Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

CACM 494 - Appel rejeté

Date de l'ouverture du procès : 10 octobre 2006
Endroit : BFC Gagetown, édifice F-1, Oromocto (NB).
Chefs d'accusation :
•Chef d’accusation 1 (subsidiaire au chef d’accusation 2) : Art. 83 LDN, a désobéi à un ordre légitime d’un supérieur.
•Chef d’accusation 2 (subsidiaire au chef d’accusation 1) : Art. 129 LDN, comportement préjudiciable au bon ordre et à la discipline.
Résultats :
•VERDICT : Chef d’accusation 1 : Coupable. Chef d’accusation 2 : Une suspension d’instance.
•SENTENCE : Une réprimande et une amende au montant de 500$.

Contenu de la décision

Page 1 de 14
Page 2 de 14
Page 3 de 14 , ainsi que la feuille de repas et veillé à ce que chacun se rende bien à sa chambre. Tous les membres du peloton ont aussi été convoqués à une séance dinformation prévue pour 18 h dans la salle de télévision. [8] Au cours de la séance tenue par le Sergent Hughes devant tous les membres du peloton, ce dernier a communiqué lhoraire de la soirée et du lendemain, précisé la tenue que devaient porter les membres du peloton, remis les pièces didentité pour le Tattoo et désigné le Caporal Kennedy à titre de chauffeur de fonction. Au cours de cette réunion, le Sergent Hughes a expressément dit au Caporal Kennedy, devant tous les autres membres du peloton, quil ne devait pas consommer dalcool parce quil devrait effectuer quelques allers-retours entre le lieu dhébergement et le centre-ville de Halifax et rester à disposition pour toute autre tâche pouvant nécessiter lutilisation du véhicule. [9] Le Caporal Kennedy a bien reçu lordre donné et la tâche attribuée, quoiquil nétait pas très contente de ne pas pouvoir faire ce dont il avait envie au cours de la soirée, comme les autres membres du peloton. Puis, le Caporal Kennedy a fait ce quil avait à faire et effectué deux trajets avec les membres du peloton, au début de la soirée, entre le lieu dhébergement et le centre-ville de Halifax.
Page 4 de 14 CONSOMMATION DALCOOL [10] Après avoir fait les trajets avec les membres du peloton, le Caporal Kennedy a stationné le véhicule près du lieu il avait conduit les membres du peloton, soit le « Cheers Bar and Grill ». Il sagit dun pub situé près du Dome, une boîte de nuit. Le Sergent Hughes aurait, semble t-il, accepté que le Caporal Kennedy demeure au centre-ville pour la soirée et y reste disponible en tout temps pour les autres membres du peloton qui désireraient retourner au lieu dhébergement. [11] Le Caporal Kennedy a passé une partie de la soirée avec un de ses amis, Dereck MacDonald, à jouer sur les appareils de loterie vidéo qui se trouvaient dans le fumoir, entre le Cheers et le Dome. Ils ont tous deux gagnés ensemble quelque 300 $ quils se sont partagés moitié-moitié. Le Caporal Kennedy sest dirigé vers le bar afin déchanger le billet donné par lappareil et encaissé largent. En même temps, il sest acheté une bouteille deau et a commandé une bière pour son ami. Il sagissait dune bière de marque Keith. [12] Lorsquil est revenu, le Caporal Kennedy a continué avec M. MacDonald à jouer à la loterie vidéo, et ils ont fait encore quelques gains. M. MacDonald sest rendu au bar pour y échanger, à nouveau, le billet contre de largent. Quelques minutes après son départ vers le bar, M. MacDonald a demandé au Caporal Kennedy, en pointant son propre verre de bière, sil voulait quelque chose à boire. Selon ce quil a déclaré, le Caporal Kennedy aurait répondu à son ami, en pointant la bouteille deau quil tenait, quil en voulait une autre. [13] Le Caporal Kennedy sest rendu aux toilettes. En revenant, il a parlé à des amis qui se trouvaient au fumoir et, peu de temps après, il a recommencé à jouer à la loterie vidéo. Cest à cet endroit quil a rencontré la vendeuse de pousses-cafés. Selon son témoignage, le Caporal