Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l’ouverture du procès : 21 mars 2006.
Endroit : BFC Borden, salle de l’ESSFC, 30 chemin Ortona, Borden (ON).
Chefs d’accusation:
• Chefs d’accusation 1, 2 : Art. 83 LDN, a désobéi à un ordre légitime d’un supérieur.
• Chef d’accusation 3 (subsidiaire au chef d’accusation 4) : Art. 96 LDN, a porté une fausse accusation contre un militaire du rang.
• Chef d’accusation 4 (subsidiaire au chef d’accusation 3) : Art. 129 LDN, acte préjudiciable au bon ordre et à la discipline.
Résultats:
• VERDICTS : Chefs d’accusation 1, 2, 3, 4 : Une suspension d’instance.

Contenu de la décision

Page 1 de 11 Citation : R. c. Ex-Caporal S.C. Chisholm,2006 CM 07 Dossier : C200607 COUR MARTIALE PERMANENTE CANADA ONTARIO BASE DES FORCES CANADIENNES, BORDEN Date : 22 mars 2006 SOUS LA PRÉSIDENCE DU CAPITAINE DE FRÉGATE P.J. LAMONT, JM SA MAJESTÉ LA REINE c. EX-CAPORAL S.C. CHISHOLM (Accusé) DÉCISION RELATIVEMENT À UNE REQUÊTE PRÉLIMINAIRE CONCERNANT L'ALINÉA 11b) DE LA CHARTE CANADIENNE DES DROITS ET LIBERTÉS ET LE REMÈDE PRÉVU AU PARAGRAPHE 24(1) DE LA CHARTE. (Oralement) TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE [1] L=ancien caporal Chisholm est accusé d=avoir commis quatre infractions en vertu de la Loi sur la défense nationale, soit deux chefs d=accusation pour avoir désobéi aux ordres du commandant en violation de l=article 83, lesquelles infractions se seraient produites les 11 et 22 novembre 2004, un chef d=accusation pour avoir sciemment porté une fausse accusation contre un militaire du rang, en violation de l=article 96 et, enfin, un chef d=accusation pour avoir commis un acte préjudiciable au bon ordre et à la discipline, contrairement à l=article 129, infractions qui se seraient également produites le 22 novembre 2004. [2] À l=ouverture de son procès devant la cour martiale permanente, et avant de soumettre son plaidoyer, il a demandé, par voie de requête préliminaire, un arrêt des procédures en vertu du paragraphe 24(1) de la Charte canadienne des droits et libertés, invoquant la violation de son droit d=être jugé dans un délai raisonnable prévu à l=alinéa 11 b) de la Charte.
Page 2 de 11 [3] Pour les motifs qui suivent, la demande est accordée et la cour ordonne l=arrêt des procédures. [4] La preuve déposée quant à cette demande a consisté principalement en un exposé conjoint des faits établissant la chronologie des événements qui ont mené au présent procès. En outre, la cour a entendu le témoignage du Dr Labonte, un psychiatre qui travaille pour les Forces canadiennes depuis 2000. [5] L=exposé conjoint des faits révèle que les infractions ont fait l=objet d=un rapport d=enquête le 6 décembre 2004 qui a donné lieu à deux accusations de désobéissance aux ordres du commandant. Le 22 février 2005, un registre de procédure disciplinaire, le document qui introduit les accusations en vertu du Code de discipline militaire, a été signifié au demandeur. Le même jour, on lui a offert de choisir dêtre jugé par une cour martiale et, selon toute vraisemblance, il avait jusqu=au 24 février pour prendre une décision. À cette date, il a demandé un délai supplémentaire, soit jusqu=au 1 er mars, pour faire son choix, et ce délai a été accordé. Le 1 er mars, il a choisi un procès devant la cour martiale. [6] Le 16 juin 2005, le commandant par intérim a fait une demande de connaître de l=accusation auprès de l=autorité de renvoi, le major-général Arp, sous-ministre adjoint par intérim (Ressources humaines - militaires), qui, lui, a renvoyé l=affaire au Directeur des poursuites militaires le 5 juillet 2005. Puis, le 20 septembre 2005, les quatre chefs d=accusation devant la