Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l’ouverture du procès : 21 février 2006.
Endroit : 6080 rue Young, 5e étage, salle d’audience, Halifax (NÉ).
Chefs d’accusation:
• Chef d’accusation 1 (subsidiaire au chef d’accusation 2) : Art. 130 LDN, trafic (art. 5(1) LRCDAS).
• Chef d’accusation 2 (subsidiaire au chef d’accusation 1) : Art. 130 LDN, trafic (art. 5(1) LRCDAS).
• Chef d’accusation 3 (subsidiaire au chef d’accusation 4) : Art. 130 LDN, trafic (art. 5(1) LRCDAS).
• Chef d’accusation 4 (subsidiaire au chef d’accusation 3) : Art. 130 LDN, possession (art. 4(1) LRCDAS).
• Chef d’accusation 5 : Art. 129 LDN, comportement préjudiciable au bon ordre et à la discipline.
Résultats:
• VERDICTS : Chefs d’accusation 1, 3, 4 : Non coupable. Chef d’accusation 2 : Coupable. Chef d’accusation 5 : Retiré.
• SENTENCE : Une rétrogradation au grade de matelot de 3e classe et une amende au montant de 1000$.
Sa majesté la Reine
c.
Ex-matelot de 2e Classe C.R. Hoddinott

Contenu de la décision

Page 1 de 7 Citation : R. c. Ex-Matelot de 2 e classe C.R. Hoddinott, 2006 CM 24 Dossier : 200624 COUR MARTIALE PERMANENTE CANADA NOUVELLE-ÉCOSSE BASE DES FORCES CANADIENNES HALIFAX Date : 24 février 2006 SOUS LA PRÉSIDENCE DU LIEUTENANT-COLONEL M. DUTIL, J.M. SA MAJESTÉ LA REINE c. EX-MATELOT DE 2 e CLASSE C.R. HODDINOTT (Délinquant) SENTENCE (Prononcée de vive voix) TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE [1] Le but d'un système de tribunaux militaires distinct est de permettre aux Forces armées de s'occuper des questions qui touchent directement à la discipline, à l'efficacité et au moral des troupes. La Cour suprême du Canada a reconnu que les manquements à la discipline militaire doivent être réprimés promptement et, dans bien des cas, punis plus durement que si les mêmes actes avaient été accomplis par un civil. Cependant, toute peine infligée par un tribunal, quil soit civil ou militaire, doit être la moindre possible dans les circonstances. [2] Pour déterminer la peine aujourdhui, la cour a tenu compte des circonstances liées à la perpétration des infractions, telles quelles ressortent de la preuve entendue au procès, de la preuve documentaire quon lui a fournie et des témoignages entendus durant le processus de détermination de la peine. La cour a examiné la preuve à la lumière des principes applicables de détermination de la peine, y compris ceux énoncés aux articles 718, 718.1 et 718.2 du Code criminel, dans la mesure ils ne sont pas incompatibles avec le régime de détermination de la peine prévu dans la Loi sur la défense nationale. La cour a également examiné les observations des avocats, ainsi que de la jurisprudence fournie.