Kennedy aurait dragué la jeune femme. [14] Conformément au témoignage entendue, une vendeuse de pousses-cafés est une serveuse qui transporte un plateau chargé de petits verres dalcool quelle doit vendre aux clients du bar. Il y a différentes sortes de pousses-cafés, mais tous contien­nent une once dalcool. Selon le type dalcool quils contiennent, les pousses-cafés peuvent porter le nom de « Sex on the beach », d’« Orgasm » ou de « B52 ». [15] Le Caporal Kennedy et la vendeuse de pousses-cafés ont commencé à flirter. Le Caporal Kennedy a décidé de payer une tournée de pousses-cafés et a offert un verre à tous ceux qui en voulaient un, notamment à mademoiselle Watson, ainsi quà son grand ami, le Caporal Arseneau. Mademoiselle Watson na pas bu son verre, et personne na dit qui lavait bu. Selon son témoignage, le Caporal Kennedy aurait simplement bu de leau et naurait consommé aucun pousse-café. Il a remis lui-même
Page 5 de 14 tous les verres vides sur le plateau de la serveuse. Il a commencé à discuter avec elle et, à un certain moment, il sest assis sur elle. [16] Daprès le Caporal King, le Caporal Kennedy aurait bu un pousse-café en même temps que la serveuse. Le Caporal Kennedy a confirmé, au cours de son témoignage, que le Caporal King était présent à ce moment-là; toutefois, les deux hommes ne sentendent pas sur la question de la consommation dalcool par le Caporal Kennedy. Daprès ce quil a déclaré, le Caporal King aurait vu, quand il se trouvait dans le fumoir en train de fumer une cigarette, le Caporal Kennedy boire un pousse-café et en aurait informé le caporal occupant le rang le plus élevé qui se trouvait sur les lieux, soit le Caporal Bowmaster. [17] Après avoir discuté pendant un moment avec la vendeuse de pousses-cafés, le Caporal Kennedy sest rendu compte que M. MacDonald avait recommencé à jouer à la loterie vidéo et il la rejoint. Il aurait alors dit à M. MacDonald quil allait au bar se chercher une autre bouteille deau, et M. MacDonald lui aurait précisément demandé de lui acheter, en même temps, deux autres bières. Le Caporal Kennedy se serait rendu au bar et serait revenu au fumoir avec les deux bières de M. MacDonald. [18] Selon le Caporal Bowmaster, peu de temps après avoir été informé par le Caporal King du fait que le Caporal Kennedy avait bu un pousse-café, le Caporal Bow-master serait sorti du fumoir et aurait vu à travers la vitre le Caporal Kennedy boire la moitié dune bière. Il a présumé que cétait de la Keith car la mousse et le liquide était de la même couleur que celle de la bière quil avait consommée ce soir-là. [19] Après avoir donné ses deux bières à M. MacDonald, le Caporal Kennedy est allé passer un moment au Dome, il a rencontré brièvement la Caporale Richardson. Peu de temps après, il a réuni certaines personnes et fait un premier trajet avec made­moiselle Watson et le Caporal Arseneau, entre autres passagers. Il est retourné au centre-ville et est ensuite revenu à lUniversité de Dalhousie, puis il sest rendu compte que plus personne navait besoin de ses services. Il est alors allé se coucher. [20] À leur retour, soit vers 3 h, le Caporal Bowmaster et le Caporal King sont allés voir le Sergent Heagle pour lui dire quils avaient vu le Caporal Kennedy consommer de lalcool au cours de la soirée. [21] Le lendemain matin, le Caporal Kennedy sest fait réveiller par le Sergent- Hughes, qui lui demandé de se mettre au garde-à-vous et qui la senti. Il lui a posé des questions sur sa consommation dalcool et a senti son haleine. Le Caporal Kennedy a catégoriquement nié avoir consommé de lalcool. Le Sergent Hughes est sorti de la chambre et, plus tard au cours de cette même journée, il a informé le Caporal Kennedy quil était le chauffeur de fonction pour toute la durée du Royal Nova Scotia Internatio­nal Tattoo, soit deux semaines.