cour ont été portés devant l=Administrateur de la cour martiale qui, le 5 décembre 2005, a émis un ordre de convocation devant la cour martiale permanente et a fixé l=audience au 21 mars 2006. [7] J=ai été informé par le procureur que le demandeur avait été avisé le 10 novembre 2005 que des accusations étaient portées en cour martiale. Sur ce, le demandeur a choisi sans délai de se faire représenter par un avocat de la Direction du service d=avocats de la défense le 11 novembre 2005. [8] Le 21 mars, la cour a été convoquée comme prévu, et le 22 mars, je me suis prononcé sur d=autres demandes préliminaires. Par la suite, à la demande conjointe des parties, la présente demande préliminaire a été ajournée au 10 avril. [9] Par conséquent, il s=est écoulé presque 14 mois depuis que les accusations ont été portées, le 22 février 2005, jusqu=au moment du procès. [10] Dans une décision rendue à Gagetown le 24 août 2005 dans l=affaire concernant le Bombardier Wolfe, j=ai déclaré :
Page 3 de 11 [10] L=alinéa 11b) de la Charte canadienne des droits et libertés prévoit ce qui suit : 11. Tout inculpé a le droit : [...] b) d=être jugé dans un délai raisonnable; L=alinéa 11b) protège les intérêts des inculpés en garantissant leur droit à la liberté et à la sécurité de sa personne, ainsi que leur droit à une défense pleine et entière. L=ensemble de la société canadienne a elle aussi fortement intérêt à ce que les poursuites criminelles se fassent dans un délai raisonnable et justifié. [11] Dans l=arrêt R. c. MacDougall, [1998] 3 R.C.S. 45, la juge McLachlin, qui n=était pas encore juge en chef, a prononcé le jugement de la Cour suprême du Canada et a précisé au paragraphe 29 : L=alinéa 11b) protège le droit à la sécurité de la personne en tentant de diminuer l=anxiété, la préoccupation et la stigmatisation qu=entraîne la participation à des procédures criminelles. Il protège le droit à la liberté parce qu=il cherche à réduire l=exposition aux restrictions de la liberté qui résulte de l=emprisonnement préalable au procès et des conditions restrictives de liberté sous caution. Pour ce qui est du droit à un procès équitable il est protégé par la tentative de faire en sorte que les procédures aient lieu pendant que la preuve est disponible et récente. Elle ajoute ceci, au paragraphe 30, et je cite : L=intérêt sociétal protégé par l=al. 11b) comporte deux aspects [...] Premièrement, le public a intérêt à faire en sorte que le procès ait lieu promptement, de façon que les criminels soient traduits en justice et que l=on décide de leur sort dès que possible, peut-être par leur mise à l=écart de la société. Deuxièmement, le public a intérêt à faire en sorte que les personnes appelées à subir leur procès soient traitées avec justice et équité. Cet intérêt sociétal correspond au * droit de l=accusé à un procès équitable +. [12] Le droit d=être jugé dans un délai raisonnable prend naissance au moment du dépôt d=une accusation, mais il est évident qu=aucun procès ne peut avoir lieu immédiatement à ce moment-là. Les deux parties auront besoin de temps pour rassembler les preuves qu=elles déposeront devant la cour, pour établir leurs positions respectives et pour prendre les procédures antérieures à l=instruction qu=elles jugent nécessaires. De plus, bien entendu, le système judiciaire doit être en mesure d=instruire le procès, avec les installations et le personnel nécessaires, notamment un juge. Toutes ces questions prennent du temps et, par conséquent, entraînent un délai. La Charte n=oblige pas à ce qu=il n=y ait pas de délai entre le moment les accusations sont portées et le procès. Il faut seulement que ce délai soit * raisonnable +.
