Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l’ouverture du procès : 8 décembre 2014.

Endroit : BFC Borden, édifice T-127, 15 chemin Cyprus, Borden (ON).

Chefs d’accusation :

• Chef d’accusation 1 : Art. 86 LDN, s’est battu avec une personne justiciable du code de discipline militaire.
• Chef d’accusation 2 : Art. 97 LDN, ivresse.
• Chef d’accusation 3 : Art. 101.1 LDN, a omis de se conformer à une condition imposée sous le régime de la section 3.

Résultats :

• VERDICTS : Chefs d'accusation 1, 2 : Non coupable. Chef d'accusation 3 : Coupable.
• SENTENCE : Un blâme et une amende au montant de 700$.

Contenu de la décision

 

COUR MARTIALE

 

Référence : R. c. Woolvett, 2014 CM 1029

 

Date : 20141211

Dossier : 201428

 

Cour martiale permanente

 

Base des Forces canadiennes Borden

Borden (Ontario), Canada

Entre :

 

Sa Majesté la Reine

 

- et -

 

Caporal-chef Woolvett J.G., contrevenant

 

 

En présence du : Colonel M. Dutil, J.M.C.


 

MOTIFS DE LA SENTENCE

 

(Prononcés de vive voix)

 

[1]               Le caporal-chef Woolvett a été déclaré coupable d’un chef d’avoir omis de se conformer à une condition imposée sous le régime de la section 3 de l’article 101.1 de la Loi sur la défense nationale. Les détails de la troisième accusation sont les suivants :

 

Détails : En ce que, le ou vers le 2 mars 2014, au Centre de service de la Base des Forces canadiennes Borden (Ontario), ou dans les environs, il a omis, sans excuse légitime, de s’abstenir de consommer de l’alcool en contravention d’une condition de mise en liberté imposée au titre de la section 3 du code de discipline militaire le 29 octobre 2013.

 

[2]               La preuve présentée au procès a révélé qu’aux petites heures du 2 mars 2014, le caporal-chef Woolvett a eu l’un de ces terribles cauchemars récurrents dans lequel il se voit tomber dans une embuscade avec ses camarades en Afghanistan. Il a décrit les images horribles qu’il voyait dans ce cauchemar, notamment celles de l’exécution de son épouse et de son enfant. Le caporal-chef Woolvett a expliqué qu’il n’avait pas trouvé d’autres moyens efficaces de se calmer, n’ayant pas d’autres médicaments à sa portée cette nuit-là, et l’expérience de sa maladie lui ayant appris qu’il ne servirait à rien d’appeler des amis ou une ligne rouge de santé mentale. Il a décrit l’état physique et émotionnel dans lequel ce cauchemar particulier l’avait mis, et a indiqué notamment qu’il tremblait et transpirait. Il a déclaré qu’il s’est dirigé vers le réfrigérateur, qu’il a instinctivement saisi la bouteille de vin blanc et qu’il l’a bue en regardant la télévision. Il savait qu’il devait se présenter à l’officier de service de la Base plus tard dans la journée, et qu’il avait violé la condition qui lui avait été imposée de ne pas boire d’alcool.

 

[3]               À la suite de son expérience en Afghanistan, le caporal-chef Woolvett a reçu un diagnostic d’état de stress post-traumatique accompagné d’anxiété grave et chronique. Il souffre également d’un trouble lié à la consommation d’alcool et du trouble d’hyperactivité avec déficit de l’attention. La preuve indique également que le caporal-chef Woolvett sera libéré des Forces canadiennes en avril 2015 et qu’il effectue lentement sa transition vers sa future vie civile. Sa libération était initialement prévue au début de novembre 2014, mais les professionnels de la santé ont recommandé de la reporter, estimant que ses graves troubles de santé mentale pouvaient avoir des effets dévastateurs s’il était libéré autour du jour du Souvenir. D’après son psychiatre traitant, il répond bien à son programme de traitement; il lui est cependant très difficile d’accepter la perte de son identité militaire.

 

[4]               La poursuite fait valoir qu’une courte période d’incarcération de sept jours sous la forme d’un emprisonnement constituerait une sentence adéquate, compte tenu de l’infraction et du contrevenant, puisque le caporal-chef Woolvett a déjà passé huit jours en détention avant la tenue de son procès en raison de la violation de la condition, et qu’il a déjà été condamné deux fois au civil relativement à des infractions similaires en octobre 2012. La sentence proposée serait conforme au principe de palier. Une telle sentence est censée remplir les objectifs pertinents de détermination de la sentence que sont la dissuasion générale et spécifique ainsi que la dénonciation. La poursuite recommande par ailleurs à la Cour de suspendre l’application de la sentence d’emprisonnement en raison des graves problèmes de santé mentale dont souffre le caporal-chef Woolvett.