Page 6 de 14 LE DROIT APPLICABLE ET LES ÉLÉMENTS ESSENTIELS DES ACCUSA-TIONS [22] Larticle 83 de la Loi sur la défense nationale prévoit ce qui suit : 83. Quiconque désobéit à un ordre légitime dun supérieur commet une infraction et, sur déclaration de culpabilité, encourt comme peine maximale lemprisonnement à perpétuité. [23] Pour le premier chef daccusation, la poursuite devait prouver, hors de tout doute raisonnable, les éléments essentiels suivants : lidentité de laccusé, la date et le lieu, tels quils sont allégués dans lacte daccusation, le fait quun ordre a été donné au Caporal Kennedy et que cet ordre était légitime, le fait que le Caporal Kennedy a reçu cet ordre ou en avait connaissance, le fait que le Caporal Kennedy a reçu un ordre dun supérieur et quil en connaissait le rang, le fait que le Caporal Kennedy a désobéi à lordre et, en dernier lieu, létat desprit blâmable du Caporal Kennedy. [24] Larticle 129 de la Loi sur la défense nationale prévoit, en partie, ce qui suit : 129. (2) Est préjudiciable au bon ordre et à la discipline tout acte ou omission constituant une des infractions prévues à larticle 72, ou le fait de contrevenir à : a) une disposition de la présente loi, b) des règlements, ordres ou directives publiés pour la gouverne générale de tout ou partie des Forces canadiennes; c) des ordres généraux, de garnison, dunité, de station, permanents, locaux ou autres. [25] Pour cette infraction subsidiaire, la poursuite devait prouver, hors de tout doute raisonnable, les éléments essentiels suivants : lidentité de laccusé, la date et le lieu, tels quils sont allégués dans lacte daccusation. Elle devait également prouver les éléments supplémentaires suivants : le fait quil y a eu un acte préjudiciable au bon ordre et à la discipline par la preuve de lexistence dune directive, le fait que la directive était publiée et affichée conformément à larticle pertinent des Ordonnances et règlements royaux applicables aux Forces canadiennes, le fait que lacte commis par le Caporal Kennedy constituait une infraction à la directive, le fait que lacte présumé dans lacte daccusation a bien été commis et, en dernier lieu, létat desprit blâmable du Caporal Kennedy. [26] Avant que la cour nexpose son analyse juridique, il convient de traiter de la présomption dinnocence et de la norme de la preuve hors de tout doute raisonnable; il sagit dune norme qui est inextricablement lié à des principes
Page 7 de 14 fondamentaux applicables à tous les procès en matière pénale. Ces principes sont évidemment très bien connus des avocats, mais dautres personnes dans la salle daudience peuvent ne pas les connaître aussi bien. [27] Il est juste de dire que la présomption dinnocence est peut-être le principe le plus fondamental de notre droit pénal, et le principe de la preuve hors de tout doute raisonnable est un élément essentiel de la présomption dinnocence. Pour les questions qui relèvent du Code de discipline militaire, tout comme pour celles qui relèvent du droit criminel, toute personne accusée dune infraction criminelle est présumée innocente jusquà ce que la partie poursuivante prouve quelle est coupable hors de tout doute raisonnable. Une personne accusée na pas à prouver son innocence. Cest à la partie poursuivante quil incombe de prouver hors de tout doute raisonnable chacun des éléments de linfraction. [28] La norme de la preuve hors de tout doute raisonnable ne sapplique pas à chacun des éléments de preuve, ou à chacune des preuves séparées, présentés à lappui de la thèse défendue par la partie poursuivante, mais plutôt à lensemble de la preuve sur laquelle cette dernière se fonde pour établir la culpabilité de laccusé. Le fardeau de prouver hors de tout doute raisonnable la culpabilité dune personne accusée incombe à la partie poursuivante, jamais à la personne accusée. [29] Le tribunal doit déclarer la personne non coupable si, après avoir examiné toutes les preuves, il subsiste un doute raisonnable quant à sa culpabilité. Lexpression « hors de tout doute raisonnable » est utilisée depuis très