Cour martiale
Informations sur la décision
Résumé :
Date de l’ouverture du procès : 7 février 2006.
Endroit : SFC St. John’s, annexe du mess du Fort Pepperell, édifice 308, avenue Charter, St. John’s (NL).
Chefs d’accusation:
• Chefs d’accusation 1, 2, 3 : Art. 130 LDN, trafic (art. 5(1) LRCDAS).
Résultats:
• VERDICTS : Chef d’accusation 1 : Coupable. Chefs d’accusation 2, 3 : Non coupable.
• SENTENCE : Emprisonnement pour une période de 60 jours et une amende au montant de 500$. L'exécution de la peine d'emprisonnement a été suspendue.
Contenu de la décision
Page 1 of 5 Citation : R. c. L’Ex-Matelot de 3 e classe M. Jacobs, 2006 CM 25 Dossier : S200625 COUR MARTIALE PERMANENTE CANADA ST. JOHN'S, TERRE-NEUVE-ET-LABRADOR DÉTACHEMENT DE L’ÉCOLE DU GÉNIE NAVAL DES FORCES CANADIENNES ______________________________________________________________________ Date : 14 février 2006 ______________________________________________________________________ SOUS LA PRÉSIDENCE DU LIEUTENANT-COLONEL M. DUTIL, J.M. ______________________________________________________________________ SA MAJESTÉ LA REINE c. EX-MATELOT DE 3 e CLASSE M. JACOBS (Accusé) ______________________________________________________________________ SENTENCE (Rendue oralement) ______________________________________________________________________ TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE [1] Comme on l’a dit maintes fois, le but d’un système de tribunaux militaires distinct est de permettre aux Forces armées de s’occuper des questions qui touchent directement à la discipline, à l’efficacité et au moral des troupes. La Cour suprême du Canada a reconnu que les manquements à la discipline militaire doivent être réprimés promptement et, dans bien des cas, punis plus durement que si les mêmes actes avaient été accomplis par un civil. Cependant, toute peine infligée par un tribunal, qu’il soit civil ou militaire, doit être la moindre possible dans les circonstances. [2] Pour déterminer la peine aujourd’hui, la cour a tenu compte des circonstances liées à la perpétration des infractions, telles qu’elles ressortent de la preuve entendue au procès, de la preuve documentaire qu’on lui a fournie et des témoignages entendus durant le processus de détermination de la peine. La cour a examiné la preuve à la lumière des principes applicables de détermination de la peine, y compris ceux énoncés aux articles 718, 718.1 et 718.2 du Code criminel, dans la mesure où ils ne sont pas incompatibles avec le régime de détermination de la peine prévue à la Loi sur la défense nationale. La cour a également examiné les observations des avocats, y compris la jurisprudence fournie.
Page 2 of 5 [3] L’ex-Matelot de 3 e classe a été déclaré coupable d’une accusation aux termes de la Loi sur la défense nationale. Cette accusation concerne une infraction punissable aux termes de l’article 130 de la Loi sur la défense nationale pour trafic de cannabis (marihuana) en contravention du paragraphe 5(1) de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances. L’accusation visait la vente de 3,3 grammes de marihuana le 15 janvier 2005 à un agent d’infiltration inscrit à l’EGNFC à titre d’étudiant en première année. La vente a eu lieu dans l’appartement de l’agent d’infiltration, loué par l’EGNFC à St. John’s. En d’autres termes, cet ensemble d’habitations collectives servait de baraque militaire et constituait un établissement de défense à toutes fins utiles. [4] La cour qui prononce la peine d’un délinquant relativement aux infractions qu’il a commises doit poursuivre certains objectifs en fonction des principes de la détermination de la peine qui s’appliquent. Il est reconnu que ces principes et objectifs varient légèrement selon le cas, mais il faut toujours les adapter aux circonstances ainsi qu’au délinquant. [5] Pour contribuer à l’un des objectifs essentiels de la discipline militaire, soit le maintien d’une force armée professionnelle et disciplinée qui soit opérationnelle, efficace et efficiente, au sein d’une société libre et démocratique, les