subi de dommages, M. Sime a été pris par surprise, en dépit des gestes clairs quil avait faits pour ne pas reprendre la pizza. Le Caporal Joseph a décidé de ne pas en tenir compte du tout et plutôt de régler la question lui-même en utilisant la force de manière intentionnelle. Dans le contexte de lespèce, la cour estime que de réduire limportance de ces voies de fait en appliquant une qualification comme « insignifiantes » ou « banales » amène à faire fi de ce qui sest réellement produit entre M. Sime et le Caporal Joseph, même si, de lavis de la cour, M. Sime était très agressif et na pas cherché à comprendre son client. En conséquence, je conclus que les faits de lespèce ne peuvent pas être considérés comme étant visés par le moyen de défense, à supposer quil sagisse véritablement dun moyen de défense en droit. La cour conclut que les faits de lespèce ne peuvent pas être considérés comme étant visés par le principe de minimis non curat lex. [38] Il faut comprendre que, lorsque les affaires se placent à léchelon le plus bas de la responsabilité pénale ou du blâme, la poursuite joue un rôle important dans lexercice du pouvoir discrétionnaire du ministère public. Toutefois, lorsque les tribunaux sont saisis de ces affaires très mineures, ils doivent les traiter conformément au droit. Cela ne veut pas dire que le contrevenant doive subir une punition qui ait des conséquences irréparables du fait de cette condamnation compte tenu des circonstances. LIEUTENANT-COLONEL M. DUTIL, J.M. Avocats : Major A.M. Tamburro, Procureur militaire régional, Ottawa Procureur de Sa Majesté la Reine Major A. Appolloni, Direction du Service davocats de la défense, Ottawa Avocat du Caporal R.P. Joseph
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