longtemps. Elle fait partie de notre histoire et de nos traditions de notre système de justice. [30] Dans R. c. Lifchus (1997) 3 R.C.S. 320, la Cour suprême du Canada a proposé un modèle de directives pour le doute raisonnable. Les principes décrits dans laffaire Lifchus ont été appliqués dans de nombreuses autres décisions de la Cour su­prême et des cours dappel. Essentiellement, un doute raisonnable nest pas un doute exagéré ou frivole. Il ne doit pas être fondé sur la sympathie ou un préjugé. Il repose sur la raison et le bon sens. Cest un doute qui survient à la fin du procès et qui est fondé non seulement sur ce que la preuve révèle au tribunal mais également sur ce quelle ne lui révèle pas. Le fait quune personne ait été inculpée nest pas une indica­tion quelle est coupable, et jajouterai que les seules accusations dont une personne accusée doit répondre sont celles qui apparaissent sur lacte daccusation présenté à la cour. [31] Au paragraphe 242 de R. c. Starr, (2000) 2 R.C.S. 144, la Cour suprême a statué que : [...] une manière efficace de définir la norme du doute raisonnable à un jury consiste à expliquer quelle se rapproche davantage de la certitude absolue que de la preuve selon la prépondérance des probabilités.
Page 8 de 14 Par contre, il faut se rappeler quil est pratiquement impossible de prouver quoi que ce soit avec une certitude absolue. La partie poursuivante na pas à le faire. La certitude absolue est une norme de preuve qui nexiste pas en droit. La partie poursuivante na que le fardeau de prouver la culpabilité de laccusé, en lespèce le Caporal Kennedy, hors de tout doute raisonnable. Pour placer les choses en perspec­tive, si la cour est convaincue que laccusé est probablement ou vraisemblablement coupable, elle doit acquitter laccusé car la preuve dune culpabilité probable ou vraisemblable ne constitue pas une preuve de culpabilité hors de tout doute raison­nable. [32] Mais quentend-on par élément de preuve? La preuve peut comprendre des témoignages sous serment ou des déclarations solennelles de personnes appelées à témoigner sur ce quelles ont vu ou fait. La preuve peut consister en documents, en photographies, en cartes ou en dautres éléments de preuve matérielle présentés par les témoins, en témoignages de témoins-experts, en aveux judiciaires quant aux faits par la partie poursuivante ou la défenderesse et en des éléments dont la cour prend connais­sance doffice. [33] Il nest pas rare que des preuves présentées devant la cour soient contradictoires. Les témoins ont souvent des souvenirs différents dun événement. La cour se doit de déterminer quelle preuve est crédible. [34] La crédibilité nest pas synonyme de dire la vérité et labsence de crédibilité nest pas synonyme de mentir. Plusieurs facteurs sont à prendre en compte dans lévaluation par la cour de la crédibilité du témoignage dun témoin. Par exemple, un tribunal évaluera loccasion qua eu un témoin dobserver, les raisons dun témoin de se souvenir. Il se demandera, par exemple, si les événements valaient la peine dêtre notés, sils étaient inhabituels ou frappants, ou relativement sans importance et, par conséquent, à juste titre plus facile à oublier. Le témoin a-t-il un intérêt dans lissue du procès, autrement dit, a-t-il une raison pour favoriser la partie poursuivante ou la défense, ou est-il impartial? Ce dernier facteur sapplique dune manière quelque peu différente à laccusé. Bien quil soit raisonnable de présumer que laccusé ait intérêt à se faire acquitter, la présomption dinnocence ne permet pas de conclure que laccusé mentira lorsquil décide de témoigner. [35] Un autre élément dans la détermination de la crédibilité dun témoin est son apparente capacité à se souvenir. Le comportement du témoin quand il témoigne est un facteur dont on peut se servir pour évaluer sa crédibilité : le témoin était-il réceptif aux questions, honnête et franc dans ses réponses, ou évasif, hésitant? Argumente-t-il sans cesse? Finalement, son témoignage était-il cohérent en lui-même et compatible avec les faits qui nont pas été contestés?