objectifs et principes de la détermination de la peine peuvent être formulés ainsi : premièrement, la protection du public - et cela comprend les Forces armées; deuxièmement, la punition et la dénonciation des conduites illégales; troisièmement, la dissuasion du délinquant et d’autres de commettre de telles infractions; quatrièmement, l’isolement des délinquants de la société, y compris les membres des Forces canadiennes lorsque cela est nécessaire; cinquièmement, la réinsertion des délinquants; sixièmement, la proportionnalité de la peine par rapport à la gravité de l’infraction et au degré de responsabilité du délinquant; septièmement, l’infliction d’une peine similaire aux peines imposées à des délinquants similaires pour des infractions similaires commises dans des circonstances similaires; huitièmement, le fait qu’un délinquant ne devrait pas être privé de sa liberté si une peine ou une combinaison de peines moins restrictives sont indiquées dans les circonstances; enfin, la cour doit tenir compte de toute circonstance aggravante ou atténuante liée à la perpétration de l’infraction ou à la situation du délinquant. En l’espèce, la protection du public doit être réalisée au moyen d’une peine qui mettra l’accent sur la dissuasion générale, la punition et la dénonciation, ainsi que sur la dissuasion spécifique. La peine doit également aider à la réinsertion du délinquant compte tenu tout particulièrement de son jeune âge. [6] Pour déterminer ce qu’elle considère comme une peine équitable et adaptée, la cour a tenu compte des circonstances atténuantes et aggravantes qui suivent : a) la gravité objective de l’infraction telle qu’elle ressort de la peine maximale dont elle est assortie. Il s’agit d’une infraction grave. En effet, à titre d’exemple, l’infraction de trafic d’une substance
Page 3 of 5 inscrite aux annexes II et VII, soit le cannabis (marihuana), pour une quantité n’excédant pas trois kilos, est passible d’une peine maximale de cinq ans d’emprisonnement; b) le fait que non seulement le trafic ait eu lieu dans un établissement de défense mais aussi dans les casernes de l’EGNFC et qu’elle visait une personne que le délinquant croyait être un étudiant de première année; c) le fait que le trafic ait été perpétré au moyen d’une vente à une personne dont le délinquant croyait qu’elle était un camarade étudiant plus jeune. [7] La Cour considère les circonstances suivantes comme atténuantes : L’âge du délinquant. Vous n’aviez que 19 ans lorsque vous avez commis l’infraction dont vous avez été déclaré coupable. Au total votre carrière militaire a duré vingt mois, ce qui est un échec mesurable. Mais la preuve qui a été présentée à la cour est tout particulièrement convaincante et montre que vous aviez pris d’importantes mesures pour devenir un membre utile de la société et reprendre votre vie en main. À l’âge de 20 ans, il vous reste de nombreuses années pour vous améliorer et contribuer positivement à la société en général, si ce n’est aux Forces canadiennes. Deuxièmement, la situation financière du délinquant. Selon la preuve présentée à la cour, vous éprouvez des difficultés financières par suite de votre libération, même si celle-ci est attribuable à votre propre conduite. Il est juste de dire qu’il est improbable que votre situation financière s’améliore dans un avenir prochain, mais la cour reconnaît les efforts louables que vous avez déployés pour remettre votre vie sur la bonne voie. Toute peine infliger par la présente cour ne devrait pas nuire à vos efforts en vue de vous réinsérer, surtout dans le cas d’un délinquant tel que vous âgé de seulement 20 ans, sans antécédents judiciaires. Par conséquent, le fait que vous n’ayez pas de fiche de conduite ou de casier judiciaire relativement à des infractions semblables dans le passé constitue également, selon la cour, un facteur atténuant dans les circonstances. Quatrièmement, le temps écoulé depuis le dépôt des accusations. Cinquièmement, le fait qu’il s’agisse d’une quantité de drogues et d’une transaction relativement petites.