Page 4 de 11 [13] Qu=entendons-nous par * délai raisonnable + dans ce contexte? La Cour suprême du Canada a fixé un cadre d=analyse. Le tribunal doit examiner et prendre en considération quatre principaux facteurs pour établir si, dans un cas donné, le délai avant qu=une affaire soit entendue est raisonnable. Les avocats, en l=espèce, ont mentionné ces facteurs qui sont : 1. la longueur du délai entre le moment les accusations sont portées et la fin du procès; 2. la renonciation à invoquer certaines périodes dans le calcul; 3. les raisons du délai, 4. le préjudice subi par l=accusé. En examinant les raisons du délai, le tribunal doit tenir compte des éléments suivants : 1. les délais inhérents à la nature de l=affaire; 2. les actes de l=accusé et du poursuivant; 3. les limites des ressources institutionnelles; 4. les autres raisons du délai. [14] Ces facteurs guident le tribunal dans sa décision, mais ils ne sont pas appliqués de façon mécanique et ne devraient pas non plus être considérés comme immuables ou inflexibles; sinon, cette disposition de la Charte deviendrait simplement une loi sur la prescription des poursuites imposée par le pouvoir judiciaire. [15] Ce ne sont pas seulement les délais qui préoccupent le tribunal, mais plutôt leur effet sur les intérêts que l=alinéa 11b) est censé protéger. Dans l=évaluation des incidences du délai, il est important de se souvenir que la question à trancher en fin de compte est celle du caractère raisonnable du délai global qui s=est écoulé entre le dépôt de l=accusation et la conclusion du procès. [16] Ce sont des principes qui ont été élaborés par les tribunaux civils canadiens, mais ils s=appliquent aussi bien aux affaires militaires engagées en vertu du code de discipline militaire intégré à la Loi sur la défense nationale. [11] Dans la présente cause de l=ex-caporal Chisholm, le poursuivant admet qu=étant donné la longueur du délai à instruire la présente affaire, la cour doit examiner les autres facteurs énoncés par la Cour suprême du Canada. [12] Le poursuivant reconnaît également que le demandeur n=a pas renoncé à invoquer les délais quels qu=ils soient dans la présente cause. MOTIFS DU DÉLAI
Page 5 de 11 [13] On ne m=a pas soumis de décisions portant précisément sur les délais applicables à l=instruction d=une affaire en cour martiale. Cependant, le juge Létourneau dans R. c. Lachance [2002] CMAJ n o 7, a fait remarquer que, pour deux accusations simples ne requérant que peu de temps de préparation tant pour la poursuite que pour la défense, * le délai normal pour l'instruction de semblables accusations est de quatre mois +. [14] Dans le système de justice militaire, outre la revendication du droit du public à la justice, le maintien de la discipline individuelle et collective revêt une importance capitale. Les autorités militaires, quel que soit leur grade, sont tenues, conformément à l=article 162 de la Loi sur la défense nationale, de traiter une accusation aux termes du code de discipline militaire * avec toute la célérité que les circonstances permettent +. [15] Le délai inutile entre la perpétration de l=infraction et la peine imposée à la suite d=un procès diminue l=effet disciplinaire qui peut être obtenu seulement par le règlement rapide et efficace des accusations. C=est ce qui distingue le système de justice militaire du système de justice criminel civil il n=existe aucun objectif en matière de discipline, et il n=y a aucune obligation légale de la part des acteurs de procéder avec célérité à toutes les étapes de la poursuite. [16] Les accusations portées dans la présente cause ne semblent pas être d=une complexité inhabituelle. L=enquête sur les accusations semble même avoir été conclue en quelques jours. [17] Les actes posés par l=accusé n=ont pas contribué de façon importante à accroître ce retard. Il est vrai qu=il a retardé pendant cinq jours sa décision de subir son procès devant une cour martiale. Il a également déposé la présente demande, dans l=intention de produire une preuve d=expert à l=appui de ses prétentions, et il a été nécessaire d=ajourner les procédures à la demande du poursuivant pour une période qui s=est étendue entre le 22 mars et le 10 avril 2006. Par ailleurs, le demandeur n=a pas causé d=autres retards et n=y a pas contribué non plus. [18] Bien entendu, cependant, il n=y a aucune obligation de la part de la défense de renvoyer l=affaire pour qu=elle soit instruite. Il incombe aux parties poursuivantes de traduire l=accusé en justice et ce, dans un délai raisonnable. En l=espèce, les accusations sont demeurées dans l=unité du demandeur pendant une période d=environ trois mois et demi, du 1 er mars au 16 juin 2005. On ne m=a fourni aucune preuve qui démontrait pourquoi ces accusations, somme toute assez simples, n=ont pas été renvoyées en cour martiale en l=espace de quelques jours, voir en quelques semaines, à partir du moment le demandeur a exercé son choix du mode de procès en cour martiale.