Page 9 de 14 [36] De légères contradictions peuvent se produire, et cela arrive, en toute innocence et elles ne signifient pas nécessairement que le témoignage devrait être écarté. Cependant, il en est autrement dans le cas dun mensonge délibéré. Cela est toujours grave et peut vicier le témoignage en tout ou en partie. [37] La cour nest tenue daccepter le témoignage de personne à moins que celui-ci ne lui paraisse crédible. Cependant, elle jugera un témoignage digne de foi à moins de ne pas avoir de raison, ou plutôt, davoir une raison de ne pas y croire. [38] Comme la règle du doute raisonnable sapplique aussi à la question de la crédibilité, la cour na pas à décider, en lespèce, de manière définitive de la crédibilité de laccusé, et elle nest pas tenue de croire que tout ce que laccusé dit est vrai ni que tout est faux. Il est sûr que cette affaire soulève des questions importantes de crédibili­, mais il ne sagit pas dun cas lapproche en matière dévaluation de la crédibilité exprimée par la Cour suprême du Canada dans R. c. W.(D.), [1991] 1 RCS 742 peut être appliquée de façon stricte, parce que laccusé, le Caporal Kennedy, a témoigné. Voici ce que la Cour a établi à la page 758 de cette décision : Premièrement, si vous croyez la déposition de l'accusé, manifestement vous devez prononcer l'acquittement. Deuxièmement, si vous ne croyez pas le témoignage de l'accusé, mais si vous avez un doute raisonnable, vous devez prononcer l'acquittement. Troisièmement, même si n'avez pas de doute à la suite de la déposition de l'accusé, vous devez vous demander si, en vertu de la preuve que vous acceptez, vous êtes convaincus hors de tout doute raisonnable par la preuve de la culpabilité de l'accusé. [39] Ayant procédé à cet exposé sur la charge de la preuve et sur la norme de la preuve, jexaminerai maintenant la question en litige soumise au présent tribunal et traiterai des principes juridiques. ANALYSE [40] Les deux parties ont convenu que la principale question en litige pour les deux chefs daccusation, compte tenu de la preuve présentée à la cour, consiste à savoir si le Caporal Kennedy a respecté lordre ou la directive sur la non-consommation dalcool quand il a été nommé chauffeur de fonction du peloton du Corps de cornemuses du 2 e Bataillon du Royal Canadian Regiment pour la soirée et la nuit du 26 au 27 juin 2005. Tous les autres éléments essentiels, notamment le caractère licite de lordre (pour ce qui est de la première accusation) et le comportement préjudiciable au bon ordre et à la discipline (pour ce qui est de la deuxième accusation), ont été prouvés hors de tout doute raisonnable par la poursuite.