Page 4 of 5 Sixièmement, le fait que, selon la preuve présentée à la cour, l’infraction a consisté en une seule transaction. Septièmement, le fait que vous ayez déjà été libéré des Forces canadiennes pour les mêmes raisons qui vous ont amené devant la Cour. Dans le contexte de la présente affaire, cet aspect est important en ce qui concerne l’effet dissuasif requis pour ce type de conduite. [8] De plus, la cour a examiné encore une fois les circonstances relatives à la conduite des policiers en l’espèce et, quoique cette conduite mérite quelques observations de la cour à l’étape du verdict, la cour estime que cette conduite ne devrait pas avoir un effet atténuant dans les circonstances particulières de l’espèce. [9] Le trafic de drogues constitue une infraction très grave. Mais elle est encore beaucoup plus grave dans le contexte militaire, en raison des effets envahissants et pernicieux liés au monde de la drogue. C’est précisément pourquoi les Forces canadiennes ont adopté une politique rigoureuse en matière de drogues, énoncée au chapitre 20 des Ordonnances et règlements royaux applicables aux Forces canadiennes. Il est établi depuis longtemps devant les cours martiales qu’une sous-culture de drogue affecte le moral et la cohésion des unités. Cette sous-culture a une incidence directe sur l’efficacité des opérations et il est impératif que le milieu de travail ainsi que l’institution des Forces canadiennes soient protégés contre les effets dévastateurs que les drogues illicites peuvent avoir sur leurs ressources. Les activités liées aux drogues sont encore plus alarmantes quand elles se produisent dans les établissements d’entraînement des FC, là où de jeunes recrues font leurs premiers pas dans l’armée. La création de l’équipe de lutte antidrogue du SNE et les ressources affectées pour empêcher les activités liées aux drogues illicites au sein des Forces canadiennes ces dernières années, comme l’indique la preuve présentée à la cour, montrent que cette question est prise très au sérieux et qu’elle est particulièrement très préoccupante dans le contexte militaire actuel. Il est plus que jamais essentiel de promouvoir et de préserver une force armée moderne et disciplinée dans un environnement sans drogue. Il faudrait toujours considérer le trafic de drogues comme une affaire grave, très grave, même lorsqu’il s’agit de cannabis (marihuana). [10] Cependant, et en dépit du fait que la cour reconnaît que les facteurs les plus importants devraient être la dissuasion générale et la dénonciation, la cour n’a reçu aucune preuve lui indiquant que, du point de vue des problèmes liés aux drogues, la situation dans la région Atlantique ou au détachement de l’EGNFC à St. John, à Terre-Neuve-et-Labrador, serait plus préoccupante qu’ailleurs dans les Forces canadiennes. La cour ne peut pas infliger une peine à un délinquant pour des infractions dont il n’a pas été déclaré coupable ou pour des infractions pour lesquelles il aurait pu devoir répondre à des accusations criminelles ou disciplinaires. La cour a examiné très attentivement la jurisprudence présentée par les avocats à la lumière de cette réalité. Il
Page 5 of 5 ne faut pas oublier que la détermination de la peine est surtout un processus individualisé. Bien que chaque cas soit un cas d’espèce, la cour convient qu’il n’est possible, dans le cas qui nous occupe, d’obtenir un effet dissuasif général qu’au moyen d’une peine juste qui devrait comprendre une période d’emprisonnement importante pour assurer le maintien de la discipline, même si cette peine ne doit être infligée qu’en dernier recours comme l’a récemment réitéré la Cour d’appel de la cour martiale dans l’arrêt R. c. Baptista, du 27 janvier 2005, numéro de référence neutre un. [11] Pour ces raisons SS veuillez-vous lever SS, la cour vous condamne à une peine d’emprisonnement de 60 jours et à une amende de cinq cent dollars. Toutefois, la cour est d’avis qu’il s’agit d’une affaire dans laquelle il convient de suspendre l’exécution de la peine et, par conséquent, la cour suspend l’exécution de l’emprisonnement. Vous pouvez vous asseoir. [12] Vous devrez payer l’amende au receveur général du Canada par chèque certifié ou par mandat à l’adresse qui vous sera communiquée par l’avocat du poursuivant. (...) L’amende doit être payée au plus tard le 14 avril 2006. LIEUTENANT-COLONEL M. DUTIL, J.M. Avocats : Major J.J. Samson, procureur militaire régional, région Atlantique Major S.D. Richards, procureur militaire régional, région Atlantique Procureurs de Sa Majesté la Reine Lieutenant-colonel D.T. Sweet, Direction du Service d’avocats de la défense Avocat de l’ex-Matelot de 3 e classe M. Jacobs
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