Page 2 de 7 [3] Lex-Matelot de 2 e classe Hoddinott a été reconnu coupable dune accusation aux termes de la Loi sur la défense nationale. Cette accusation vise une infraction punissable aux termes de larticle 130 de la Loi sur la défense nationale pour trafic de cannabis (marihuana) en contravention du paragraphe 5(1) de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances. La nature du trafic en cause consistait dans le fait quun joint appartenant au délinquant a été passé à un agent dinfiltration, le 27 novembre 2004, dans lappartement du délinquant à Halifax, en présence de plusieurs amis du délinquant. Ce type de trafic est souvent désigné comme étant un trafic entre amis et connaissances; autrement dit, linfraction na aucun aspect commercial. La preuve ne permet pas de déduire que des militaires aient pu se trouver dans lappartement au moment linfraction a été perpétrée. Il est aussi pertinent de noter, aux fins de la détermination de la peine, que le délinquant était un consommateur de drogue avéré, qui était plongé dans le monde de la drogue. La preuve reçue au procès le montre abondamment. De plus, selon la preuve entendue au procès, linfraction na pas été perpétrée dans un établissement de défense ou à proximité, ou en présence dautres militaires. [4] Le prononcé des peines a pour objectif essentiel de contribuer au respect de la loi et au maintien dune société « juste, paisible et sûre » par linfliction de sanctions justes. Dans le contexte des tribunaux militaires, il faut maintenir un équilibre entre cet objectif et les exigences spéciales et essentielles de maintien et dapplication dune discipline militaire rigoureuse. La cour qui prononce la peine dun délinquant relativement aux infractions quil a commises doit poursuivre certains objectifs en fonction des principes de la détermination de la peine qui sappliquent. Il est aussi reconnu que ces principes et objectifs varient légèrement selon le cas, mais il faut toujours les adapter aux circonstances de lespèce, ainsi quau délinquant. Pour contribuer à lun des objectifs essentiels de la discipline militaire, soit le maintien dune force armée professionnelle et disciplinée qui soit opérationnelle, efficace et efficiente, au sein dune société libre et démocratique, les objectifs et principes de la détermination de la peine peuvent être formulés ainsi : Premièrement, la protection du public - et cela comprend les Forces canadiennes; Deuxièmement, la punition et la dénonciation de la conduite illégale; Troisièmement, la dissuasion du délinquant et dautres de commettre des infractions similaires; Quatrièmement, lisolement des délinquants du reste de la société, y compris des membres des Forces canadiennes lorsque cela est nécessaire; Cinquièmement, la réinsertion des délinquants;
Page 3 de 7 Sixièmement, la proportionnalité de la peine par rapport à la gravité de linfraction et au degré de responsabilité du délinquant. La peine doit être proportionnelle au préjudice infligé et à la culpabilité morale du délinquant. Cest la manière dont la société affirme ses valeurs fondamentales, protège le public et dit clairement à ceux qui transgressent ces valeurs quils sont responsables de leurs actes; Septièmement, linfliction dune peine similaire aux peines imposées à des délinquants du même genre pour des infractions comparables commises dans des circonstances similaires; Huitièmement, le fait quun délinquant ne devrait pas être privé de sa liberté si une peine ou une combinaison de peines moins restrictives sont indiquées dans les circonstances; Enfin, la Cour doit tenir compte de toute circonstance aggravante ou atténuante liée à la perpétration de linfraction ou à la situation du délinquant. [5] En lespèce, la protection du public doit être réalisée au moyen dune peine qui mettra laccent sur la dissuasion générale , mais aussi sur la réprobation du comportement du délinquant. La peine doit aussi permettre la réinsertion de M. Hoddinott, à la lumière de la preuve reçue à laudience de détermination de la peine. [6] La gravité des infractions liées aux drogues va de la possession au trafic, le trafic lui-même allant du trafic entre amis et connaissances au trafic commercial en gros et le danger posé par la drogue, de la marihuana à lhéroïne. Il est clair, par conséquent, quil faut tenir compte des objectifs de dissuasion et de réinsertion quand on prononce une peine en matière de drogue et que limportance accordée à la dissuasion et à la réinsertion variera en fonction du type dinfraction liée à la drogue pour lequel le tribunal impose une peine, ainsi que du délinquant qui a commis le crime. Le trafic de drogues est une infraction très grave, mais encore plus grave dans le contexte militaire, en raison des effets internes et préjudiciables liés au monde de la drogue. Cest la raison précise pour laquelle les Forces canadiennes ont adopté une politique rigoureuse en matière de drogues, énoncée au chapitre 20 des Ordonnances et règlements royaux applicables aux Forces canadiennes. [7] Les cours martiales ont établi depuis longtemps que la sous-culture associée aux drogues a une incidence sur le moral et la cohésion des unités. Cette sous-culture a une incidence directe sur lefficacité des opérations, et il est impératif que le milieu de travail, ainsi que linstitution des Forces canadiennes, soient protégés contre les effets dévastateurs que les drogues illicites peuvent avoir sur leurs ressources. La création de lÉquipe de lutte antidrogue du SNE et les ressources affectées à la lutte contre les activités liées aux drogues illicites au sein des Forces canadiennes ces