Page 10 de 14 [41] En lespèce, comme je lai déjà souligné, la cour doit dabord déterminer si elle doit croire ou non le témoignage de laccusé. La nature de la preuve en lespèce impose au présent tribunal de tirer certaines conclusions sur la crédibilité des témoins afin dévaluer adéquatement la crédibilité de laccusé à la lumière de la preuve présentée. [42] LAdjudant Hughes a témoigné de façon calme et franche. Son témoignage était cohérent et empreint de respect, et lAdjudant avait un très bon souvenir des événements. La cour garde surtout en mémoire lordre légitime de lAdjudant Hughes au Caporal Kennedy sur sa consommation dalcool pendant quil était le chauffeur de fonction au cours de la nuit du 26 juin 2005. Compte tenu des événements qui se sont produits dans la vie du Caporal Kennedy dans la matinée du 27 juin 2005, la cour estime quil na pas été établi que lAdjudant Hughes avait une mauvaise réputation au point de rendre son témoignage non crédible. Toutefois, la pertinence du fait que le Caporal Kennedy dégageait une odeur dalcool ce matin-là doit être démontrée parce que ce fait, en soi, quil soit accepté ou non, ne prouve rien. La cour croit comprendre, selon le témoignage de lAdjudant Hughes, que ce dernier a mené une enquête et que certaines mesures ont été prises contre le Caporal Kennedy. [43] Le Caporal King a témoigné de façon honnête, calme et franche. Il ne sest pas montré évasif ou belliqueux. Il a clairement répondu aux questions qui lui ont été posées par les avocats des deux parties. Il sagit dun témoin crédible et fiable. Son témoignage était cohérent et compatible avec les faits avérés. Le fait quil ait claire­ment vu le Caporal Kennedy boire un pousse-café constituait, pour lui, un événement mémorable, inhabituel et frappant, sachant que, quelques heures plus tôt, il avait personnellement entendu ordonner au Caporal Kennedy de ne pas consommer dalcool parce que le Caporal Kennedy était le chauffeur de fonction. Au moment du contre-interrogatoire, il a décrit à la cour, de manière désintéressée, ce quil avait vu, et il a déclaré se souvenir clairement de lincident. En ce qui concerne sa propre consomma­tion dalcool au moment il a été témoin de lincident, la cour ne voit aucune raison de discréditer ce quil a vu et ce quil pense sêtre produit. Il a raconté lincident à un ami de laccusé, le Caporal Arseneau, ainsi quà un supérieur qui se trouvait sur place, soit le Caporal Bowmaster, et peu de temps après, au Sergent Hughes. Il a simplement rapporté à lautorité compétente la désobéissance à un ordre, comme il devait le faire. [44] Le Caporal Bowmaster a témoigné de la même façon que le Caporal King, bien sil sagisse dun incident différent. Tout comme pour le Caporal King, le fait que le Caporal Kennedy ait bu une bière constituait, pour lui, un événement mémorable, inhabituel et frappant cette nuit-là, sachant que, quelques heures plus tôt, il avait personnellement entendu ordonner au Caporal Kennedy de ne pas consommer dalcool parce que le Caporal Kennedy était le chauffeur de fonction, et également parce quil avait été informé de la situation par le Caporal King. Au moment dêtre contre-
Page 11 de 14 interrogé par lavocat de la défense, il a décrit ce dont il avait été témoin et la confir­ avec fermeté et de manière désintéressée. [45] La cour voudrait ajouter quil na nullement été démontré, au cours du procès, que le Caporal King ou le Caporal Bowmaster ont agi par quelque esprit de vengeance ou par un genre de collusion. Les deux témoins ont comparu devant la cour de manière totalement désintéressée, et il semble quils ne faisaient quaccomplir leur devoir après ce dont ils avaient été témoins cette nuit-là. [46] LAdjudant Fudge a témoigné de façon franche. Il a clairement expliqué à la cour ce que signifiaient la publication et la notification de la directive invoquée dans la deuxième accusation. Il sagit dun témoin crédible et fiable. [47] Mademoiselle Watson a témoigné de façon honnête et franche, mais son témoignage nest ni fiable ni très déterminant pour ce qui est des faits cruciaux, même si elle na pas consommé dalcool cette nuit-là. Tout comme les autres témoins cités par laccusé, mademoiselle Watson na pas pu dire de manière irréfutable que le Caporal Kennedy navait pas consommé dalcool au cours de la nuit du 26 au 27 juin 2005 parce quelle navait, bien entendu, pas passé la soirée à lobserver. Elle était surtout pour passer du temps avec sa camarade de chambre et le Caporal Arse­neau. Selon sa version des faits, le Caporal Kennedy a passé presque