Page 6 de 11 [19] Une fois que les accusations ont été portées en cour martiale le 20 septembre 2005, le demandeur n=en a pas été informé avant le 10 novembre, soit avec plus d=un mois et demi de retard. Aucune preuve n=a été produite pour expliquer ce délai. [20] En l=absence de preuve quant à ce qui s=est produit durant ces périodes de temps, je suis donc forcé de conclure que c=est la chaîne de commandement, ainsi que les parties poursuivantes, qui influaient sur le déroulement de la poursuite, sans égard à l=obligation que leur imposait l=article 162 de la Loi sur la défense nationale. [21] Il n=y avait aucune autre raison pour expliquer ce délai. Plus particulièrement, compte tenu de la preuve que j=ai entendue, je ne suis pas convaincu que les ressources judiciaires n=étaient pas disponibles pour traiter cette affaire avec la célérité qui s=imposait. PRÉJUDICE [22] L=avocat du demandeur fait valoir létat de santé de son client pour appuyer sa prétention selon laquelle le demandeur a subi un préjudice en raison de ce délai à subir son procès. [23] Le Dr A. Labonte a été assignée à témoigner au nom du demandeur. Sa compétence à titre d=experte a été établie par la cour aux fins de fournir une preuve fondée sur une opinion dans le domaine psychiatrique, plus particulièrement en ce qui a trait au syndrome de stress post-traumatique. Dans son témoignage, elle a dit avoir rencontré pour la première fois le demandeur lorsque son cas avait été dirigé par un autre médecin au début de décembre 2004. Je note incidemment que cette consultation a eu lieu tout juste quelques semaines après les événements à l=origine des accusations portées contre le demandeur. [24] Le Dr Labonte a évalué le demandeur le 8 décembre et a noté des symptômes de stress post-traumatique comme de l=anxiété, des troubles du sommeil et des crises de colère. Le demandeur lui a avoué ressentir de la colère et être préoccupé de sa capacité à contrôler cette colère. C=est la raison pour laquelle il demandait une aide médicale avant que quelque chose de fâcheux n=arrive. [25] Le Dr Labonte a confirmé le diagnostic de SSPT qui avait déjà été posé antérieurement à une date indéterminée et dont le fondement n=a pas été exploré dans la preuve de la défense ni celle de la poursuite. Le Dr Labonte a expliqué que le SSPT est un trouble de l=anxiété causé par une expérience traumatique dans le cadre de laquelle la victime éprouve une peur extrême ou est exposée à un événement horrible. Le poursuivant ne remet pas en question le diagnostic du Dr Labonte.
Page 7 de 11 [26] Le Dr Labonte lui a prescrit des médicaments et a continué de voir le demandeur à plusieurs reprises durant les mois qui ont suivi jusqu=en août 2005. Durant cette période, il semble que l=état de santé du demandeur se soit d=abord détérioré pour ensuite s=améliorer. À la fin de juin 2005, il était en attente de la date de sa libération des Forces canadiennes, ses crises de panique étaient maîtrisées, il se sentait mieux et il semblait plus jovial. Je remarque que c=est environ à cette époque que la décision fut prise de faire une demande de connaître de l=accusation auprès de la cour martiale. [27] La principale préoccupation du demandeur, tel qu=il l=a déclaré au Dr Labonte, semble être le climat de travail, quil a décrit comme * empoisonné +. En outre, il était inquiet au sujet de certaines demandes qu=il avait faites, dont une demande de mutation, une demande pour joindre la Force régulière, une demande de prestations dinvalidité et, plus tard, sa libération des Forces canadiennes pour aller rejoindre son épouse en Colombie-Britannique. [28] On me dit que le demandeur a maintenant été libéré des Forces canadiennes pour des raisons médicales et qu=il habite en Colombie-Britannique. Au moment du procès, ses symptômes avaient été décrits comme étant davantage maîtrisés. [29] Le Dr Labonte a indiqué que les poursuites judiciaires étaient des événements stressants pour toutes les personnes visées, sauf peut-être pour celles qui y sont habituées. Cest particulièrement vrai pour les accusés en raison des sentiments d=impuissance qu=ils éprouvent normalement. Pour ce qui est