Page 4 de 7 dernières années, comme lindique la preuve présentée à la cour, montrent que cette question est prise très au sérieux et quelle est particulièrement préoccupante dans le contexte militaire actuel. [8] Toutefois, il est aussi important que les Forces canadiennes sengagent sérieusement à promouvoir un environnement sans drogue, grâce à une sensibilisation dynamique et à lorganisation de programmes de réinsertion accessibles aux militaires qui ont des problèmes dabus de drogues. Il est plus que jamais essentiel de promouvoir et de préserver une force armée moderne et disciplinée dans un environnement sans drogue. Il faudrait toujours considérer le trafic de drogues comme une affaire très grave, même lorsquil sagit de cannabis (marihuana), quel que soit laspect en cause dans le vaste éventail que comporte cette infraction, ainsi que son mode de perpétration, notamment le fait de faire passer un simple joint entre amis. Peu importe la gravité de linfraction de trafic dans le contexte militaire, il nest pas impératif que dans tous les cas les délinquants soient privés de leur liberté lorsquune très petite quantité de drogue douce comme la marihuana est en cause et lorsque le trafic se fait dans un contexte social, plus précisément le fait de passer un joint. Cette situation ne peut être comparée au trafic de drogues dures comme la cocaïne, même sil ne sagit que de très petites quantités, ce qui nécessite des peines plus graves comprenant lemprisonnement. Dans larrêt R. c. Dominie 1 , la Cour dappel de la cour martiale a fourni les directives suivantes dans le contexte du trafic de crack : [4] Le premier argument de l'appelant porte que le Président a commis une erreur en concluant que la seule peine qu'il pouvait imposer était l'emprisonnement. Selon nous, le juge du procès n'a pas commis d'erreur en concluant que la seule peine prévue dans les circonstances était l'emprisonnement. [5] Le trafic répété du crack, même s'il est de nature non commerciale, doit généralement être sanctionné par l'emprisonnement, même pour les civils. Lorsqu'il s'agit de militaires, la dissuasion exige clairement la pleine conscience qu'ils seront emprisonnés s'ils font le trafic du crack sur une base militaire. On ne peut bénéficier d'une sentence suspendue, sauf dans les rares cas il existe des circonstances atténuantes exceptionnelles. Ce n'est pas le cas ici. [9] La cour ne peut pas infliger une peine à un délinquant pour des infractions dont il na pas été déclaré coupable ou pour des infractions pour lesquelles il aurait pu devoir répondre à des accusations criminelles ou disciplinaires. Cela est particulièrement important en lespèce, et la cour renvoie à ses motifs énoncés au cours de ses conclusions dhier. La cour ajouterait aussi que le fait dimposer des peines à des délinquants ne devrait pas être perçu ni utilisé comme une reconnaissance des efforts déployés par les autorités chargées de lapplication de la loi, qui sont munies de 1 Référence neutre, 2002 CACM 8.
Page 5 de 7 ressources importantes afin dempêcher les activités liées aux drogues illicites au sein des Forces canadiennes ces dernières années. Il ne sagit pas dun objectif ou dun principe de détermination de la peine qui puisse guider la présente cour. La cour ajoute quil aurait été dun certain intérêt dêtre avisée, ne serait-ce que pour assurer la parité, des mesures prises par le Service national des enquêtes en lespèce, en collaboration avec les autorités policières locales selon le cas, et des résultats de ces mesures, en ce qui concerne les renseignements fournis par son propre agent dinfiltration au sujet de la présence sur la table de salon du délinquant dune importante quantité de substances quil croyait être des drogues illégales, au moment de la perpétration de linfraction dont le délinquant a été reconnu coupable. Les éléments de preuve nont rien révélé à ce sujet. Toute personne qui sinquiète de la question des activités liées aux drogues illicites menées par des membres des Forces canadiennes sait bien que ces activités ne se limitent pas aux établissements de défense et ne se déroulent pas seulement entre militaires. Le