toute la soirée du 26 juin 2005 pas très loin delle, mais elle ne sétait pas rendu compte quil avait quitté le fumoir pour aller au bar ou aux toilettes. De plus, il ny avait aucune raison particu­lière pour elle de se rendre compte que le Caporal Kennedy consommait de lalcool ce soir-là. [48] Le Caporal Arseneau a témoigné de façon franche. Il semble toutefois, selon la cour, quil a apporté plus de confusion quautre chose. Il a contredit le témoignage de sa fiancée, mademoiselle Watson, lorsquil a déclaré être arrivé au Cheers après elle, au début de la nuit. Même sil a passé le plus clair de son temps dans le fumoir, il na pas été en mesure daffirmer de façon catégorique si le Caporal Kennedy avait ou non consommé de lalcool. En ce qui concerne lincident relatif au pousse-café, il a déclaré, sans que rien ne lui soit demandé à ce sujet, quun verre de pousse-café avait été donné à sa fiancée, mais quelle ne lavait pas bu. Il na pas pu dire qui a bu le verre acheté par le Caporal Kennedy et laissé sur la table par sa fiancée. Comme il la déclaré par la suite dans son témoignage, le Caporal Arseneau était, logiquement, plus intéressé par mademoiselle Watson que par le Caporal Kennedy cette nuit-là. Il était plus inquiet pour la sécurité de sa fiancée que pour sa propre sécurité au moment le Caporal Kennedy les a reconduits au lieu dhébergement à la fin de la soirée. De plus, la cour ne comprend pas pourquoi le Caporal Arseneau a déclaré que le Caporal King et le Caporal Bowmaster lui avaient dit, avant lincident relatif au pousse-café, que le Caporal Kennedy avait consommé de lalcool, alors que le témoignage non contredit prouve clairement que cétait ce premier incident qui avait attiré lattention des deux
Page 12 de 14 caporaux sur la consommation dalcool du Caporal Kennedy. De plus, la cour naccorde que peu de foi au fait que le Caporal Arseneau a senti lhaleine du Caporal -Kennedy avant que ce dernier ne se mette au volant. Compte tenu de sa propre consommation dalcool, il nétait pas en mesure de déceler si une autre personne avait une haleine alcoolisée le soir en question. Il est également raisonnable de conclure que sa version des événements et sa compréhension générale de lincident sont quelque peu altérées par le fait que le Caporal Kennedy était lun de ses bons amis à lépoque. [49] La Caporale Richardson a témoigné de façon honnête et franche, mais son témoignage ne permet nullement détablir si le Caporal Kennedy a ou non consommé de lalcool, sachant quelle ne la vu que très brièvement, deux fois ce soir-là, pendant sept minutes en tout. [50] Le Caporal Kennedy a témoigné de façon hâtive et avec une certaine fran­chise. Il a fourni, sans que rien ne lui soit demandé à ce sujet, de nombreux détails sur ce quil a fait dans le fumoir, mais sans en préciser lhoraire. Curieusement, sur cette question en particulier, il na pas été en mesure de fournir à la cour son emploi du temps pour la soirée en cause, bien quil ait été contre-interrogé à ce sujet. Il a paru surexcité lorsquil a raconté avoir remporté, à deux reprises, de largent en jouant à un terminal de loterie vidéo. Il la été encore davantage lorsquil a parlé de son histoire avec la vendeuse de pousses-cafés. Son témoignage était, dune certaine manière, assez compatible avec les faits non contredits, sauf sur la question très précise de sa consom­mation dalcool. Il a fourni beaucoup de détails sur le fait quil a acheté et distribué des verres de pousses-cafés et de la bière dans le fumoir. Il sest montré très hargneux au sujet de ce qui a été déclaré par les témoins de la poursuite, surtout les caporaux King et Bowmaster et de lAdjudant Hughes. Il ressort clairement de son témoignage quil nétait vraiment pas content davoir été nommé chauffeur de fonction et quil avait prévu autre chose pour la soirée. [51] En tant que compagnon de chambre du Caporal Kennedy, le Caporal Hilson na pas permis déclaircir les événements par son témoignage. Au cours du contre-interrogatoire, il a clairement indiqué quil nétait pas en mesure de dire si le Caporal -Kennedy sentait ou non lalcool, le 27 juin 2005 au matin. [52] Le Caporal Firth a témoigné de façon franche. Toutefois, il na pas donné beaucoup de détails pour justifier le fait que lAdjudant Hughes avait une mauvaise réputation au point de rendre son témoignage non crédible. [53] Enfin, le Caporal Pierce a témoigné de façon calme et franche. Toutefois, au cours du contre-interrogatoire, il est devenu manifeste que son témoignage sur la réputation de lAdjudant Hughes nétait pas crédible.