des victimes de SSPT, elle a fait remarquer que ces sentiments d=impuissance pouvaient les amener à revivre la situation à l=origine du traumatisme. [30] En contre-interrogatoire, les observations ou les conclusions du Dr Labonte n=ont pas été contestées. Elle a convenu cependant que le demandeur ne lui avait pas dit souffrir d=anxiété face aux accusations portées contre lui, soit du 22 février 2005, date à laquelle il a été accusé, jusqu=à la date il a cessé de voir la Dr Labonte, en août 2005. [31] J=ai été impressionné par le professionnalisme, la franchise, la précision et l=objectivité dont a fait preuve Dr Labonté dans son témoignage que j=accepte sans aucune réserve. [32] Le poursuivant fait valoir le défaut du demandeur d=insister pour que le procès ait lieu rapidement pour appuyer ses observations voulant que le demandeur n=ait pas subi de préjudice important. En fonction de la preuve qui m=a été présentée, il est clair qu=à partir du moment le demandeur a exercé son choix de subir son procès en cour martiale le 1 er mars 2005 jusqu=au 10 novembre 2005, époque il a été informé que des accusations allaient être portées, il ne pouvait qu=en déduire que l=audience en cour martiale était fixée. Il n=est pas réaliste de penser qu=un soldat dans la position du
Page 8 de 11 demandeur pourrait exercer des pressions sur sa chaîne de commandement pour accélérer la tenue de l=audience. Je ne considère pas que le défaut du demandeur d=exiger auprès de sa chaîne de commandement que la cour martiale procède de manière opportune mine la prétention qu=il fait valoir quant au préjudice subi. [34] La situation aurait pu être différente si le demandeur avait été représenté par un avocat durant cette période. Si l=avocat avait été informé du préjudice subi par le demandeur en raison des délais, il ou elle aurait été conscient(e) de l=importance sur le plan juridique de ce préjudice et on se serait attendu qu=il fasse pression sur les autorités au nom du demandeur pour que le procès ait lieu le plus tôt possible. Dans de telles circonstances, et en l=absence de toute inquiétude exprimée quant au délai à l=étape préliminaire, il se pourrait bien que la cour en conclue que le préjudice n=a pas été établi puisque la défense a consenti au délai. [35] Or, ce n=est pas le cas. Le demandeur en l=espèce n=était pas représenté par un avocat jusqu=au 10 novembre 2005 environ, date à laquelle il a été informé que des accusations étaient portées contre lui en cour martiale. [36] L=article 109.04 des ORFC exige du commandant de l=accusé, lorsqu=une demande est transmise à l=autorité de renvoi de connaître d=une accusation, d=informer l=accusé de ce fait et de lui demander s=il a l=intention de retenir les services d=un avocat, et d=aviser le directeur du service d=avocats de la défense des désirs exprimés par l=accusé. Dans la présente cause, ces devoirs se sont imposés le 16 juin 2005. Le procureur de la poursuite a informé la cour que le commandant du Caporal Chisholm ne s=était pas acquitté de ce devoir. [38] J=ai eu l=occasion dans le passé de livrer mes commentaires sur des causes les devoirs imposés par l=article 109.04 n=avaient pas été remplis. Je répète que le défaut de se conformer à cet article peut, dans certains cas, entraîner de graves conséquences pour le procès qui s=ensuivra. Une demande de connaître d=une accusation à l=autorité de renvoi suppose d=obtenir obligatoirement l=avis des avocats militaires conformément à l=article 107.11 des ORFC. Il incombe aux officiers juridiques de porter ces demandes à l=attention des commandants et de faciliter l=exécution de cette responsabilité importante. Je considère ce défaut d=avoir rempli de tels devoirs comme étant une affaire grave. [39] D=après la preuve qui m=a été présentée, je ne trouve aucun motif pour en déduire que le défaut de se conformer à l=article 109.04 a causé une injustice à l=égard du demandeur dans la présente cause. Cependant, je rejette la prétention du poursuivant en ce que le défaut du demandeur d=insister pour obtenir un procès à une date rapprochée alors qu=il n=était pas représenté par un avocat suppose qu=il n=a pas subi de préjudice.