 

[5]               La défense s’appuie sur la preuve produite à l’audience de détermination de la sentence sur consentement, puisque l’avis médical du psychiatre suggère en effet qu’une sentence incluant une incarcération ou une rétrogradation pourrait avoir une incidence négative notable sur la santé mentale du contrevenant et même entraîner un important risque de suicide. Cependant, les avocats reconnaissent que le caporal-chef Woolvett recevrait un soutien en santé mentale durant toute période d’incarcération. L’avocat de la défense soutient qu’un blâme accompagné d’une amende de l’ordre de 500 $ remplirait aussi les objectifs invoqués par la poursuite et ne serait pas une sentence trop sévère pour le contrevenant.

 

[6]               Pour déterminer la sentence à imposer à un contrevenant en vertu du code de discipline militaire, la Cour martiale doit se laisser guider par les principes et les objectifs applicables, notamment ceux qui sont énoncés aux articles 718.1 et 718.2 du Code criminel. La détermination de la sentence en cour martiale vise essentiellement à favoriser le respect de la loi et de la discipline militaire par l’infliction de sanctions qui répondent à un ou plusieurs des objectifs suivants :

 

a)      la protection du public, y compris celle des Forces canadiennes;

 

b)      la dénonciation des comportements illégaux;

 

c)      l’effet dissuasif de la sentence, non seulement sur le contrevenant, mais aussi sur les autres personnes qui pourraient être tentées de commettre des infractions semblables;

 

d)     enfin, l’amendement et la réadaptation du contrevenant.

 

[7]               La sentence doit également tenir compte des principes suivants. Elle doit être proportionnelle à la gravité de l’infraction, aux antécédents du contrevenant et à son degré de responsabilité. La sentence doit être analogue à celles qui sont infligées à des contrevenants ayant commis des infractions similaires dans des circonstances semblables. Enfin, la sentence doit être adaptée en fonction des circonstances aggravantes ou atténuantes liées à la perpétration de l’infraction ou à la situation du contrevenant. Toutefois, lorsqu’elle détermine la sentence, la Cour doit faire preuve de retenue en imposant une ou des sentences qui représentent l’intervention minimale nécessaire pour maintenir la discipline. En l’espèce, la sentence doit viser les objectifs de dénonciation, de dissuasion générale et spécifique et de réadaptation.

 

[8]               La Cour estime respectueusement que la sentence de dernier recours n’est pas appropriée compte tenu des circonstances de l’infraction et de la situation du contrevenant. La suspension de la sentence d’emprisonnement recommandée par la poursuite, compte tenu de l’état mental du contrevenant, met en lumière le danger d’abuser du pouvoir de suspendre les sentences. La suspension d’une période de détention ou d’emprisonnement n’est applicable que si, pour commencer, la sentence d’incarcération est adéquate. Elle peut être employée pour diverses raisons, notamment d’ordre opérationnel ou humanitaire. Cependant, les tribunaux militaires ne doivent pas user du pouvoir de suspendre les sentences pour remplir ou atteindre au moins l’un des objectifs de détermination de la sentence applicable, comme la réadaptation. Ces objectifs doivent s’appliquer à la sentence qui convient. La réadaptation du caporal-chef Woolvett est un objectif important en l’espèce. Une sentence d’incarcération ne contribuerait pas à la réadaptation du contrevenant compte tenu de sa situation spécifique.

 

POUR CES MOTIFS, LA COUR :

 

[9]               CONDAMNE le contrevenant, le caporal-chef Woolvett, à un blâme ainsi qu’à une amende de 700 $ payable à partir du 31 janvier 2015, à raison de 100 $ par paye jusqu’à l’acquittement complet de l’amende. Si le contrevenant devait être libéré des Forces canadiennes avant le paiement complet, le solde sera payable immédiatement avant la date de libération effective.


 

Avocats :

 

Major A.-C. Samson, Service canadien des poursuites militaires, Procureur de Sa Majesté la Reine

 

Major D. Hodson, Direction du Service d’avocats de la défense, Avocat du caporal-chef Woolvett

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