Page 13 de 14 [54] En appliquant les critères énoncés par la Cour suprême dans larrêt R. c. W.(D.) cités ci-dessus et compte tenu de la totalité de la preuve présentée à la cour, la cour a des motifs pour ne pas croire laccusé et son témoignage, surtout pour ce qui est de sa consommation dalcool durant la nuit du 26 au 27 juin 2005, alors quil avait reçu lordre de ne pas consommer dalcool parce quil était le chauffeur de fonction du peloton du Corps de cornemuses du 2 e Bataillon du Royal Canadian Regiment . Par conséquent, la cour estime que la preuve présentée par le Caporal Ken­nedy nest pas crédible. [55] La cour examine maintenant le deuxième volet du critère énoncé par la Cour suprême dans larrêt R. c. W.(D.) cités ci-dessus. Après avoir tenu compte de lensemble de la preuve qui lui a été présentée, la présente Cour na aucun doute raisonnable au sujet du témoignage du Caporal Kennedy sur tous les éléments essen­tiels de linfraction de désobéissance à un ordre légitime. Au contraire, le témoignage du Caporal Kennedy confirme bon nombre de faits non contredits, notamment ceux exposés par les caporaux King et Bowmaster. [56] En dernier lieu, quant au dernier volet de ce même critère, compte tenu de la preuve présentée, la présente Cour est convaincue, hors de tout doute raisonnable, de la preuve de la culpabilité de laccusé en ce qui concerne linfraction de désobéissance à un ordre légitime dun supérieur. En réalité, il est manifeste pour la présente Cour, compte tenu de la preuve qui lui a été présentée, que le Caporal Kennedy a désobéi à lordre quil avait reçu. [57] Par conséquent, à la lumière de lensemble de la preuve, la poursuite a prouvé, hors de tout doute raisonnable, tous les éléments essentiels de linfraction de désobéissance à un ordre légitime dun supérieur. [58] De plus, tenant compte des conclusions de cette cour sur les éléments essentiels de larticle 83 de la Loi sur la défense nationale et leur application aux faits de la présente cause, la cour est convaincue que la poursuite s'est acquittée de son fardeau de preuve en établissant, hors de tout doute raisonnable, que laccusé avait désobéi à lordre donné par le Sergent Hughes. DISPOSITIF [59] Caporal Kennedy, veuillez vous lever. Caporal Kennedy, la présente Cour vous déclare coupable de la première accusation. Par conséquent, la présente Cour ordonne une suspension de linstance pour ce qui est de la deuxième accusation.
Page 14 de 14 LIEUTENANT-COLONEL L.-V. D'AUTEUIL, JUGE MILITAIRE Avocats : Major S.D. Richards, Poursuites militaires régionales, Région de lAtlantique Procureur de Sa Majesté la Reine Capitaine de corvette, M. Reeskink, Direction du service davocats de la défense Avocat du Caporal J. Kennedy
 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.