tableau est beaucoup plus large. [10] La cour a également examiné très attentivement la jurisprudence présentée par les avocats. Bien que ces décisions fournissent des directives générales, elles nont pas beaucoup servi parce que le trafic décrit dans chacune dentres elles était invariablement plus grave que dans la présente affaire. Il ne faut pas oublier que la détermination de la peine est surtout un processus individualisé. Bien que chaque cas soit un cas despèce, la cour convient quun effet dissuasif général sera généralement obtenu en imposant une peine demprisonnement pour trafic de drogues. Toutefois, il ne sagit pas dune affaire dans laquelle une peine juste doit comprendre lemprisonnement pour assurer le maintien de la discipline, car cela équivaudrait à infliger la peine de dernier recours, comme la récemment réitéré la Cour dappel de la cour martiale dans larrêt R. c. Baptista, du 27 janvier 2005, numéro de référence neutre : 1. [11] Comme je lai mentionné, il ne sagit pas dune affaire dans laquelle une peine juste doit comprendre lemprisonnement pour assurer le maintien de la discipline. La cour ne peut pas accepter la suggestion du poursuivant dinfliger une peine qui comprendrait une peine demprisonnement de 14 à 30 jours. Cela laisserait certainement entendre que tout narcotraficant au sein des Forces canadiennes sera emprisonné sil est déclaré coupable, mais il sagirait dune erreur sur le plan juridique. Même dans le contexte militaire, une peine juste ne peut pas comprendre une peine demprisonnement obligatoire si les faits du crime de trafic de drogue font que ce crime se situe au plus bas échelon pour ce type de trafic et au plus bas échelon des drogues illicites dans le vaste éventail qui existe pour ce crime. Par ailleurs, la cour rejette la suggestion faite par lavocat de la défense selon laquelle une amende denviron 750 $ répondrait au besoin de dissuasion générale et constituerait une peine juste. En dépit du faible niveau le crime est placé dans léchelle du crime de trafic, il nen demeure pas moins que cest du trafic de cannabis (marihuana) dans le contexte militaire et que la punition doit être sévère. [12] Pour déterminer ce quelle considère comme une peine équitable et
Page 6 de 7 adaptée, la cour a tenu compte des circonstances atténuantes et aggravantes qui suivent : la gravité objective de linfraction et la peine maximale dont elle est assortie. Il sagit dune infraction grave, qui est encore plus grave dans le contexte militaire. Linfraction de trafic dune substance inscrite à lannexe II, soit le cannabis (marihuana), pour une quantité nexcédant pas trois kilos, rend passible dune peine maximale de cinq ans demprisonnement. [13] La cour estime que dautres éléments devraient être atténuants, à savoir : Premièrement, le fait que la quantité en cause dans le trafic ait été très petite, étant limitée au fait de faire passer un joint, qui a été rendu ou remis au délinquant après que lagent dinfiltration eut fait semblant dinhaler à deux reprises; Deuxièmement, le fait que, selon la cour, les états de service antérieurs et le rendement passé en tant quopérateur de sonar du délinquant, aient été décrits comme étant exceptionnels par ses anciens superviseurs; Troisièmement, le fait que le délinquant ait semblé souffrir dalcoolisme et de toxicomanie au moment de linfraction; Quatrièmement, le fait que le délinquant avait déjà été libéré des Forces canadiennes en raison de son comportement et dactivités liées aux drogues. Dans ce contexte, la cour estime que lâge du délinquant, 25 ans aujourdhui, devrait lui aussi être vu comme un facteur atténuant parce quelle tient compte du fait que le délinquant a de nombreuses années devant lui pour saméliorer et contribuer positivement à la société de façon générale, si ce nest aux Forces canadiennes; Cinquièmement, le fait que M. Hoddinott soit aujourdhui inscrit à luniversité comme étudiant à temps plein, pour entreprendre une nouvelle carrière; Sixièmement, le fait que le délinquant semble dorénavant sur la voie de la réinsertion positive, selon son ancien conseiller en toxicomanie; Enfin, le fait que M. Hoddinott nait pas eu de fiche de conduite ou de casier judiciaire pour des infractions similaires dans les circonstances. [14] M. Hoddinott, veuillez vous lever. Pour ces raisons, la cour vous condamne à la rétrogradation au grade de matelot de 3 e classe et à une amende de 1 000 $. Vous devrez payer lamende au receveur général du Canada par chèque
Page 7 de 7 certifié ou par mandat à ladresse qui vous sera communiquée par lavocat du poursuivant. LIEUTENANT-COLONEL M. DUTIL, J.M. Avocats : Major J.J. Samson, Procureur militaire régional, Atlantique Procureur de Sa Majesté la Reine Major A. Appolloni, Direction du Service davocats de la défense Avocat de lex-Matelot de 2 e classe Hoddinott
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