Page 9 de 11 [40] Pour ces motifs, et plus particulièrement d=après le témoignage du Dr Labonte quant à l=état de santé du demandeur, je conclus qu=il a subi un préjudice certain attribuable à l=anxiété et au syndrome de stress post-traumatique dont il souffre, et que cet état a été exacerbé tant par le fait qu=il a été accusé, mais plus important encore, par la période de temps indûment longue pour traduire l=accusé en justice. APPRÉCIATION DES INTÉRÊTS EN JEU [41] Dans l=affaire du Bombardier Wolfe, je me suis exprimé en ces termes : [Traduction] ... En parlant du droit à être jugé dans un délai raisonnable, le juge Sopinka au nom de la Cour suprême a déclaré dans l=affaire R. c. Morin __1992_ 1 R.C.S. 771, à la p. 787_... : La méthode générale pour déterminer s=il y a eu violation du droit que confère l=al. 11b) ne consiste pas dans l=application d=une formule mathématique ou administrative mais plutôt dans une décision judiciaire qui soupèse les intérêts que l=alinéa est destiné à protéger et les facteurs qui, inévitablement, entraînent un délai. [42] Dans la présente affaire, comme c=est le cas dans Bombardier Wolfe, le demandeur veut obtenir une réparation au moyen d=un arrêt des procédures conformément au paragraphe 24(1) de la Charte, au motif qu=il y a eu violation de son droit d=être jugé dans un délai raisonnable. [43] Le paragraphe 24(1) se lit comme suit : Toute personne, victime de violation ou de négation des droits ou libertés qui lui sont garantis par la présente charte, peut s'adresser à un tribunal compétent pour obtenir la réparation que le tribunal estime convenable et juste eu égard aux circonstances. [44] Un arrêt des procédures est une décision selon laquelle la poursuite ne conduira pas jusqu=à la détermination de la culpabilité ou de l=innocence de l=accusé. [45] Dans la même affaire Morin, la juge McLaughlin, qui n=était pas encore juge en chef, déclarait ceci : Il est facile, lorsqu=on examine les facteurs qui peuvent avoir des incidences sur cette détermination, de perdre de vue la véritable question en litige -- savoir se trouve la limite entre des intérêts opposés. D=une part, il y a l=intérêt de la société à traduire en justice les personnes accusées de crimes, afin qu=elles répondent de leur conduite devant la loi. Ce n=est pas trop de dire qu=il s=agit d=un intérêt fondamental et important. Même dans les premières sociétés les plus primitives la loi exigeait que les personnes accusées de crimes soient jugées. Lorsque les personnes accusées de conduite criminelle ne répondent pas de leurs actes devant la loi, l=administration de justice en subit un préjudice. Les
Page 10 de 11 victimes concluent que justice n=a pas été rendue et le public craint que la loi ne s=acquitte pas adéquatement de sa tâche la plus fondamentale. Sur l=autre plateau de la balance, il y a le droit d=un inculpé d=être jugé dans un délai raisonnable. Lorsque les procès sont retardés, il peut y avoir déni de justice. Des témoins oublient ou disparaissent. La qualité de la preuve peut se détériorer. La liberté et la sécurité des accusés peuvent être limitées beaucoup plus longtemps qu=il n=est nécessaire ou justifiable. Non seulement de tels délais ont des conséquences pour l=accusé, mais ils peuvent également avoir un effet sur l=intérêt du public dans l=administration rapide et équitable de la justice. Lorsqu=il décide s=il y a lieu d=arrêter les procédures contre l=accusé, le juge doit soupeser l=intérêt de la société à voir les inculpés traduits en justice, et celui de l=accusé à obtenir rapidement une décision. Finalement, avant de surseoir aux accusations, le juge doit être convaincu que l=intérêt de l=accusé et de la société dans la tenue rapide d=un procès est plus important que l=intérêt de la société à ce que l=accusé soit jugé. [46] En l=espèce, il s=est écoulé tout près de 14 mois avant que soient portées des accusations relativement simples en cour martiale. Durant ce temps, il y a eu des délais qui ont été causés par les parties poursuivantes, et elles n=ont fourni aucune explication à lappui. Il en découle un préjudice certain aux garanties dont bénéficie le demandeur. [47] On ne peut mettre en doute l=intérêt considérable de la collectivité à obtenir une décision définitive à l=égard des accusations contre le demandeur par un verdict de culpabilité ou de non culpabilité. Mais compte tenu de la pondération de tous les facteurs auxquels j=ai fait allusion, j=en arrive à la conclusion que le droit du demandeur en l=espèce d=être jugé dans un délai raisonnable a été violé. [48] Dans le cadre des plaidoiries, on m=a demandé d=* envoyer un message + aux autorités en accueillant la présente demande et en ordonnant l=arrêt des procédures. Je refuse d=y obtempérer. Mon rôle consiste uniquement à me prononcer sur la demande dont je suis saisie en tenant compte de la preuve et des observations que j=ai entendues et à la lumière des principes juridiques qui guident ma décision. C=est ce que j=ai fait. [49] J=ordonne l=arrêt des procédures à l=égard de chacune des accusations. CAPITAINE DE FRÉGATE P.J. LAMONT, JM Avocats :
Page 11 de 11 Le Major J-B. Cloutier, Directeur des poursuites militaires Procureur de Sa Majesté la Reine Le Major A.M. Tamborro, Directeur des poursuites militaires Procureur de Sa Majesté la Reine Le Capitaine de corvette G.W. Thompson, Directeur des poursuites militaires Procureur de Sa Majesté la Reine Le Capitaine de corvette J.C.P. Levesque, Direction du service d=avocats de la défense Avocat de l=ex-caporal S.C. Chisholm
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